Dopage » Le Surhomme http://www.controverses-minesparistech-7.fr/wordpress Sport de haut niveau et Transformation physique Sun, 28 Apr 2013 22:15:14 +0000 fr-FR hourly 1 http://wordpress.org/?v=3.5.1 Confrontation de points de vue sociétaux http://www.controverses-minesparistech-7.fr/wordpress/?p=410 http://www.controverses-minesparistech-7.fr/wordpress/?p=410#comments Thu, 25 Apr 2013 12:23:55 +0000 laguittemh http://www.controverses-minesparistech-7.fr/wordpress/?p=410

Plus encore que se demander quel Sport on veut choisir, on peut se demander quelle Société choisir ?

« A travers le problème du dopage sportif et de la lutte anti-dopage se pose en réalité la question de la conception même du sport. Et cette question renvoie directement à un débat beaucoup plus large et beaucoup plus grave qui est celui d’un choix de société. »1

Bien loin de se cantonner aux seuls sportifs, le dopage pose de plus en plus de questions morales, sociétales. A l’aide d’outils de quantifications (via la base de données Scopus), nous avons pu constater qu’un véritable élargissement disciplinaire s’était opéré pour le dopage. Les publications scientifiques à ce sujet, essentiellement concentrées sur les sciences médicales jusqu’en 2002, se rattachent désormais à des domaines tels que la psychologie ou les sciences sociales.

Il a été choisi de découper le temps en deux périodes. Tout d’abord, de 1966 (date du premier article scientifique concernant le dopage enregistré sur la base Scopus) à 2002. Puis de 2003 à aujourd’hui car nous allons voir que le débat a pris sa forme actuelle autour de la question de « human enhancement » (amélioration de l’humain) il y a dix ans. 

période 1966-2002 :
102 résultats
période 2003-2013 :  129 résultats

Voici les répartitions disciplinaires respectives des documents scientifiques publiés. L’équation de recherche était « Doping AND Sport AND Ethic » à rechercher dans les titres, les mots clés ou les abstracts des publications.

De 1966 à 2002

De 1966 à 2002

 

De 2003 à 2013

De 2003 à 2013

  1. GALLIEN Claude-Louis. Le dopage en questions. Téléchargeable sur: http://www.google.fr/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=1&ved=0CDUQFjAA&url=http%3A%2F%2Fwww.esprit-sportif.org%2Ftemoignages%2Fledopage_enquestion.doc&ei=ubt6UZn0D-mI7AaStIG4CA&usg=AFQjCNFzp6mhwlsvPZrdQRx3bRvODWfGqQ&sig2=j6AjCmEyXIAGpSnM59hTjg
  2. LE MONDE. Dopage : « L’Espagne n’est que le miroir de ce que d’autres ont réalisé ». [en ligne] Disponible sur : http://www.lemonde.fr/sport/article/2011/11/21/dopage-l-espagne-n-est-que-le-miroir-de-ce-que-d-autres-ont-realise_1606845_3242.html
  3. ESCRIVA Jean-Pierre. Thema: Lectures sociologiques et cliniques du dopage. Toxibase, n°3 Septembre 2001. Téléchargeable sur : http://psydoc-fr.broca.inserm.fr/toxicomanies/Textes/Lecture_dopage.pdf
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Le rôle de l’équipement http://www.controverses-minesparistech-7.fr/wordpress/?p=445 http://www.controverses-minesparistech-7.fr/wordpress/?p=445#comments Sat, 20 Apr 2013 13:39:31 +0000 laguittemh http://www.controverses-minesparistech-7.fr/wordpress/?p=445 Quelle part de la performance doit être laissée aux expérimentations technologiques sur le sportif ?

« Mais la natation combat le fléau du dopage ! Les combinaisons, elles, s’inscrivent dans des règles établies par la Fédération internationale. Le dopage, lui, est illégal. Ne mélangeons pas tout. » se défend Alan Thompson, le patron de la natation australienne.1 Entre le 16 février 2008 et le 28 mars de la même année, pas moins de 16 records du monde ont été battus par des nageurs portant un nouvel équipement. Jamais autant de records n’avaient été battus pendant cette période de l’année. « Ces records du monde battus à la pelle lors des championnats du monde ont-ils encore une signification ? [*Alan Thompson*]. Tout le monde se trouve a priori sur un pied d’égalité, parce qu’il peut choisir son matériel »2

Lors des Jeux Olympiques de Pékin, l’été suivant, 25 records du monde sont tombés, et 94% des vainqueurs avaient une combinaison dotée de cette technologie. 3

Dès leur apparition, des critiques montent. Dans un article de L’Equipe, daté du 23 mars 2008, Benoît Lallemand qui appelle la LZR la « La combinaison gagnante », montre que « Tout le monde ne semble pas égal devant la performance ».4

Eric Moussambi (Guinée Equatoriale)

Eric Moussambi (Guinée Equatoriale)

Mickael Phelps (USA)

Mickael Phelps (USA)

 

 

 

 

 

 

 Qui va gagner selon vous ?

