La Matière Baryonique.

 

 

-1- Introduction.

 

-2- Evaluation de la quantité de baryons dans l’Univers.

 

-3- Le phénomène de lentilles gravitationnelles.

 

-4- EROS et MACHO Project.

 

-5- L’hydrogène moléculaire.

 

Retour au sommaire.

 

 

-1- INTRODUCTION.

 

 

Aujourd’hui, la très grande majorité des spécialistes confirment l’existence de la matière noire, qui représente un pourcentage d’environ 90 % de la masse totale de l’Univers. L’hypothèse la plus simple pour chercher et se représenter cette masse invisible est d’envisager son existence sous la forme de matière que nous connaissons le mieux : la matière baryonique. Les baryons sont les protons et les neutrons. En fait, par masse baryonique, on entend l’ensemble de la matière telle que nous l’apercevons, tous les jours, autour de nous : cette même matière qui constitue la Terre, le soleil et nos neurones…

 

 

-2- Evaluation de la quantité de baryons dans l’Univers.

 

 

L’étude cosmologique classique permet dévaluer la densité baryonique dans l’Univers. En se basant sur la théorie du Big-Bang, on se place dans un passé très lointain, durant les premières minutes du Big-Bang, la nucléosynthèse primordiale se met en place : c’est le processus qui donne naissance aux éléments simples dans des conditions de température et de densité extrêmes. Les éléments Hydrogène, Hélium, Lithium, et Deutérium apparaissent dans l’Univers naissant. Les mesures actuelles des quantités relatives de ces éléments dans l’Univers nous donnent une idée de la densité baryonique de l’Univers. Depuis 1999, les physiciens s’accordent sur une valeur de densité baryonique de 0.019 +/- 0.002.

 

Cependant, l’expérience Boomerang ( Balloon Observations of Millimetric Extragalatic Radiation and Geophysics ) réalisé en 1998 a remis en question ce modèle classique cosmologique. Le projet consistait à envoyer un télescope de grande sensibilité de 1,2 mètre de diamètre suspendu à un ballon. L’engin télescopique a ainsi parcouru plus de 8000 kms en 1998 autour du Pôle Sud. On a ainsi pu cartographier les fluctuations dans le bruit de fond cosmologique, la lumière fossile qui s’est échappée de la soupe très dense et homogène qui existait 300 000 ans après le Big-Bang. Cette lumière nous parvient encor aujourd’hui et son analyse a fourni une nouvelle valeur de densité baryonique aux environs de 7,4 %  +/- 1%. Les résultats de l’expérience sont encore en analyse mais il semble aujourd’hui que cette valeur s’approche plus de la vérité que celle émise par le modèle cosmologique classique. Les deux mesures s’opposent principalement sur la date à laquelle elles sont faites puisque, dans un cas, on se projette quelques minutes après le Big-Bang, et dans l’autre cas, on se place 300 000 ans après le Big-Bang.

 

Quelque soit la valeur avancée, il semble qu’elle soit insuffisante pour expliquer la totalité de la matière noire. Cependant, il existe un vrai débat autour de la nature de  cette masse noire baryonique, les astrophysiciens ont de plus du mal à s’accorder sur la part que peut représenter la masse baryonique invisible par rapport à la totalité de la masse manquante. Ces valeurs oscillent de 0,1% à 20% suivant les cas. Cartographions les différentes théories et les différents chasseurs de baryons noirs.

 

 

-3- LE PHENOMENE DE LENTILLES GRAVITATIONNELLES.

 

 

Ce phénomène a été d’abord prédit par Einstein en 1936, comme conséquence de sa théorie sur la relativité générale. Cinquante ans plus tard, c’est B. Paczynski qui a eu l’idée de l’utiliser pour détecter la matière noire baryonique.

