La spéculation sur les produits agricoles
La spéculation sur les produits agricoles
Etablissement d'une cohérence des politiques agricoles Cohérence avec les politiques agricoles des pays du sud : accords commerciaux multilatéraux et bilatéraux Dès 1994, l’OMC a défini un cadre précis pour les politiques agricoles, avec l’Accord sur l’Agriculture (AsA), signé à Marrakech. Il encadre les politiques commerciales des Etats membres, notamment dans le domaine agricole. On distingue trois volets :
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« – L’accès aux marchés : l’objectif est d’obtenir de chaque État qu’il notifie les protections qu’il met en place, qu’il transforme les mesures non tarifaires en droits de douane fixes et qu’il réduise progressivement les droits de douane.
– Le soutien interne : l’OMC classe les aides internes en trois catégories, selon qu’elles sont censées avoir un fort « effet distorsif » sur les marchés (« boîte orange »), peu ou pas d’« effet distorsif » (« boîte verte ») ou un « effet distorsif » modéré mais qui, en contrepartie, s’accompagne de mesures de limitation de la production (« boîte bleue »). L’objectif de l’AsA est que toutes les aides soient notifiées à l’OMC et que celles qui sont considérées comme ayant un effet de distorsion (« boîte orange » et « boîte bleue ») soient progressivement réduites.
– La concurrence à l’exportation : l’objectif est d’obtenir la notification et la réduction progressive de toutes les mesures et aides mises en place par les États pour aider leurs producteurs
à écouler leurs productions sur les marchés étrangers. »
Laurent Levard
La cohérence des politiques commerciales et agricoles avec les objectifs de développement, Septembre 2011
Dans la pratique, tout ne s’est pas déroulé comme attendu par l’OMC.
En premier lieu, l’ouverture des marchés a été bien plus importante que prévu. Les Etats avaient deux types de régime des douanes possibles. Ou bien ils consolidaient les droits de douane à des taux plafonds, permettant par la suite une flexibilité dudit choix des taux, ou alors ils consolidaient les taux à partir de taux antérieurs en usage avant l’accord agricole, avec en plus un droit de « sauvegarde spéciale » qui autorise une levée brutale des taux en cas d’afflux important d’importations. Pour information, seuls 22 pays ont opté pour la deuxième option.
Seulement, la plupart des pays en voie de développement (PED) n’ont pas appliqué les taux consolidés de l’OMC comme en témoigne le tableau suivant :
Agriculture : pour une régulation du commerce mondial -Mettre le développement au cœur des négociations de l’Accord sur l’Agriculture à l’OMC, Décembre 2005, Coordination SUD
De plus, l’accès minimum au marché, qui oblige chaque pays à importer 5% de ses besoins au minimum, est une source de déstabilisation même pour des pays développés. L’exemple du riz est révélateur : le Japon, qui contrôle le prix du riz sur son marché intérieur, s’est vu contraint de devoir importé près de 770 000 tonnes de riz en 2001-2002, arrivant à un total supérieur à ses besoins. Pour éviter une chute des prix du riz, comme ce qui s’est produit en Chine ou aux Philippines, le Japon a alors reversé plus de 700000 tonnes de ce riz importé à l‘aide internationale (trois fois plus qu’avant la règle des 5%). La conséquence a été une déstabilisation massive des marchés du riz en Afrique.
En outre, les chutes de prix occasionnées par ces exportations massives sont une véritable menace pour les agriculteurs des pays pauvres. La FAO a ainsi estimé que depuis 40 ans, les prix agricoles baissent en moyenne de 2% par an. Pour le café, c’est plus de 70% de chute des prix entre 1997 et 2001. Si ces baisses de prix sont bénéfiques pour les consommateurs des pays développés, c’est la source de revenu de millions de personnes qui est menacée.
