Les enjeux de la controverse
"
La conscience de soi est-elle le propre de l'homme ? " La question semble
bien philosophique. Nous avons montré cependant qu'une approche scientifique
du problème existe même si les conclusions sont loin d'être
unanime. Cela s'explique en partie par le fait que la réponse à
cette question a des conséquences qui portent bien au delà de
la simple donnée objective. Si l'animal a une conscience, c'est l'une
des dernières barrières entre l'homme est la bête qui s'effondre,
et cela est loin de réjouir tout le monde. Contrairement à ce
que l'on pourrait penser, les églises n'en font cependant pas un cheval
de bataille. Le rapprochement de l'homme et de l'animal ne semble pas inquiéter
l'église catholique. En explorant internet, on ne trouve que les témoins
de Jehovah qui s'indignent, non pas tant du fait que les animaux puisent
avoir une conscience, mais de la perte de moralité qui accompagne cette
idée. En effet replacer l'homme dans un contexte évolutionniste
c'est donner crédit à ceux qui défendent que la tendance
de certains hommes à coucher avec un grand nombre de femmes est un instinct
qui vient de la selection naturelle. Ce qui leur inspire le commentaire suivant
" under certain circumstances immorality for women is also seen as natural
" ce qui est evidement difficilement acceptable. Il ne s'agit là
que d'un exemple, mais on voit que l'on s'éloigne facilement du problème
" technique " tout en restant dans ses conséquences directes.
Cette question a également
des application bien plus concrètes que l'unicité de l'homme,
notament l'expérimentation en laboratoire sur des animaux de tout ce
qu'on refuse de faire subir à l'homme. Car si les animaux sont vraiment
conscient, ils ne diffèrent des humains que par leur caractéristiques
physiques le degré de développement de leur intelligence, et s'ils
n'y a pas différence fondamentale nous séparant, ce que nous faisons
dans les laboratoire s'appelle de la torture
pour une critique plus complète
on se réfèrera au site vivisection.org. Le camps des défenseurs
des animaux est pleinement partie prenante de la controverse et est identifié
comme tel, il n'est pas homogène pour autant. On y trouve des extrémistes
dangereux qui n'hésitent pas à cambrioler des laboratoires ou
à incendier des abattoirs puisque c'est pour la bonne cause. A tel point
que le terrorisme antispéciste deviendrait un gros souci pour le FBI
(d'après un site qui dénonce les antispécistes). D'autre,
beaucoup plus pacifiques, milite pour le droit des animaux. C'est le cas du
Great Ape Project (GAP), organisme international qui réclame la reconnaissances
des grands singes (chimpanzés, gorilles, orangs-outans ) en tant que
personnes à part entière. Ils prônent l'adoption d'un cadre
légal qui assurerait les droits fondamentaux des membres de la "
communauté des égaux ". Pour ces gens la question du droit
des singes est beaucoup plus qu'une question théorique. Roger Fouts et
sa femme Deborah vivent avec cinq chimpanzés : Washoe une femelle à
qui il appris le langage des signes il y a trente ans et les quatre " enfants
" de Washoe. Il discute avec elle tous les jours, connaît par cur
son caractère, ses saute d'humeurs, il l'a soutenue pendant sa dépression
suite à la mort de son premier bébé
Washoe est vraiment
une personne pour Roger Fouts ,il suffit de le lire pour s'en convaincre. On
comprendra alors pourquoi les Fouts sont membres du GAP et ce que le droit des
singes peuvent signifier pour eux. D'autres défenseurs des animaux sont
plus modérés. Sans vouloir détruire le concept de condition
animale, ils militent pour plus de respect des animaux et tente d'imposer une
éthique de l'éthologies et de la science en général
vis à vis de ses sujets vivants. Jane Goodall, en est le parfait exemple,
après une longue expérience d'éthologue de terrain, elle
a fondé et participe à plusieurs comités d'éthiques.
