Le dessalement est un procédé en vogue. De nombreux pays s’engagent dans cette voie, comme la Chine qui projette une production de 2 millions de litres d’eau par jour d’ici 2015, l’Espagne qui continue de construire des usines sur ses côtes ou encore l’Australie. Mais à quel prix ? Outre toutes les considérations politiques et les dépenses exorbitantes pour bâtir et alimenter une usine, le dessalement a aussi un coût environnemental non négligeable.
La majorité des usines de dessalement ont des effets irréversibles sur le milieu marin dans lequel l’eau salée est prélevée à cause des turbines et des systèmes de pompage. On assiste à une destruction progressive de la faune et de la flore autour de la zone de prélèvement, avec une réduction de son potentiel halieutique. Des problèmes subsistent également en aval du dessalement. Une fois purifiée, l’eau est récupérée pour alimenter les réseaux urbains, mais qu’en est-il du sel ? Il est généralement rejeté dans la mer, augmentant localement son taux de salinité ce qui affecte de manière durable la vie maritime. Une étude sur ce sujet a d’ailleurs été analysée dans le papier State-of-the-art of reverse osmosis desalination. Il y est dit très justement : “The increased salinity resulted in a significant impact on marine organisms. After three years of operation it was observed that higher salinity resulted in significant degradation on some macro-algal populations, while some other species completely disappeared within a distance of 100 m from the discharge point.” (L’augmentation du degré de salinité a un impact non négligeable sur les organismes marins. Après trois ans d’étude, il a été observé que la hausse du taux de sel a conduit à une diminution de la population de certaines macro-algues, alors que d’autres ont tout bonnement disparues dans un périmètre de 100 mètres depuis la zone de rejet).
D’autres critiques peuvent être adressées de façon plus spécifique aux technologies employées. Deux procédés de dessalement se démarquent : le distillation thermique et l’osmose inverse. La première est la plus ancienne et consiste à évaporer l’eau salée pour en récupérer un distillat pur. L’idée est élémentaire mais ce procédé rejette de l’eau à haute température dans le milieu marin, déstabilisant l’équilibre de l’écosphère. Ces dommages peuvent cependant être atténués en améliorant la performance des sites de dessalement comme le démontrent M. Sommariva, M. Hogg et M. Callister dans leur thèse Environmental impact of seawater desalination: relations between improvement in efficiency and environmenta impact. Ils y expliquent par des raisonnements thermodynamiques que plus l’efficacité est élevée, plus le rendement est haut et donc moins les pertes thermiques (c’est-à-dire la chaleur) sont importantes. Ainsi, avoir des procédés à la pointe de la technologie permet de réduire l’impact sur l’environnement. Néanmoins, tous les pays ne sont pas prêts à investir autant d’argent. La deuxième catégorie de techniques utilise le procédé de l’osmose inverse. Elle permet d’inverser un procédé naturel qui tend à équilibrer les concentrations de tout soluté dans un liquide. Ainsi une partie de l’eau est purifiée alors que l’autre devient saumâtre. Ce processus se base sur l’utilisation de membranes spécifiques rendant l’opération possible. Cependant, leur entretien nécessite de nombreux produits chimiques qui sont relâchés dans la mer, avec tous les risques aussi bien pour l’environnement que pour les êtres humains qui en résultent.
D’autres effets, plus subtils, sont provoqués par le recours au dessalement de l’eau. On peut notamment citer le bruit produit par les usines, qui dépasse la limite des 85 dB à partir de laquelle les ondes sonores deviennent dangereuses, selon la thèse State-of-the-art of reverse osmosis desalination. Enfin la pollution générée par les centrales électriques nécessaires au fonctionnement de ces usines ne doit pas être négligée. Le Ministre de l’Environnement espagnol a d’ailleurs reconnu que 0.2% du carbone émis était produit pour les alimenter comme le signal Rubén Nicolás dans son article La facture reste salée ! extrait du journal Actualidad Económica. L’accès à l’eau est une priorité qui passe devant bien des choses, on ne peut revenir sur ce point, mais dans bien des cas le dessalement peut être, et devrait être évité. Destruction du milieu marin, impact sur les bourgades environnantes et pollution de l’air, cette technique, vue par certains comme une solution miracle, cache bien des épines.
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