 Mais cette révolution a permis de mettre en lumière un sport jusque-là peu médiatisé. Jamais les sponsors n’ont autant investi dans la natation, les audiences des compétitions explosent. En 2010, après deux ans de controverse, la FINA interdit ces combinaisons pour une trop grande flottabilité. Seuls les bermudas sont autorisés maintenant. Mais les records établis entre 2008 et 2010 demeurent homologués. Qui sait si on pourra les battre un jour ?5

Les équipementiers quant à eux demandent plus de clarté  « En tant qu’équipementier, nous croyons à l’innovation. Si la FINA nous dit « vous pouvez mettre des avions sur le dos des nageurs », nous le ferons »6

Tennis et football : la technologie au service du sport.

Les raquettes et les crampons, seuls équipements utilisés par les tennismen et les footballeurs, peuvent suivre les dernières avancées technologiques. Les équipementiers mettent au point de nouveaux équipements plus adaptés aux contraintes des terrains pour le football, ou la technique de frappe de balle pour le tennis.

Crampons datant de 1950

Crampons datant de 1950

Les crampons du ballon d'or

Les crampons du ballon d’or

 

Voici les crampons du meilleur joueur du monde. Imaginez le un instant avec ces chaussures de 1950.

Aurait-il été aussi bon ?

 

Retour aux vieux matériel

Retour au vieux matériel

Une initiative du quotidien USAToday, rapportée par un article de Libération du 22 juin 2007, a permis de faire jouer des joueurs de tennis contemporains avec des raquettes des années 70. Selon Tommy Robredo «Les chances de rater (un coup) sont nettement plus importantes » alors que Robby Ginepri s’exclame «Honnêtement, j’ai l’impression que c’est un sport différent». De l’autre coté de la barrière, McEnroe confirme la différence de performance entre les raquettes avec lesquelles il a joué au plus haut niveau et celles avec lesquelles il peut s’entrainer aujourd’hui : «S’ils (les joueurs actuels) avaient les équipements que nous avions, ils sortiraient les balles de 200 mètres. J’ai 48 ans et je sers plus fort que lorsque j’en avais 25»7

Si l’on compare les sportifs d’aujourd’hui à ceux d’hier, un nageur vêtu de polyuréthane à un autre sans combinaison, force est de constater que les premiers sont avantagés technologiquement. Les différents cas étudiés montrent que les comportements face aux technologies varient d’une fédération à l’autre. Dans son livre « Le corps sportif à l’ère de son épuisement », Patrice Blouin affirme (concernant les combinaisons de natation) qu’on « pourrait tout à fait admettre que la question de la flottaison ne soit plus dépendante de l’équilibre et de la dépense physique des nageurs. Simplement, la nature des épreuves aurait changé. La natation deviendrait un « sport technologique » ».8

Si la technologie rend le sport plus spectaculaire, elle nuit cependant aux principes même de la compétition sportive : le vainqueur est censé être le plus méritant, par son talent ou son entrainement, et non pas le mieux équipé.

Les athlètes handisports, aidés par des prothèses à la pointe de la technologie peuvent également soulever des débats.

 

Le cas Oscar Pistorius

Oscar Pistorius au départ d'une course

Oscar Pistorius au départ d’une course

Né sans péronés, Oscar Pistorius a été amputé des deux pieds à onze mois. Il court aujourd’hui avec deux lames de carbones, à la pointe de la technologie. Après avoir dominé outrageusement les compétitions paralympiques, l’athlète sud-africain a voulu se mesurer aux « valides » en sprint.9 Sa participation a fait débat, certains tests émettant la possibilité que ses lames lui permettent de courir plus vite qu’un « valide» aux mêmes qualités. Dans un article du Monde daté du 27 aout 2011, Pierre-Jean Vazel explique « la morphologie de la lame en carbone étant différente de celle d’un pied humain, les mesures biomécaniques sont différentes, sans que l’on puisse déterminer si l’une est plus performante que l’autre ». Les expériences réalisées montrent que ses lames lui procurent un avantage en ligne droite et à pleine vitesse mais un désavantage encore plus grand au départ et dans les phases d’accélération. Il poursuit « Faut-il exclure Pistorius au prétexte de la différence, induisant nécessairement des mesures discriminatoires ? »10

Après plusieurs refus, Pistorius est finalement autorisé à participer au Championnat du monde de Daegu en 2011 et devient alors le premier athlète « handisport » médaillé dans une compétition « valide » (relais 4×400 m).

