Interview de Carole Fouque et de son collègue

 

 

CF : Carole Fouque

C : collègue

M : Maxime

D : Damien

Siège de l’ONCFS, avenue de Wagram, le 16 juin 2005.

C : En fait, le chasse après la guerre, après le dernière grande guerre 39-45, il y avait beaucoup de chasseurs qui étaient des ruraux, des gens qui tiraient principalement le lapin, les perdrix, un peu de faisan quand il y en avait, c’était principalement ça la chasse, donc la chasse à terre principalement à base de lapin, dans une grande partie de la France et notamment dans l’est, donc c’était ça. Après, il y avait le pigeon, il y avait des choses comme ça mais bon… en petite quantité. Est arrivée la myxomatose qui a fait régresser le lapin, les perdrix… il y en a encore beaucoup qui chassent la perdrix, et on est passé à la chasse spécialisée, à la chasse à la bécasse, à la chasse au gibier d’eau. Et il y a plus de gens qui s’y sont mis, alors qu’avant il y en avait beaucoup moins.

CF : plus de gens. Vous aviez un niveau d’abondance, qui était là, un niveau de chasseurs qui était là, et puis après on arrive avec l’abondance qui fait comme ça et puis les chasseurs qui… voila. Vous avez quelque chose qui s’opère là, là on est après guerre et puis là on est dans une phase qui va des années 60 à …

 

D : pouvez vous expliquer cette montée des chasseurs, pourquoi il y en a eu plus ?

CF : report des chasseurs.

C : parce que la perdrix et les lapins ont été éliminés.

D : c’est pas du tout une augmentation du nombre de chasseurs ?

C : non, parce que les chasseurs, ça a augmenté jusqu’aux années 70 je crois et après ça a régressé. Et ça régresse toujours.

CF : et donc là, en fait, vous êtes dans la période où ça continue de baisser pour l’abondance et les chasseurs de gibier d’eau vont baisser parce qu’il n’y a plus assez de gibier pour tout le monde.

C : quoiqu’il y a des espèces qui ne sont pas si mal que ça.

CF : bon, après ça dépend si on parle en phase de reproduction ou en phase d’hivernage. Donc, en fait, c’est vrai qu’on est obligés de reprendre de là pour comprendre en fait qu’à un moment donné l’abondance n’était pas une question de fait parce que on pensait qu’il y en avait quand même suffisamment, d’ailleurs vous entendiez toujours les chasseurs dire " mais pff depuis tout le temps on fait comme ça et on en on en a toujours eu ". Après nous, on a commencé à faire des études techniques sur ce qu’on nous demandait, donc sur les dates, et donc pendant qu’on s’occupait des dates, l’abondance c’était catastrophique. Pour vous en donner juste un exemple, sur, bon moi je viens de la Dombe, la Dombe c’est dans l’Ain, une des zones de nidification les plus importantes en France, ce que donne l’abondance est clair. Donc, là vous avez 1975 et vous avez 1996, euh, je veux dire c’est sans appel, voilà ce que fait l’abondance des couples reproducteurs en Dombe. Je veux dire, c’est sans appel, c’est 70% de couples nicheurs qui ont disparu. Alors, bon, la question suivante c’est pourquoi ?

M : Déjà est-ce qu’ils ont disparu de la Dombe ou est-ce qu’ils ont disparu tout court ?

CF : alors là, on suit la période de nidification des oiseaux en Dombe. Chaque année les oiseaux reviennent.

M : il n’y en a pas qui ont pu changer de lieu de nidification ?

CF : bon, alors… bon maintenant on est capables de vous dire non, parce que après on a suivi de façon plus fine, mais euh, non. Globalement, en France, les couples nicheurs sur ce qu’on a appelé les grandes zones de nidification, bon, ça je vous dit, c’est les périodes des années 1970 à 80, si vous continuez la courbe là maintenant, ça s’est stabilisé. Et ça c’est stabilisé sur quoi ?

C : sur le peu qui reste.

CF : sur le peu qui reste. Donc on est plus dans une phase de descente maintenant, on est comme ça, hein d’accord ? alors effectivement c’est, il n’y a plus grand-chose mais ça ne diminue pas beaucoup. Ca ne peut que progresser. Alors, qu’est-ce que c’est les grandes zones de nidification ? en France, il n’y en a pas pléthore, les grandes zones de nidification en France c’est la Dombe, le Forez, c’est une zone d’étangs aussi qui est dans le 42, il y a la Brède dans le 36, il y a la champagne humide qui est dans le 51, vous avez la Camargue même si là on commence à avoir des choses assez limite hein, enfin ça dépend pour quelles espèces ça commence à être euh assez limite. J’ai oublié la wavre, le 52, la Lorraine et j’ai oublié à l’ouest la côte vers chez toi qui est le le …

C : le marais breton.

CF : le marais breton, et quand on arrive là, il n’y a déjà plus grand-chose. Voilà ce qu’on appelle les grandes zones de nidification en France. Bon je vous laisse peut être poser les questions puisque apparemment c’est un entretien plutôt dirigé. Donc vous interpellez là, en fin de compte comment la notion d’abondance rentre en compte, quelle est l’importance sur les dates, elles se pointait pas, on ne savait pas grand-chose, on a commencé les études sur les périodes et maintenant effectivement l’abondance, pendant qu’on s’occupait des dates, vraiment ça devient un sérieux problème l’abondance et donc euh, il va falloir effectivement que ce soit une notion qui soit d’avantage considérée en plus de la période. Alors, l’abondance, je finis là-dessus, alors l’abondance c’est difficile, la bécassine euh, si je prends la bécassine, il y en a combien ? on ne sait pas, c’est le gros problème.

C : On ne sait pas combien il y a de couples nicheurs parce que la bécassine, c’est discret, on ne peut pas vraiment l’observer, donc les populations sont estimées. Elles sont estimées à partir de comptages sur les oiseaux et puis bon sur des zones comme l’est de la Russie qui font 5 à 10 fois la France, et qui sont intéressantes pour la bécassine, on ne peut qu’extrapoler.

CF : et en France, il y en a combien ?

C : je crois qu’il y a 200 couples nicheurs maximum quoi. Donc c’est pas grand-chose. Les espèces migratrices, vont passer l’hiver soit en côte atlantique soit sur le bassin méditerranéen, c’est le nord ouest de l’Europe, c’est le nord ouest de la Russie. C’est là-bas qu’ils nichent, pas chez nous. C’est des zones ou on va trouver 5 habitants au km carré, si c’est pas entre 0 et 1 quoi. Il n’y a personne quoi. La taïga là-bas avec les zones ouvertes dans les vallées et puis au sud c’est la toundra, il n’y a personne quoi. Pour les oiseaux c’est génial quoi. En même temps là-haut, les sarcelles d’hiver vont nicher à raison d’un couple tous les trois km carrés. Mais en France on a à peu près ça aussi, alors quelque part pour ces oiseaux là il faut une surface moyenne spécifique, il ne faut pas deux couples trop près et puis en même temps, dans des cas spécifiques, en France justement, avec les signes de … qui se développent, ils ont tendance à prendre la place et uniquement par la concurrence de la place ils bouffent la place par exemple des colverts, ne serait-ce que des colverts.

