Le
Monde
Mardi 19 juin 2001, p. 2
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Rémunération des PDG : la transparence en pointillé
L'attribution des
stock-options sort un peu plus de l'ombre
GALLOIS DOMINIQUE
La loi sur la nouvelle régulation économique impose aux entreprises plus de transparence
La transparence ne vise plus les " dirigeants " au sens large. Désormais plus précise, elle concerne les " mandataires sociaux " et les " dix salariés non mandataires " ayant reçu le plus d'options. Les déclarations à effectuer sont aussi plus détaillées.
Jusqu'à présent, le système était régi par les recommandations de la Commission des opérations de Bourse (COB) émises en 1995. Le texte indiquait qu' " au-delà des éléments généralement fournis jusqu'à présent (nombre d'options, nombre de bénéficiaires), les sociétés sont invitées à préciser la part accordée aux dirigeants (nombre d'options destinées aux dirigeants, nombre de dirigeants concernés) ". La loi sur les nouvelles régulations économiques (NRE), promulguée en mai, va au-delà. " Un rapport spécial informe chaque année l'assemblée générale ordinaire des opérations réalisées. " Ce document doit rendre compte " du nombre, des dates d'échéances et du prix de souscription et d'achat d'actions " consenties par la société et aussi " le nombre et le prix des actions qui durant l'année ont été souscrites ou achetées " grâce à la levée des options. En clair, les mandataires sociaux et les dix salariés les mieux lotis en matière de stock-options devront déclarer combien ils en ont reçues et les ventes qu'ils ont effectuées.
Le texte change fondamentalement la donne même s'il s'intègre dans un environnement en mutation qui reste cependant flou. " On va vers une démocratisation de plus en plus forte en France dans l'attribution des stock-options ", estime Dominique Delamare, directeur général de Stock-Option. " On estime aujourd'hui dans les grands groupes à près de 2 000 personnes dans chaque société les bénéficiaires de ces produits, alors qu'on en dénombrait quelques centaines voici trois ou quatre ans. " La start-up qu'il dirige a été fondée voici un an par l'ancien président d'Elf, Philippe Jaffré. Son site Internet Stock-option.fr propose des conseils et des services dans ce domaine, et analyse le comportement des entreprises, à partir de la publication des rapports annuels. Au vu des rapports publiés en 1999, elle a établi " un palmarès de la transparence " des 33 sociétés du CAC 40 proposant des stock-options.
Parmi les critères retenus figurent le clarté de l'information publiée, son accessibilité, les dates de début de levée et d'expiration des options, le nombre de bénéficiaires selon les différents plans, les dirigeants concernés, le nombre total d'options restantes, dont celles détenues par les dirigeants. Seules quelques sociétés intègrent l'ensemble de ces données. Les premières du classement répondant au mieux à ces critères ont été AXA, Lafarge, PPR, Accor, Casino, le Crédit lyonnais, Lagardère, la Société générale et Thalès. Aux derniers rangs figurent Cap Gemini, STMicroelectronics, Danone, TF1, Carrefour et TotalFinaElf.
Pour Dominique Delamare, il est trop tôt pour connaître le cru 2000. Premier constat, 37 des sociétés du CAC 40 ont attribué des stock-options cette année. " Le rapport Lafarge est parfait, c'est un modèle du genre. Par contre dans celui de BNP-Paribas on ne connaît pas la part attribuée aux dirigeants, ni le nombre d'options et le nombre de dirigeants bénéficiaires. "
La principale critique opposée à cette transparence imposée tient à la publication des noms des dix salariés ayant reçu dans l'année le plus de stock-options. Lors d'un séminaire à l'université Dauphine à Paris, le patron de Thomson Multimédia, Thierry Breton, a souligné les risques, dans certains pays, d'une telle personnalisation, pour un groupe à dimension mondiale. Tout en reconnaissant que la loi va dans le bon sens, il estime préférable de limiter l'obligation de déclaration aux Français. Car, selon lui, la population, notamment dans les pays en voie de développement, n'a pas forcément la maturité suffisante sur ces sujets. D'autres responsables évoquent la difficulté qu'ils auront à attribuer des stock-options de manière importante et publique à un salarié sans provoquer la jalousie de ses collègues. Cependant, en France, les cas devraient être marginaux. Selon les premières estimations dans 90 % des cas, les dix principaux bénéficiaires salariés de stock-options se confondront avec les dirigeants ou les mandataires sociaux. Les exceptions se trouveront dans les compagnies aériennes et les banques avec les pilotes et les traders. Pour l'Association française des entreprises privées (AFEP), les exigences de la loi en matière de stock-option, ont été mal élaborées, les données exigées n'ayant guère de significations, à en croire l'organisation patronale.
" Le système existant était satisfaisant et répondait bien aux demandes du marché, estime de son côté Gérard Rameix directeur général de la COB. L'épargnant doit avoir une vue précise des risques de dilution potentiel du capital d'une entreprise liés à l'exercice des stock-options. A chaque opération en Bourse, nous analysons l'impact d'une dilution qui peut augmenter de 5 à 10 % le capital d'une entreprise. Nous faisons des avertissements si nécessaire. " Concernant la transparence des bénéficiaires, explique-t-il, " nous avions engagé une réflexion pour l'étendre aux membres du conseil d'administration. Le Parlement s'est emparé du sujet et en a décidé autrement ".
La loi sur la nouvelle régulation économique étant d'application immédiate, les entreprises doivent désormais intégrer ces nouvelles normes dans leurs publications lors de la présentation de leurs comptes annuels et si elles souhaitent faire appel au marché. Dans cette perspective, la COB s'apprête à éditer les formulaires nécessaires. Il faudra attendre l'année prochaine, la tenue des assemblées statuant sur les comptes 2001 pour voir si les entreprises appliquent la loi et présentent un rapport spécial sur les attributions d'actions. En cas de non-présentation, elle n'encourt aucune sanction pénale. Le seul recours est une demande d'annulation de l'assemblée ou du vote des résolutions par un ou des actionnaires. Un risque qui pourrait coûter cher en termes d'image au nom de la transparence.
Catégorie : Actualités
Sujet(s) uniforme(s) : Banque
centrale, banques et services bancaires; Bourse et marché des changes; Fusions,
acquisitions et offres publiques d'achat
Sujet(s) - Le Monde : LOI;
PATRONAT; SALAIRE; STOCK
OPTION
Taille : Long, 720 mots
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Doc. : 20010619LM776273