 

L’idée est la suivante : il faut observer le halo des galaxies où l’on soupçonne la présence de matière noire sous forme baryonique. On braque donc de puissants télescopes vers l’extrémité des bras de la Voie Lactée. On espère alors repérée la signature de la présence de matière noire, par la déviation qu’elle fait subir aux rayons lumineux d’étoiles situées en arrière-plan, dans le Petit et le Grand Nuage de Magellan, deux petites galaxies proches de la nôtre( à environ 190 000 années lumière ). La déviation des rayons lumineux est très faible et donc n’est pas détectable. En effet, cette déviation est de l’ordre de 10-3 secondes d’arc, et cette valeur est très inférieure à la résolution des télescopes actuellement utilisés qui est supérieure à la seconde d’arc. Cependant on constate un effet de loupe : l’intensité lumineuse de l’objet en arrière plan augmente pendant un certain temps, correspondant à l’alignement quasi-parfait de l’observateur de la masse noire et de l’objet brillant. Ce phénomène transitoire dure durant une période T telle que : T² a Masse lentille. Le phénomène est évidemment très rare : la probabilité qu’une étoile donnée dans le halo galactique soit l’objet, à t donnée, d’une amplification dépassant 30 % n’est que de 10-6 et il faut donc surveiller 30 millions d’étoiles, pendant plusieurs années pour multiplier les chances de visualisation des lentilles gravitationnelles.

 

La phase d’observation doit durer plusieurs semaines pour pouvoir tracer la courbe de Paczynski, traçant la luminosité reçue en fonction du temps. L’observation doit même se prolonger sur plusieurs années pour s’assurer que l’on n’ait pas détecté une étoile à luminosité variable plus ou moins périodique : ces dernières représentent 10 % des étoiles existantes. La différence peut se faire en observant la courbe évoquée plus haut qui doit être symétrique autour du maximum. A ce critère de symétrie, s’ajoute celui d’achromacité, la courbe doit être la même quelque soit la longueur d’onde. Enfin, la courbe doit répondre à un critère d’unicité du maximum. Il arrive même que ces trois critères soient insuffisants pour s’assurer que l’objet détecté soit effectivement une lentille gravitationnelle, c’est notamment le cas si l’événement est trop long, alors le mouvement de la Terre induit un phénomène de parallaxe dans les observations.

Monter un projet d’observation des lentilles gravitationnelles apparaît comme un projet fou puisqu’il demande un investissement en temps et en argent considérable. Il a pourtant été réalisé par différentes équipes européennes et américaines.

 

 

 

Exemple d’un phénomène de lentille gravitationnelle.

 

C’est la zone un peu floue qui révèle un excès de luminosité et donc la présence d’une lentille gravitationnelle.

 

 

-4- EROS ET MACHO PROJECT.

 

 

EROS et MACHO Project sont les noms des deux projets principaux qui ont été mis en place il y a une dizaine d’année par des équipes européennes et principalement américaines. Il faut également noter un autre projet de détection de lentilles gravitationnelles lancé par Paczynski, celui qui a eu l’idée d’utiliser les prévisions d’Einstein pour détecter de la matière noire baryonique.

MACHO signifie “Massive Compact Halo Objects”, c’est un projet américain auquel est associé des universités anglaise, australienne et canadienne. Il est dirigé par Charles Alcock, chercheur du Lawrence Livermore National Laboratory en Californie. Pour ce projet, c’est un télescope posté à Camberra qui a été utilisé, celui du Mount Stromb Observatory. EROS est un projet européen, le sigle signifie « Expérience de Recherches d’Objets Sombres ». Des chercheurs du CEA et du CNRS y ont participé et c’est notamment sous l’impulsion de Michel Spiro et de Alain Milsztajn que le projet a pu se concrétiser. A. Milsztajn est physicien à Saclay pour le CEA et M. Spiro est également physicien au CEA. C’est avec un télescope basé dans un observatoire de la Cordillère des Andes chilienne, à 2400 mètres d’altitude, que nos chercheurs ont scruté les Nuages de Magellan depuis 1990. Le projet devrait s’achever cette année. Avec ces deux projets s’est également construit un véritable réseau de communication entre les différents observatoires internationaux. Ainsi lorsqu’un objet était détecté, les observations étaient confirmées par différents astrologues du monde entier.

