L'éthique du journalisme http://www.controverses-minesparistech-3.fr/~groupe15 un journaliste peut-il rentrer en connivence avec un politique ? Sat, 17 Jun 2017 11:13:31 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=4.7.5 http://www.controverses-minesparistech-3.fr/~groupe15/wp-content/uploads/2017/06/cropped-journalistes-32x32.jpg L'éthique du journalisme http://www.controverses-minesparistech-3.fr/~groupe15 32 32 Mode d’influence des politiques sur les journalistes http://www.controverses-minesparistech-3.fr/~groupe15/2017/06/16/mode-dinfluence-des-politiques-sur-les-journalistes/ http://www.controverses-minesparistech-3.fr/~groupe15/2017/06/16/mode-dinfluence-des-politiques-sur-les-journalistes/#respond Fri, 16 Jun 2017 15:20:51 +0000 http://www.controverses-minesparistech-3.fr/~groupe15/?p=302 Continuer la lecture de « Mode d’influence des politiques sur les journalistes »

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Dans un système démocratique, ce sont les élus qui détiennent le pouvoir que leur a confié le peuple. Ce sont ces mêmes élus qui doivent être en contact avec les journalistes pour exprimer leurs visions et justifier leurs choix.

 

Le premier point qu’il est important de noter est que la couverture d’un domaine d’activité implique la fréquentation assidue des acteurs. Dès lors s’installe facilement une certaine myopie du journaliste vis-à-vis des informations transmises pars les acteurs, voire une connivence. Certains auteurs comme le journaliste Albert du Roy soulignent aussi le fait que les journalistes et politiques français sont majoritairement issus des mêmes milieux, des mêmes écoles, partagent la même culture et fréquentent les mêmes endroits. Certains même deviennent politiques à la suite de leur carrière journalistique. L’attrait de certains journalistes pour la classe politique est donc important, ils sont donc très sensibles à une certaine influence qui pourrait s’exercer sur eux.

 

Une des méthodes utilisées pour favoriser la rencontre entre politiques et journalistes est l’invitation à déjeuner. Cette méthode est très utilisée dans les deux sens, les cabinets ministériels invitent les journalistes à venir dîner avec leurs membres et les grands journaux ont aussi des salons réservés pour recevoir les hommes politiques. Cependant de telles invitations peuvent très facilement porter atteinte à l’objectivité des hôtes reçus. Hubert Beuve-Méry, fondateur du journal Le Monde avait trouvé une parade pour ses journalistes qu’il encourageait à répondre favorablement à ses invitation « à la condition seulement de cracher dans les plats ». Ce même journaliste faisait figure d’exception lorsqu’il refusait d’assister aux conférences de presse du générale de Gaulle, écoutait la conférence à la radio, et répondait le lendemain matin avec un billet signé Sirius.

D’un autre côté, Franz-Olivier Giesbert, journaliste et PDG du magazine Le Point déclarait « Moi, je baise avec le pouvoir ». Il cherchait en disant cela à exprimer le fait que la principale source d’information du journaliste politique est les politiques eux-même. Il appartient donc au journaliste de savoir être suffisamment proche d’eux pour soutirer l’information qu’ils veulent tout en essayant de rester suffisamment neutre.

 

Les modes d’influence du pouvoir sur les journalistes ont, en revanche, évolué depuis le milieu du XXème siècle. A la fin de la seconde guerre mondiale, les médias notamment la télévision et la radio se sont vu de plus en plus contrôlés. Les chaines de diffusion massive grâce aux ondes sont en majoritairement public. Elles sont sous l’égide de RTF deviendra ensuite l’ORTF.