CF : donc en fait, ça c’est important à comprendre, la France n’est pas, on est sur de oiseaux migrateurs, et effectivement, il est important de savoir que nous, nous ne sommes pas une zone de reproduction majeure, si vous parlez en terme de population, et la notion de population en biologie ça veut bien dire ce que ça veut dire, ce sont des unités qui fonctionnent ensemble, nous on est plutôt une zone d’hivernage et les zones de nidification sont plutôt au nord. Dons ce qui niche chez nous, si je ne prends que les canards, c’est euh inférieur à 5% de ce qu’il y a en couples nicheurs dans la population donc euh internationale, dans tout le paléarctique.

C : de la Sibérie jusqu’à… une zone géographique dans laquelle les oiseaux se mélangent mais ne vont pas à l’extérieur.

CF : vous nous arrêtez hein si ça devient trop… trop flou mais…

D : alors il y en a qui disent que c’est pas la chasse qui est complètement responsable de cette…

CF : absolument.

D : c’est aussi la pollution industrielle…

C : la pollution agricole.

CF : là c’est un exemple qu’on connaît bien, qu’on a étudié, donc on peut vous dire. Les canards de surface ont été les premiers à régresser et les canards de surface nichent dans une bande, par exemple si on prend le canard chipeau, là vous avez un étang, donc un étang c’est une zone en eau, vous avez une vasière et puis vous avez une zone de végétation périphérique qui s’appelle des prairies ou une sorte de végétation pas très haute et c’est en général sur cette bande là qu’on trouve par exemple des nids de canard chipeau. Bon, en Dombe qu’est-ce qui s’est passé ? toute cette zone a disparu, près de 50% enfin, là je suis vraiment gentille, près de 50% de cette zone de prairie a disparu, autour des étangs. Si vous regardez, on a des moyens de savoir ça, ce sont des chiffres qui sont publiés sur les milieux prairiaux, par Corinne Lancover, en bref, on a des outils de suivi qui permettent d’être… et puis ceux qui sont en Dombe depuis des années l’ont constaté. Il ne reste quasiment plus rien de cette bande là. Donc du coup, tout ce qui est nidification des canards de surface, alors pourquoi ça a disparu ? alors on a développé donc des cultures céréalières et notamment celle du maïs, pourquoi ces zones là sont venues finalement à prendre le dessus ? Eh bien c’est la PAC, c’est la subvention européenne qui ont fait que finalement, on était dans une zone ou la chasse était un facteur économique fort, eh ben il a fini par être concurrencé par un autre facteur qui est le lobby céréalier et l’argent, enfin c’est une histoire économique.

M : quelle distance ça représente à peu près ces bandes ?

CF : bon, ces zones là étaient très très larges avant, moi je n’ai pas connu hein. C’était énorme. Avant les étangs en Dombe, je ne sais pas si vous savez ce que c’est la Dombe, c’est des étangs comme ça, c’est 1300 étangs qui sont comme ça. Donc avant, il n’y avait que de la prairie entre les étangs et puis au fur et à mesure eh ben voilà, il y a eu des carreaux, puis les carreaux sont devenus jointifs, puis finalement on les a fait comme ça et maintenant, directement à l’eau, c’est le maïs, pour presque 90% des étangs.

M : donc disparition des habitats.

CF : disparition des habitats, enfin ce n’est pas toujours les mêmes cas dans les mêmes secteurs, hein soyons clairs, là en l’occurrence c’est très clair. Alors, canards de surface, il n’y en a plus, et ben donc pression sur les canards plongeurs et pression sur les canards plongeurs eh bien diminution des canards plongeurs. Il y a un report de la chasse à chaque fois sur les espèces qui trinquent après.

C : et pour vous donner un autre cas aussi, dans le marais breton, ou il n’y a pas de maïs, le marais breton c’est donc en dessous de Nantes, c’est dans la baie de bourgneuf, ce grand marais breton qui fait plus de 20000 ha, c’est même plus que ça. Ce marais breton qui était pâturé traditionnellement jusque dans les années 70 avec des bovins, les gens qui étaient sur le marais exploitaient donc le marais, ils exploitaient un peu la pêche et puis ils chassaient. Et ces anciens ont disparu, les jeunes ont pas tous repris sur le marais pour faire de l’agriculture des temps modernes, c’était le maïs, et le marais n’intéressait pas trop. De l’herbe est venue envahir partout, donc des conditions de pâturage perdues et qui font que ces endroits ne sont plus du tout intéressant pour les oiseaux. Par exemple les limicoles qui vivaient avant dans le marais : les bécassines, les barges, etc, les vanneaux même les canards, il y a trop de végétation pour eux et ils partent. Il y a une baisse de fréquentation de ces milieux là. Alors depuis heureusement, il y a eu toutes les mesures agro-environnementales qui ont contrebalancé les effets maïs etc des subventions pour l’agriculture intensive, et donc là plutôt pour favoriser des zones de marais avec des modes de gestion extensifs, avec des normes, avec des dates par exemple de récoltes tardives, pour protéger la nidification dans ce milieux là etc. Les subventions sont moindres que pour le maïs mais quand même c’est intéressant.

CF : le problème il est là hein, c’est que on a pas réussi à contrebalancer malgré tous ces changements de trafic agricole qui sont passé de traditionnel à intensif par ces mesures parce qu’elles n’étaient pas du tout économiquement assez rentables et c’est vraiment subventionné beaucoup moins qu’un maïs irrigué ou qu’un blé. Finalement vous avez deux ministères, le ministère de l’agriculture et le ministère de l’environnement mais on a jamais pu à un moment donné influer suffisamment, c’est pas possible.

C : l’avantage quand même sur des lieux comme le marais breton, c’est qu’on ne peut pas y faire de maïs, le substrat est trop compact, et a part un polder ou deux, ce n’est pas possible. Donc en fonction de ça, on peut garder ces milieux là à peu près naturels.

M : On n’aurait pas réagi assez tôt d’une certaine manière, on n’aurait pas anticipé le problème ?

CF : les politiques agricoles ont été faite pour l’agriculture, en faveur de l’agriculture, ce n’est que récemment, dans la dernière version de la PAC qu’on a eu des volets environnementaux je dirais notables. Parce qu’avant, même s’ils y étaient, ils passaient à la trappe quoi. S’il y avait des prairies avant, c’est qu’il y avait de l’élevage, on a renversé complètement des pratiques agricoles qui sont complètement modifiées, qui ont modifié le milieu, et là-dessus vous rajoutez sur ces zones là des pressions de chasse qui ont de vraies conséquences, il ne faut pas dire le contraire, hein. Donc vous avez la raison d’un déclin prononcé des espèces nicheuses.

D : d’accord, j’ai une question qui m’est venue tout à l’heure, c’est qu’on a entendu des chasseurs qui prônaient le rapprochement entre le ministère de l’environnement et le ministère de l’agriculture, de manière à avoir un seul ministère pour pouvoir gérer plus facilement les problèmes entre agriculteurs et chasseurs. En tout cas les problèmes qui les concernaient tous les deux pouvaient être traités par un seul ministère.

