La spéculation sur les produits agricoles
La spéculation sur les produits agricoles
AUGMENTER LA PRODUCTIVITÉ : Un défi pour les PMA Pourquoi augmenter la productivité ?
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« Certains terroirs aux sols épuisés ou saturés sont dans l’incapacité, avec les techniques actuelles, de nourrir les populations qui les peuplent, rendant la migration ou la mutation technique inévitables.» « Il existe un clivage croissant entre une agriculture moderne, branchée sur les marchés mondiaux, largement financée par les pouvoirs publics (brésiliens, égyptiens, paraguayens...) recourant à des techniques très intensives en capital mais utilisant très peu de main-d’œuvre (en haut de l’échelle des ingénieurs agronomes surdiplômés, en bas quelques ouvriers agricoles prolétarisés), et une agriculture familiale paysanne, à base de petites exploitations, parfois dynamiques quand elles parviennent à trouver des débouchés, mais le plus souvent en difficulté faute de capter les marchés urbains et internationaux.» Brunel Sylvie, La nouvelle question alimentaire,
Hérodote, 2008/4 n° 131, p. 14-30. DOI : 10.3917/her.131.0014
L’augmentation de la demande de produits alimentaires, dues à l’augmentation de la population, nécessite une augmentation de l’offre. L’offre peut être augmentée par deux moyens : l’augmentation de la surface des terres cultivables et l’augmentation de la productivité. Bien que la première solution soit possible (selon la FAO, environ 20% des terres en Afrique et en Amérique latine ne sont pas valorisées, et les Etats-Unis et l’Europe ont longtemps limité l’étendue de leurs terres cultivables pour maintenir des prix hauts), elle est limitée par le manque d’espace pouvant être cultivés. En effet, le développement des villes et des industries réduit l’espace réservé à l’agriculture, et nombreuses terres potentiellement cultivables sont protégées au nom de la biodiversité (forêts par exemple). Il reste donc la deuxième possibilité : augmenter la productivité, et donc le rendement, des exploitations agricoles existantes. L’agriculture des PMA est en grande majorité extensive : ce sont de petits producteurs qui ne disposent que de peu de technologies et dépendent très fortement des conditions climatiques. Il est donc nécessaire d’apporter à ces producteurs les solutions technologiques nécessaires à viabiliser leurs exploitations : systèmes d’irrigation, grains de meilleure qualité, machines pour récolter plus efficacement, outils de prévision météorologiques… La nécessité de soutenir les petits producteurs
 « Donner la possibilité aux petits producteurs de vivre décemment de leur travail, d’être correctement rémunérés pour leurs récoltes est la seule condition pour résoudre le dilemme alimentaire tout en permettant de faire baisser les prix de la nourriture sur les marchés internes. N’oublions pas que 10 à 15% seulement de la production agricole mondiale sont échangés sur les marchés mondiaux. Soutenir un petit capitalisme familial produisant et vendant à l’échelle nationale, voire régionale, est le seul moyen de sortir de la crise alimentaire mondiale.»