 

 

Ces expériences étaient ambitieuses comme on l’a dit du fait de la rareté du phénomène de lentilles gravitationnelles. L’investissement en capital et en temps a été, par conséquent, considérable. Les observations ont commencé dès 1990 et se sont poursuivis jusqu’à cette année. L’expérience ne s’est pas soldée d’un franc succès puisque beaucoup moins d’événements ont été détecté, que ce qui avait été prévu. Dans l’hypothèse où l’ensemble de la masse manquante aurait été constitué de masse noire baryonique, c’est une centaine d’événements qui auraient dû être détectés. En réalité, seulement une vingtaine ont été répertoriés : ce qui confirme les résultats avancés par la théorie cosmologique classique de nucléosynthèse primordiale et les mesures effectuées par l’expérience Boomerang en 1998. Il y a encore certains événements dont on n’est pas certain qu’ils s’agissent bien de Macho : il s’agirait peut-être d’étoiles à luminosité variable. Ce sont des lentilles de taille assez importante qui ont été détectées et non pas des microlentilles. Pour la plupart des phénomènes, les temps d’observation étaient compris entre un et deux mois. Par conséquent, les masses de lentilles observées doivent être comprises entre le quart et la moitié de la masse de notre soleil. Cette masse n’est pas caractéristique d’un objet en particulier et on ne sait pas aujourd’hui la nature exacte de ces objets noirs. Plusieurs hypothèses sont proposées sur ce sujet et nous y reviendrons un peu plus loin : nous verrons ainsi que les chercheurs des deux équipes ne s’accordent pas vraiment sur cet encadrement de la masse des lentilles gravitationnelles.

 

Tout d’abord, essayons d’éclaircir les oppositions entre les deux clans américains et français concernant les observations effectuées durant ces dix dernières années. La controverse porte ici sur l’emplacement des lentilles gravitationnelles détectées. Le problème est le suivant : les télescopes ont été pointés sur le halo plus ou moins sphérique de notre galaxie et ce sont les étoiles du Petit Nuage de Magellan et du Grand Nuage de Magellan qui ont joué le rôle des objets lumineux en arrière plan dont la luminosité a varié lors du passage d’une lentille. La première conclusion consiste à dire que ces objets se situent dans le halo galactique mais on peut aussi penser qu’ils s’agissent de petites étoiles des Nuages eux-mêmes. La conclusion des chercheurs de MACHO Project est que 20% des phénomènes observés correspondraient à des objets  baryoniques situés dans le halo de la Voie Lactée. Pour les chercheurs européens de EROS, les objets se situent tous dans les Nuages de Magellan et ce parce que les étoiles qu’ils ont observées sont très éparpillées et parce que EROS a relevé moins de microlentilles que le projet concurrent américain. Une autre observation diffère entre les deux projets : en effet, pour un objet qui serait situé dans le halo, le calcul de sa masse a amené les américains à penser à une naine blanche, i.e. une étoile morte. Ce genre de naines blanches est détectable simplement lors de son passage rapide dans une zone proche et c’est sur cette observation que les chercheurs ne sont pas d’accord. Pour EROS, rien n’a été constaté alors que pour MACHO Project, l’observation a confirmé l’hypothèse initiale… Le dépouillement complet des expériences permettra sans doute de trancher puisqu’il existe des différences de vitesse relative entre les deux hypothèses de localisation. On pense aujourd’hui que très peu de lentilles se situeraient dans le halo galactique : d’après le principe de Copernic généralisé, on conclut ainsi qu’il n’y a pas beaucoup de matière noire baryonique dans le halo des galaxies en général.

