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L’association 4D (Dossiers et Débats pour le Développement Durable) a été créée en 1993 dans le but de former un réseau citoyen de réflexion autour du développement durable, et d’assurer le suivi des engagements pris par la France et les autres pays de l’ONU.
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Conférence 4D du 20 juin 2006
Nous avons assisté à une conférence de l'association 4D, le 20 juin 2006.
Marc Chevallier, journaliste à Alternatives Economiques, introduit le débat et insiste sur la notion de « pessimisme raisonné ».
Le premier intervenant, Jacques Varet, est le directeur de la prospective au BRGM, le Bureau de Recherches Géologiques et Minières. Il est écologiste. Il fait état de la situation énergétique actuelle et donne un rapide aperçu des caractéristiques du peakoil. Il signale que le problème de la déplétion pétrolière est bien plus urgent que le réchauffement de la planète ou l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre.
Il souligne enfin que le pic peut être déplacé grâce à l’économie : l’augmentation des prix peut nous inciter à améliorer les technologies d’extraction du pétrole, voire à abandonner le pétrole au profit d’autres énergies.
La parole est ensuite donnée à Jean Laherrère, qui rappelle les données scientifiques qui laissent entrevoir l’existence future d’un pic de production. Il se présente comme « un faiseur de graphiques » et ne parle en effet qu’avec l’appui de tableaux ou de courbes.
Il se targue de posséder des chiffres que « personne ne possède », même pas les grands organismes nationaux ou internationaux tels que l’AIE ou l’IFP. « Publier des chiffres » est, selon lui, un « acte politique » car ceux qui les publient cherchent à donner une image particulière d’eux-mêmes. Jean Laherrère attire par exemple notre attention sur le fait que la plupart des acteurs de la controverse sur l’existence et la position temporelle d’un pic de production pétrolière brouillent volontairement les données en confondant les définitions (ressources/réserves) et les unités (litre, baril, voire même en calculant en dollar). Pour donner l’illusion de précision et de sérieux, ils donnent des chiffres à dix décimales, alors que « seuls deux chiffres sont significatifs dans les données concernant le pétrole ». Plus un chiffre est précis, moins il est fiable !
Il souhaite mettre fin à certains mythes qui sont, selon lui, néfastes :
- Le Moyen-Orient est peu exploré.
- L’augmentation du taux de succès amène plus de découvertes.
- Les rendements d’extraction sont de 35% au Moyen-Orient et de 55% en mer du Nord donc on peut doubler les réserves du Moyen-Orient en améliorant les techniques.
- Les réserves peuvent être augmentées par amélioration des techniques de forage.
Après avoir fait défiler très rapidement de nombreux graphiques montrant l’inéluctabilité d’une déplétion pétrolière au niveau mondial et dénonçant la fantaisie des chiffres publiés par les compagnies pétrolières, les pays pétroliers et les grands organismes nationaux ou internationaux spécialisés dans l’énergie, il donne la seule solution valable à ses yeux : il faut que le prix du pétrole augmente pour que nous cessions d’en consommer et que nous léguions un monde respirable aux générations futures.
Jean-Marie Chevalier, économiste à l’université Paris-Dauphine, n’est absolument pas d’accord avec Jean Laherrère : une augmentation trop forte des prix du brut serait une catastrophe pour les pays pauvres.
Il insiste sur la nécessité impérieuse de tenir compte désormais du facteur environnemental, et donne l’exemple de l’AIE qui a renoncé à faire des calculs sur la base du « business as usual » (prévisions faites en considérant que les différents paramètres vont continuer à évoluer comme aujourd’hui), car nos rythmes de consommation et de pollution actuels ne seront bientôt plus tenables écologiquement.
En ce qui concerne les chiffres des réserves donnés par les compagnies pétrolières, Jean-Marie Chevalier considère qu’ils donnent un bon ordre de grandeur. Il estime que les énormes progrès techniques à venir vont permettre de lutter contre la déplétion pétrolière, et qu’il n’y aura pas de pic mais plutôt un plateau ondulé (sourire de Jean Laherrère, qui est à l’origine de ce concept de « plateau ondulé »).
« Le problème n’est pas celui des réserves mais leur concentration dans les zones turbulentes ». La question n’est donc pas : y a-t-il des solutions techniques ? (Il en existe bel et bien), mais plutôt : est-ce que les investissements nécessaires vont pouvoir être faits à temps ? La réponse est non, car des investissements importants seraient synonymes de diminution des dividendes pour les actionnaires, et, de surcroît, les pays producteurs sont plutôt fermés aux investissements extérieurs. L’offre va donc se raréfier par faute d’investissements, et non pour des raisons géologiques.
Jean-Marie Chevalier conclut en prédisant que nous parviendrons à nous sortir du pétrole, mais que les choses vont se faire lentement car nous vivons dans un monde extrêmement rigide.
Ignacy Sachs, professeur à l’EHESS (Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales) et président d’honneur de 4D, rappelle que jusqu’à présent, aucune transition énergétique ne s’est faite à cause d’une pénurie mais parce que nous avions trouvé d’autres sources d’énergie plus performantes ou moins chères. Il prend l’exemple des biocarburants, qui sont désormais compétitifs grâce à l’envolée des prix du pétrole depuis deux ans. Au cri de « vive la crise », il assure que l’on peut modifier considérablement la courbe de demande énergétique.
Après un bilan positif de la politique de développement des biocarburants au Brésil, il nous enjoint à miser sur la production d’éthanol (biocarburant le plus courant) à partir de déchets végétaux. « Remplacer l’essence par l’éthanol est plus que facile ».
Il rappelle enfin que la Suède est le seul pays au monde à s’être fixé l’objectif de ne plus utiliser de pétrole à l’horizon 2020. Cette initiative est selon lui la preuve qu’il est possible de se passer de pétrole avec un minimum de motivation.
Le dernier intervenant est Olivier Abel, professeur d’éthique à la faculté de théologie protestante de Paris. Il met en lumière le fait que nous vivons globalement au dessus de nos moyens et que la solution aux problèmes climatiques futurs pourrait être un changement de notre philosophie de vie : vivre plus modestement ne veut pas forcément dire vivre moins heureux. |