En réponse à cela, un principe a été proposé : il s’agit du cycle de Doha, qui n’est pas encore en vigueur. Il prévoit de considérer le cas particulier des PED et des PMA de façon à rendre plus performantes leurs exportations. Les principales réformes prennent en compte une flexibilité supplémentaire sur la protection de leurs marchés pour quelques denrées importantes du point de vue de la sécurité alimentaire, des tarifs douaniers supérieurs à l’importation et quasi nuls à l’exportation pour accéder plus aisément aux marchés internationaux. Ce principe n’est toutefois qu’en court de négociation, et semble de plus être dans une impasse. De plus, il ne changerait rien fondamentalement à la logique actuelle de libéralisation, ne faisant qu’alléger les contraintes pour les PED et les PMA, qui ne seraient même pas en mesure pour certains d’appliquer les marges de manœuvres douanières à cause de la pression exercée par les organismes financiers internationaux.
Deux modèles de pensée se confrontent donc : la libéralisation d’un côté qui favorise la spécialisation des pays dans un domaine agricole, la baisse des prix et de la volatilité, et d’un autre côté la réalité des conséquences de ces mesures prises par l’OMC vivement critiquées par les ONG, entre autres parce que les PED et PMA ne disposent pas des ressources financières et des capacités institutionnelles pour faire valoir leurs intérêts : on a assisté à un accroissement de leur dépendance vis-à-vis des importations, le contraire de ce qui était visé à l’origine. Le tableau suivant dévoile l’augmentation des importations et de leur part dans la consommation du Bangladesh et du Sénégal.
Agriculture : pour une régulation du commerce mondial -Mettre le développement au cœur des négociations de l’Accord sur l’Agriculture à l’OMC, Décembre 2005, Coordination SUD
Passons maintenant à l’étude des partenariats entre pays de l’OMC : les accords commerciaux multilatéraux et bilatéraux, en nous concentrant sur l’exemple de l’UE avec l’ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifique).
« les avantages commerciaux accordés par un pays membre de l’OMC à un autre pays membre de l’OMC sont directement étendus à tous les pays membres »
Clause de la Nation la Plus Favorisée, du texte fondateur de l’OMC, le Gatt.
On s’aperçoit immédiatement avec le cas de l’UE que cette clause n’est pas respectée. En fait, il existe deux dérogations : tout d’abord les zones de libre-échange (« un groupe de deux ou plusieurs territoires douaniers entre lesquels les droits de douane et les autres réglementations commerciales
restrictives […] sont éliminés pour l’essentiel des échanges commerciaux » article XXIV du Gatt) qui peuvent exister sans être étendues à l’ensemble des membres de l’OMC, et également la clause du Système de Préférences Généralisées (SPG) qui permet aux pays développés d’accorder des préférences commerciales à l’attention des PED, non réciproques et discriminatoires. Il est à noter également que les PMA bénéficient du régime TSA (Tout Sauf les Armes) qui leur octroie le libre accès au marché européen.
L’UE a proposé des partenariats de libre échange avec les pays de l’ACP. Ce sont des accords asymétriques (le degré d’ouverture offert par les derniers au premier n’est pas le même que celui offert par le premier aux seconds). Certain produits, qualifiés de « sensibles » sont exclus du processus de libéralisation, et les pauses ACP ont jusqu’à 5 ans pour procéder à la libéralisation des échanges.
Cependant, ces accords commerciaux présentent de nettes aberrations. Tout d’abord, l’UE exige que 80% des produits soient libéralisés, ce que ne souhaitent pas forcément les pays ACP. Ce chiffre est complètement arbitraire. De plus, une clause de statu quo oblige les pays ACP à s’engager à fixer leurs taux douaniers à des valeurs bien plus faibles que celles prônées par l’OMC. Certes, les PMA et PED exercent des taux relativement faibles sous la pression internationale, mais au moins ont-ils la possibilité légale de les relever. Enfin, l’UE exige l’inclusion de la clause NPF dans ses partenariats, c’est-à-dire qu’elle bénéficierait des avantages proposés par les pays de l’ACP à d’autres partenaires commerciaux.
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