C : oui, on est déjà entre les deux.

CF : oui, ça a déjà été, on a déjà fait partie du ministère de l’agriculture. On était sous deux tutelles et là je crois qu’on va passer uniquement au ministère de l’environnement. On a été sous les deux tutelles, quand on était sous tutelle du ministère de l’agriculture, on espérait qu’une chose, c’était passer au ministère de l’environnement.

C : alors, ce qu’il faut savoir aussi, c’est que le ministère de l’environnement n’a jamais été pro chasse.

CF : alors effectivement, quand on était sous tutelle de l’agriculture, on était effectivement pro chasse.

C : ce qu’il faut savoir aussi, c’est qu’on est un établissement publique qui dépend du ministère, et le ministère ne défend pas son établissement. Il est assez souvent en contradiction avec nous.

CF : enfin, quand tu dis avec nous, tu dis avec les gens qui sont sur le terrain quoi.

C : oui. Alors une petite anecdote aussi pour vous dire quand même que ce problème agricole qu’on a eu en France, on l’a aussi en Russie depuis la perestroika entre 1990 et 1994, les grands kolkhozes russes qui étaient exploités d’une manière régulière ont été abandonnés. Evidemment dans les zones de nidification qui sont les mêmes, les zones de pâturage extensif, et bien ces zones là ne sont plus pâturées donc là aussi on a un développement un peu anarchique de la végétation. Donc dans cette zone nord européenne, il y a aussi des problèmes. Pour les populations qui sont les mêmes, enfin qui sont les mêmes… pas géographiquement, la bécassine elle niche là-bas aussi, ça peut poser des problèmes à terme dans l’avenir. Et là c’est pas la chasse.

CF : Alors n’oubliez pas que là, ce dont on parle c’est 1 à 5% de ce qui niche, de la population, c’est 1 à 5%. Donc c’est grave à l’échelle de la France, ce qui se passe là. Si vous parlez à l’échelle de la population, quelle est l’incidence de ce qui se passe en France sur la population ? il faut vraiment se poser la question en fait. Quand vous avez 1 à 5% de ce qui niche, dit comme ça vous vous posez la question. Donc, ce qu’il faut savoir c’est que, tous ces débats là sont une question d’échelle et une question de… si vous parlez à l’échelle de la France, à l’échelle de… on va dire… d’un petit effectif qui disparaît et effectivement c’est, si vous parlez en terme de biodiversité par exemple, c’est considérable. La biodiversité dombiste, c’est affolant. En terme de biodiversité, c’est catastrophique. Mais si vous parlez en terme de mettre en danger des populations, c’est une autre question, mais on est pas sur le même débat. Donc, ce qui peut se produire, qui là peut de nouveau rejoindre le côté population, c’est que si à chaque fois qu’il y en a qui viennent nicher ici, donc le peu hein, on est bien d’accord, on est sur quelque chose qui est très peu, si chaque fois que ça niche ici, tout est tué, par des ouvertures, par exemple, qui sont mal adaptées, et bien vous faites comme un puit, ce qu’on appelle un puit. C'est-à-dire que chaque année il va en revenir, qui va se réinstaller et puis donc, vous tuez tout, vous tuez tout donc euh, vous pouvez être un puit. Donc on a ces notions là, ce qu’on appelle des sources, c’est là où on produit, les sources c’est tout ce qui se passe au nord, et vous avez des zones qui sont des puits, c'est-à-dire là où on produit pas mais on tue. Donc effectivement, à un moment donné, une histoire de seuil peut faire que la population aille mal, très mal. Ca c’est une notion sur laquelle on est encore loin techniquement et scientifiquement de pouvoir tout peser et tout comprendre. Les oiseaux migrateurs, c’est difficile. Vous seriez étonnés, je crois qu’on est aussi là pour vous le dire, du peu que l’on sait sur ces espèces.

M : justement, ce n’est pas une impression que nous avions.

CF : ben oui, c’est terrible hein. Je ne vous cite qu’un exemple, même si ça fait 50 ans que l’office bosse là-dessus, pour essayer de voir à quel point on est encore désemparés parce que… vous prenez la sarcelle d’hiver qui est un simple cas, on ne sait toujours pas s’il y a deux sous populations au niveau du paléarctique occidental, donc s’il y en a deux, ou s’il n’y en a qu’une. Il faut faire des études génétiques, ça coûte cher, il faut des moyens colossaux. On ne sait pas. Alors, est-ce que c’est grave ou pas de le savoir ou pas ? eh bien oui, ça peut tout changer, si ça si ça baisse comme ça et si ça augmente ici… On ne sait rien, on ne sait rien. Est-ce qu'il y a des échanges ? Est-ce qu'il y a des échanges entre les deux ? Est-ce qu'il n'y en a pas ? je vous parle ici de plusieurs pays, ce n'est pas pareil que de gérer du lapin sur sa parcelle, et de suivre chaque année combien il y en a, l'année dernière il y en avait 10 cette année il y a 20 lapin tout va bien. Et bien ici ça augmente mais ça augmente pourquoi ? Parce que ici c’est un puit et ici c'est une source. Il y a des notions complètes de dynamique de population sur lesquels on ne sait rien, on commence à faire des études génétiques.

C : alors en même temps, je vais vous citer un autre cas, aux États-Unis ils ne font pas du tout comme ça, par exemple pour une espèce comme le pivert, ils ne s'amusent pas à, enfin ils suivent la nidification mais, mais ils vont s'amuser à aller compter par exemple dès la fin de la période nuptiale, on va dire au mois de septembre, ils vont les compter très vite en avion, et ils vont dire "  on a 20 millions de piverts " , on en ouvre 3 millions à la chasse. Ils savent alors combien ils peuvent en chasser chacun. Et bien ils ont des dates quand même si, mais ce n'est pas grave, ce n'est pas l'élément principal. Le chasseur, il a son sac, et ses pinces à sertir, il va faire son nombre d'oiseaux, du mois de février au mois de septembre, cela n'a pas vraiment d'importance, mais il va les faire. Mais ça ne marche pas comme ça en France.

Maxime : parce que les États-Unis par leur étendue, le gouvernement fédéral peut avoir une vue sur tout ce qui se passe.

C : oui, mais alors c'est encore plus compliqué puisqu'il y a le Canada. Le problème du Canada, parce que effectivement, c'est la même population. Il y a des problèmes de collaboration, mais nous on va l’avoir au niveau de l'Europe, d'ailleurs on l’a déjà au niveau de l'Europe. Il faut quand même se souvenir que les oiseaux migrateurs viennent du nord de l'Europe pour se diriger vers le sud de l'Europe, voire l'Afrique. Et donc, ce n'est pas un bien qui est propre à la France. Il faut savoir que les oiseaux qui viennent chez nous, on n'en est temporairement responsables.

Maxime : c'est pour ça qu'il y a des pressions de la part d'autres pays ?

