Dopage » Le Sport Spectacle http://www.controverses-minesparistech-7.fr/wordpress Sport de haut niveau et Transformation physique Sun, 28 Apr 2013 22:15:14 +0000 fr-FR hourly 1 http://wordpress.org/?v=3.5.1 De multiples acteurs pour de multiples visions http://www.controverses-minesparistech-7.fr/wordpress/?p=195 http://www.controverses-minesparistech-7.fr/wordpress/?p=195#comments Thu, 11 Apr 2013 13:20:21 +0000 laguittemh http://www.controverses-minesparistech-7.fr/wordpress/?p=195 Qui sont les personnes concernées par les problématiques du dopage ? Les scientifiques seulement ? Quel est le rôle du Sport-Spectacle dans la dynamique de la controverse ?

 

La controverse concerne d’abord les scientifiques

Sur quels fondements scientifiques s’appuient les diverses opinions ?

Le socle de connaissances sur lequel s’assoit le débat est grand. Le graphe ci-après compte le nombre annuel de publications au sujet du dopage dans le sport sur la base de données Scopus : à partir de l’équation de recherche « Doping AND Sport », à trouver dans les titres, mots clés ou résumés des publications enregistrées sur Scopus. 4500 résultats ont été obtenus. (Scopus est une base de données bibliographique pluridisciplinaire indexant 18 000 titres de périodiques de nature scientifique.)

Nombre de documents trouvés par an qui contiennent "doping" et "sport"

Nombre de documents trouvés par an qui contiennent « doping » et « sport »

Le propre de notre controverse est donc d’être à la fois sociétale et technique. Elle mobilise les recherches de nombreux scientifiques.

Existe-t-il des liens entre les chercheurs de différentes disciplines ?

    A l’heure actuelle, la médecine n’est plus la seule à travailler sur le dopage. Toujours avec la même équation de recherche, on peut établir l’éventail des disciplines touchées par la controverse. On constate que les domaines et les chercheurs sont interconnectés.

Eventail disciplinaire des articles qui contiennent "doping" et "sport"

Éventail disciplinaire des articles qui contiennent « doping » et « sport »

On comprend donc qu’il y aura plusieurs manières d’aborder les problématiques liées au dopage en fonction du champ disciplinaire d’investigation. Par exemple, les chimistes ou les pharmaciens s’intéresseront davantage au pouvoir ergogénique d’une molécule (sa capacité à augmenter la performance) alors qu’un psychologue s’intéressera au caractère addictif du dopage…

Quels chercheurs ou ingénieurs, de quels pays, de quelles disciplines scientifiques, financés par quelles institutions sont concernés ?

La recherche est financée par les gouvernements, l’AMA-WADA, et ce dans de nombreux laboratoires.1

Carte des laboratoires de recherche financés par l'AMA

Carte des laboratoires de recherche financés par l’AMA

Le débat du dopage est donc réparti géographiquement dans le monde entier, de par l’implantation des chercheurs.

Quelles hypothèses ou théories ? Quels types de données ? Quelles méthodes de recherche ?

La recherche est très complexe dans ce domaine. Les hypothèses peuvent être diverses (quelle est la voie activée par la molécule? comment va-t-on montrer l’augmentation de la performance? … ) et obligent à mettre au point des designs d’essais cliniques de plus en plus complexes.2

Du fait de sa complexité scientifique, on pourrait penser que le dopage ne concerne qu’une poignée de médecins experts. Mais il n’en est rien.

 

Les autres acteurs de la controverse

Quel est le relais entre les producteurs de connaissance et le monde non scientifique ?

Les sociologues Trépos Jean Yves et Gisèle, dans un recueil d’interviews de médecins du sport, apportent une preuve de l‘étendue du dopage.

“Les sportifs de haut niveau sont-ils tous dopés ? Sans doute une telle question paraîtra-t-elle bien simpliste aux spécialistes. Pour nos interviewés, il ne semble pas inutile d’y répondre simplement, quitte à apporter des nuances par la suite : « c’est une pratique courante »3

Les sportifs de haut niveau sont donc le premier relais de cette controverse, comme consommateurs. La médiatisation, qui est le propre du Sport-Spectacle, érige ces derniers en exemple à suive. C’est ensuite le grand public qui a le rôle principal. Il a accès aux molécules sans aucun contrôle, directement sur internet ! Le dopage devient alors un véritable problème de santé publique.

Chaque groupe d’acteur sur lequel « ricoche » le problème du dopage est enfin relais. Finalement le dopage est une question presque morale et engage la vision du monde de chacun. En d’autres termes, il y a autant de dopages qu’il y a d’acteurs. C’est cette diversité de points de vue qui donne naissance à la controverse.

