Interview de Rémy MARTIN, président d’ UMINATE et du Comité de Défense Contre le Barrage de Charlas
Origine du Comité :
« Le Comité est né de riverains des communes de Saman et de Sarremezan, en 1983. En 97-98, on a plus travaillé sur le fond, en s’attaquant plus à la justification, plutôt que de vouloir repousser le projet dans la vallée d’à côté. Il n’y a pas de justification automatique d’une telle retenue. »Philosophie du Comité :
« En fait, deux visions s’opposent, l’approche « tuyaux », où l’on règle des problèmes de débits de façon mathématique : on en stocke quand il y en a trop, et on en remet quand il en manque. Ca marche, bien sûr, mais encore pas tant que ça, parce que si on accepte ça, on cautionne le fait que les consommations s’envolent étant donné qu’à chaque fois qu’on rajoute de la demande, on crée un réservoir supplémentaire. En Adour Garonne, on est passé de 65 millions de m3 à plus de 400 millions en trente ans. Créer des barrages ne règlera pas le problèmes des sécheresses, on le voit dans les documents du SMEAG : malgré ces retenues il y a de plus en plus d’années où on est dans le rouge. »Les solutions proposées :
« Ensuite, il y a notre vision, partagée par beaucoup de monde, qui consiste à adapter les consommations à la ressource, c’est à dire être contre l’irrigation aveugle qui est engendré par le système de primes. La deuxième chose qu’on propose, c’est la répartition naturelle des eaux dans les bassins. Restaurer les haies et les prairies permet aux sols de capter l’eau, et par résurgence de la redonner à la rivière : c’est ce qui fait que la rivière a de l’eau en été, même quand il ne pleut pas. C’est un soutien d’étiage naturel. Depuis les trente dernières années, les sols ont été imperméabilisés (soit par le goudronnage, soit avec des champs de maïs qui sont nus l’hiver et le printemps). Ainsi, les terrains sont ravinés, l’eau va directement dans la rivière, et la nappe d’accompagnement n’est pas suffisamment alimentée en hiver, la rivière est donc sèche en été. Le blé ou d’autres cultures provoquent moins d’érosion. Tout le monde le sait. »Les problèmes rencontrés par l’association :
« Il y a deux lobby agro-industriels : celui de l’agroalimentaire pour lequel la quantité est importante, et celui des élus ruraux en Midi-Pyrénées qui ont peur de prendre des décisions comme l’arrêt de la culture intensive (ce qui n’est pas contre l’agriculteur). Ceux qui s’occupent des rivières, c’est EDF parce qu’ils la turbinent, les agriculteurs, les pêcheurs et collectivité à cause de lois. A part ceux-ce, il y a un désintérêt de la population pour les questions de l’eau. Le problème de l’eau en Midi-Pyrénées et en Adour –Garonne est un problème essentiel puisqu’on est en zone déficitaire, alors que c’est naturellement une région qui ne manque pas d’eau. Par exemple, en Provence, ils ne manquent pas d’eau puisqu’ils adaptent les consommations aux ressources.
Le Conseil Régionale Midi-Pyrénées s’engage pour agir pour régler cette situation ; quant à Charlas, ils attendent des études complémentaires. »
Q’en est-il des autres consommations ?
« Au niveau des industries, à Toulouse il n’y a pas grand chose : il n’y a que Golfech qui pompe beaucoup. Au niveau de l’eau potable, on voit que ce n’est pas déterminant : si la population de l’agglomération Toulousaine augmente de plus de 30 %, on passera d’un prélèvement de 3 m3/s à 4 m3/s sur la Garonne. Même le SMEAG qui porte le projet Charlas dit que l’argument de l’eau potable n’est pas pertinent. »Quels sont vos partenaires ?
« On travaille avec le FNE, avec les pêcheurs, avec la Confédération Paysanne en Haute-Garonne, Attac, WWF, Les Amis de la Terre, Adour Eau Transparente. «Le projet est-il viable financièrement ?
« Côté financier, Charlas est irréalisable. Est-ce qu’on met de l’argent à Charlas, ou ailleurs ? Par ailleurs, une question centrale est : « Est-il utile pour la collectivité de financer un ouvrage comme celui de Charlas ? ». Il ne s’agit pas de ne rien faire, mais si on fait Charlas, rien d’autre ne sera fait. Il faut de l’argent pour faire des sols perméables, et des aides pour restaurer zones humides et prairies. Par contre, il manque des études sur ces sujets, ce que l’on déplore. Il faut faire travailler beaucoup de disciplines entre elles, hydrologie, géologie, biologiste, etc.… On peut aussi travailler avec du bon sens, en faisant des comparaisons entre terrains perméables et imperméables, en se basant sur des exemples. »Les impacts environnementaux seraient-ils importants ?
« Le fait de contester les impacts environnementaux de ce projet présuppose qu’on en accepte l’utilité. Or, c’est d’abord sur le fond que nous le contestons. C’est pour cela que l’on ne rentre pas trop sur ce terrain. Il est cependant certain que les conséquences seraient importantes et inacceptables. »
Le débat public a-t-il été positif ?
« Pour Stop Charlas, le débat public a été très satisfaisant, puisqu’on a eu une tribune inespérée (50 % du temps de parole). Le débat public est une procédure fantastique, bien que perfectible. Ici, la commission a été formée d’élus, donc des gens sous influence. L’arbitre était un ancien joueur, donc le débat a été biaisé. Au niveau de la participation, on peut déplorer le faible engagement des représentants de l’Etat, des élus et des médias. Il n’y a eu que les élus favorables au projet qui ont parlé, sauf les verts et le maire de St Gaudens. »A quel point la population est intéressée par la question du barrage à Charlas ?
« Charlas 2000 [association de riverains favorable au projet] a cinq adhérents, ce n’est rien d’autre qu’un faire-valoir politique pour pouvoir dire « les riverains veulent le projet ». La majorité des riverains est indifférent au débat, bien que certains auront la digue à 150 m de chez eux… Pas mal de gens sont pour, à Charlas, mais cela fait vingt ans qu’on leur dit que le barrage va se faire, il y a donc une sorte de lassitude. »