En 1958, la création par le général de Gaulle du ministère de l’information avait pour mission la réforme de l’organisation de la radiotélévision d’Etat. Par conséquent, en 1960 Alain Peyrefitte, alors ministre de l’information pouvait, depuis son ministère convoquer les différents responsables de ces médias pour passer ses consignes. La création de l’ORTF, en 1964, bien qu’ayant encore le monopole du service public donne plus de liberté à ce service et par conséquent à l’information. Récemment l’état a repris une partie de son pouvoir sur la presse audiovisuel pendant les années Sarkozy. En effet, en 2009 lors de la réforme de l’audiovisuel public, le président a fait voter une loi l’autorisant à nommer les différents présidents des chaines publiques. Cette loi très controversé a depuis été rectifiée en 2013 avec la loi n° 2013-1028 du 15 novembre 2013 relative à l’indépendance de l’audiovisuel public. Les responsables des chaines télévisées étant dorénavant nommés par le CSA.

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Le contact et la distance, Alexis Lévrier http://www.controverses-minesparistech-3.fr/~groupe15/2017/06/16/le-contact-et-la-distance-alexis-levrier/ http://www.controverses-minesparistech-3.fr/~groupe15/2017/06/16/le-contact-et-la-distance-alexis-levrier/#respond Fri, 16 Jun 2017 07:57:42 +0000 http://www.controverses-minesparistech-3.fr/~groupe15/?p=267 Continuer la lecture de « Le contact et la distance, Alexis Lévrier »

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Alexis Lévrier : Le contact et la distance

 

Alexis Lévrier est maître de conférences en littérature française du XVIIIe siècle à l’université de Reims. Ses recherches portent sur la presse et sur les relations entre journalistes et littérature.

Dans son livre Le contact et la distance, reprenant une très célèbre formule d’Hubert Beuve-Méry « Le journalisme, c’est le contact et la distance. », il part de l’endogamie française entre journaliste et politique souvent critiqué à l’étranger pour en déduire une analyse des médias français.

 

I Le couple homme politique/femme journaliste un modèle français unique au monde :

En 2012 Valérie Trierweiler, compagne du nouveau président de la république, se qualifie de « première journaliste ». Signant ainsi la ligne de fracture opposant journalistes français à leurs semblables anglo-saxons. Ce modèle de couple, alors installé à la tête de l’état, est très présent dans le paysage politique français de tout bord. On peut citer à titre d’exemple les couples Borloo/Schoenberg ou Kouchner/Ockrent.

Ce type de couple, typiquement français, est très largement décrié outre-Manche. En témoigne un article du Financial Times qui titre de manière imagé « French Media : In bed with power » décrivant la presse comme un organe de l’état français. Cependant cette profonde aversion du milieu journalistique anglo-saxon pour leurs collègues politiques conduit parfois à des dérives excessives. Le scandale de News of the world est révélateur de ces dérives. Ce journal pourtant présent dans la presse anglaise depuis 168 ans n’aura pas résisté à la révélation des écoutes illégales et piratage de répondeur qu’il pratiquait sur respectivement des personnalités politique et des victimes de crimes ou d’attentat.

Pourtant, il semble exister un juste milieu dans d’autres pays étranger. En Allemagne, Doris Köpf épouse de Gerhard Schröder renonce à sa carte de presse lorsque celui-ci devient chancelier fédéral en 1998. En France, les couples Strauss Kahn/Sinclair ou Juppé/Legrand-Bodin, où l’épouse journaliste a temporairement arrêté sa carrière journalistique font figure d’exception.

Nous sommes alors en droit de se demander si de tels couples sont le résultat d’une tradition française ou simplement le fait d’une nouvelle génération de journalistes.

Il est important de noter qu’avant les années 1960 de tels couples étaient très rare dans le paysage politique français. Bien avant, sous le règne de Louis XIV, époque où la presse française était largement inféodée au monarque absolu, Anne Marguerite Petit Dunoyer tenait tête au pouvoir dans la Quintessence des nouvelles. Dans son lardon elle critiquait ouvertement les décisions du pouvoir depuis les Pays-Bas.

