Les langues des signes sont des langues naturelles que les personnes sourdes ont développées pour communiquer entre elles. Ces langues partagent plusieurs caractéristiques avec les langues orales, par exemple une grammaire, une syntaxe, une pragmatique (c'est-à-dire un ensemble de présuppositions et de sous-entendus propres à une situation d'énonciation), un lexique, etc. Elles reposent sur la double articulation (le langage est constitué de deux types d'entités: des entités lexicales et grammaticales, comme les suffixes par exemple, et des entités dépourvues de sens, par exemple les sons correspondant à la lecture du mot) des unités constitutives de la langue. Sommairement, les grands traits des langues signées comprennent une combinaison de configurations manuelles, de positionnement des mains, de localisation spatiale, de mouvements (bras, mains, tronc, épaules, tête) et d' expressions faciales (joues, lèvres, sourcils, regard...).
La langue des signes n'est pas une langue universelle : il y a des différences entre les langues des signes dans le monde, qui varient selon les régions. Le plus souvent, la langue des signes d'une région n'a aucune correspondance avec la langue orale régionale. En dépit des différences entre les langues des signes du monde, la communication entre sourds de nationalités différentes est plus facile qu'entre les gens parlant différentes langues orales. Il existe des centaines de langues des signes dans le monde (les experts en recensent 121 différentes), dont quelques-unes ont obtenu une reconnaissance légale, d'autres non.
La LSF est une cousine de la langue des signes américaine avec une similarité lexicale de 43 %.
La langue des signes française (LSF, cf. l'acronyme épelé en signes) est une langue visuelle qui est la langue des signes utilisée par les sourds-muets et certains malentendants français pour traduire leur pensée. La LSF est une langue à part entière et un des piliers de l'identité de la culture sourde.
La LSF serait signée par 80 000 sourds et entre 100 000 et 150 000 mal-entendants ( d'après les chiffres de l'AFIDEO, Association Française pour l'Information et la Défense des sourds s'Exprimant Oralement).
Pendant longtemps, le sourd isolé a dû se contenter d'une gestuelle basique ; de ce fait, ne disposant pas une langue élaborée, son esprit ne pouvait se structurer et il lui était donc impossible de développer ses capacités intellectuelles (d'où l'idée répandue que le sourd aurait moins de capacités intellectuelles). La LSF trouve plutôt ses racines au sein des familles sourdes, et se développe surtout avec l'apparition d'écoles pour les sourds.
L'abbé de L'Epée fut, en 1760, le premier entendant à s'intéresser aux modes de communication des « sourds-muets » en observant un couple de jumelles sourdes communiquer entre elles par gestes ; il découvre l'existence d'un début de langue de signe. Il décide alors de regrouper les enfants sourds pour les instruire, apprend lui-même la langue des signes grâce à ses élèves et ira démontrer les progrès obtenus jusque devant la cour du roi. C'est ainsi qu'il pourra ouvrir une véritable école pour sourds qui deviendra l'Institut National des Jeunes Sourds, aujourd'hui mieux connu sous le nom d'Institut Saint-Jacques (celui qui est entre l'école des Mines et la Meuh!). À sa mort en 1789, l'Abbé Sicard lui succède et tente maladroitement d'imposer un langage gestuel conventionné et agrémenté de signes méthodiques qui sera abandonné par la suite.
La méthode de l'Abbé de l'Epée n'était pas parfaite : il a tenté de calquer la construction de la LSF sur celle d'une langue écrite et parlée classique, et a donc créé un langage trop théorique pour être aisément compris et utilisé par les jeunes sourds ; ses premiers résultats éducatifs furent très en-dessous de ces attentes.
La suite est connue : le Congrès de Milan en 1880 proscrit la langue des signes dans l'enseignement. Trois raisons sont invoquées : la LSF n'est pas une vraie langue, elle ne permet pas de parler de Dieu et les signes empêchent les sourds de bien respirer, ce qui favorise la tuberculose. Cette interdiction a perduré près de cent ans : dans les écoles, les professeurs étaient entendants et utilisaient la méthode oraliste. Mais, pour autant, la LSF n'a pas disparu car, regroupés entre eux dans les écoles, les sourds se la transmettaient de génération en génération, la plupart du temps pendant la récréation, puisqu'il était interdit de signer en classe.
L'interdiction est finalement levée en 1977.
Depuis, d'importants progrès ont été faits concernant l'approche de la langue des signes par la société. La création de l'UNISDA au début des années 70 conduit par exemple à la diffusion d'un journal d'information en LSF sur Antenne 2.
En 1991, la loi Fabius favorise le choix d'une éducation bilingue pour les sourds : LSF et français écrit et oral. En février 2005, la loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées reconnaît enfin la LSF comme une langue à part entière.
Aujourd'hui, les instituts pour sourds ont réintégré la LSF dans leur enseignement, en plus du français oral et écrit.
La grammaire de la LSF est « en 3D », c'est-à-dire qu'il est possible d'exprimer plusieurs idées simultanément, ce qui la différencie de la grammaire française linéaire. Par exemple,
La langue des signes française a une grammaire différente du « français signé » (qui garde la syntaxe du français, mais utilise des signes pour les mots).
La syntaxe de la LSF est un sujet de recherche. Elle est parfois enseignée comme une langue d'ordre libre ou une langue OSV (objet sujet verbe), mais certains chercheurs pensent que les choses sont un peu plus subtiles.
L'ordre des mots est le suivant : tout d'abord le lieu, puis le temps, ensuite le sujet et enfin l'action. Ce qui est logique puisque la pensée visuelle des sourds entraîne une mise en scène systématique de ce qui se dit : le décor est tout d'abord planté, les acteurs entrent ensuite en scène et l'action peut enfin débuter…
Le lexique des signes s'enrichit en permanence, comme toute langue pratiquée et nécessitant de nouveaux mots. On y voit apparaître:
Le français signé est l'utilisation de signes de la LSF ordonnés selon la syntaxe linéaire de la langue française. Ce compromis naît de la nécessité de communiquer ; il est utilisé par des entendants de langue maternelle française qui ont une bonne connaissance des signes mais ne maîtrisent pas la syntaxe de la LSF.
Par exemple, en LSF, la phrase « J'aime cette voiture. » sera signée voiture cette aimer. Dans le français signé, le locuteur utilisera l'ordre aimer cette voiture.
Dans l'enseignement aux jeunes sourds, le problème qui se pose est que leurs enseignants sont souvent des entendants et qu'ils n'utilisent pas naturellement la syntaxe de la LSF, mais plutôt naturellement celle du français signé. Les jeunes sourds n'ayant pas de parents sourds calquent leur façon de signer sur leurs enseignants entendants (d'où la nécessité d'avoir des enseignants sourds pour la LSF).