 

Une controverse vivace

En plus des débats réguliers dans les médiats, la controverse prend corps dans des sommets de la lutte antidopage, annuels pour la plupart, et qui réunissent le plus d’acteurs possibles.

Nous avons eu la chance de participer au 13ème colloque national  de lutte contre le dopage. Organisé par le CNOSF, il a rassemblé beaucoup d’acteurs. Nous avons pris part aux travaux (Conférences, débats, tables rondes…) et y avons touché du doigt la dynamique de notre controverse.

La controverse se transforme au cours du temps. Au grès des accusations de dopage, des révélations ou bien des avancées scientifiques. Le contenu de la controverse change. Tantôt plus technique au sujet d’une nouvelle molécule qui fait son apparition, elle est l’objet des débats publics lorsque de grandes figures du sport tombent pour dopage (cf notre page S’il est entouré le sportif est-il seul responsable?)

  1. WADA-AMA. Laboratoires antidopage accrédités [en ligne] Disponible sur: http://www.wada-ama.org/fr/Communaute/Laboratoires-antidopage/Laboratoires-accredites-de-lAMA/
  2. RIEU Michel. État des lieux du dopage actuel. Propos recueillis lors du 13ème colloque national de lutte contre le dopage. Ordre du jour disponible sur : http://franceolympique.com/art/4090-13eme_colloque_national_de_lutte_et_de_prevention_du_dopage.html
  3. TREPOS Jean-Yves et Gisèle. Les médecins du sport face au dopage. Disponible sur : http://services.poissonbouge.net/clients/93670977-d518-60f6-e94208204111f51a/docs/428a4ef4-e73f-cb27-a86f9b98d72fbb15.pdf
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Le Public et les Médias http://www.controverses-minesparistech-7.fr/wordpress/?p=434 http://www.controverses-minesparistech-7.fr/wordpress/?p=434#comments Wed, 10 Apr 2013 13:22:27 +0000 laguittemh http://www.controverses-minesparistech-7.fr/wordpress/?p=434

Pour maintenir l’intérêt du public, faut-il faire du sport un spectacle où tout est permis pour créer l’engouement médiatique ?

Pour maintenir l’intérêt de millions de passionnés pour un sport, il faut que le match en lui-même offre également du spectacle. Il faut que les joueurs soient au sommet de leur forme, physiquement et techniquement, et ce en permanence. C’est ce que montre Lionel Maltese, Maître de Conférences à l’Université d’Aix-Marseille III, dans sa conférence « Management des ressources et des compétences des clubs et événements sportifs professionnels » Il y explique que l’organisation d’une rencontre sportive est désormais comparable à la préparation d’une émission de télévision : tout doit être programmé pour séduire !1. L’équipe qui décroche les meilleures redevances audiovisuelles est la plus spectaculaire. L’athlète qui a le sponsor le plus lucratif est celui qui impressionne constamment. Un passage à vide, une blessure, et c’est peut-être la fin d’une carrière. A travers cette exigence de spectacle, on voit donc une nouvelle fois surgir la tentation du dopage pour le sportif professionnel.  C’est en effet un moyen de décupler ses capacités physiques ou mentales, mais également de récupérer, c’est-à-dire de durer.

L’ex-directeur médical du CIO, Patrick Schamasch  fait remarquer à juste titre, que de nos jours, les spectateurs sont peu ou pas intéressés par un 100m en lui-même. Ce qui importe, c’est le chrono. Il est fréquent de voir des gens sortir déçus d’un meeting d’athlétisme parce qu’aucun record n’a été battu.2 Le souci de plaire au grand public ou aux sponsors pousse les athlètes à être de plus en plus performants. Qu’y a-t-il de mieux pour captiver le public qu’un record du monde ? Une telle performance fait vivre aux téléspectateurs un moment historique ! Les supporters dans le stade en ont alors pour leur argent. Mais battre un record n’est pas donné à tout le monde : il faut tout simplement être le meilleur depuis la création de son sport. Les athlètes prennent rapidement conscience que leur corps a des limites. Mais le public n’aime pas les limites. Les sportifs ont alors recours au dopage. Et le public aime ça … Rien ne vaut une lutte acharnée entre deux athlètes pulvérisant tous les records.

 

Armstrong vs Pantani au sommet du Mont Ventoux en 2000 : un duel entre deux athlètes ensuite accusés de dopage, qui passionna le cyclisme mondial.

Armstrong vs Pantani au sommet du Mont Ventoux en 2000 : un duel entre deux athlètes ensuite accusés de dopage, qui passionna le cyclisme mondial.