A la défense des animaux se greffent d'autres combats, les
végétariens par exemple s'intéressent de très
près au Great Ape Project car un projet qui tente de faire reconnaître
des droits aux animaux va dans le bon sens et même plus, " Cela implique
nécessairement - même sans le dire - le végétarisme
Comme l'exprimait très bien David Olivier présentant le Projet
dans les Cahiers Antispécistes :
" Le Projet ne demande pas de cesser de manger de la viande ; en obtenant
de ce fait plus facilement l'adhésion d'un grand nombre de scientifiques
et d'autres personnalités reconnues ainsi que du public en général,
il fonctionne comme un cheval de Troie ".
On se trouve aussi face à des enjeu que l'on attendait pas là.
La cause féministe notamment, ne semble pas dépendre de cette
controverse, et pourtant
Suzan Hatty résume la controverse sur
la conscience animale en se concentrant sur les travaux de Povinelli. Elle considère
que les nombreuses oppositions à Povinelli ont des motivations politiques(
défense des animaux) et non pas scientifique car personne n'a produit
de contre argument solide à ses conclusions (Gallup n'ayant fait que
mettre en doute la validité des expériences). Hatty se base donc
sur les conclusions de Povinelli : Les singes se reconnaissent dans un miroir
mais ils n'ont pas d'empathie (capacité à se représenter
les états mentaux d'autrui) ils ne sont donc pas conscient d'eux même,
et leurs comportements sociaux s'expliquent sans recours à la conscience
de soi. L'ESPRIT HUMAIN EST DONC UNIQUE DANS LA NATURE.
On arrive alors au travail de Hatty : comment une telle exception a-t-elle pu
voir le jour ? 'L'empathie qui nous caractérise nécessite non
seulement la conscience de soi mais aussi la capacité de transposer nos
états mentaux à une autre personne. Ce qui met en jeu une capacité
de symbolisation. On rejoint alors Merlin Donald and Terrance Deacon qui ont
montré que c'est la capacité de symbolisation qui a singularisé
l'homo sapiens au cours de l'évolution. Hatty montre alors que l'apparition
de la capacité de symbolisation n'a pu naître que par sélection
sexuelle( par opposition à la sélection naturelle), résultat
qui concorde avec l'apparition de la bipédie. Elle explique ensuite que
cela implique que notre société a dû être " feme
dominated " (je ne me risque pas à traduire). Cette thèse
est renforcée par l'analyse de la naissance du symbolisme pictural à
l'ère paléolithique, où l'homme est représenté
uniquement par un phallus tandis que la femme est entièrement représentée,
tenant le phallus. Cela symbolise le rôle dominant de la femme dans la
reproduction et donc dans la sélection sexuelle. " When the feme
controls, possesses, or owns the phallus,(symbolized by her possession of the
serpent) she owns, controls, and possesses the male" écrit-elle.
Elle continue l'analyse de l'évolution du symbolisme du phallus à
travers les ages en la reliant à la thèse d'une société
feme dominated, tout en y mêlant des remarques clairement féministes
comme " we
were feme dominated for the period from the evolution of
bipedalism through and until the triumph of the male demonic
override of feme mate selection" L'enjeu semble donc être tout autant
la relation homme femme que la vérité scientifique. J'ai fait
ici une traduction/résumé/analyse d'un texte de Hatty qui présente
un raisonnement solide et étayé que je vous invite à lire
si vous n'êtes pas convaincus.
Un dernier enjeu que l'on ne peut omettre. En effet la recherche de la conscience
de soi chez d'autres espèces nous a amené à nous interroger
sur notre propre conscience. Ainsi on s'est aperçu que ce qui nous semblait
une évidence n'était pas acquis à l'homme de toute éternité.
La conscience de soi s'acquiert et se construit entre la première et
la seconde année de vie d'un humain. Autrement dit, nous naissons sans
conscience de nous même,et pourtant y a t il plus humain qu'un bébé
? Pour ceux que la conscience humaine intéresse, la psychanalyse offre
un nouvel enjeu à cette controverse, lisez donc Lacan sur le stade du
miroir, et bon courage