De tels couples peuvent porter atteinte à la qualité de l’information portée par les médias. L’affaire DSK est révélatrice des dérives vers lesquelles peut entrainer cette endogamie. Jean Quatremer journaliste chez Libération écrivait quelques mois avant l’affaire : « Le seul vrai problème de Strauss-Kahn est son rapport aux femmes. Trop pressant, il frôle souvent le harcèlement : Un travers connu des médias mais dont personne ne parle (on est en France). Or le FMI est une institution internationale où les mœurs sont anglo-saxonnes. Un geste déplacé, une allusion trop précise et c’est la curée médiatique. ». A la suite de cet article il reçoit une multitude de critiques de la part de ses semblables journalistes. Il nuance alors ses propos peu de temps après dans un article qu’il intitule « DSK une tempête dans un verre d’eau ». Il regrettera cette nuance après le scandale DSK et dira : « Personne ne m’a soutenu, personne. Pourtant, je n’ai fait qu’écrire ce que tout le monde pensait et que personne ne voulait raconter. » .

La profondeur du lien unissant journalistes et politiques serait pourtant bien plus importante. L’endogamie dépeinte ici n’en serait qu’une manifestation visible.

 

II L’origine de liens unissant journalistes et politiques.

Franz-Olivier Gisbert nous dit  de manière figurée : « Moi, je baise avec le pouvoir ». Nous avons ici l’exemple d’un journaliste qui bien que pas marié avec un politique entretien des liens très proche avec le pouvoir pour parvenir à ses fins journalistiques. Mais alors qu’elle devrait être la distance entre politiques et journalistes ?

Alexis Lévrier nous donne un élément de réponse : « Pour empêcher la porosité des deux mondes, il faudrait que les journalistes politiques acceptent de ne plus côtoyer d’aussi près les dirigeants politiques. Ils resteraient ainsi à distance des liens de connivence et des engagements interpersonnels, mais au risque de se priver d’information de première main. ». Hubert Beuve Mery créateur du journal Le Monde en 1944 disait à ses journalistes qu’ils pouvaient se faire inviter à dîner chez les politiques « à condition bien sûr de cracher dans les plats ». De même qu’il préférait ne pas assister aux conférences de presse théâtralisées de de Gaulle, les écoutants au moyen de son poste radio, pour ensuite répondre le lendemain sous le pseudonyme de Sirius à l’image de cette étoile lointaine contemplant avec plus de hauteur les évènements. Un tel affront de ce journaliste provoquait l’ire du général.

Plus récemment le concept d’« embded Journalist », les journalistes embarqués commence à apparaître. Sarkozy avec sa manière de se comporter vis-à-vis des journalistes en est un exemple frappant. « Il abolit toute forme de distance et transforme ses interlocuteurs en autant de comparse » nous livre Alexis Lévrier et appui son discours de la photo de Sarkozy à la veille de son élection où il est à cheval suivi par une horde de journalistes entassé dans une remorque.

http://referentiel.nouvelobs.com/

Les sources de l’étranger critiquent aussi les lieux de formation de nos journalistes français. Médiapart a révélé des documents issus de la diplomatie américaine qui critiquaient le mode de formation français ou le monde parisien se fréquente trop et trop tôt. Cependant cette vision est à nuancer car si elle s’applique parfaitement à science-po, les écoles de communication et de journalisme n’appartiennent, elle, pas à cette endogamie.

Ce lien très fort unissant journaliste et politiques est aussi pour Alexis Lévrier, le poids d’un héritage.

Dès son origine, la presse française a été inféodée au roi. En 1631, deux premiers journaux français sont édités. Seule la Gazette subsistera de par sa fidélité à Louis XIII. Nous avons en France une presse qui dès son origine s’est vue contrôlée par le pouvoir. Si les anglo-saxons ont une presse prenant plus de liberté, c’est qu’elle tire son autonomie d’un régime parlementaire établie dès 1688.

Selon Alexis Lévrier : «  il serait faux de prétendre que la révolution de 1789 aurait permis de rompre avec le contrôle mis en place sous Louis XIII et Louis XIV. Si l’article 11 de la déclaration des droits de l’homme commence en définissant la liberté d’expression comme « L’un des droits les plus précieux de l’homme. ». Il se termine par une restriction qui en limite singulièrement la portée  « Tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi. ». »

Il résulte de cet héritage que les français sont accoutumés à une presse qui vient d’en haut et subordonnée au pouvoir.