C : voilà. Enfin oui, il y a des pays qui chassent beaucoup moins, d'autres qui chassent peut-être plus, il y a des méthodes de chasse différentes, les Russes par exemple ne vont pas chasser les canards l’hiver, ils n'en ont pas. Et bien ils vont les chasser pendant trois semaines, au passage de la remontée. En même temps, est-ce que l'on peut leur en vouloir ? nous, on ne les chasse pas quand ils remontent, eux ils les chassent parce qu'il n'y a que là qu'ils en ont. Ils ont très peu de canard à tuer à cette époque-là, donc ils les tuent quand ils remontent. Par contre, il ne tuent que les mâles. Au niveau de l'équilibre de la population, ce n'est pas forcément parfait, mais ça n'a pas l'air de se passer trop mal, il faudra voir cela à long terme. Donc il y a plein de choses, il y a des cultures différentes, il faudra un jour homogénéiser tout cela pour trouver des solutions pour que ça avance mieux. Ça avance déjà, doucement, mais c'est du boulot.

Damien : et ceux qui sont arrivés en Russie, ils les tuent au retour c'est ça ?

C : ils les tuent au retour, avant qu’ils nichent. Quand ils arrivent en avril dans la région de Moscou, il fait encore très frais.

Damien : mais ce que l'on dit souvent, c'est que ce qui arrive jusqu'en Russie, c'est les plus résistants.

C : non, pas du tout. Pas du tout. À tel point que les canards, alors on a une notion de longs migrants et de cour migrants, ceux qui vont aller nicher très loin au nord, vont aller passer l'hiver très loin au sud. Alors qu'un canard qui va par exemple plutôt nicher en Belgique, il va passer l'hiver en France. Donc ça ne veut pas dire effectivement que ceux qui vont arriver en Russie vont être ceux qui auront été assez forts pour y arriver.

Damien : oui d'accord, mais je parlais au sein d'une même espèce, il y en a qui sont morts pendant la remontée. Et est-ce que ceux-là sont les moins résistants de l'espèce ?

C : ah oui de toute façon.

Damien : oui, mais aussi, si on tue parmi les plus résistants, j'avais des arguments là-dessus…

C : au cours de la vie d'un oiseau, la première année, il y a 50 % qui meurent. C’est 40 à 70 % selon les espèces, il y a là une partie qui meurt. Et après, il y a un taux d'élimination par an, qui varie de cinq à 15 % selon les espèces. Mais vous savez que dans les populations qui vont monter, il y a là une partie qui va casser, mais on sait quand même qu'il va en rester. Ce qu'il faut, c'est qu'il en reste assez pour pouvoir faire une nouvelle population l'année suivante. À partir de la tout va bien. C'est pour ceux qui vont mourir : c'est la chasse, c'est la prédation, c'est la maladie, c'est le froid par exemple, il y en a qui vont arriver très haut sur les sites de nidification, et il peut y avoir un coup de blizzard pendant la nidification. Et bien il y en a une partie qui meurt. Nous, pour les premiers qui arrivent, on voit très bien les jeunes, on les voit directement au télescope à 300 m, on arrive à les différencier par les critères de couleur de plumes sur les ailes, dans les premiers paquets qui arrivent, on peut très bien dire tout de suite si il y a eu de la reproduction ou pas. Et combien. C'est une espèce hyper facile à suivre. En plus cela des sites très très réduits en matière de nidification, donc au niveau des populations il n'y aura jamais des grandes populations, enfin je ne pense pas, elles ne viennent pas nicher en France, enfin je ne pense pas, ou alors c'est exceptionnel. Il n'y a pas de raison qu'elle le fasse quoi. Il y a des stratégies pour les espèces qui sont évidemment très différentes.

Damien : et donc placer des dates arbitrairement les mêmes pour toutes les espèces, c'est un peu absurde dans l'absolu.

C : c'est un peu absurde dans l'absolu, en même temps pour les espèces qu’on chasse, il n'y a pas tant de différence que ça. Globalement. Les oies et les canards que l'on va chasser sont de la même région géographique et vont globalement passer dans la même zone géographique au même moment l’hiver et les dates de fin de reproduction on les connaît, ça a été étudié. Il y a plein de rapports, des études françaises ou des études étrangères, on sait comment ça fait, on a tous les chiffres.

CF : après, est-ce que c'est ça qui est important pour conserver la population, ou est-ce c'est la date ? Eh bien si vous reprenez toujours la Dombe, le tableau de chasse se fait la première semaine. Près de 90 % du tableau de chasse se fait la première semaine. Dès l'ouverture. C'est-à-dire que après ce n'est plus intéressant, après il n'y a plus rien donc tout se fait la première semaine. L'important est : quand va être cette première semaine ? Est-ce que c’est fin août ? Ou est-ce que c'est le premier dimanche de septembre ? Bon dans cette zone là on a de la chance, les chasseurs sont... La fédération, on peut dire la fédération, est raisonnable, c'est-à-dire qu'elle a bien compris qu’on est une zone principale de nidification pour les plongeurs, que les plongeurs ce sont les plus tardifs et donc ils n'ont jamais, alors qu'il pouvaient, conseillé l'ouverture avant le premier dimanche de septembre. En général donc, c'est le 7 ou 8 septembre. Donc ça, c'est une chance inouïe parce que une semaine de plus sur cette espèce-là, ça peut tout changer. Mais là toujours je vous parle d'une population qui est née localement, de la population qui est née localement. Là, quelque part, on chasse les oiseaux qui sont produits sur place. Là aussi, si vous tuez 100 % de ce que vous avez produit, donc là il ne faut pas devenir un puits à force. Mais là effectivement, si vous ouvrez une semaine plus tôt ou une semaine plus tard sur cette population qui est produite, ça peut tout changer.

Damien : c'est surtout la date d'ouverture qui est importante alors, la date de fermeture, ça ne change pas grand-chose ?

CF : alors alors là on est en train de parler d'une population qu'on a produite localement, vous allez plus pouvoir parler à mon avis, c'est un avis personnel, sur la population vraiment en ce qui concerne les dates de fermeture. Sur la population au sens paléarctique occidental.

C : il faut savoir aussi qu'à la chasse, les jeunes canards ne sont pas des vieux canards qui ont passé l'hiver et qui connaissent plus ou moins la chasse, et qui savent ce que c'est, et qui vont plus de se méfier. C’est différent à l'ouverture pour un jeune canard, qu'ils soit plongeur ou qu'il soit de surface, il est pas méfiant. Et en plus, si vous le chassez, il va avoir tendance à revenir le soir ou le matin sur le même site. Ou la semaine suivante. Alors qu'un migrateur, lui, s'il se fait tirer dessus, il va se dire " bon, moi je vais aller voir ailleurs " évidemment. Bon, maintenant, un autre cas, l'estuaire de la Loire, l'estuaire de la Loire c'est une zone de nidification de colvert, il y a plus de 300 nicheurs sauvages, et le gros du tableau de chasse colvert c'est à l'ouverture. On va dire pendant le premier mois, ce n'est pas la première semaine, c'est le premier mois. Et après, il se tue un peu de canards régulièrement, mais c'est les migrateurs qui arrivent, les sarcelles qui arrivent, en septembre, et le gros du tableau de chasse en estuaire de la Loire, c'est plutôt octobre novembre. Sur des canards migrateurs. Les bécassines etc. quoi. Donc c'est une stratégie différente.

