INTRODUCTION
Doit-on dire que les théories du complot sont des controverses ou des simulacres de controverse ?
Une controverse usuelle fait se confronter autour d'une décision politique concernant la vie publique plusieurs types d'acteurs sociaux : des scientifiques, des citoyens néophytes, des associations de défense de certains droits civiques, ... Ici, ce n'est pas une décision officielle mais la « conclusion » officielle d'une enquête, ou la « version » officielles d'un évènement public troublant qui est controversée. Cette controverse, quoique particulière, implique elle aussi des journalistes, des citoyens, des associations de défense de la liberté d'expression aux engagements politiques plus ou moins marqués, et même des experts scientifiques.
Mais les théories du complot sont différentes de la controverse sociotechnique dans l'histoire de leur naissance. Alors que la conclusion d'une enquête constituerait la fermeture d'un débat de controverse usuel, elle est ici à l'origine de l'ouverture d'une polémique menée en général d'abord par une minorités d'acteurs, qui avancent des arguments de deux sortes pour remettre en cause la version officielle :
l'analyse critique détaillée des éléments de l'enquête ; il s'agit de douter systématiquement du système de preuves présentées par les autorités, d'y trouver des contradictions. Scepticisme ou rationalisme ? Vrai ou fausse démarche scientifique ?
la démarche pseudo technique ci-dessus doit étayer des présupposés sociaux qui fondent la thèse du complot : les autorités (police, services secrets, fonctionnaires d'états) auxquelles sont prêtés des pouvoirs sans bornes, mentent sur des évènements qui, de par leur gravité leur singularité, leur contexte mystérieux suscite des questionnements … et des scénarios de science-fiction.
C'est bien là ce qui différencie la théorie du complot des autres controverses : elle prétend utiliser les mêmes outils scientifiques, non pas pour soutenir des vérités techniques, mais des thèses qui relèvent de l'imagination, du rocambolesque, parfois même du paranormal et qui nient des évidences historiques. Rappelons que le négationnisme est l'exemple le plus brûlant d'une théorie du complot …
Ce n'est pas à l'ensemble des partis de la controverse que nous nous intéressons, mais uniquement à celui qui soutient la théorie du complot, et il apparaît évident qu'une telle analyse nécessite un minimum de parti pris critique à son égard. De quels préjugés sociologiques, de quels mécanismes psychologiques naissent les théories du complot, et comment les « conspirateurs » (partisans de la thèse du complot) l'utilisent pour convaincre ? Quels types de preuves sont utilisés dans la démonstration logique de la thèse du complot ?
Notre investigation a été sous-tendue par la méthodologie suivante : choisir un échantillon de théories du complots typiques, couvrant un panel de contextes historiques et géographiques large. Des pages du site sont à disposition pour présenter les exemples de façon générale pour que vous ayez toutes les clés en main.
Il nous a fallu arriver dès lors à définir les « ingrédients » ou points communs à ces théories du complot, comme les sociologues qui ont recherché les critères de définition des controverses sociotechniques. Ces points communs sont analysés dans la partie la plus importante du site. Des définitions et une interview du sociologue Pierre Lagrange complète notre réflexion personnelle.
Il ne vous restera plus alors qu'à appliquer la recette pour créer votre propre théorie du complot … aux risques et périls de votre conscience…