La spéculation sur les produits agricoles
La spéculation sur les produits agricoles
Affirmation de la suprématie des droits humains sur le commerce et la finance internationale
Soutien des agricultures familiales
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 « Il est prouvé que les investissements dans le secteur des petites exploitations obtiennent les meilleurs résultats en matière de réduction de la pauvreté et de croissance […]. Les petites exploitations prédominent : quelque 85 % des agriculteurs des pays en développement exploitent moins de deux hectares de terre. Les systèmes de petites exploitations mixtes agriculture/élevage assurent environ la moitié de la production alimentaire mondiale. L’aide de l’UE devrait donc se concentrer sur la production alimentaire durable à petite échelle, afin d’accroître la disponibilité alimentaire dans les pays en développement » Un cadre stratégique de l’UE pour aider les pays en développement à relever les défis liés à la sécurité alimentaire, Commission Européenne, mars 2010.
Les agricultures familiales sont bien souvent délaissées par les Etats au profit d’agricultures jugées plus modernes et surtout plus productives, bien que l’agriculture soit l’activité de la majorité de la population active des pays du Sud. Seulement, ces agricultures familiales possèdent de nombreux avantages qui peuvent leur permettre, si elles sont mises en valeur, d’accroître l’efficacité des pays en voie de développement dans le domaine agricole.
Un moyen simple de mesurer le soutien d’un Etat à son agriculture est de comparer la part de leur budget consacrée aux subventions à l’agriculture à la part du PIB qu’elle rapporte. Force est de constater que si dans les pays développés on atteint des rapports supérieurs à 20%, les pays en voie de développement, pourtant bien plus dépendants de leur agriculture, investissent bien moins ne moyenne comme on peut le voir sur le graphe suivant :
Quelles politiques publiques pour les agricultures familiales du Sud ?, Septembre 2011, Coordination SUD
Ainsi en 2000, le rapport précédent n’est que de 4% pour les pays africains. Ce graphique date tout de même de plus de dix ans, et depuis, en 2003 à la conférence de Maputo, il a été convenu que les gouvernements des pays africains consacreraient plus de 10% de leur budget à l’agriculture et au monde rural en général. Malheureusement, cet objectif est loin d’être atteint quoique la part des investissements dans l’agriculture soit en légère hausse depuis maintenant quatre ans.
Pourtant, on ne pourrait suffisamment insister sur le caractère nécessaire des investissements publics dans l’agriculture en général, et dans l’agriculture familiale de surcroît dans les pays les moins avancés. Il y a besoin d’investissements et de fonds pour améliorer la quantité de grain et de cheptel que peuvent acquérir les agriculteurs d’une année sur l’autre, pour leur permettre d’améliorer leurs moyens mécaniques qui ont un impact direct sur la productivité, mais aussi pour sécuriser les conditions sanitaires qui posent un problème d’envergure dans les PMA, ou encore pour favoriser la mise sur le marché des denrées cultivées en mettant à disposition des moyens de transport plus efficaces ou moins chers.
Quant à savoir quel type d’investissement mettre en place, il n’y a pas encore de solution globale par manque d’études d’impact. Cependant, le bon sens permet de distinguer différentes zones : par exemple, les densités de population en Inde et en Afrique Sub-saharienne sont complètement opposées et la question des transports ne peut se poser de la même façon. De plus, un principe général d’investissement dans l’agriculture des pays en voie de développement est de véritablement accompagner les dynamiques des agricultures familiales présentes et ne pas tenter un développement global, dicté par l’Etat, et éloigné de la réalité du terrain. Un exemple frappant est l’accaparement des terres : des terres agricoles sont saisies à leurs propriétaires pour en faire de gigantesques fermes plus modernes, à l’opposé du principe d’accompagnement. En réponse à ces activités, les ONG se sont réunies à Dakar et ont émis l’appel suivant :
« Nous exigeons des gouvernements et Unions Régionales d'États, de la FAO et des institutions nationales et internationales qu'elles mettent immédiatement en place les engagements qui ont été pris lors de la Conférence Internationale pour la Réforme Agraire et le Développement Rural (CIRADR*) de 2006, à savoir la sécurisation des droits fonciers des usagers, la relance des processus de réformes agraires basés sur un accès équitable aux ressources naturelles et le développement rural pour le bien-être de tous. Nous réclamons que le processus de construction des Directives de la FAO* soit renforcé et qu'il s'appuie sur les droits humains tels qu'ils sont définis dans les différentes chartes et pactes internationaux - ces droits ne pouvant être effectifs que si des instruments juridiques contraignants sont mis en place au niveau national et international afin que les États respectent leurs engagements »
Appel de Dakar contre les accaparements de terre, 21 février 2011, Coordination SUD
La demande est claire, il faut que les Etats agissent en fonction des agriculteurs et non pas selon une vision macroéconomique des choses. L’accompagnement des agricultures familiales peut être très bénéfique comme en témoigne l’exemple suivant :
Quelles politiques publiques pour les agricultures familiales du Sud ?, Septembre 2011, Coordination SUD
On voit que les politiques d’investissements réalisées ont été adaptées au cas particulier de cette agriculture familiale, avec des crédits avantageux ou encore des formations. Plus généralement, comment peut-on améliorer les investissements consacrés à ce type d’agriculture ?
Il est clairement impossible d’appliquer les mêmes principes que pour les économies productives et développées des pays du Nord. Il faut donc innover dans les produits et les services proposés. On peut notamment distinguer plusieurs catégories de prêts, à court terme pour l’engagement de plus de main d’œuvre pour les récoltes, à moyen et long terme, comme le prêt de machine, accroissement du cheptel, mais aussi saisonniers. Il faut également adapter les services d’assurance pour faire face aux catastrophes naturelles de tous genres, créer des assurances médicales etc.
Certaines alternatives intéressantes au niveau des prêts ont déjà fait leurs preuves dans le domaine de l’assurance, comme le « leasing » (l’institution vendeuse reste légalement propriétaire du bien tant que le client n’a pas fini de le payer, mais le client en dispose néanmoins) ou encore le « crédit-stockage » qui permet des contrats et assurances de stockage communes avantageuses.
Les agricultures familiales ont donc le potentiel pour subvenir aux besoins alimentaires des PMA, mais pour cela il faut tout d’abord que la tendance ne soit plus au développement d’une agriculture calquée sur les modèles européens ou américains, le plus souvent incompatibles avec les économies des pays du Sud.
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