CF : oui mais c'est important aussi parce que tout est imbriqué, parce que si vous n'aviez pas massivement un intérêt pour l'ouverture, ou la première semaine de l'ouverture, si vous aviez une pression de chasse qui soit régulière dans le temps, ce n'est pas pareil que d'avoir une forte pression de chasse finalement au début et plus rien après. Donc la pression de chasse déterminée par le nombre de chasseurs qui vont être présents à tel moment ou à tel autre influe aussi sur le débat. Donc ça, on ne le maîtrise pas du tout. On ne le maîtrise pas.

Maxime : oui, parce que une fois que c'est ouvert, on fait ce que on veut. Et il n'y a pas des mesures pour réguler ?

C : il y a des départements qui vont ouvrir, je crois qu'il y a quelques départements qui ouvrent une semaine ou deux et puis qui ferment jusqu'au moins septembre, c'est arrivé je ne sais pas si ça existe toujours mais c'est arrivé.

Maxime : sous l'autorité la préfecture ?

C : alors, donc c'est une ouverture, alors au départ le ministère ouvre la chasse, et après chaque département par l'intermédiaire du préfet peut décider ou pas, peut décider d'ouvrir plus tard. Il ne peut pas décider devrait plus tôt.

CF : au départ c'est une décision ministérielle qui fait…

C : on peut là dedans, chasser moins. C'est aux autorités locales, départementales, de le faire. Le préfet le peut en accord avec les instances locales. Bien sûr il ne peut pas dire arbitrairement " je ferme la chasse pendant un mois parce que je trouve que c'est une connerie ", ça peut ne pas se passer bien avec les chasseurs. Mais c'est arrivé, mais je crois que ça arrive toujours. Il n'y a pas longtemps, encore, il y a département qui a fait comme ça. Mais ce n'est pas un département où il y a une grosse pression de chasse, mais il y a un peu de colvert, je crois que c'est une zone d’étangs. J'ai lu ça, je ne sais plus dans quel département c'est, mais j'ai lu ça. Et il y a une zone d'étangs, il y a un peu de canards à l'ouverture, donc on tire un peu de canards, et après on attend l'ouverture générale. Là où on va chasser avec les migrateurs.

CF : mais la fermeture c'est encore un autre… c'est encore un autre débat la fermeture.

Damien : oui, parce que la chasse en février c'est, ça a fait couler beaucoup d'encre. Ceux que l'on a rencontré nous on dit qu'il trouvaient ça globalement raisonnable d'avoir arrêté la chasse en février parce que c'était une époque où les oiseaux avaient besoin de…

CF : des études qu'on a faites montrent que l'on avait biologiquement raison de faire des fermetures échelonnées, biologiquement raison, c'est-à-dire que quand on ouvrait jusqu'à fin février du canard plongeur, c'était acceptable biologiquement, par contre, ce qui n'était plus acceptable, c'était le fait de… Ça se passe à un autre niveau, enfin en France, c'est la confusion des espèces quoi. Enfin ce n'est pas tout à fait le terme que j'utiliserais, pas la confusion, c'est le fait que bon pour reprendre les exemples concrets que ce soit en Dombe ou ailleurs, quand les gens viennent chasser ils viennent chasser. Enfin quand ils chassent, ils chassent. Et les ouvertures échelonnées, où les fermetures échelonnées, ça ne peut pas marcher, ce n'est pas possible. Si je reviens à l'ouverture des canards de surface, il y a une année où on a ouvert plus tôt que les canard plongeurs, il y a une notions d'écart, et on était sur le terrain pour voir comment ça se passait, et bien voilà, il faut clore le problème, les chasseurs qui viennent chasser, ils veulent chasser.

Maxime : ils ne regardent pas sur quoi ils tirent quoi.

C : oui, c'est du canard, c'est du canard quoi. Alors il y a autre chose quand même, même si c'était bien respecté, il y a un autre point qui intervient, et surtout pour la période de fermeture, ça intervient un petit peu moins pour l'ouverture, c'est que si on vient par exemple au mois de février chasser, chasser que du chipeau, il y a d'autres espèces qui vont nicher, du colvert qui peut s'installer, et ces espèces-là, si elles sont sur ce territoire, où il y a de la chasse, elles ne vont pas s'installer. Donc on va décaler la période de reproduction, ou alors ils vont partir ailleurs. Donc le dérangement est parfois très nuisible aussi à l'installation des autres espèces.

CF : donc il faut distinguer à mon avis le fait que oui biologiquement on peut ouvrir les canards de surface avant les canards plongeurs, oui biologiquement c'est vrai, mais on ne peut pas le faire sur le terrain, ce n'est pas possible. Oui on peut fermer les plongeurs plus tard que les canards de surface, mais en pratique ce n'est pas possible. Il faut vraiment distinguer l'effet biologique et la réalité du terrain. Ça c'est évident. Alors en pratique, effectivement, non, si vous êtes à la fermeture, vous prenez le plus tôt, comme ça au moins c'est clair. Si…

Maxime : c'est peut-être là dessus que vous avez des problèmes, vous avez des gens qui disent " mais on pourrait " etc.

CF : après, dans, si vous parlez de dates, vous avez le problème de la définition du mot dates. Il y a encore là un problème qui est tout simple, qui est : quelle est la définition de la période de reproduction ? Si vous mettez les gens autour de la table, déjà vous avez des écarts, et ensuite si vous prenez qu'est-ce que c'est la fin de reproduction et le début de reproduction ? Il y a des problèmes encore de définition, est-ce que le début de la reproduction c’est les premiers oiseaux qui nichent ? ou est-ce que c'est un certain pourcentage de la population qui est nicheuse ? est-ce que la fermeture c'est au première oiseau qui s’en va ? ou est-ce un certain pourcentage de la population qui s'en va ? vous prenez toutes les données et vous les traitez au première oiseau qui niche vous trouver la même chose, vous prenez toutes les données techniques qui existent en France et vous regardez 20 ou 10 % d'oiseaux qui nichent, vous trouvez la même chose. Les données techniques montrent la même chose. C'est un problème de définition, si on dit des choses différentes, c'est parce que les uns et les autres ne prennent pas la même définition. Voilà c'est simple comme bonjour. Donc est-ce qu'il faut plus de données techniques ? Non, sur ces aspects là, il n'y en a pas besoin.

