Controverse 2007 - L'impact des subventions agricoles - Clefs de compréhension

Le Monde.fr du Mardi 15 Avril 2008

La Banque mondiale et le FMI tentent de mobiliser face à l'envolée des prix alimentaires

Résumé

La banque mondiale et le FMI tentent de mobiliser face à l’envolée des prix alimentaires Selon R.Zoellick (BM) le doublement des prix alimentaires pourrait pousser plus profondément dans la misère plus de 100M d’individus. La flambée des prix a entraîné des manifestations en Egypte, au Cameroun, en Côte d’Ivoire, en Mauritanie, en Ethiopie, à Madagascar, aux Philippines, en Indonésie et en Haïti. La BM tente de mettre en place un système d’aide comparable au New Deal américain après la Grande Dépression, notamment en attribuant des fonds supplémentaire à la PAM. R. Zoellick insiste par ailleurs sur la nécessité de motiver des investissements afin de stimuler la croissance dans les pays pauvres.

AUTEUR: Daniel Rosenweg

 
ALORS que les Bourses occidentales chavirent sous les vagues inflationnistes du pétrole et le ressac de l'immobilier américain, à l'autre bout du globe, des populations entières subissent ce que d'aucuns appellent déjà un «tsunami humanitaire ». Un peu partout, des émeutes de la faim réclament simplement le droit à s'alimenter, en Haïti, en Egypte, aux Philippines, au Cameroun, au Sénégal, au Mexique, en Indonésie, à Madagascar... Les manifestations se sont multipliées contre la hausse du prix des produits de première nécessité, particulièrement du blé et du riz, laissant parfois derrière elles des morts. Hier, le président haïtien, René Préval, a annoncé une baisse du prix du riz dans le pays pour tenter d'apaiser la population, et le Premier ministre a été renversé. Un phénomène que le FMI et la Banque mondiale, plus soucieux d'équilibre économique que d'alimentation, vont devoir évoquer lors de leur réunion commune prévue ce week-end. Hier à Washington, le directeur général du FMI, Dominique Strauss-Kahn, a souligné que la hausse des prix alimentaires pourrait avoir de terribles conséquences pour la planète entière. « Des centaines de milliers de personnes vont mourir de faim... » a-t-il mis en garde.

Un rapport des Nations unies dresse une liste de trente-sept pays « actuellement confrontés à des crises alimentaires ». Dans la plupart de ces pays, les dépenses d'alimentation représentent plus de 60 % des revenus, contre 15% en France. Or, l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), qui tire la sonnette d'alarme, l'assure : « En 2008, la facture des importations céréalières des pays les plus pauvres du monde devrait augmenter de 56 %, voire 74 %, pour les pays à faibles revenus après une hausse significative de 37 % en 2007. »

Comment tout cela est arrivé. C'est une succession d'événements avec, au départ, une mauvaise météo au printemps 2007, et donc de mauvaises récoltes, notamment en Australie qui a perdu 10 millions de tonnes et en Ukraine. Ceci a entraîné une réduction volontaire des exportations des pays producteurs, dont la Russie pour le blé ou la Thaïlande pour le riz. Dans le même temps, on a enregistré une poussée de la demande mondiale, la population augmentant et les nouvelles classes moyennes indiennes et chinoises occidentalisant leur alimentation. Le tout a été couronné par une hausse des tarifs du fret, associée à celle du pétrole.

Pourquoi cette pénurie. Jean Ziegler, auteur de « l'Empire de la honte » et rapporteur spécial des Nations unies pour le droit à l'alimentation, considère que la situation a des causes avant tout structurelles. Selon lui, par exemple, les pays pauvres et endettés ont été contraints par les organismes officiels internationaux, comme le FMI, à produire des matières premières exportables, telles que cacao, coton, pour rétablir l'équilibre de leur balance commerciale, « au détriment des besoins locaux ». Ces pays sont donc tributaires des cours mondiaux. A côté, la montée en puissance des biocarburants a détourné des millions de tonnes de céréales du circuit alimentaire. Ainsi, 11 % de la production du maïs américain sont dorénavant consacrés à la production d'éthanol.

Par ailleurs, José Manuel Barroso, président de la Commission européenne, a dénoncé cette semaine « les aides au développement des pays de l'Union européenne qui ont baissé en 2007 pour la première fois depuis l'an 2000 ». Elles se sont élevées à 46,1 milliards, contre 47,7 un an plus tôt. La France figure parmi ceux qui ont réduit leur contribution.

Et l'avenir ? Vendredi, sur France Inter, Jean-Christophe Rufin, ambassadeur de France au Sénégal et ancien président d'Action contre la faim, était pessimiste: « Il faut cinq ans pour que des terres non cultivées produisent à nouveau. » La situation est compliquée par le fait, selon la FAO, que « les stocks mondiaux sont épuisés ». Il semble donc que tout dépende plus que jamais, en ce printemps... de la météo.

 

DATE-CHARGEMENT: 13 Avril 2008

LANGUE: FRENCH; FRANÇAIS

TYPE-PUBLICATION: Journal

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