La spéculation sur les produits agricoles
La spéculation sur les produits agricoles
CONTRÔLER LA VOLATILITE DES PRIX :
pour permettre à la population d’acheter les matières premières agricoles La hausse des prix : un phénomène provoquant instabilité politique et crises alimentaires dans les PMA
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« Outre la sécheresse et la guerre civile, qui a poussé sur les routes de l'exil des centaines de milliers de Somaliens, la crise a été exacerbée par la flambée des prix du carburant et des produits alimentaires.
Selon les experts de la FAO, le maïs et le sorgho étaient vendus le mois dernier à Mogadiscio aux prix record respectifs de 660 et 670 dollars, soit une augmentation de 106 et 180%. »
Le Nouvel Observateur,
24 juillet 2011 « En mai 2008, le prix du riz thaïlandais sur le marché mondial atteint 1 000 USD la tonne, soit trois fois le prix auquel il était vendu six mois plus tôt. Cette hausse spectaculaire a joué un rôle de catalyseur dans le déclenchement des manifestations des citadins les plus modestes dans les capitales d’une trentaine de pays du
Sud, parfois rapidement appelées « émeutes de la faim » au cours de la première moitié de l’année 2008. »
Frédéric Lançon et Patricio Mendez del Villar,
La flambée des prix mondiaux du riz : crise conjoncturelle ou mutation durable ?
Hérodote, 2008/4 n° 131, p. 156-174. « En se diffusant le long de la chaine de production des produits alimentaires, la hausse des prix des matières premières agricoles accroît l’inflation mondiale, dont elle a représenté près de la moitié en 2007 contre ¼ en 2006. L’impact sur les prix à la consommation a été plus marqué dans les pays en développement d’Asie (près des 2/3 de l’inflation d’ensemble en 2007) et d’Afrique (1/2) que dans les pays avancés (environ 1/5). »
William Arrata et al.,
Le rôle des facteurs financiers dans la hausse des prix des matières agricoles,
Economie & prévision 2009/2 (n° 188)
Ces articles donnent des exemples frappant de hausses des prix conséquentes des matières premières alimentaires. Diminuer la volatilité des matières premières alimentaires constitue un objectif clé des PMA dans leur lutte contre la famine. En effet, comme le souligne William Arrata, les PMA sont les pays les plus touchés par une hausse des prix internationale. D’autre part, celle-ci avive les tensions aux seins des pays et favorise les guerres civiles, ce qui a pour conséquence la baisse des récoltes et une mauvaise gestion des stocks, et donc une augmentation des prix encore plus importante. A quoi est due cette hausse des prix ?
 « Depuis 2006, la hausse des cours mondiaux des produits de base agricoles s’est vivement accélérée, après avoir été assez modérée et stable au cours des quinze années précédentes. En se diffusant le long de la chaine de production des produits alimentaires, la hausse des prix des matières premières agricoles accroît l’inflation mondiale. Déterminer les modalités d’une réponse appropriée à cette crise nécessite d’en connaître les facteurs d’origine.
La demande de matières premières agricoles s’est accrue du fait du développement économique des pays émergents, et dans une certaine mesure, de la fabrication des biocarburants (pour certains produits de base tels le maïs). Cette demande de produits agricoles est par ailleurs assez peu élastique aux prix.
L’offre de matières premières agricoles n’a pas immédiatement suivi la demande, du fait d’accidents climatiques pour les récoltes de 2006 et 2007, d’une augmentation des coûts de production agricoles et des délais de réaction de l’offre à une augmentation des prix. Au total, l’évolution des facteurs d’offre et de demande contribue clairement à la progression des prix des matières agricoles.
Les investisseurs financiers interviennent de manière de plus en plus importante sur les marchés à terme de matières premières agricoles et on peut se demander si ces interventions sont de nature à alimenter la hausse des prix agricoles.
D’un point de vue théorique, l’existence de marchés à terme, même très actifs, ne suffit pas à modifier durablement les prix au comptant et d’autant moins que les coûts de stockage sont importants (comme c’est le cas pour les céréales).
