La spéculation sur les produits agricoles
La spéculation sur les produits agricoles
Affirmation de la suprématie des droits humains sur le commerce et la finance internationale
Définition des critères de développement par les droits de l’homme
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Le droit à l’alimentation (DA) est reconnu depuis la Déclaration universelle des droits de l’Homme (DUDH) de 1948. L’article 25 de la déclaration cite ainsi le DA : « Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l’alimentation […] »
Avant d’étudier la cohérence des politiques commerciales des différents acteurs avec le développement dans le domaine agricole, il convient de s’interroger sur les critères et les indicateurs qui nous permettent de juger de l’efficacité de telle ou telle réforme. Centrer ces critères sur les Droits de l’Homme, et ici en particulier sur le Droit à l’Alimentation, n’est-il pas préférable à se concentrer purement sur le développement ? Tout d’abord, un état des lieux. Les Objectifs du Millénaire pour le développement (﷯), signés par 147 chefs d’Etats en septembre 2000, sont les objectifs à atteindre pour régler les huit problèmes les plus importants du millénaires, d’ici 2015. Les politiques commerciales dans le domaine agricoles sont susceptibles de jour en faveur du premier point (éliminer l’extrême pauvreté et la faim). Dix ans après la reconnaissance de ces Objectifs, force est de constater que peu de choses ont évolué dans le bon sens. En effet, entre 2000 et 2002 le nombre de personnes sous-alimentées se montait à 852 millions et n’a fait qu’augmenter depuis (source : Agriculture : pour une régulation du commerce mondial. Mettre le développement au cœur des négociations de l’Accord sur l’Agriculture à l’OMC.Recommandations à l’occasion de la sixième Conférence ministérielle de l’OMC Hong Kong, 13-18 décembre 2005, Coordination SUD). Les ONG ont alors l’idée de tenter une approche différente de celle adoptée jusqu’ici par les différents Etats et institutions d’aide au développement des politiques agricoles du Sud, afin de concilier les intérêts parfois contradictoires de la conquête des nouveaux marchés mais également de la réduction de la faim et de la pauvreté : il faudrait que les critères de jugement de l’efficacité des politiques engagées soient fondés sur les Droits de l’Homme, et plus particulièrement le Droit à l’Alimentation dans notre cas.
« [A]border les problèmes de la faim et de la nutrition sous l’angle des droits de l’Homme est une démarche qui s’écarte radicalement de la notion de développement fondé sur les besoins essentiels. La première introduit une base normative qui a force d’obligation pour les États. Elle suppose aussi que les ‘bénéficiaires’ du développement sont des sujets actifs et qu’ils sont des « porteurs de droits» et stipule les devoirs et obligations des responsables de l’application de ces droits »
Les directives sur le droit à l’alimentation. Documents d’information et études de cas, FAO, 2006, p.58
Ainsi, c’est bien un changement radical de statut des bénéficiaires qui est proposé par les ONG : ils deviennent des détenteurs de droit, ce qui impose une action en leur faveur d’une part, et fait passer leurs droits fondamentaux avant certains intérêts économiques d’autre part. Cette réflexion n’est donc pas dénuée de sens, et n’est pas simplement idéaliste. En effet, les Droits de l’Homme relèvent du droit international qui a priorité a priori sur le droit des traités dont dépendent les politiques engagées jusqu’à présent. Mais qu’en est-il dans les faits ? Depuis 1948 et la déclaration des Droits de l’Homme, il y a un eu long cheminement de ce droit à l’alimentation jusqu’en 2004 où finalement le code international de conduite pour la mise en œuvre du Droit à l’Alimentation est élaboré en collaboration par 187 Etats et les ONG. Il aboutit à l’adoption de « Directives volontaires à l’appui de la concrétisation progressive du droit à une alimentation adéquate dans le contexte de la sécurité alimentaire nationale ». En clarifiant les obligations des États, ce code achève de rendre opérationnel le droit à l’alimentation. Maintenant que le lien est fait entre reconnaissance théorique du droit et passage à l’acte, il reste de nombreux points à régler comme une cartographie précise des besoins, une prise de décision des actes à accomplir pour permettre l’application de ce droit de façon efficace et échelonnée dans le temps. Le tableau suivant regroupe l’évolution légale de la position du Droit à l’Alimentation dans l’aide au développement, ainsi que des réalisations concrètes (beaucoup plus récentes) qui ont eu lieu dans certains pays en voie de développement.
Note d’information 01 – Mai 2010, Combattre la faim par le biais du droit à l’alimentation, Olivier de Schutter, rapporteur spécial sur le droit à l’alimentation des Nations-Unies
Ce jugement des politiques commerciales agricoles par le Droit à l’alimentation est donc efficace. Il permet entre autres d’établir clairement la différence entre l’augmentation de la production agricole et les objectifs de sécurité alimentaire, écueil qui n’était que trop répandu. De plus, comme nous l’avons mentionné, il met les populations touchées par la faim en position de droit et les transforme en acteurs majeurs de la mise en œuvre des politiques commerciales. Enfin, la citation suivante permet de rendre encore plus puissant ce concept :
« [C]ontrairement aux instruments relatifs aux droits civils et politiques, les textes qui consacrent les droits économiques, sociaux et culturels ne prévoient pas de limites de compétence juridictionnelle et territoriale. Il existe au contraire des textes juridiques par lesquels les États s’engagent expressément à coopérer pour donner effet aux droits économiques, sociaux et culturels de tous les individus sans restriction. On ne peut donc pas prétendre qu’il n’existe pas d’obligations extraterritoriales au sujet de ces droits [...] Le droit à l’alimentation énoncé dans le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels constitue l’engagement de coopérer le plus important et le plus concret. »
Jean Ziegler, rapporteur spécial sur le droit à l’alimentation des Nations Unies en poste en 2005, dans son rapport sur le droit à l’alimentation au Conseil économique et social des Nations unies du 24 janvier 2005
Les Etats des Nations Unies ont donc une obligation extraterritoriale de faire respecter ce Droit à l’alimentation même lorsque les conséquences des mesures qu’ils prennent ne sont pas dans le cadre strict de leur territoire. Par exemple, ne pas imposer d’embargo lorsque celui-ci peut mettre en péril la situation alimentaire des habitants du pays visé.
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