Le test du miroir chez les dauphins

Des études très récentes menées dans le cadre du " Delphis Project ", à l'initiative de Don White, président de Earthtrust, ont mis en évidence la reconnaissance qu'on ces cétacés de leur corps devant le miroir. Ils "réussissent" en effet le test de la tâche, comme résumé dans le tableau qui suit :

Les tests

On reproduit ici le compte rendu de recherche:

 

by Kenneth Marten and Suchi Psarakos

Dr. Ken Marten e-mail: porpoise@lava.net

Reprinted with permission from Cambridge University Press. All rights reserved.
from
Self-awareness in Animals and Humans: Developmental Perspectives.
Edited by Sue Taylor Parker, Robert W. Mitchell, and Maria L. Boccia.
Chapter 24, pp. 361-379. New York: Cambridge University Press, 1995.

Summary
Dolphins are big-brained, socially sophisticated mammals, socially and cognitively comparable to monkeys and apes in memory capacity, language comprehension, and other cognitive abilities (Herman, 1980). Their remarkable capacities suggest that dolphins, like apes, may come to recognize themselves in mirrors (e.g., Anderson, 1984; Gallup, 1970, 1982; Lethmate & Dücker, 1973; Suarez and Gallup, 1981). This chapter reports on the results of a series of studies utilizing a mirror to assess whether dolphins recognize contingent representations of themselves or use the mirror to examine an area of the body not otherwise visible that has been marked with a highly salient substance. We adapted the mirror mark test (Gallup, 1970) for use with the bottlenose dolphin. We employed several control conditions, including mirror without mark, no mirror and no mark, and first encounter between unfamiliar dolphins through a barrier. We also devised and conducted several new tests for self-recognition, tailored for dolphins rather than primates. These tests, which utilize self-view television and video playback, are summarized here. This chapter focuses on interpreting mirror-directed behavior (both marked and unmarked) by comparing it to the control data. We address the central question of whether the dolphins' mirror-directed behavior is social or self-examination. We also discuss the role of environmental, social, and individual influences on the test results.

Methods

Subjects and setting

Five dolphins, 6-14 years old, living at Sea Life Park, served as subjects of this study (Table 24.1). The groups of dolphins changed throughout the course of the research. The dolphins dwell in a two-tank complex (Figure 24.1). The laboratory has five underwater windows looking into the large tank. One window is a 1.2-m-diameter circle, which can be made into a large one-way mirror. Another window is 0.6 m x 0.6 m and houses a 20-in. Sony Trinitron color television that the dolphins can watch. Data were collected by videotaping the animals through the window or a one-way mirror with a Minolta S-VHS Series V-200 video camera. Notes on behavior were also recorded on an ongoing basis during testing. No food rewards were provided.

Subject

Age

(yr)

Sex

(a)

Origin and

subspecies

 

Mirror

mark

test

 

Mirror

expos.

before

first test

(hr)

(b)

Mark

test

mirror

size

(m)

body

part

marked

(c)

marked

with

Keola

 

 

14

 

 

male

 

 

CB,truncatus

 

 

1

2

3

<1

225

260

1.2

1.2

1.2

 

side

fluke

rost./stomach

ZO

ZO

Ich/GV

Hot Rod

 

 

6

 

 

male

 

 

CB,truncatus

 

 

 

1

2

3

 

<1

225

260

1.2

1.2

1.2

side

fin

melon/stomach

ZO

ZO

Ich/GV

Okoa 13 female WC,gilli

1

270 1.2 side ZO

Laukani

 

14

 

female

 

WC,gilli

 

1

2

80

84

0.8*0.7

1.2

side

melon

ZO

ZO

Itsi 13 female CB,truncatus 1 75 0.8*0.7 behind pec. fin GV

Bitsi

 

     

2

3

78

86

1.2

1.2

side

side

ZO

ZO

(a) CB, captive born; WC, wild caught.
(b) Single dimension is diameter.
(c) ZO, zinc oxite; GV, gentian violet; Ich, ichthammol.

 

--------------------------------------------------------------------------------
Apparatus

The mirror was a reflective aluminum-coated polyester Mylar film made by DuPont, which we applied to the window with soap and water. Viewed from the tank, it makes a perfect mirror, yet because of its one-way properties we were able to videotape the dolphins' mark tests through the same mirror from inside the lab. In some tests we covered the entire 1.2-m-diameter circular window with the reflective Mylar, while in others, we used a smaller 0.8 m x 0.7 m rectangle of Mylar in the same window (Table 24.1).