 

III L’avenir d’une exception

La France fait donc figure d’exception parmi le paysage journalistique européen et mondial. Elle tire cette différence de son passé mais aussi d’un mode de fonctionnement qui lui est propre. Dès lors on peut se demander quel est l’avenir d’une telle exception.

Le lien qui existe entre journalistes et pouvoir en France se manifeste par une certaine pudeur, peut-être trop présente, de ces derniers vis-à-vis des dirigeant comme on a pu le voir au travers de l’affaire DSK-Quatremer. Pour Alexis Lévrier : « il est absurde de parler de connivence à chaque fois qu’un journaliste cache l’information qu’il dispose. » Cependant, il ajoute « ne pas céder au culte de la transparence est une chose mais présenter comme une vérité les mensonges d’un dirigeant en est une autre infiniment moins excusable. ».

                Daniel Schneiderman estime qu’une évolution vers une éthique de la transparence serait importante : « Pour eviter les soupçons de connivence il serait souhaitable que les journalistest politiques expliquent systématiquement à leur lecteur la manière dont ils ont obtenu les infos. » « Je ne serais pas choqué que sous chaque article le journaliste indique s’il a mangé avec un politique, s’il a eu rendez-vous avec lui, s’ils ont eu un ou plusieurs entretiens téléphonique, etc : cela supprimerait toute ambiguïté. »

On peut noter que le mode de communication des journalistes est en train d’évoluer avec l’avènement des réseaux sociaux. Twitter, très différent des médias traditionnels offre plus de liberté aux journalistes et se rapproche de fait de ce qu’avait été la presse clandestine.

Mediapart et Arrêt sur image deux sites d’information se voulant libérer de toutes contraintes ont pu s’exprimer sur internet. Cependant ils ont du faire le choix d’un accès payant.

Conclusion

Alexis Lévrier : « La France se targue depuis 1789 d’être le pays des libertés d’expression et revendique avec force un héritage forgé en 1789. Mais cette prétention est peut être l’un des mythes fondateurs auxquels la presse française s’agrippe encore aujourd’hui malgré l’évidence. […] Quelques décennies après la révolution, Tocqueville avait déjà nuancé la portée de cette rupture. Il montre dans L’ancien régime et la révolution que les français n’ont manifestés ce goût pour les libertés politiques que durant une période éphémère, à l’approche de la révolution.

  • Le contact et la distance, Alexis Lévrier, 20 octobre 2016, ISBN: 978-2-36383-209-2
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La connivence permet-elle une meilleure connaissance du politique ? http://www.controverses-minesparistech-3.fr/~groupe15/2017/06/09/la-connivence-permet-elle-une-meilleure-connaissance-du-politique/ http://www.controverses-minesparistech-3.fr/~groupe15/2017/06/09/la-connivence-permet-elle-une-meilleure-connaissance-du-politique/#respond Fri, 09 Jun 2017 13:52:27 +0000 http://www.controverses-minesparistech-3.fr/~groupe15/?p=218 Continuer la lecture de « La connivence permet-elle une meilleure connaissance du politique ? »

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Ce thème fait encore débat parmi les journalistes. Regardons par exemple ce que dit Daniel Schneidermann à ce sujet dans l’Obs, le 27 février 2017.

Daniel Schneidermann est un journaliste français, spécialiste de la critique des médias, puisque son émission, Arrêt sur Images, avait déjà comme principe de critiquer la télévision à la télévision. Il poursuit cette émission sur internet après la fin de la diffusion de celle-ci en 2007. A l’occasion d’une conférence sur le nouveau livre du politiste Alexis Lévrier : « Le contact et la distance », à laquelle plusieurs journalistes connus participent, le thème de la connivence refait évidemment surface: Quelles sont les barrières qui s’opposent à pleine liberté d’investigation des journalistes ? Les positions au sein du monde journalistique semblent diverger. L’auteur prend un exemple personnel : Lui-même avait été au courant de l’existence de la seconde famille de Mitterrand sept ans avant la divulgation de ce scoop dans la presse. Mais à l’époque, ce qui révélait de la vie privée ne semblait avoir aucun intérêt.