 

Dans un article pour ABC Madrid, le journaliste Gabriel Albiac constate : “Le recours de la chimie est indispensable pour se plier aux exigences d’un spectacle qui doit toujours tenir le spectateur en haleine”. Et le spectateur ne s’en plaint pas tant qu’il ignore que les athlètes pour qui il vibre, sont dopés ! Pourquoi se plaindrait-il d’un spectacle aussi passionnant. Tant qu’il ne sait rien, tout va bien. C’est ce qui pousse le journaliste à dire : “La vraie compétition, la plus fascinante, c’est le match entre fabriquant de dopants efficaces et ceux qui conçoivent des tests pour les déceler”.3 Si on revient sur l’affaire Armstrong, tous les sportifs ont été captivés par la lutte entre le cycliste et l’agence mondiale antidopage. Allait-il montrer qu’il était innocent ou plonger ? Il n’y a qu’à voir la mise en scène qui a entouré l’émission au cours de laquelle le Texan est passé aux aveux pour comprendre l’intérêt du public pour cette affaire. Pour Jean François Toussaint, ancien athlète de haut niveau et professeur de physiologie à l’université Paris Descartes : « C’est une course proie prédateur »4

Mais le spectateur est aussi impressionné par la performance pure. Il a beau défendre les valeurs coubertiniennes du sport, il veut quand même des records. Et puisque la science permet d’avoir des records pourquoi s’en priver. Y-a-t-il jamais eu plus d’enthousiasme autour de la natation qu’au temps des combinaisons en polyuréthane ? Il parait évident que ces compétitions ne seront plus des oppositions entre sportifs mais des oppositions entre scientifiques, mais pourquoi s’en priver ? C’est la raison pour laquelle Ryan Bradley, journaliste de Popular Science propose la création d’un championnat de dopés. Il va même plus loin: « We need a League of performance-enhanced Athletes ». En effet, le dopage dénature le sport, qui est à l’origine pur, en le réduisant à une lutte de chimistes. De l’autre côté, « interdire le dopage, c’est se priver d’avancées technologiques » . Il faut donc créer une discipline de dopés, ce qui autoriserait les exploits les plus insensés.

Cette solution a le mérite de résoudre de nombreux problèmes :5

Premièrement, il n’y aurait plus de souci de transparence: on sait exactement qui prend quoi. Deuxièmement, l’environnement serait plus sain : tout serait contrôlé donc il y aurait nécessairement moins de risques de santé pour les athlètes

Publicité pour les combinaison Speedo (désormais interdites en compétition) : pourquoi ne pas créer une course avec combinaison pour obtenir des chronos toujours plus psectaculaires ?

Publicité pour les combinaison Speedo (désormais interdites en compétition) : pourquoi ne pas créer une course avec combinaison pour obtenir des chronos toujours plus spectaculaires ?

 

Cette possibilité illustre la difficulté de la tâche des autorités, ce que confirme Claude Louis Gallien (ancien vice président du CNOSF) “C’est un véritable problème qui se pose en particulier au Comité international olympique, garant de l’héritage laissé par Pierre de Coubertin et pilote des évolutions éventuelles de « l’esprit olympique », lorsqu’il s’agit de concilier performance et santé, spectacle et label éthique »6

 

L’ex-directeur médical du CIO, Patrick Schamasch, répond à cette proposition. Le CIO veut modérer le coté spectacle des JO. Personnellement, il souhaiterait changer le moto “citius, altius, fortius” qui prône indirectement le dopage. Mettre en avant trois valeurs comme l’amitié, le respect et l’excellence serait, selon lui, beaucoup plus approprié.  Mais ce débat met en avant un problème d’éducation aux valeurs du sport.7 Il n’y a aucun besoin de record ou de spectacle lors d’une rencontre sportive. Prenons l’exemple des sports collectifs, comme le football et le tennis. Les matchs sont rarement le théâtre de records du monde, et pourtant ils passionnent des millions de fans.

Le spectacle qui parait promouvoir le sport, le détruirait. Développer le spectacle, c’est pousser les sportifs à dépasser leurs limites, battre des records, et inéluctablement avoir recours au dopage. Nous sommes donc tous responsables du dopage. Chaque spectateur devant sa télévision prône le dopage. Le sportif semble donc être autant  victime d’une culture du spectacle que de son orgueil.