Procedures

Mirror mark tests. All dolphins had some mirror exposure prior to their first mark test. The dolphins were not isolated during their mark tests, and sometimes more than one animal was marked at a time. All but one of the dolphins had multiple mark tests. Table 24.1 presents information regarding the hours of mirror exposure prior to each mark test, the body part marked, and other relevant information.

Tableau des résultats

Table 24.2. Mark test results

Subject A B C D E F G H

Keola

 

 

1

2

3

5

0

17

13

0

35.5

13

0

15

5

NA

11

24

 

 

0.08

 

 

yes

 

 

Hot Rod

 

 

1

2

3

16

3

23

18

7.5

54.5

4

3

9

4

70

7

24

 

 

0.12

 

 

probably

 

 

Okoa 1 4 25 11 5 24&34.5 0.25/hr&0 yes

Laukani

 

1

2

12

3

14

11.5

12

8

10

48

34.5

 

0.06

 

yes

 

Itsi Bitsi

 

 

1

2

3

15

0

4

57

0

14

12

0

12

20

NA

46

34.5

 

 

0.03

 

 

possibly

 

 

A = Mark test
B = No. of deliberate visits to mirror
C = Total time in front of mirror with mark visible (sec)
D = Maximum single-visit time with mark visible (sec)
E = Latency to approach mirror after mark (min)
F = Mirror-no mark control: Length of sample analyzed (hr)
G = Mirror-no mark control sample: Maneuvering posture rate during sample (times/hr)
H = Did dolphin examine its mark in first mark test?

 

Pour en savoir plus sur cette étude, on pourra consulter le site http://www.earthtrust.org/delbook.html qui présente le compte rendu des recherches.

 

Résumé des résultats

Ainsi, les dauphins pourraient se reconnaitre dans un miroir et passer le célèbre test de la tache imaginé par Gallup. Il vont en effet vers le miroir s'examiner lorsqu'ils sentent qu'on les a marqués (le marquage se fait sans anésthésie). Une analyse vidéo des images enregistrées au cours des tests a mis en évidence que les dauphins adoptaient des postures particulières pour voir les tâches selon l'endroit où celles ci avaient été faites. Cependant, un dauphin ne peut se toucher, ce qui limite l'expérience. Comme le font remarquer Kenneth Marten et Suchi Psarakos dans leur rapport, ces tests sont malheureusement adaptés plus aux primates qu'aux dauphins. Il s'agit donc de mettre en place de nouvelles procédures. Pour l'instant, concluent les deux chercheurs avec prudence, on ne peut rien conclure. Cependant ces premières études donnent à penser que le dauphin pourrait avoir conscience de lui même.

 

 

remarques

Des études à poursuivre

Ces études remettent en question la distribution des rôles au sein du monde animal. Une espèce assez éloignée de la nôtre semble avoir atteint un devellopement cognitif et moral comparable à celui des grands singes. Ceci doit remettre en question le chimpocentrisme que dénonce Dominique Lestel dans " Sommes nous assez intelligents pour comprendre l'intelligence des singes ? "
Les oiseaux, comme les perroquets gris dont le fameux Alex, ont des capacités cognitives comparables aux primates et aux dauphins. Cependant, à notre connaissance, aucune étude n'a été menée sur leur éventuelle conscience d'eux mêmes.

Les dauphins, bien qu'évoluant dans un univers physique et psychique qui nous est inconnu, semblent posséder des capacités semblables aux primates. Pour comprendre ces mondes différents du nôtre, il faut compter sur de futurs tests, car pour l'instant, le nombre de travaux de ce type sur les dauphins est très réduit. Par exemple, on pourrait envisager des tests d'empathie. Pour l'instant, tous les doutes sont permis. Reste à espérer que de nouveaux tests verront bientôt le jour pour comprendre cette espèce aux facultés d'autant plus étonnante qu'elles dérivent d'une évolution différente de la nôtre..

 

Sur la fondation Earthtrust et le projet

La Fondation Earthtrust à l'origine du Project Delphis est une association basée dans le Pacifique sud. Ses préoccupations sont la conservation des dauphins et baleines en milieu libre et la défense de l'environnement local, riche, comme on le sait, en nombreuses espèces de cétacés.
Earthrust a également mis sur pied, "sans grands moyens ni soutien officiel de la part du monde scientifique", une initiative extrêmement audacieuse et originale" : le Projet Delphis.