Brunel Sylvie, La nouvelle question alimentaire,
Hérodote, 2008/4 n° 131, p. 14-30. DOI : 10.3917/her.131.0014
Augmenter la productivité est une chose : mais il faut savoir quelles sont les productions qui nécessitent d’être optimisées. Selon Sylvie Brunel, ce sont les petits producteurs qui doivent bénéficier des avancées technologiques et augmenter leur productivité. En effet, la population se nourrit essentiellement des produits alimentaires produits dans le pays. L’erreur commise par les pays pauvres est, selon elle, d’avoir négligé la production locale pour se fournir sur les marchés mondiaux. En effet, les agriculteurs des pays riches, bénéficiant de nombreuses subventions et de techniques optimisant les rendements, vendaient sur le marché mondial des prix défiant toute concurrence des pays pauvres. Ces pays ont alors décidé d’abandonner leur agriculture pour se concentrer sur les domaines industriels. Cependant cet abandon a aggravé encore le retard des agriculteurs locaux sur leurs homologues des pays riches. Il est donc nécessaire d’encourager la production locale en lui donnant les moyens d’être productive et compétitive sur le marché national. William Arrata met en évidence la difficulté de limiter la volatilité des prix. En effet, celle-ci est avant tout structurelle : les matières premières agricoles sont très peu élastiques au prix. En effet, les récoltes sont annuelles et dépendent de facteurs indépendants du marché, telles les conditions climatiques. L’offre est ainsi rigide à la demande : elle n’est pas ajustable immédiatement. Il faut en effet au moins un an avant de pouvoir augmenter ou diminuer la production d’une matière première agricole, et là encore il est très difficile de le faire (investissements importants nécessaires pour développer les différents moyens de production, impossibilité d’augmenter la tailler des champs, …). D’autre part, il pose la question clé de notre controverse : est-ce que le développement des instruments financiers a alimenté cette hausse des prix ? Selon lui, il semblerait que l’impact des marchés de produits dérivés aient eu un effet négligeable comparés aux fondamentaux, à savoir les conditions climatiques, et l’augmentation forte de la demande due à la forte augmentation de la population des pays émergents. Un phénomène devant être réglé à l’échelle internationale et nationale
« Nous, Ministres de l’agriculture du G20, nous réunissons aujourd'hui pour faire face à l'enjeu de la volatilité des prix alimentaires, avec pour ultime objectif d'améliorer la sécurité alimentaire et pour nous entendre sur un Plan d’action sur la volatilité des prix alimentaires et sur l'agriculture»
Plan d’action sur la volatilite des prix alimentaires et sur l'agriculture
Réunion des Ministres de l’Agriculture du G20
Paris, 22 et 23 juin 2011 « La réaction d’un certain nombre de gouvernements à la hausse des prix agricoles, sous la forme d’une limitation voire d’une interdiction totale des exportations, a eu pour effet dans la majorité des cas d’alimenter davantage encore cette hausse. Ces restrictions pénalisent les pays importateurs de produits alimentaires. En outre, elles ont un effet négatif sur la production dans la mesure où les producteurs n’ont plus d’intérêt à investir. Ainsi, la hausse très brutale des prix du riz au début de 2008 coïncide avec la limitation des exportations de plusieurs pays exportateurs (notamment le Vietnam et l’Inde, respectivement deuxième et troisième exportateurs mondiaux), dans un marché mondial très étroit. »
William Arrata et al.,
Le rôle des facteurs financiers dans la hausse des prix des matières agricoles,
Economie & prévision 2009/2 (n° 188)
Du fait des forts investissements nécessaires à la régulation du prix des matières premières agricoles, il est nécessaire que le problème soit pris en charge à l’échelle internationale. En effet, les PMA sont fortement endettés et ne disposent pas des moyens financiers nécessaires pour effectuer de tels investissements. De plus, leurs populations sont les premières à souffrir d’une augmentation générale des prix. C’est pourquoi il est nécessaire de rendre le marché international plus efficace, en améliorant la transparence et en régulant la spéculation abusive. D’autre part, il est important de donner à ces pays des moyens financiers, tels des prêts et des assurances, leur permettant d’investir dans des projets rentables à long terme. Ceci permettrait ainsi d’améliorer la productivité sans augmenter le montant de la dette qu’ils ne peuvent, pour le moment, pas rembourser. Cependant, la régulation des prix doit aussi venir de l’intérieur de ces pays : en effet, comme le souligne William Arrata, et comme nous l’a confirmé Frederic Lasserre, ancien responsable de la recherche matières premières de la Société Générale, la hausse brutale des prix peut être provoquée par une réaction politique inadéquate. Certains pays, par peur de famine, décide de bloquer les exportations, ce qui augmente encore les prix. De telles décisions politiques devraient donc être, à l’avenir, évitées pour ne pas aggraver des situations de hausse des prix. Référence pour cet article : Brunel Sylvie, La nouvelle question alimentaire, Hérodote, 2008/4 n° 131, p. 14-30. DOI : 10.3917/her.131.0014
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