  1. HUMANITE « Ne mélangeons pas dopage et combinaisons » 3/08/09 http://www.humanite.fr/node/21281
  2. HUMANITE « Ne mélangeons pas dopage et combinaisons » 3/08/09 http://www.humanite.fr/node/21281
  3. Wikipédia, article « combinaisons de natations » . modifié le 25/03/2013, Disponible sur : http://fr.wikipedia.org/wiki/Combinaison_de_natation
  4. LEQUIPE.FR, la combinaison gagnante, 23/03/2008, [en ligne], disponible sur : http://www.la-revanche-des-ses.fr/Speedo.pdf
  5. Wikipédia, article « combinaisons de natations » . modifié le 25/03/2013, Disponible sur : http://fr.wikipedia.org/wiki/Combinaison_de_natation
  6. L’EQUIPE Natation – Dopage : Horter demande de la clarté. http://video.lequipe.fr/video/tous-sports/natation-dopage-horter-demande-de-la-clarte/?sig=iLyROoafJttN&
  7. Libération. Tennis: des joueurs d’aujourd’hui testent les raquettes d’autrefois . 22/07/2007, [en ligne]. Disponible sur : http://www.liberation.fr/actualite/010122451-tennis-des-joueurs-d-aujourd-hui-testent-les-raquettes-d-autrefois
  8. Patrice Blouin.  Le corps sportif à l’ère de son épuisement , Critique 1/2011 (n° 764-765), p. 25-35. Disponible sur : www.cairn.info/revue-critique-2011-1-page-25.htm.
  9. LEFIGARO. Premier athlète double amputé à participer aux Jeux olympiques, Oscar Pistorius a passé le premier tour sur 400 mètres samedi matin. 04/08/2012.[en ligne], disponible sur : http://www.lefigaro.fr/jeux-olympiques/2012/08/04/02020-20120804ARTSPO00362-pistorius-un-pas-dans-l-histoire.php
  10. LEMONDE.FR. Le cas Pistorius. 27/08/2011.[en ligne]. disponible sur http://www.lemonde.fr/sport/article/2011/08/27/athletisme-le-cas-pistorius-question-scientifique-ou-question-ethique_1564433_3242.html
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Les limites de la performance http://www.controverses-minesparistech-7.fr/wordpress/?p=466 http://www.controverses-minesparistech-7.fr/wordpress/?p=466#comments Mon, 15 Apr 2013 14:00:25 +0000 laguittemh http://www.controverses-minesparistech-7.fr/wordpress/?p=466

Le dopage est l’expression d’un paradoxe humain : bien que limité, l’homme rêve d’un progrès infini. Faut-il voir le dopage comme une avancée qui permettrait à l’homme de s’affranchir de ses limites ?

Les philosophes comme Isabelle Queval le disent : notre société est marquée par le progrès. D’après elle, le dépassement de soi est une utopie collective caractéristique de notre civilisation post-Renaissance. L’homme du 17ème siècle s’affranchit par la science des lois naturelles et s’ouvre l’espoir d’un progrès infini. Il est naturel qu’il l’envisage pour ses propres limites physiques.1

La controverse du dopage prend actuellement le virage de la transformation physique et de l’amélioration humaine (human enhancement). Ces questions occupent de plus en plus de place dans le débat sur le dopage. Le graphe de quantification suivant réalisé à l’aide de la base de données Scopus le montre bien. Nous avons recherché parmi les publications dont le titre, le résumé ou les mots clés contenaient « Doping » AND  « Human enhancement », pour mettre en évidence l’émergence de cette problématique il y a une dizaine d’années. L’amélioration des performances de l’homme est alors devenue une question centrale dans notre société.

Nombre de documents concernant Human Enhancement en fonction du temps

Nombre de documents concernant Human Enhancement en fonction du temps

 

Et pourtant, les records, qui constituent la mesure absolue des performances du corps humain, plafonnent. L’IRMES annonce même la fin des records !

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« Les records du monde, au delà de leur signification à l’échelle de l’histoire du sport, sont aussi sources de controverse scientifique en ce qu’ils génèrent les indicateurs des limites physiologiques humaines. »

L’équipe de l’IRMES, Institut de Recherche bioMédicale et d’Epidémiologie du Sport, vient d’analyser l’ensemble des 3263 records du monde homologués des 5 disciplines olympiques quantifiées (athlétisme, natation, cyclisme, patinage de vitesse, haltérophilie) établis entre 1896, année des premiers Jeux olympiques de l’ère moderne, et aujourd’hui. Ils concluent qu’en 2027 la moitié des records du monde ne sera plus améliorable de façon significative.