Maxime : l'observatoire donc, donc c’est Pierre Migot, ils prennent 90 % des…

CF : alors, on a appliqué avant l'observatoire on a appliqué pendant de nombreuses années 80 % d'oiseaux volants, et sur des bases ce serait un peu long à vous expliquer, je suppose qu'il vous a tout redit, à savoir que dans la directive ce n'est pas marqué si c’est les premiers ou si c'est 10 % ou si c'est 20 %. C'est l'interprétation de la directive qui fait que certains disent c'est le premier, protection complète et totale, ou, comme d'autres raisonnent au niveau de la population, eh bien 10 % c’est raisonnable, ou 20 % c’est raisonnable. Donc on a appliqué 20 %, on a appliqué 80 % de nichées volantes, ce serait une démonstration à vous refaire parce que 80 % de nichées volantes c'est équivalent à 90 % d'oiseaux volants, Vous y incluez les adultes et les oiseaux qui n'ont pas niché, les adultes qui ont niché et les adultes qui n'ont pas niché. Il faut bien faire la différence, c'est compliqué. On a appliqué le seuil de 80 % de nichées volantes et les gens ont défendu que, enfin techniquement cela se défend, que c'est équivalent à 90 % d'oiseaux volants. En comptant les parents et les adultes qui n'avaient pas niché. Bon, la démonstration peut être refaite, et maintenant ce que l'on applique, c'est 90 % de nichées volantes, donc ça doit faire normalement théoriquement 100 % d'oiseaux volants. Vous comprenez ? Tout ça, c'est un problème d'échantillonnage et de niveau de discussion, puisque l'on se place à l'échelle d'une population ou à l'échelle presque de l'individu quoi. Un individu qui meurt, c'est un individu de trop quoi. Donc on applique un seuil de 90 % de nichées volantes, et je vous le redis, est-ce qu'il faut ouvrir pour la protection totale ? dans ce cas-là on va ouvrir le 15 septembre, pour certaines espèces, mais si vous appliquez les mêmes données et que vous utilisez le seuil des 90 %, vous trouver la même date que ceux qui prônent les 90 %. Il n'y a absolument pas de problème, il y a des tableaux récapitulatifs qui vous en font la démonstration. Là vous avez simplement les études qui sont faites sur le sujet donc ça c'est l'étude d'ici, c'est celle de 89 du muséum et de l'Office, ça c'est Ornis 2001, ça c'est Lefeuvre 99, Ornis et Lefeuvre on ne sait pas ce qu'ils ont appliqué, quand vous essayez de savoir, alors que les deux autres études on a effectivement les différents seuils, bon ben il suffit de voir que effectivement si vous avez là par exemple pour la foulque macroule par exemple, Ornis disait deuxième décade de septembre, ça correspond chez nous à un seuil de 99 %, enfin au muséum en tout cas, ça correspondait à la troisième décade de septembre, première décade d'octobre, et bien ça correspond à 100 % voilà. Vous traiter toutes les données dans le même sens, et bien il n'y a plus problème. C’est qu'est-ce que vous appliquez là ? Il n'y a pas de souci sur les données techniques.

Maxime : donc là vous voulez dire qu'actuellement vous avez des données sur tous les oiseaux ? sur toutes les périodes ?

C : seulement sur tout ce qui est chassable. Ce qui est chassable, on sait. Des études ont été faites là dessus. C'est le muséum qui à fait ça, c'est ce que nous on a fait, ça fait une trentaine d'années qu'on travaille là dessus.

CF : est-ce que vous savez que nous on a fait des enquêtes ?

Maxime : oui j'ai lu une enquête de vous, sur la foulque macroule.

CF : il y a des espèces que l'on a pas assez bien couvertes c'est sûrs.

C : bon, on est 120 techniciens ingénieurs et on travaille sur la faune sauvage un peu partout en France mais on est 28 à travailler sur les espèces migratrices.

CF : disons que toutes les espèces sensibles sont couvertes. En plus aujourd'hui on a des données techniques suffisantes, il suffit de s'y référer, la discussion se base uniquement sur : qu'est-ce qu'on retient ? La définition.

Damien : et on ne peut pas y aller pragmatiquement ? Prendre une définition et puis voir si ça va mal et alors on modifie.

C : oui mais il faut faire attention parce que avec des corrections après coup, c'est pas bon quoi.

CF : oui mais plus personne n'y croit maintenant. Même si vous dites " bon, pour cette espèce, ça va mal ", on prend une décision qui va plutôt être en faveur de l'espèce, les chasseurs n'y croient plus. Il n'y croient plus pourquoi ? Il y a des éléments qui montrent que… on a protégé des espèces comme le cormoran.

C : il y a une chose aussi, c'est que depuis que l'on protège les espèces depuis les années 1970, jamais il n'y en a une qui est redevenue chassable. Les chasseurs maintenant disent " non, on ne cède plus rien, vous, vous vous ne cédez pas. Parce que l'on pourrait chasser, par exemple le cormoran ". On pourrait dire le goéland argenté par exemple, par exemple pourquoi pas. On peut les chasser dans d'autres pays européens. Donc on pourrait dire ça. Mais en France, on ne l'a jamais fait.

CF : comme on ne l'a jamais fait, les chasseurs ne veulent plus jouer dans…. Ils ne veulent plus jouer ce jeu-là.

Damien : c'est bizarre, puisqu'on entend même dire que des cormorans il y en a même trop.

C : en plus, le cormoran, il est tiré, il est même pas chassé. Il y a également des projets de tuer les ibis, je ne sais pas si vous en avez entendu parler, les ibis sacrés, c'est une espèce invasive, qui est arrivé en France à partir de zoos, un dans le sud de la France, au départ il y avait environ une trentaine d'oiseaux, qui se sont développés dans les années 80, et maintenant on est rendu à, je ne sais plus, on était à 3000 oiseaux l'année dernière, on doit être à 6000. Donc, c'est une espèce envahissante, et qui pose des problèmes à d'autres espèces. Mais c'est une espèce qui n'est pas chassable, et l'étude qui a été faite pour dire " mais qu'est-ce qu'on fait sur cette espèce ? " qui pose des problèmes à d'autres espèces européennes, et notamment françaises, c'est de dire : voilà détruire comme si comme ça avec les gardes de l'Office, en aucun cas on ne l'ouvre la chasse. Alors effectivement les chasseurs se sont plaints.

Maxime : eux, il voudrait bien la chasser ?

C : la chasser non, la détruire oui. Parce que ça gène d'autres espèces européennes. Alors, il faut savoir quand même que la loi tant européenne, tant au niveau international, que la loi française, dit bien qu'une espèce comme ça, on doit les réguler, on doit les éliminer. Ça c'est clair. Le texte est clair. Mais on ne le fait pas. Et des chercheurs travaillent dessus, sur des espèces comme ça, et là mon avis il y aurait de quoi aller devant la loi.

CF : oui, on a des impacts forts sur les … dans l'autre sens.

C : les choses doivent être claires, la loi dit que les espèces invasives ne doivent pas proliférer, qu'il faut prendre toutes mesures pour les éradiquer, ou limiter leur population voire plus,…

CF : on l’a fait pour une seule espèce, c'est l’(Etre), on est en train de l'éradiquer parce qu'elle concurrence les espèces sud européennes.

C : L’(être) rousse, c'est un petit canard plongeur venu d'Amérique, qui a été introduit en Angleterre, qui s'est développé, et qui a tendance à descendre en migration en automne bien sûr, et qui prend la niche écologique de l’(être) à tête blanche qui est sud européenne, donc autour de la Méditerranée, cette espèce est en danger, et en plus les croisements entre les deux espèces sont possibles.

