1) Dans le domaine écologique et géophysique

"Ces digues mobiles doivent se faire", affirme le professeur Philippe Bourdeau de l'Université libre de Bruxelles, qui préside le comité international d'experts nommé par le gouvernement italien pour évaluer le projet. "Les vannes mobiles, estime-t-il, sont, avec l'élévation du niveau du sol et les autres mesures prévues, le meilleur moyen de sauver Venise pour les 100 prochaines années".

Cette remarque est pourtant loin d'être évidente pour de nombreux autres acteurs qui trouvent avec des experts appropriés des arguments pour montrer que le projet MOSE ne sera pas si efficace que prévu.

Le débat a été long. En novembre 1998, la Commission d'évaluation de l'impact environnemental du projet, désignée par le ministère de l'Environnement et présidée par la professeur Maria Rosa Vittadini, de la Faculté d'architecture de Venise, a rendu un avis négatif et invité le Consortium à réexaminer tous les aspects du projet. Un mois plus tard, une commission ministérielle a publié un avis allant dans le même sens, qui a été annulé en juin 2000 par le Tribunal administratif régional de la Vénétie. Aux dernières nouvelles, lors d'une réunion d'experts qui s'est tenue à Rome en juillet 2000, Giuliano Amato, président du Conseil italien, a déclaré que la décision finale lui reviendrait et a assuré qu'il la prendrait en Conseil des ministres avant la fin de l'année 2000.

Sur la véritable capacité des portes du projet MOSE à retenir la montée des eaux

Certains critiques du projet MOSE, tells que Antonio Pirazzoli du CNRS, sont sceptiques sur la véritable protection des portes en cas de montée des eaux. Dans un article du magazine EOS, Pirazzoli indique que la conception des portes repose sur des résultats trop anciens en matière de montée du niveau de la mer et différents des dernières données apportées par l' IPCC (Intergovernmental Panel on Climate Change). De plus, il affirme que les concepteurs n'ont pas non plus pris en compte la baisse du niveau du sol par subsidence et l'influence de la pluie sur le système. Le projet MOSE risquerait ainsi d'être obsolète dans un siècle. Pirazzoli indique donc que le gouvernement italien devrait plutôt envisager des techniques douces comme l'élévation du sol dans la ville en attendant de trouver une solution plus sage. Dans le même numéro d'EOS, les défenseurs du projet MOSE Rafael L. Bras, Donald R.F. Harleman, et Paola Rizzoli du Massachusetts Institute of Technology commentent le point de vue de Pirazzoli. Selon eux les prédictions utilisées sont bonnes et ont même une marge de sécurité et quant au problème de subsidence, elle serait principalement due au pompage des eaux souterraines par l'industrie, donc dans la mesure où ce pompage a cessé, ce n'est plus un problème.

Mais à ce sujet des explications plus convaincantes ont été avancées par Randolph Guthrie, président de l'organisation Save Venice. La ville fait partie de la plaque géologique africaine Qui plonge sous l'Europe et fait plonger Venise à une vitesse de 2,5 cm chaque siècle. A long terme on envisage de pousser l'évaluation de cette vitesse à 4 cm par siècle.

En résumé, Bras et ses collègues mettent en valeur le fait que, les innondations devenant de plus en plus fréquentes, le coût de l'inaction serait plus grand que celui du projet MOSE. L'équipe de Bras est confiante envers les barrières marines du projet et fait remarquer que les portes pourront même rester plus longtemps fermées si le niveau monte trop. Mais ce dernier argument semble avoir aussi ses détracteurs…

Possible destruction de l'écosystème de la lagune

"Ces digues mobiles doivent absolument être évitées", répliquent Stefano Boato, les Verts, Italia Nostra, Greenpeace, Le Fonds mondial pour la nature (WWF) et d'autres organisations écologistes, qui affirment que le projet serait désastreux pour un écosystème aussi fragile. En effet selon eux les substances toxiques qui se sont accumulées risqueraient de détruire faune et flore. Mais c'est surtout la municipalité de Venise et le ministère de l'Environnement et du Patrimoine culturel qui en appellent au principe de précaution. Ils soutiennent qu'avant de prendre une décision au sujet de ces digues mobiles, il faudra rétablir l'équilibre géomorphologique, hydraulique et biologique de la lagune. Entreprendre, par exemple, le nettoyage des canaux commencé en 1998 (voir le I. 1)Des équilibres écologiques instables) et la surélévation du niveau du sol.

Pour comprendre quel impact sur l'écosystème de la lagune aurait telle fréquence de fermeture des portes marines, il est nécessaire de cerner d'abord le schéma du flux de l'eau et des taux d'échange à travers les bras de mer. Miroslay Gacic et ses collègues ont fait un premier pas pour sortir des conclusions. Leur recherche, publiée dans le magazine EOS, est basée sur une série de bornes surveillant le flux des eaux accrochées à des bateaux sur une période de 45 jours environ. Bien que les résultats ne soient que préliminaires, les auteurs concluent que le flux à travers les trois ports de Venise est principalement contrôlé par les marées. Ils ont aussi réussi à déterminer que les eaux de la lagune ont un taux d'échange d'environ un jour, ce qui signifie que la lagune est bien ventilée et rapidement nettoyée. Les chercheurs ajoutent que de meilleurs résultats seront obtenus après réception de données sur plusieurs saisons .

Giovanni Mazzacurati, ingénieur et directeur du Consortium Venezia Nuova (en charge du projet MOSE), va dans le même sens en indiquant que fermer les portes pendant moins de deux heures et demi transformera Venise en un bassin pollué et nauséabond.

Le problème du réchauffement planétaire

Des données récentes proposées par Italian National Research Council montrent que l'élévation du niveau de la mer (qui a été de 23 cm pendant le vingtième siècle) s'est remarquablement ralentie ces 25 dernières années. L'argument du réchauffement global contre le projet MOSE ne serait donc pas une explication valable de la " noyade " de Venise.

L'archéologue américain Albert Ammmerman pense quant à lui que les barrières MOSE seront inefficaces et rendront la lagune insalubre par ses considérations sur le réchauffement planétaire. D'un autre côté Paolo Canestrelli, chef du département des prévisions de Venise a dit ne voir aucune relation avec les tendances générals du climat. Qui croire ? Il semble y avoir aussi une réelle controverse à cet autre sujet qui complique la validation de l'un ou l'autre des points de vue.

Les mesures prises

Sous la pression de l'UNESCO les autorités municipales ont interdit l'extraction de gas naturel et le pompage de l'eau souterraine.

La restructuration des contours de la lagune est effectuée par reconstitution des velme, barene, et îles. On met aussi en place des plages artificielles pour leur pouvoir protecteur

Le Saclant Undersea Research Center étudie les schémas de mouvement des eaux en utilisant des capteurs acoustiques à certains points stratégiques des canaux en vue de réorganiser la navigation dans Venise.

La ville de Venise a aussi mis en place après une recherche scientifique un système de prévision de risque de montée des eaux qui donne une information deux jours à l'avance pour aider les habitants à se protéger des innondations.

Un pôle scientifique ?

L'UNESCO a suggéré de concentrer à Venise des centres de recherche scientifique qui pourront par la suite servir au monde entier. Venise espère ainsi augmenter son prestige et redynamiser son économie. La complexité du site de Venise serait en effet un gage de qualité des travaux en hydraulique par exemple de ces centres de recherche.