L'organisation "Manon" pour la protection des cétacés décrit le projet et résume ses résultats ainsi :

"Le Projet Delphis a été lancé dès 1985 par le grand défenseur des dauphins Dexter Cate.
La construction du laboratoire d'observation sous-marin du Projet Delphis s'est achevée en juillet 1990 au Sealife Park d'Honolulu, Hawaï.
Les dauphins captifs utilisés pour cette recherche sont donc toujours sous la responsabilité de cette firme commerciale, qui a simplement accepté de les "prêter" aux chercheurs.
Les buts du Projet Delphis sont les suivants :

1. Sauvegarder les dauphins libres de l'holocauste dont ils font l'objet actuellement par le moyen des nouvelles connaissances acquises à propos de leur intelligence.
De vastes projets de conservation sont d'ailleurs entrepris en faveur d'autres cétacés par la Fondation.

2. Mener des recherches fiables sur le comportement et la cognition des dauphins, leur fonctionnement mental, etc. afin de livrer ces résultats au monde scientifique.

3. Enrichir l'environnement des dauphins d'ores et déjà captifs en leur offrant un moyen de se distraire de manière renouvelée et progressive.

Toutes ces recherches ont vivement suscité l'intérêt des médias anglo-saxons et japonais et ont même fait l'objet d'un reportage fascinant et drôle, animé par l'acteur Robin Williams en 1994.

Comment réagissent-ils devant l'image télévisée ?
Leurs réactions devant un écran vidéo submergé montrant l'image de leur propre bassin filmé de l'extérieur a été éclairante : les dauphins ont commencé à regarder leur entraîneur s'avancer sur l'écran avec un seau de poisson. Ils sont rapprochés de l'image, ont tenté de se saisir des petits poissons illusoires en pixels puis aussitôt, ils ont fait volte-face et ont filé vers la surface, à la rencontre du véritable dresseur et de ses vrais poissons !
En d'autres termes, les dauphins avaient compris que l'image qu'ils voyaient n'étaient que le reflet d'une autre réalité, extérieure, qu'ils se sont hâtés de rejoindre.

Les dauphins ont-ils conscience d'eux-mêmes ?
L'expérience fut poursuivie avec des vidéos montrant les dauphins eux-mêmes. La capacité à se reconnaître dans un miroir, d'y faire des grimaces ou d'inspecter des parties de son corps inaccessibles au regard en temps normal est réputé prouver l'existence d'une conscience de soi.
Inutile de dire que les dauphins ont aussitôt franchi haut la nageoire ce fameux "Test de Gallup" et qu'il se sont même montrés capables de distinguer les images filmées "life" des images pré-enregistrées."

Il faut relativiser l'enthousiasme de l'interprétation des résultats. En effet, comme on l'aura sûrement percu en lisant ces lignes, leurs auteurs sont très engagés dans la protection des dauphins, qu'ils justifient par les capacités extraordianires des dauphins.

Pour en savoir plus, on peut se reporter à l'adresse : http://www.manon.org/actuacet/miroir.htm

 

D'autres études

Signalons également d'autres tests du miroir très récents menés sur les dauphins, comme en rend compte la même organisation "manon" dans sa rubrique "actualité cétacés"

"Le dauphin, troisième espèce à se reconnaitre dans un miroir 2 mai 2001

Ils sont maintenant trois ! Trois espèces animales à reconnaître leur image dans un miroir, preuve de la conscience de soi et donc d'intelligence. L'homme en est un. Le grand primate (gorille et chimpanzé) est le deuxième…
Des scientifiques américains présentent, dans une étude publiée aujourd'hui, le dauphin comme ayant cette même aptitude, et faisant du mammifère marin, le troisième de cette courte liste.
Après toute une série de tests, la communauté scientifique de l'aquarium de New York aux Etats-Unis, a prouvé que le dauphin avait conscience de son image et se reconnaissait dans le miroir. En effet, après avoir marqué les dauphins à l'encre (délébile et non-toxique) sur la face et les flancs des dauphins, les scientifiques ont remarqué que ceux-ci observaient longuement les marques qu'ils avaient sur le corps dans les miroirs mis à leur disposition au fond du bassin.

Pour Diana Reiss, de l'université de Columbia et Lori Marino de l'université de Emory, auteurs de l'expérience, il s'agit bien d'un comportement révélateur d'une prise de conscience du "moi". "Cette trouvaille offre la première preuve tangible que des espèces non-primates comme le dauphin, sont capables de se reconnaître dans un miroir" ont-ils écrit dans leur rapport."