Plusieurs constats sont à l’origine de cette méthode. Tout d’abord, il a été remarqué depuis le 19e siècle que certaines zones des océans sont presque dénudées de vie planctonique : le phytoplancton y est presque absent. La zone de ce type la plus connue, appelée Zone Désolée par les anciens cartographes, est située dans l’Océan pacifique 250miles nautiques au sud-ouest des Iles Galapagos. Cette absence de phytoplancton est d’autant plus étonnante que ces zones sont très riches en nutriments, en particulier azote et phosphore : pour cette raison, de telles zones sont appelées HNLC (« High Nutrient / Low Chlorophyl »), le phytoplancton étant la principale source de chlorophylle des océans.
Le deuxième constat est la corrélation dans l’histoire du climat, à travers l’analyse de carottes de glace, entre augmentation de la concentration atmosphérique en poussières continentales et diminution de la concentration atmosphérique en CO2.
Il a toutefois fallu attendre les années 80 et les études de l’océanographe John Martin pour établir le lien : celui-ci a en effet remarqué que ces zones HNLC sont beaucoup soumises au dépôt de particules de poussière en provenance des continents. L’explication est la suivante : le phytoplancton, bien que représentant moins de 1% de la biomasse capable de photosynthèse, est responsable de près de 50% de la fixation mondiale du CO2. Une plus grande population de phytoplancton est donc à l’origine d’une plus grande fixation du CO2 et donc à une baisse de sa concentration atmosphérique. Or, il semble que quelque chose dans ces poussières continentales favorisent le développement du phytoplancton, et ce quelque chose, Martin pense l’avoir montré, est le fer.
En raison de la très grande concentration en nutriments de ces zones HNLC, il suffirait alors de fertiliser ces eaux avec du fer, localement absent, afin de voir la population de phytoplancton croitre énormément, et donc relancer la pompe biologique du CO2 à ces endroits. Il s’agit de l’idée de stockage océanique du CO2 de John Martin.
Concrètement, la méthode consiste en l’injection de fer dans les zones déficitaires en cet élément. Des tankers parcourent ces zones et déversent sur leur chemin une solution acidifiée de sulfate de fer (FeSO4). Afin de pouvoir être assimilé par les organismes, le fer doit en effet se trouver sous forme ionique (FeII) et dissoute ; le fer étant naturellement peu soluble dans l’eau de mer, il convient d’acidifier le milieu (pH 2) pour favoriser sa dissolution : on utilise pour cela de grandes quantités d’acide chlorhydrique (HCl). De plus, le fer II étant assez facilement oxydable, on peut également lui rajouter de l’EDTA ou de l’acide lignique pour empêcher cette oxydation.
Désormais en présence de fer, le phytoplancton peut utiliser les très grandes quantités de nutriments localement présentes pour se développer. Le CO2 est alors mobilisé et stocké de plusieurs manières. La plus grande partie du CO2 sera consommée pour la photosynthèse et formera de la matière carbonée. Le CO2 peut également être mobilisé par les micro-organismes pour former leur squelette calcaire : le CO2 pouvant fournir des ions carbonates par réaction acido/basique (Les Coccolithophoridés sont un exemple de phytoplancton muni de plaques calcaires). Le phytoplancton peut être également mangé par le zooplancton : le carbone fixé sera alors à terme capturé sous forme d’excréments. Dans les deux derniers cas, après excrétion ou la mort de l’individu, si la taille des particules carbonées est suffisante, leur poids les fera tomber au fond de l’eau et rejoindre les sédiments : à terme ce CO2 sera définitivement stocké sous forme de roches sédimentaires. Dans les autres cas, le CO2 fini par être restitué lors de la respiration : une fraction rejoint les eaux de surface et peut donc éventuellement rejoindre l’atmosphère tandis qu’une autre fraction sombrera dans les eaux profondes : sont traitement est alors le même que celui du CO2 stocké artificiellement à ces grandes profondeurs.
Une première expérience, IronEx, eut lieu en 1993 dans la « Zone désolée » sur une surface de 64km², malheureusement sans John Martin, mort quelques mois plus tôt. 500kg de sulfate de fer furent déversés donnant lieu à des résultats inférieurs aux prédictions. Deux ans plus tard, en 1995, une deuxième expérimentation, IronEx II, eut lieu. 500kg de sulfate de fer furent également injectés mais en trois fois. Cette fois-ci, on assista à l’explosion de la population de phytoplancton, attirant en peu de temps les poissons puis les requins et tortues sur la zone. Cette expérience permit de créer l’équivalent, en termes de biomasse, de 100 séquoias, et de fixer, selon leurs calculs, 2500 tonnes de CO2. Au total, 10 nouvelles expérimentations eurent lieu ensuite dont SOIREE en 2001, première expérimentation en milieu polaire (8500kg de sulfate de fer en une semaine sur 50km²).
Enfin, il est à noter un deuxième mécanisme permettant à cette méthode d’agir sur le réchauffement climatique : il ne s’agit plus ici de stockage de CO2 mais d’effet parasol. En effet, certains phytoplanctons produisent un gaz, le diméthylsulfure, ou DMS, qui augmente la nébulosité du ciel et a donc un effet positif sur le réchauffement climatique en participant à l’effet parasol, effet antagoniste de l’effet de serre.