 

Une des autres questions qui préoccupe les astrophysiciens est la nature des Machos. Sont-ce des naines blanches, des naines brunes, i.e. des étoiles dont la pression interne n’est pas suffisamment importante pour enclencher les réactions nucléaires qui font rayonner les étoiles, ou des trous noirs, à moins qu’il ne s’agisse  de nuages froids d’hydrogène. L’hypothèse des nuages de gaz et de poussière pose des problèmes puisqu’en général on sait les détecter par d’autres méthodes. Ils forment des disques autour des galaxies. La possibilité de naines blanches pose problème dans la mesure où ces étoiles mortes seraient trop nombreuses et le temps écoulé pour qu’elles arrêtent de briller est beaucoup trop long. De nouvelles observations effectuées en 1996 par le télescope spatial Hubble a permis de voir qu’il n’y aurait pas plus de 10% de naines brunes dans le halo galactique. Ces petites étoiles d’une masse d’environ 0.1 * Msoleil sont en effet assez proche de nous et par conséquent sont détectables. Pour Joan Najita, chercheur au NAOA, National Optical Astronomy Observatory, à Tucson, les naines brunes représenteraient même moins de 0.1% de la masse du halo galactique. La dernière hypothèse avancée est celle des trous noirs créés lors de la naissance de la première vague d’étoiles massives. Cependant il existe des conditions très contraignantes sur la masse de ces trous noirs ( elle serait d’environ 10 fois la masse solaire). C’est pour éclaircir cette question que les projets ont été prolongés jusqu’à la fin de cette année.

 

Finalement, Alcock, Spiro et Milszatjn s’accordent pour penser que la contribution de la masse noire baryonique dans la masse manquante n’excéderait pas les 20% et que les halos galactiques ne seraient pas spécialement riches en objets de ce type. Alcock dit, à ce propos : « So we know that MACHOs do not make up most of the dark matter in the galaxy. »

 

 

-5- L’hydrogène moléculaire.

 

 

Une dernière voie de recherche de matière noire baryonique est explorée : il s’agit de l’hydrogène moléculaire. On suppose ici l’existence de nuage massif de particules n’émettant pas ou peu de rayonnement : par conséquent, il est quasi-impossible d’en détecter la présence. C’est le cas de nuage de H2 très froid, pense-t-on. Cette hypothèse permettrait d’expliquer la disparition de matière baryonique, sachant que l’hydrogène est un élément qui a été créé en quantité énorme lors du Big Bang. Des physiciens travaillant dans un programme de la NASA espère pouvoir détecter ces nuages avec des instruments très sensibles aux rayonnements X. L’hydrogène moléculaire est différent de l’hydrogène atomique bien connu, c’est pour cette raison qu’il est vraiment difficile de le détecter : on utilise notamment du CO comme traceur. Edwin A. Valentijn, du Kapteyn Institute de Groningen en Hollande a toujours été convaincu par l’explication (partielle) du mystère de la masse manquante par l’hydrogène moléculaire. Dès 1989, il a mesuré la brillance de 2500 galaxies spirales : il a constaté qu’elles étaient obscurcies par leurs propres poussières interstellaires. Le chercheur néerlandais a même dit : « S’il est bien établi qu’il existe dix fois de molécules d’hydrogène moléculaire que d’hydrogène atomique dans la spirale des disques, alors l’énigme de la masse manquante est résolue. » Cependant la détection qui avait été faite dans un premier temps avec ISO se situait dans le domaine de l’infrarouge alors que la détection optimale s’effectue dans le domaine de l’ultraviolet lointain. Ainsi en 1999, la NASA a envoyé un satellite avec le projet FUSE pour faire ces observations dans l’ultraviolet lointain, les longueurs d’onde sont de l’ordre de 100 nm. Les mesures sont loin de confirmer les premières effectuées : la situation en est restée là.

 

 

Aujourd’hui, on est quasiment certain que le mystère de la masse manquante est encore ouvert et en aucun cas résolu. Après la piste la plus simple de recherche de cette fameuse masse noire sous forme baryonique, les physiciens et astrophysiciens ont pensé à l’existence de particules plus exotiques.