le statut de la Lune
l'arnaque de Dennis Hope
le statut refusé à la Lune
dates-clés

La Lune,
une res communis



    On a commencé à se préoccuper du statut de l'espace aérien quand l'Homme a été en mesure de voler. En 1910, la Conférence de Paris n'a pu décider s'il fallait choisir entre la position française qui en préconisait une libre utilisation au-delà d'un certain niveau, et la position anglaise qui reconnaissait la souveraineté d'un Etat sur l'espace situé au-dessus. Après la Première Guerre Mondiale, la Conférence de Paris de 1919 a décidé sans discussion d'étendre le territoire d'un Etat du centre de la Terre à l'infini au-dessus.
Ce n'est qu'en 1963 qu'a été distingué l'espace aérien de l'espace extra-atmosphérique. C'est ainsi que, par le Traité de l'Espace de 1967 , la Lune et les autres Corps Célestes sont devenus "res communis".
 
Qu'en est-il alors de cet Américain qui prétend posséder la Lune et même la vendre? En 1980, Dennis Hope s'est proclamé Président du Gouvernement Galactique, a créé l'Ambassade Lunaire,  et son entreprise The Moon Shop (Luneimmo en France) vend des parcelles de Lune à qui veut. Pour la modique somme de $19.99 + $1.51 (taxe lunaire) + $10.00 (manutention et envoi), vous pouvez recevoir un acre de propriété sur la Lune. Ont déjà été vendues plus de 320 000 parcelles, dont à Clint Eastwood, à Ronald Reagan, et à un supermarché Géant; en 2001, l'entreprise aurait réalisé un chiffre d'affaire de 4 millions de dollars.
Dennis Hope prétend être en possession de "toutes les bases légales et du copyright pour la vente de propriétés lunaires", et que sa requête a été validée par un juge de Californie et enregistrée auprès des services de police de San Francisco.

 

    Son argumentaire s'appuie sur le fait que le Traité de l'Espace mentionne qu' "aucun gouvernement" ne peut émettre de revendication territoriale concernant la Lune, et donc que ce traité ne s'applique pas au cas d'une personne privée.
Or, nous avons rencontré Armel Kerrest (professeur des Universités, Institut de Droit des Espaces Internationaux et des Télécommunications, Faculté de Droit de l'Université de Bretagne Occidentale). L'entreprise de Dennis Hope n'est en réalité qu'une vaste escroquerie qui ne s'appuie sur aucune base juridique fiable: son interprétation abusive du Traité de l'Espace ne satisfait ni au statut de res communis défini, ni au droit de propriété qu'il revendique. Si aucun Etat ne peut se rendre propriétaire de la Lune, alors il est rigoureusement impossible qu'un particulier le soit.

    Dennis Hope prétend de surcroît que l'ONU reconnaît son droit puisqu'aucune action n'est menée à son encontre et que l'ONU a même accepté les parcelles de Lune qu'il avait envoyées. Là encore, son argumentaire est douteux, et Armel Kerrest nous explique que l'ONU n'a tout simplement même pas dû remarquer le colis ni daigner donner suite aux lettres de revendications de Dennis Hope.
Si aucune sanction n'est prise à ce jour, c'est uniquement parce que les Etats-Unis n'ont pas jugé cela nécessaire! Personne ne s'est pour l'instant penché véritablement sur le sujet, mais Armel Kerrest nous souligne que ça ne saurait tarder.

    D'un point de vue juridique, notons que Dennis Hope est responsable de ses actes devant les Etats-Unis, et absolument pas devant l'ONU. De par ce statut de res communis (et non pas de patrimoine commun de l'humanité) aucune organisation internationale ne peut chapeauter les signataires du Traité. De fait, les signataires ont juste un droit de regard, et les Etats-Unis n'ont aucun compte à rendre. Cependant, la France par exemple pourrait faire pression pour que des mesures soient prises par les Etats-Unis, et il leur serait dans ce cas diplomatiquement risqué de refuser mais juridiquement envisageable
.
 
 


"Patrimoine commun de l'humanité",
un statut refusé à la Lune



    Un traité ultérieur au Traité de l'Espace a été proposé, revendiquant pour la Lune le statut de "patrimoine commun de l'humanité", l'autre statut international envisageable: il s'agit du Traité de la Lune de 1979 . Le problème qui se posait alors était de définir qui pouvait représenter l'Humanité de la façon la plus efficace et la plus acceptable possible, en tant que propriétaire de la Lune et pour y réglementer les activités; mais ce problème avait déjà été rencontré et résolu auparavant dans le cas du fond des mers. Ce qui a réellement bloqué l'acceptation de ce traité est qu'il interdit toute activité privée sur la Lune -pour pallier à d'éventuelles initiatives du type de celles de Dennis Hope-, ce qui signifie que si par exemple on était techniquement en mesure de miner la Lune et qu'on y découvrait du pétrole ou des réserves considérables d'un minérai précieux, alors aucune compagnie ne pourrait se charger de l'extraction et les ressources éventuelles devraient être laissées à l'abandon.
Finalement, pour ces raisons, le Traité sur la Lune n'a été ratifié que par 9 pays à savoir l'Australie, l'Autriche, le Chili, le Mexique, le Maroc, les Pays-Bas, le Pakistan, les Philippines et l'Uruguay.

    Les deux traités sont aujourd'hui en vigueur, et même si le Traité sur la Lune est sans valeur juridique stricte pour les états qui ne l'ont pas ratifié, il a tout de même un poids sur la scène internationale puisqu'il peut-être utilisé pour témoigner d'un état d'esprit de l'époque et appuie en ce sens le Traité de l'Espace, ce qui rend les activités de Dennis Hope encore plus injustifiées.
 


1919 Conférence de Paris
-extention du territoire d'un Etat à l'infini au-dessus
1963 distinction entre espaces aérien et extraatmosphérique
1967 Traité de l'Espace
-statut de res communis (ratifié)
1979 Traité de la Lune
-statut de patrimoine commun de l'humanité (non ratifié)

 

    L'exemple de la Lune est dès lors nécessaire pour se rendre compte qu'une règlementation très précise est mise en place sur un plan international et qu'aucun dérapage n'est légalement possible. Le statut de l'Antarctique a été gelé non pas à cause d'une faille juridique, mais bel et bien à cause de la controverse qui porte actuellement sur les revendications des Etats.