L'industrie sidérurgique

La Lorraine est considérée, au début du siècle, comme le « berceau du fer ». Sa richesse vient de ses nombreuses mines de fer et particulièrement en Lorraine centrale où est extraite la « minette ». Ce diminutif donné au minerai exploité vient de sa faible teneur en fer : 32%. Le fer extrait des mines est chauffé grâce au charbon local (extrait du bassin houiller), et permet la fabrication de la majorité de l’acier français. Les vallées Lorraine, initialement agricoles, sont vite transformées en paysage industriel. Le nombre de hauts fourneaux et de laminoirs se multiplie, les villes se transforment. La main d’œuvre étrangère vient s’installer en Lorraine pour travailler à l’usine.

Toutefois, à la fin des années 60 l’expansion de l’industrie sidérurgique ralentit. La production d’acier devient excédentaire et la CECA (Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier) a le rôle de réduire les capacités de production des pays membres. Les outils industriels sont démantelés un à un ; les crises sociales se succèdent au rythme des fermetures de sites.

Le tableau suivant montre l’évolution de la production de l’acier et de la fonte en Lorraine depuis 1950. 

Dès 1970, la situation s’aggrave avec l’arrivée sur le marché français des nouveaux concurrents d’Asie du Sud-est et d’Amérique Latine. L’Etat français prend dès lors le contrôle de l’industrie sidérurgique et lance une politique de rationalisation de la production.

La région - mono industrielle, enclavée, produisant un minerai de fer pauvre (la minette) - subit de nombreuses restructurations. De graves conflits sociaux prennent alors naissance.

Les bilans de 1990 sont plus qu’inquiétants : la région a perdu 200 000 emplois liés à la sidérurgie, dont ceux de 50 000 mineurs. La nationalisation de l’industrie sidérurgique de 1981 a coûté 100 milliards de francs à l’Etat, auxquels s’ajoutent les 40 000 départs en pré-retraite. Dans les villes, des centres commerciaux remplacent désormais les installations industrielles. Malgré ce démantèlement rapide, les habitants n'oublient pas cet âge d’or industriel.

Selon M. Jean-Pierre Masseret, alors sénateur de la Moselle et maire d’Hayange (et actuel secrétaire d’Etat aux anciens combattants) « Si, tous les matins, les gens voient leurs usines arrêtées, vides, délabrées, ça fout un coup au moral, ça n’offre pas de perspectives. Il était donc d’utilité psychologique d’en faire disparaître un certain nombre devant les yeux de ceux qui y avaient travaillé depuis des générations. Aujourd’hui, on se demande si les démolitions n’ont pas été trop massives. Ne pas s’être posé la question d’une conservation du patrimoine industriel, c’est objectivement une erreur. »

Un important taux de chômage conduit les habitants de la région à quitter leur domicile pour aller s’installer dans des régions offrant un travail leur permettant de vivre dignement. Ainsi, de nombreux Lorrains se dirigent tous les matins vers le Luxembourg, l’Allemagne ou la Belgique, pays offrant des postes mieux rémunérés qu’en France.

En 1985, se crée le Pôle Européen de Développement (PED) dans les régions les plus touchées par les restructurations. Celui-ci permet aux nouveaux projets industriels de bénéficier d’un taux d’aide publique de l’ordre de 34% du montant de l’investissement.

Malgré cette perfusion économique, les objectifs en termes d’emplois, pourtant déjà très faibles, ne sont pas atteints : côté français, seuls 40 % des 5 500 emplois prévus ont été créés en dix ans. Les entreprises s’implantent, et la Lorraine devient la première région française pour l’accueil des entreprises étrangères. Ainsi, se développent trois nouveaux pôles industriels : l’automobile, l’électronique et la plasturgie.

Dans les vallées lorraines survivent encore quelques cokeries (usines de transformation du charbon), aciéries et hauts fourneaux, derniers souvenirs d’une époque oubliée. Pour M. Masseret : « Quand un des éléments cessera de fonctionner, les autres suivront. Et notre cokerie a douze ans ; le jour où elle s’arrêtera, ils ne la reconstitueront pas. Il faudra en finir avec la sidérurgie et l’effacer des mémoires. »