Financement des usines de dessalement : l’eau est-elle une marchandise comme les autres ?

À l’origine, l’eau est une ressource renouvelable. En effet, le cycle de l’eau permet d’avoir continuellement la même quantité d’eau présente sur Terre. Cependant depuis quelques années, une utilisation massive de l’eau l’a transformé en une denrée non renouvelable, au sens où elle n’est plus utilisable sans traitement particulier. Dans ce cadre, les usines de dessalement de l’eau de mer semblent être une solution pour répondre à ce problème.

Cependant, on remarque que leur implantation à travers le globe n’est pas forcément liée aux endroits où ces usines seraient le plus utiles mais plutôt aux pays qui possèdent l’argent permettant de financer ces coûteuses centrales. -« En d’autres termes, si le monde entier s’apprête à accélérer la construction d’usines de dessalement dans les années qui viennent, ce n’est pas seulement parce que les gens ont soif. C’est surtout parce qu’il y a beaucoup d’argent à gagner dans ce domaine. Et savoir si ces constructions entraîneront progrès et salut est une tout autre question. Il vaut d’ailleurs la peine de noter que ces projets prolifèrent non pas dans les régions les plus assoiffées, mais là où il y a de l’argent. » (1). On remarque ainsi que la construction de ces centrales est plus liée à des problèmes d’argent qu’à un réel engagement pour que chacun ait un accès équitable à l’eau potable. Et que penser des investissements que fait l’Union européen pour la construction de centrales de dessalement ? Par exemple, elle a participé à hauteur de 40 millions d’euros sur 45 millions dans la construction d’une usine couplée avec des moyens de production d’électricité renouvelables à Djibout (2). Quand on sait que l’entreprise qui participe à cette construction est une entreprise française, on ne peut que se demander si l’État est vraiment indépendant des logiques économiques du dessalement.

Le forum mondial de l’eau est un autre exemple qui montre bien que la sphère liée à l’eau n’est pas si limpide qu’elle le prétend. Derrière une organisation qui se veut être l’endroit où toutes les problématiques mondiales liées à l’eau devraient se décider, on remarque que les entreprises liées au dessalement sont des acteurs de poids dans les débats. Riccardo Petrella, secrétaire général du comité international pour le contrat mondial de l’eau explique ainsi que « Le public a nié sa propre fonction de public ; il a trahi la fonction pour se mettre au service des logiques financières, privées. Il a accepté que les lois du marché l'emportent sur les intérêts généraux et les lois de la respublica. Je ne pense pas que le Forum mondial de l'eau d'Istanbul puisse être considéré comme un moment important pour résoudre les problèmes. » (3). Les institutions ne sont donc pas indépendantes des lois du marché imposées par les entreprises, ce qui transforme l’eau en une simple valeur marchande : logique qui ne tient plus compte du fait que cette ressource est nécessaire à l’homme, sans concessions possibles.

Finalement, toujours selon Ricardo Petrella, il est essentiel de considérer l’eau comme une ressource globale partagée par tous, non comme une ressource monnayable. Il est aussi important de reconsidéré l’utilisation de l’eau au regard de notre société de consommation : aller contre la multiplication des moyens de production d’eau douce (comme les usines de dessalement) au profit d’une meilleur régulation de notre consommation. Il faut arrêter de considérer le secteur lié à l’eau comme un marché exploitable, sur lequel on peut faire des profits. L’eau étant avant tout un bien commun, il ne doit pas rentrer dans une logique de marché. Dans ce sens la priorité devrait être mise sur l’accès à l’eau potable pour tous, passant par une meilleure gestion et redistribution de l’eau au sein de chaque pays, mais aussi entre les pays.

Sources :