CF : voilà, c'est ça qui a motivé l'intervention.

C : donc, en France, on tape dedans tant qu’on peut. Ce n'est toujours pas à la chasse. C'est uniquement sur des tirs spécifiques.

CF : là, on ouvre pas à la chasse, puisqu'il y a des possibilités de confusion entre les espèces. On peut effectivement les confondre. Il aurait fallu par exemple, que l'on dise pour la bernache cravant, on ne va pas non plus rentrer dans ces détails là, mais au moins qu'on puisse expliquer aux chasseurs pourquoi aujourd'hui on n’ouvre pas la bernache cravant. C'est une espèce qu'on a protégée, qui est intéressante pour les chasseurs, qu'il est interdit de chasser aujourd'hui, on n'a pas convaincu par des arguments scientifiques qu'on ne pouvait pas la réouvrir. Donc à partir de là, ils ne comprennent pas. Donc si demain vous dites " eh bien voilà, le fuligule morillon commence à être mal, les tendances sont en baisse au niveau de la population du paléarctique occidental, on ferme cinq ans ", ils vont nous dire " non, mais vous voulez rigoler ? ". Donc on a plus de moyens par rapport à ces chasseurs. Et on ne peut pas leur en vouloir.

Damien : ils se disent " de toute façon, on ne pourra plus la chasser, donc que ce soit à cause de notre chasse, ou alors que ce soit la faute d'autres choses… "

Maxime : mais vous ne comptez jamais réouvrir quelque chose ?

CF : bien nous, on propose des rapports…

C : si on pouvait réouvrir, moi ça ne me dérangerait pas de réouvrir des espèces …

CF : mais la bernache cravant c'est compliqué par exemple, c'est une espèce comme ça qui normalement pour les chasseurs se porte bien, qui a un intérêt cynégétique et tout ça, et là on ne leur ouvre pas parce que c'est une espèce que l'on connaît, là par exemple par coeur, il n'y a pas une espèce mieux étudiée qu’elle. À tel point qu'on arrive vraiment à avoir un modèle de dynamique de population, on sait comment fonctionnent les populations et tout. Bon, ce qui se passe, c'est qu'une fois qu'on a fait des modèles de dynamique de population qui tournent, on peut modéliser ce que va produire l'ouverture de la chasse, sur ces espèces. Et il s'avère effectivement que c'est une espèce qui est cyclique qui fonctionne comme ça, et que si on réouvre la chasse sur une espèce qui est comme ça, eh bien on va retrouver en dix ans, en même pas 10 ans, l'état dans lequel on était pour la fermer quoi. Et c’est ça qu'on a du mal à expliquer aux chasseurs. À mon avis, on a des arguments scientifiques, assez robuste pour leur expliquer que bon alors ils nous disent, alors ceux qui sont un peu plus intéressés par la problématique nous disent " il faut réouvrir avec un PMA " c'est une espèce dont on réouvre la chasse de manière très contrôlée.

M : il faudrait réouvrir une année sur deux…

CF : ou réouvrir une année sur deux, et tout ça bon, je ne sais pas. Effectivement, il s'avère qu'on a peut d'outils développés de cet ordre là, et que bon ça rate quoi. Ça c'est une espèce qu'on ne peut pas réouvrir dans les conditions actuelles.

C : il faut trouver un moyen pour limiter les prélèvements, comme un prélèvement maximum autorisé, à l'année et par chasseurs, donc là ça se base sur du volontariat, on dit tous les ans il y a un quota de bernache cravant, et chacun vient en disant " moi je voudrais bien tuer une ". Ça peut être n'importe quoi, c’est 1000, c'est 2000, on ne connaît pas les chiffres c'est un ordre d'idées comme ça. Et puis sur ces 1000 ou 2000 si un chasseur veut en tuer une il prend une bague pour que ce soit contrôlable, il la tue, et à la concurrence de ceux qui veulent le faire. Je ne sais pas si c'est possible, mais c’est des pistes quoi.

CF : et il y a une raison pour le, qui serait intéressante de faire, c'est déjà pour les scientifiques de vérifier que leurs modèles marchent bien, c'est surtout ce qui motiverait l'ouverture pour cette bernache par exemple, qui fait des dégâts maintenant en bordure de mer sur des polders, et ça ça commence à prendre des proportions qui sont significatives, pour qu'on intervienne. Donc les dégâts vont encore être subventionnés par le ministère de l'environnement, on va indemniser encore les gens, alors que c'est une espèce à fort intérêt cynégétique. Il y a peut-être moyen, en se creusant la tête, pour arriver à ce qu'il n'y ait plus de dégâts et qu'on puisse lâcher de façon contrôlée sur cette espèce peut-être pour montrer aux chasseurs qu’on peut faire un effort sur une autre espèce. Le tant qu'elle se retape, on peut peut-être …

C : au jour d'aujourd'hui, on ne peut plus prendre une espèce aux chasseurs tous les ans, sinon on leur dit : " cette année, vous n'avez plus ça, cette année, vous n'avez plus ça, vous n'avez plus ça, etc. " parce qu'ils ne vont plus nous croire, là-dessus c'est évident. Il faut que ce soit possible dans les deux sens. Ce n'est pas systématique je veux dire, ce n'est pas systématique, il faut que dans certains cas ce soit possible.

Maxime : comme vous n'avez jamais remis d'espèces chassables, vous n'avez jamais eu de problème avec les environnementalistes, parce que là…

C : oui, mais si on a de bons arguments à leur offrir, je pense que ce jour là, ils seront d'accord. On pourra discuter plus facilement. C'est possible ça.

Damien : il y a une forte pression des écologistes ? Sur ces questions ?

C : oui, il y a un lobby très fort en France sur ces questions-là.

Damien : et c'est la LPO ?

C : c’est la LPO.

M : Le ROC aussi ?

C : oui, le ROC.

Damien : et c’est bien sensible ?

C : ah oui, c'est clair, pour la LPO , s'il n'y avait pas de chasse, ce serait bien. Ils le disent, enfin pas à la télé, mais ils le disent. Ça c'est clair. J'ai de très bons copains à la LPO, ça n'empêche pas, ils viennent à la chasse avec moi d'ailleurs.

Maxime : oui, mais après, il faut distinguer les organisations qui sont pour que la chasse soit raisonnable et ceux qui, de toute façon, sont opposés à la chasse et qui ne veulent pas discuter.

C : il y a tous les cas de figure, c'est comme chez nous chez les chasseurs, il y a des extrémistes.

Maxime : les chasseurs c'est un peu différent, parce qu'il est de leur intérêt aussi qu'il y ait beaucoup d'oiseaux.

C : c'est sur, mais de par leur action, les chasseurs gèrent quand même par un tas de choses les territoires. Par le biais d'associations de chasse qui vont surveiller, qui vont entretenir, qui vont aménager des papiers à bécassine, qui vont entretenir des étangs, etc. qui vont faire des plans de chasse. Et puis il y a pas mal d'argent qui circule dans ce milieu-là. Ils vont travailler sur les milieux, ce n'est pas négligeable quoi.