 

  1. Lionel Maltese, cours de Management des ressources et des compétences des clubs et événements sportifs professionnels, [en ligne]. Disponible sur : http://cortoleo.free.fr/Research/LMALTESE.pdf
  2. Propos recueillis lors du 13ème colloque national de lutte contre le dopage.
  3. ABC MADRID. Elogio de Lance Armstrong. 24/12/2012. [En ligne]. Disponible sur : http://www.abc.es/historico-opinio/n/index.asp?ff=20121024&idn=1503547673858
  4. Propos recueillis lors du 13ème colloque national de lutte contre le dopage.
  5. Ryan Bradley. Popular science. We need a League of performance-enhanced Athletes . 26/07/12, [en ligne]. disponible sur:http://www.popsci.com/science/article/2011-05/why-we-need-league-performance-enhanced-athletes
  6. Claude-Louis Gallien. Le dopage, un phénomène de société. Bulletin de l’Académie nationale de Chirurgie dentaire, 2002, 45-4. [en ligne] disponible sur : http://www.academiedentaire.fr/attachments/0000/0031/45_4_Gallien.pdf
  7. Propos recueillis lors du 13ème colloque national de lutte contre le dopage.
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L’amélioration de la Performance, comme critère du dopage http://www.controverses-minesparistech-7.fr/wordpress/?p=464 http://www.controverses-minesparistech-7.fr/wordpress/?p=464#comments Tue, 09 Apr 2013 13:59:18 +0000 laguittemh http://www.controverses-minesparistech-7.fr/wordpress/?p=464 Nous avons pu voir que la définition même de la performance est complexe. Dans ce contexte, peut-on définir des critères pertinents pour déterminer si une substance doit être prohibée ?

Une des pierres angulaires du code mondial antidopage est la liste des substances interdites.1 Il s’agit d’un standard international identifiant les substances et méthodes interdites en et hors compétition, parfois spécifiques pour chaque sport. Puisque de nouvelles molécules voient régulièrement le jour en matière de dopage il incombe à l’AMA de mettre à jour cette liste annuellement.

Jusqu’à présent, pour qu’un produit se voit inscrit sur cette liste, il devait remplir deux des trois critères suivants :

- La preuve médicale ou scientifique, l’effet pharmacologique ou l’expérience démontrant que la substance ou la méthode, seule ou combinée à d’autres substances ou méthodes, a le potentiel d’améliorer ou améliore effectivement la performance sportive

- La preuve médicale ou scientifique, l’effet pharmacologique ou l’expérience démontrant que l’usage de la substance ou de la méthode présente un risque avéré ou potentiel pour la santé du sportif

- La détermination par l’AMA que l’usage de la substance ou de la méthode est contraire à l’esprit sportif tel que décrit dans l’introduction du Code mondial antidopage.

Cependant, dans la version révisée du code prévue pour 2015, l’AMA compte supprimer les deux derniers critères.

 

Est-ce que seule l’amélioration de la performance peut compter ?

La récente proposition de l’AMA de réduire les critères qui déterminent si une substance est prohibée ou non, fait débat. Nous avons rencontré au 13ème colloque national de lutte contre le dopage des voix qui s’élevaient contre cette décision.

Pour Michel Rieu (conseiller scientifique de l’Agence Française de Lutte contre le Dopage) cette décision est dangereuse. « L’augmentation de la performance » reste une dénomination très vague. Les premières victimes de ce flou seront d’ailleurs les études cliniques visant à incriminer certaines substances. Les designs d’études cliniques nécessaires pour prouver une amélioration de la performance sont en effet très complexes. Car si une molécule peut améliorer tel métabolisme, son influence sur la performance globale peut être beaucoup moins évidente.2

Pour Jean-Marc Julien (pharmacien rattaché au Ministère des Sports), le flou autour de la définition de performance compliquera également la tâche de la lutte antidopage. Celui-ci ouvre en effet la porte aux contestations de tous les sportifs soupçonnés de dopage. Un doute sera possible si la prise de produits n’a pas entrainer une hausse des performances. Auparavant, du moment qu’un produit était prohibé, sa prise suffisait pour être dopé. On voit là que ce changement de critère engage également un débat sur la définition même du dopage.3

Enfin, cette décision consacre la performance comme but ultime du sport. Elle la place même au-dessus de la Santé du sportif. Si des mesures protégeant les athlètes ne sont pas prises de concert avec la décision de l’AMA de ne considérer que la performance comme critère de prohibition, cette dernière représente un danger pour l’athlète. Comme le dit le Dr Alain Lacoste, médecin du sport membre de la fédération internationale d’aviron, “Tout le monde dit que le dopage est un problème de Santé Publique, alors prenons des mesures sanitaires. »4

 

  1. Liste des substances et méthodes interdites 2013. Code mondial antidopage. http://list.wada-ama.org/fr/
  2. RIEU Michel. Existe-t-il des critères permettant de définir les substances comme ergogéniques ? Propos recueillis lors du 13ème colloque national de lutte contre le dopage
  3. JULIEN Jean-Marc. Application aux glucocorticoïdes. Propos recueillis lors du 13ème colloque national de lutte contre le dopage
  4. Propos recueillis lors du 13ème colloque national de lutte contre le dopage
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