Le point de vue des militaires
 
         Les armées sont les seuls utilisateurs des bombes à sous munitions. Si elles les utilisent, c’est qu’elles y trouvent un double intérêt.
 
         Tout d’abord, ces bombes sont irremplaçables dans ce qu’on appelle la saturation de zone. Contrairement à un missile ou à une bombe traditionnelle, les BASM permettent de détruire l’ensemble du matériel, du personnel ou des infrastructures se trouvant sur une zone donnée. Là où le missile détruira un char, la BASM permettra la mise hors service des dizaines d’entre eux. Le même raisonnement est valable sur des infrastructures telles que les pistes d’aviation. Le missile creusera un cratère profond et ponctuel facile à combler alors que la BASM détruira la totalité de la piste, la rendant inutilisable bien plus longtemps. On comprend aisément l’avantage des BASM quand l’armée rencontre une concentration de matériel ou de troupes ennemis. Celle-ci peut être éliminée rapidement et on gêne ainsi considérablement les mouvements de l’ennemi.
La visée stratégique des BASM est donc différente de celle des missiles et des bombes conventionnelles qui revendiquent la précision des frappes dites chirurgicales.
 
         Ensuite, ces bombes permettent de sécuriser le personnel. Typiquement, un aviateur faisant face à une colonne de 5 chars doit s’il est armé de missiles conventionnels effectuer 5 passes successives au dessus de la colonne pour éliminer la menace, s’exposant 5 fois aux armements antiaériens de ses adversaires. En revanche, avec une BASM, un seul passage suffit à éliminer les 5 chars, et on risque 5 fois moins la vie du pilote (dont la formation a coûté des millions à l’état) et de son bombardier (qui a coûté autant).
 
         On peut attribuer de manière annexe une utilisation moins louable à ces armes, qui, en vertu du principe de proportionnalité qui stipule que des pertes civiles sont acceptables si l’objectif stratégique qui résulte de l’opération le justifie, sont parfois utilisées pour un objectif ponctuel non clairement identifié ni situé. La présence d’un ennemi dans une zone connue suffit donc parfois à déclencher l’ordre de tir, la cible est alors éliminé, ainsi que la zone qui l’entoure. Il est bien entendu extrêmement difficile de définir si le principe de proportionnalité des conventions de Genève s’applique ou non dans ces cas là.
 
         Il est à noter à ce niveau que les militaires français, que nous avons pu joindre, prennent un soin tout particulier à utiliser ces armes dans des conditions entrainant un minimum de danger pour la population civile. Ainsi l’Armée française a refusé de lancer des attaques à BASM en Côte d’Ivoire alors qu’elle y aurait eu un intérêt stratégique. De même, au Kosovo, 70% des attaques prévues utilisant des BASM ont été annulées en raison de mauvaises conditions météorologiques (vents non favorables ou neige) ou de danger trop important pour les populations civiles. C’est dire que certaines armées ont conscience de la spécificité de ces armes. Elles les utilisent avec la parcimonie, l’attention, la prudence et le soin que requiert celle-ci.
 
         Pour les militaires, la BASM fait donc pleinement partie de l’arsenal de l’armée, avec ses qualités propres qui la rendent différente et complémentaire des autres types d’armement utilisés. Elle est dans ses domaines de spécificité irremplaçable, comme nous venons de la voir.
 
         Les BASM sont souvent comparés aux mines dans le sens où elles entraînent des EXPLOSIVE REMNANTS OF WAR, c'est-à-dire des restes explosifs de guerre. Il faut cependant les considérer de manière extrêmement différente. Les mines sont des armes de terreur destinées à faire peur, à effectuer des pressions ou à interdire des zones, d’une manière directement antipersonnelle. Elles ne répondent à aucun impératif stratégique autre que celui de blesser et tuer, d’empêcher les familles de rentrer dans leur village en piégeant les puits et les routes. En revanche, une frappe utilisant des BASM correspond à un objectif stratégique précis, elles n’ont pas comme but de rendre une zone inaccessible ou de terroriser la population, mais de détruire une cible donnée. Les restes explosifs de guerre ne sont pas délibérés, mais fortuits. C’est pourquoi, même au sein des ONG, certains ténors de la lutte contre les mines antipersonnelles ne s’engagent pas dans la lutte contre les BASM, considérant que le combat n’a rien à voir.