Les données disponibles suggèrent que l’effet des investissements financiers sur les marchés à terme de produits agricoles sur les prix au comptant est faible comparé à l’impact des facteurs traditionnels d’offre et de demande de produits agricoles. » William Arrata et al.,
Le rôle des facteurs financiers dans la hausse des prix des matières agricoles,
Economie & prévision 2009/2 (n° 188)
William Arrata met en évidence la difficulté de limiter la volatilité des prix. En effet, celle-ci est avant tout structurelle : les matières premières agricoles sont très peu élastiques au prix. En effet, les récoltes sont annuelles et dépendent de facteurs indépendants du marché, telles les conditions climatiques. L’offre est ainsi rigide à la demande : elle n’est pas ajustable immédiatement. Il faut en effet au moins un an avant de pouvoir augmenter ou diminuer la production d’une matière première agricole, et là encore il est très difficile de le faire (investissements importants nécessaires pour développer les différents moyens de production, impossibilité d’augmenter la tailler des champs, …). D’autre part, il pose la question clé de notre controverse : est-ce que le développement des instruments financiers a alimenté cette hausse des prix ? Selon lui, il semblerait que l’impact des marchés de produits dérivés aient eu un effet négligeable comparés aux fondamentaux, à savoir les conditions climatiques, et l’augmentation forte de la demande due à la forte augmentation de la population des pays émergents. Un phénomène devant être réglé à l’échelle internationale et nationale
« Nous, Ministres de l’agriculture du G20, nous réunissons aujourd'hui pour faire face à l'enjeu de la volatilité des prix alimentaires, avec pour ultime objectif d'améliorer la sécurité alimentaire et pour nous entendre sur un Plan d’action sur la volatilité des prix alimentaires et sur l'agriculture »
Plan d’action sur la volatilité des prix alimentaires et sur l'agriculture
Réunion des Ministres de l’Agriculture du G20
Paris, 22 et 23 juin 2011 « La réaction d’un certain nombre de gouvernements à la hausse des prix agricoles, sous la forme d’une limitation voire d’une interdiction totale des exportations, a eu pour effet dans la majorité des cas d’alimenter davantage encore cette hausse. Ces restrictions pénalisent les pays importateurs de produits alimentaires. En outre, elles ont un effet négatif sur la production dans la mesure où les producteurs n’ont plus d’intérêt à investir. Ainsi, la hausse très brutale des prix du riz au début de 2008 coïncide avec la limitation des exportations de plusieurs pays exportateurs (notamment le Vietnam et l’Inde, respectivement deuxième et troisième exportateurs mondiaux), dans un marché mondial très étroit. »
William Arrata et al.,
Le rôle des facteurs financiers dans la hausse des prix des matières agricoles,
Economie & prévision 2009/2 (n° 188)
Du fait des forts investissements nécessaires à la régulation du prix des matières premières agricoles, il est nécessaire que le problème soit pris en charge à l’échelle internationale. En effet, les PMA sont fortement endettés et ne disposent pas des moyens financiers nécessaires pour effectuer de tels investissements. De plus, leurs populations sont les premières à souffrir d’une augmentation générale des prix. C’est pourquoi il est nécessaire de rendre le marché international plus efficace, en améliorant la transparence et en régulant la spéculation abusive. D’autre part, il est important de donner à ces pays des moyens financiers, tels des prêts et des assurances, leur permettant d’investir dans des projets rentables à long terme. Ceci permettrait ainsi d’améliorer la productivité sans augmenter le montant de la dette qu’ils ne peuvent, pour le moment, pas rembourser. Cependant, la régulation des prix doit aussi venir de l’intérieur de ces pays : en effet, comme le souligne William Arrata, et comme nous l’a confirmé Frederic Lasserre, ancien responsable de la recherche matières premières de la Société Générale, la hausse brutale des prix peut être provoquée par une réaction politique inadéquate. Certains pays, par peur de famine, décide de bloquer les exportations, ce qui augmente encore les prix. Elles désavantagent en effet les pays importateurs et provoquent un climat de « peur de manquer », qui incite à acheter en grande quantité des matières premières agricoles par peur d’une prochaine hausse brutale des prix. Ces comportements auto-réalisateurs provoquent alors effectivement une hausse des prix. De telles décisions politiques devraient donc être, à l’avenir, évitées pour ne pas aggraver des situations de hausse des prix. Référence pour cet article : William Arrata et al., Le rôle des facteurs financiers dans la hausse des prix des matières agricoles, Economie & prévision 2009/2 (n° 188).
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