Cancers de la Thyroïde en France :
les malades portent plainte !

Le 1er mars 2001, l’Association Française des Malades de la Thyroïde (AFMT), la CRIIRAD1 et 51 malades de la thyroïde2 ont déposé une plainte contre X estimant que la gestion des retombées radioactives de Tchernobyl par les autorités françaises (sous- évaluation de la contamination, absence de mesures de protection, défaut d’application des normes...) était à l’origine d’un surcroît de pathologies, en particulier de cancers de la thyroïde.

Le ministère public a considéré que les éléments de preuve présentés par les plaignants étaient suffisamment étayés pour nécessiter l’ouverture d'une information judiciaire. C’est une étape très importante qui va entraîner la nomination prochaine d’un juge d'instruction. Bien que déçue de la qualification retenue par le Parquet - délit d’atteinte involontaire à l’intégrité des personnes - la CRIIRAD tient à souligner que l’avis du ministère public ne préjuge pas de la décision du juge qui instruira dans le cadre des arguments et éléments juridiques contenus dans la plainte du 1er mars.

Une habitante de Montgiscard (Toulouse) témoigne

«On a tous dans notre entourage une personne qui souffre de la thyroïde depuis Tchernobyl», assure Isabelle Mesas, une habitante de Montgiscard, dans la banlieue sud-est de Toulouse. Elle en a compté trois dans sa rue. Quatre dans le village de son enfance, Montlaur, dans l’Aveyron. La jeune femme a rejoint l’Association française des malades de la thyroïde en avril dernier. Elle est devenue depuis déléguée de la Haute-Garonne. Et elle a entamé une sorte de recensement: «Je connais trois personnes atteintes des mêmes symptômes à Escalquens, plusieurs à Gratentour, toujours dans la banlieue toulousiane, et une dizaine à Marseille qui habitent la même rue.»
Au bout du fil, le jeudi matin (jour de permanence), «beaucoup de Corses et de Suisses et aussi des gens de la région commencent à se manifester», observe-t-elle. Elle-même attribue son état de santé actuel, à la catastrophe nucléaire du 1er mai 1986. Le nuage radioactif avait épargné le territoire français, expliquaient à l’époque les autorités françaises. A ce moment-là, en Allemagne, en Italie, en Suède au Danemark, aux Pays-Bas, la consommation de lait et de légumes frais était interdite.

A Montgiscard, Isabelle Mesas se croyait à l’abri. Elle a poursuivi son régime à base de légumes du jardin. Cette dernière ignore toujours si son potager est contaminé. Mais elle cherche aujourd’hui à savoir si l’origine de sa maladie est liée à Tchernobyl.

12 plaignants dans la région

«Je n’ai pas encore déposé plainte mais je n’écarte pas cette possibilité», dit-elle. Une centaine de malades de la thyroïde ont franchi le pas récemment. Cent soixante-cinq nouveaux dossiers vont être déposés à la rentrée auprès du parquet de Paris par l’AFMT. Les plaignants accusent les autorités françaises de désinformation. Parmi eux, une douzaine d’habitants de la région Midi-Pyrénées. Début juillet, quinze ans, après le passage du nuage de Tchernobyl, une information a été ouverte et le juge d’instruction Marie-Odile Bertella-Geffroy enquête. Chantal Lhoir, la présidente de l’association, déclare: «Des perquisitions ont lieu actuellement dans certains ministères, dont le ministère de l’Environnement. Cela signifie qu’une action citoyenne est enfin engagée». Isabelle Mesas se sent mieux comprise. «J’ai le sentiment en côtoyant d’autres malades qu’il nous est arrivé la même chose. C’est pour ça que j’ai adhéré à l’AFMT. Je veux aider ceux qui sont concernés et qui ne s’en doutent pas forcément».

Depuis 1997, début de sa maladie, la vie d’Isabelle a changé: «J’ai subi une première intervention chirurgicale. Je vais à nouveau être opérée en octobre. Je passe par des périodes de tensions insupportables et d’abattements profonds». Sa santé s’est inexorablement dégradée en dépit des traitements: «J’ai renoncé à mon projet professionnel. Je voulais crééer une société de transport de proximité pour les personnes âgées». Ses forces, elle les garde maintenant pour ses quatre enfants et son combat au sein de l’AFMT. Elle pressent qu’il sera long. «Ce n’est pas pour l’argent. Ce qui nous importe, c’est la vérité. Sinon, on ne reconnaîtra jamais notre maladie», souligne-t- elle. Elle poursuit: «Moi j’ai de la chance. Je n’en suis pas au stade du cancer. Ma famille me soutient. Pour d’autres, c’est plus dur!»

La thyroïde du gibier

Par ailleurs, l’association française des malades de la thyroïde lance un appel aux chasseurs. Elle va faire procéder à des analyses de la thyroïde de gibier et s’intéresse en particulier à la thyroïde des sangliers.

Cyril Schönbächler

Source : La dépêche du Midi, Andrée Brassens, 12.08.01 et CRIIRAD

1) Commission de recherche et d’informations indépendantes sur la radioactivité
2) A ce jour environ 170 plaintes de malades ont été déposées ou sont sur le point de l’être. www.criirad.com

Association française des malades de la thyroïde, 82700 Bourret, Contact: 05.34.661.163.

 

PAGE PRECEDENTE            PAGE ACTEURS