Plusieurs exemples d’ajustements exponentiels ont été publiés dans la revue PLoS One datée du 6 février 2012.2

Modèles mathématiques de l'IRMES qui montrent la convergence des performances vers des limites

Modèles mathématiques de l’IRMES qui montrent la convergence des performances vers des limites

Malgré certains facteurs extra-biologiques, comme l’amélioration des conditions d’entraînement ou bien le fait que certains sportifs soupçonnés ou convaincus de dopage détiennent des records, le débat sur les limites émerge nettement, et ce quelles que soient les voies métaboliques en jeu. En effet, le modèle mathématique proposé s’applique aussi bien pour des épreuves sportives qui font appel aux capacités aérobies (10000m en patinage de vitesse) qu’anaérobies (haltérophilie), mobilisant des groupes musculaires des membres inférieurs (cyclisme) ou supérieurs (lancer du poids), avec des efforts explosifs (saut en hauteur) ou de durée très longue (50 km marche), chez les hommes comme chez les femmes, ainsi que pour les performances collectives établies lors des relais.

 

C’est alors que surgit la question du dopage. Un dopage pour s’affranchir de nos limites. La lutte anti-dopage elle-même a intégré les limites du corps humain dans ses programmes. Le projet de passeport biométrique, qui consiste à cartographier les capacités intrinsèques de chaque athlète, accusera de dopage tout athlète capable de dépasser ses limites. Mais si le dopage est perçu comme une forme de progrès, comment peut-on l’interdire ? Il est en effet absurde de s’opposer à une forme de progrès, même au nom de valeurs sportives !

 

Le médecin-chercheur en physiologie et biologie musculaire André-Xavier Bigard, répond à cette question en trois temps.3

On n’interdit pas le progrès, on le circonscrit : le dopage est un détournement des propriétés de certaines molécules à des fins de tricherie dans le sport. Si de tels produits peuvent être prescrits à des fins thérapeutiques, ils constituent une pratique dopante et sont interdits s’ils sont utilisés pour augmenter ses performances.

Le transhumanisme est un problème éthique qui dépasse le sport : des problèmes similaires apparaissent dans notre société. Les traders subissent des pressions financières très importantes et doivent améliorer leur performance pour répondre aux exigences économiques. Il n’y a aucun code d’encadrement, laissant la porte ouverte à des pratiques peu scrupuleuses. On est là très proche du sport-confrontation, où ce qui importe est d’être plus fort que l’adversaire.

Les limitations existent pour protéger les sportifs : dépasser ses limites est particulièrement dangereux pour la Santé. Tous les produits ne sont pas utilisés dans de bonnes conditions et certains n’ont été testés que sur des animaux.

 

Cependant, toute la communauté scientifique n’est pas nécessairement de cet avis. Ellis Cashmore, professeur à l’Université de Staffordshire (Grande-Bretagne) et auteur de « Making Sense of Sports », prend position en faveur de la légalisation du dopage dans le sport de haut-niveau en vertu de la recherche constante du dépassement des limites. « In a culture that encourages the constant search for the limits of human achievement, we, the fans, the consumers of popular sports entertainment, revel in record-breaking, gravity-defying, barely believable feats on the field of play. Promoters, leagues, sponsors, advertisers and a miscellany of other interested parties dangle incentives »4

Il soutient par ailleurs qu’ouvrir le monde du sport aux pratiques dopantes apporterait plus de sécurité aux athlètes qui ne seraient plus contraints d’utiliser des produits clandestinement.

 

  1. QUEVAL Isabelle, S’accomplir ou se dépasser. Essai sur le sport contemporain, Gallimard, 2004.
  2. Institute for Biomedical Research and Sports Epidemiology (IRMES). The citius end: world records progression announces the completion of a brief ultra-physiological quest. PLoS One. 2008 Feb 6;3(2):e1552. doi: 10.1371/journal.pone.0001552. [en ligne] Disponible sur : http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/18253499
  3. Propos recueillis lors du 13ème colloque national de lutte contre le dopage
  4. CASHMORE Ellis. « Opinion : It’s time to allow doping in sport » – CNN.com. Mis à jour le 24 Octobre 2012. Disponible sur : http://edition.cnn.com/2012/10/23/opinion/cashmore-time-to-allow-doping-in-sport/index.html
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