CF : là, là effectivement il faut souligner ce point important de la gestion du territoire de la part des chasseurs dans les zones humides. Si aujourd'hui, effectivement, les milieux disparaissent, s'il y en a qui restent, c'est en partie effectivement parce que il y a des gestionnaires motivés.

Damien : ça, ce n'est pas toujours reconnu par les opposants de la LPO. La LPO reconnaît qu'il y a des actions d'aménagement du territoire mais ils ne les approuvent pas, il trouvent que justement c'est pour la chasse et que…

C : oui, alors ça c'est pareil, le chasseur qui veut effectivement aménager bien son marais et qui va tout tuer, c'est un connard, par contre celui qui va bien aménager et qui va en tuer une partie, c'est bien. Moi, je connais des gens dans le Marais breton, qui ont des marais de chasse, ils y vont quatre fois dans l'année, bon ce jour là ils font un bon tableau, mais les autres jours tu peux aller sur le Marais, tu y vas avec ton appareil photo, mais c'est interdit de chasser.

CF : en fait, il ne faut pas généraliser, les chasseurs, en fait, il y a vraiment des chasseurs spécialisés du gibier d'eau, et ceux-là, sont en général de bons gestionnaires. Ce sont des gens qui connaissent bien, il n'y a pas de confusion d'espèces, ils sont aussi bons que les ornithologues. Il y a vraiment une vraie motivation. Et puis il y a les autres, ceux qui sont soit donc, je dirais, des pièces rapportées parce qu'il chassaient avant le lapin, il y a les chasses commerciales, et puis il y a l'urbain, qui vient chasser et qui n'y connaît rien. Celui-là, il ne gère pas, il n'est pas gestionnaire. En Dombe, c'est ce qu'on a. Chez nous, les gens payent pour aller à la chasse, ils vont en Dombe, et puis ils chassent là, ils viennent de Lyon, ils viennent passer le week-end, et ils viennent taper du canard. Ce ne sont pas des gestionnaires, ce ne sont pas des gens qui connaissent la nature. Ils viennent se faire plaisir, comme il jouerait au golf.

C : sauf que la balle de golf, c'est le canard.

CF : il ne faut pas tout mélanger. Il ne faut pas tout mélanger. Ceux qui sont mécontents, c'est les chasseurs spécialisés. Ceux-là effectivement, ne se reconnaissent pas dans toutes les récriminations qu’on leur fait, voilà, donc il ne faut pas mettre tout le monde dans le même panier.

Maxime : il y a une opinion des chasseurs qui n'est pas bonne, on dit que les chasseurs ne connaissent rien aux oiseaux alors qu'il s'y connaissent aussi bien que les ornithologues, parfois même mieux…

C : oui, oui.

CF : oui mais bon. Voilà, il y a une partie qui n'aime pas ces gens-là.

Damien : voilà, il faut bien distinguer les deux, il y a plusieurs types de chasseurs.

Maxime : et qu'est-ce que vous croyez… Voilà, pour finir, si vous voulez bien, qu'est-ce que vous croyez qui a vraiment changé depuis quelques années où, tous les ans, on voyait des altercations entre les chasseurs et les écologistes, et maintenant, où on n'en parle plus beaucoup ?

C : déjà, il y a la chasse à la tourterelle qui a diminué quoi. Parce que c'est là où on les voyait le plus, il y ait eu aussi quelques manifestations de chasseurs pour le gibier d'eau, mais il n'y en a pas eu beaucoup. Il y avait Bougrin-Dubourg qui faisait beaucoup de lobbying par rapport aux tourterelles au mois de mai traditionnellement, donc c'est là où ça n'allait pas. C'est des migrateurs, c'est pareil, mais bon, on ne va pas chasser la tourterelle au mois de mai, elle est en train de se reproduire. Et d'ailleurs, depuis qu’on ne la chasse plus, on voit bien que la population remonte.

CF : oui, pour mon avis, c'est qu'on a créé un espace de discussion qui s'appelle l'Observatoire.

Maxime : vous croyez que c'est dû à l’Observatoire notamment ?

CF : je pense qu'il y a un espace de discussion qui permet de regrouper les différents partis, bon là avec des opinions différentes et je pense que ça a pu aplanir pas mal de choses. Après, voilà, ça c'est tout nouveau c’est tout beau, si je puis dire, quand l'observatoire aura un peu mouliné, bon là c'est ce qu'il est en train de faire, les ouvertures les fermetures, si ça ne change pas de trop, on va peut-être repartir sur des… Voilà, il y a peut-être là un effet nouveauté, espace de discussion où chacun veut bien à nouveau remettre le truc sur la table.

C : pour l'observatoire, si tout le monde en effet se rend compte que ça peut faire avancer les choses, il va fonctionner, et si effectivement tout le monde se rend compte que c'est un truc qui est joli, mais que ça ne sert pas à grand-chose, et bien là ça va repartir plein pot. C'est évident.

Maxime : donc ce n'est pas quelque chose qui est résolu pour toujours ?

C : je pense que ça a quand même avancé.

CF : oui, on ne pouvait guère faire mieux que ça dans l'état où étaient les choses. C'était de recréer cet espace de discussion et puis chacun essaie de monter des dossiers dans son coin et puis les mettre dans la banque. Puis finalement, faire discuter les gens techniques de chaque bord, les plus techniques, et puis après soumettre tout cela aux politiques, à mon avis on a déjà gagné dans la démarche quoi. Maintenant si effectivement, pour une raison quelconque, ce qui arrive à pas trop mal se passer, c'est-à-dire un consensus au niveau de l'observatoire, et qu'après au niveau politique ce n'est pas suivi, alors là on va au clash quoi. Là c'est reparti, ça va exploser. Mais bon, on n'est pas à l'abri de ça parce qu'il y a quand même un distinguo entre ce que propose à l'observatoire et ce qui va être décidé au niveau final.

Maxime : oui, le gouvernement fait ce qu'il veut.

CF : oui, l'observatoire et là juste pour conseiller. Alors, ça existait avant, c'est-à-dire qu'il y avait des réseaux d'observation et des filières différentes de remontée de données au ministère auparavant et le ministère avait bien intérêt à ce que chacun continue à récolter des données dans son coin mais finalement ça arrivait sur le bureau du ministère et c’était à celui qui criait le plus fort… Bon, la démarche était : il fallait crier, bon ben on se faisait entendre. Donc cet espace de discussion étant mis en place, avec des personnes compétentes qui sont le plus au coeur du sujet et bien ça apaise, on est dans une période, on a l'effet nouveauté, on est prêt à refaire confiance, voilà, ça marche.

Maxime : donc l'avenir serait peut-être l'européanisation de comités comme l'Observatoire.

C : on y viendra, plus ou moins, mais ce n'est pas demain matin encore.

Maxime : Pierre Migot avait l'air de dire que l'Europe n'y changerait rien.

CF : bien, on a bien une structure de décision européenne…

C : bien, il faut savoir qu’au niveau de l'Europe, les pays du Nord sont plutôt environnementalistes, plutôt anti-chasse, alors que les pays du Sud sont plutôt pro-chasse. Ce n'est pas innocent.