Raphaëlle Bacqué et Philippe Ridet, deux journalistes du Monde prétendent quant à eux que les barrières sont désormais abolies, renversées, et que toutes les informations peuvent être révélées. Cela semble donc augmenter l’intérêt pour un journaliste d’être connivent avec les hommes politiques. En effet, il semble donc tout à l’avantage du journaliste de traîner dans l’entourage proche de l’homme politique pour acquérir le maximum d’informations. C’est notamment le cas de Franz-Olivier Giesbert qui revendique complètement: « Moi, je couche avec le pouvoir ». En effet, ils prétendent que cela leur permet de mieux cerner le personnage, de mieux comprendre ses idées, et d’avoir des informations susceptible de plaire aux lecteurs plus vite et de meilleure qualité, surtout quand elles sont « croustillantes ».

Pourtant, il existe encore un exemple troublant : le manque d’intérêt pour les missions de la compagne de Benoît Hamon chez LVMH, malgré le refus du candidat socialiste de participer à l’émission : Ambition intime, notamment parce qu’il était gêné par le poste occupé par sa femme. Seul Challenges, un journal pro-macron, révèle qu’elle occupe un poste important qui pourrait même l’amener à s’opposer à la mairie de Paris, à propos du futur grand magasin LVMH à la Samaritaine. La question se pose de savoir si elle était aussi responsable de délocalisations du groupe LVMH, surtout quand on sait que LVMH est la cible du désormais césarisé documentaire « Merci Patron ! ».

Raphaëlle Bacqué et Philippe Ridet ne semblent pas au courant de cet article de Challenges.

En conclusion, il semble que les barrières ne se soient pas si abolies que cela. Elles sont même rentrées dans une forme de tabou. D’après Daniel Schneidermann, on ne révélait pas la seconde famille de Mitterrand car cela n’avait aucun intérêt politique. En revanche, on cache le rôle de la femme d’Hamon, car cela pourrait l’embarrasser,  au nom d’un principe qui paraît ringard, celui d’après lequel un couple possède une unité d’idées, de mœurs, de pratiques.

Sources:

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Les journaux à l’heure du capitalisme et de la libre concurrence http://www.controverses-minesparistech-3.fr/~groupe15/2017/06/09/les-journaux-a-lheure-du-capitalisme-et-de-la-libre-concurrence/ http://www.controverses-minesparistech-3.fr/~groupe15/2017/06/09/les-journaux-a-lheure-du-capitalisme-et-de-la-libre-concurrence/#respond Fri, 09 Jun 2017 13:50:27 +0000 http://www.controverses-minesparistech-3.fr/~groupe15/?p=215 Continuer la lecture de « Les journaux à l’heure du capitalisme et de la libre concurrence »

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Depuis le début des années 1980, les journaux européens et plus particulièrement français sont rentrés dans une nouvelle ère économique. Ils ont dû se plier à un nouveau modèle économique, imposant un certain concept de la rentabilité et de la productivité.

Cette « vague » du capitalisme implique trois changements majeurs pour les journaux ou chaînes de télévision:

  1. Il faut être « réactif », afin de ne pas céder les informations capitales à la concurrence,  mais dans la pratique, cela revient à parler de ce dont tout le monde parle déjà. Cela amène deux conséquences assez néfastes, une sur-médiatisation avec un effet de redondance sur les informations à caractère sensationnel, et une sous-médiatisation des informations qui ne se « vendent » pas, ou qui n’intéressent que très ponctuellement.
  2. Le travail des experts devient subordonné à l’ « actualité ». Les chercheurs doivent se prononcer dans l’urgence de la situation, suivant un agenda médiatique surchargé. L’exemple typique de ce problème est le cas du sociologue que l’on appelle lorsqu’une grande catastrophe sociétale arrive (typiquement un attentat ou une « affaire » politique) . Le journaliste demande alors une explication rapide et une solution simple. Souvent, la position nuancée de l’expert se retrouve déformée dans l’article de journal. La question soulevée par la catastrophe est alors considérée comme traitée, et on oublie le sujet jusqu’à la prochaine actualité brûlante qui ramène la question sur la table.
  3. Enfin, les formats de production changent: un journaliste n’a plus les mêmes moyens ou le même temps pour effectuer les tâches qu’on lui demande. L’activité journalistique doit augmenter. Il faut impérativement produire plus, pour « vendre » plus. Le journaliste n’aura plus forcément le temps ou l’argent d’aller sur le terrain pour enquêter, mais il devra rester assis derrière son bureau dans les locaux de la rédaction. Les coûts tendent à être externalisé avec le recours assez fréquents à des pigistes, c’est-à-dire des journalistes payés à la page et non salariés. La publicité et le marketing ont gagné un droit de regard et d’ingérence sur le contenu des articles qui sont publiés.

Un autre ouvrage de sociologie fait référence dans ce domaine, il s’agit de: Comparing Media Systems: Three Models of Media and Politics, écrits par Daniel C. Hallin, et Paolo Mancini. Tout l’intérêt du livre, précurseur à son époque a été de montrer qu’on ne peut parler de LA presse occidentale, mais qu’il faut parler DES presses occidentales, et que les caractéristiques des médias dépendent quasiment exclusivement de la structure politique du pays.

Voici un tableau récapitulatif:

Les trois modèles : Caractéristiques des systèmes de médias

Dimensions Modèle Pluraliste Méditerranéen ou Polarisé
France, Grèce, Italie, Portugal, Espagne
Europe du Nord/Centrale : modèle corporatif démocratique
Autriche, Belgique, Danemark, Finlande, Allemagne, Pays-Bas, Norvège, Suède, Suisse
Modèle de l’Atlantique Nord ou Libéral
Grande-Bretagne, États-Unis, Canada, Irlande
Industrie Journalistique Circulation faible des journaux.

Presse d’élite orientée politiquement

Grande circulation des journaux. Développement précoce de la presse de masse Circulation moyenne des journaux. Développement précoce de la presse commerciale à grande diffusion
Parallélisme politique Haut parallélisme politique ; Pluralisme externe, journalisme axé sur les commentaires ; Modèle parlementaire ou gouvernemental de gouvernance de la radiodiffusion ; Systèmes de diffusion de la politique Pluralisme externe, en particulier dans la presse nationale ; Presse de parti historiquement forte ; Passer à la presse commerciale neutre ; Système de politique en matière de diffusion avec une autonomie substantielle Presse commerciale neutre ; Le journalisme axé sur l’information ; Le pluralisme interne (mais le pluralisme externe en Grande-Bretagne); Modèle professionnel de la gouvernance de la diffusion; Système formellement autonome
Professionnalisme Professionnalisation plus faible ; Instrumentalisation Professionnalisation forte ; Autorégulation institutionnalisée Professionnalisation forte ; Autorégulation non institutionnalisée
Rôle de l’Etat dans le système médiatique Intervention forte de l’État; Subventions de presse en France et en Italie; Périodes de censure; «Déréglementation sauvage» (sauf la France) Forte intervention de l’État mais avec protection de la liberté de la presse; Subventions de presse, particulièrement fortes en Scandinavie; Radiodiffusion publique solide Marché dominé (sauf forte diffusion publique en Grande-Bretagne et en Irlande)

Sources:

  • Le sociologue dans le champ médiatique: diffuser et déformer ? Débat entre Cyril Lemieux, et Laurent Mucchielli, et Erik Neveu, animé par Cécile Van de Velde dans Sociologie 2010/2 (Vol. 1), p. 287-299,
  • Critique du Journalisme: Comment repolitiser le débat ? Article de Cyril Lemieux dans  « Mouvements » 2001/3 (no15-16), pages 131 à 137,
  • Page Wikipedia de Comparing Media System, (Cliquez ici pour le lien)
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L’affaire Karine Le Marchand et Marine Le Pen : mais où est la connivence ? http://www.controverses-minesparistech-3.fr/~groupe15/2017/06/09/laffaire-karine-le-marchand-et-marine-le-pen-mais-ou-est-la-connivence/ http://www.controverses-minesparistech-3.fr/~groupe15/2017/06/09/laffaire-karine-le-marchand-et-marine-le-pen-mais-ou-est-la-connivence/#respond Fri, 09 Jun 2017 13:48:31 +0000 http://www.controverses-minesparistech-3.fr/~groupe15/?p=211 Continuer la lecture de « L’affaire Karine Le Marchand et Marine Le Pen : mais où est la connivence ? »

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La connivence entre les journalistes et les politiques est parfois inévitable. Mais la controverse prend une complexité supplémentaire lorsque les accusations de connivences se font dans les deux sens ! Qui donc est connivent quand les différents acteurs s’accusent mutuellement de briser la déontologie journalistique ?

L’affaire Le Marchand / Le Pen est une illustration parfaite de ce phénomène. Karine Le Marchand qui anime une émission politique « Ambition Intime » dont le format permet une grande proximité avec son invité politique et y raconte la vie de l’invité en question.

La controverse concerne ici son invitation émission avec Marine Le Pen : Accusée par d’autres journalistes en particulier Patrick Cohen, de connivence avec le FN, elle se défend en expliquant qu’il y aurait eu un manque d’objectivité de sa part si elle n’avait pas accueillie Marine Le Pen de la même façon que ses autres invités, et accuse ainsi Patrick Cohen de journalisme engagé.

http://www.europe1.fr/medias-tele/quand-patrick-cohen-reproche-a-karine-le-marchand-de-copiner-avec-marine-le-pen-2866033

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http://www.controverses-minesparistech-3.fr/~groupe15/2017/06/09/laffaire-karine-le-marchand-et-marine-le-pen-mais-ou-est-la-connivence/feed/ 0
Entretien avec Madame Françoise Kadri, chef du reportage économique, directeur adjointe du département Economique de l’A.F.P. http://www.controverses-minesparistech-3.fr/~groupe15/2017/06/09/entretien-avec-madame-francoise-kadri-chef-du-reportage-economique-directeur-adjointe-du-departement-economique-de-la-f-p/ http://www.controverses-minesparistech-3.fr/~groupe15/2017/06/09/entretien-avec-madame-francoise-kadri-chef-du-reportage-economique-directeur-adjointe-du-departement-economique-de-la-f-p/#respond Fri, 09 Jun 2017 13:47:16 +0000 http://www.controverses-minesparistech-3.fr/~groupe15/?p=208 Continuer la lecture de « Entretien avec Madame Françoise Kadri, chef du reportage économique, directeur adjointe du département Economique de l’A.F.P. »

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Paris, le 30/05/2017

Notre groupe de Controverses a rencontré Madame Kadri et lui a posé quelques questions qui permettent d’aporter des éléments de réflexion et des témoignages à notre descritption de controverses.

Comment est abordée la question de la distance à maintenir avec les politiciens ou les entrepreneurs que vous interviewez au sein de l’entreprise ?

C’est la base même du métier de journaliste de toujours garder les distances des personnes interviewées. Surtout quand il s’agit de personnes ayant une position de pouvoir, comme c’est le cas pour un entrepreneur ou un homme politique. C’est moins vrai quand on interviewe un quidam dans la rue.

Par principe, le journaliste doit toujours avoir un regard critique sur la personne interviewée, chercher à lui tirer les vers du nez. Car aussi bien les politiciens que les entrepreneurs se forment de plus en plus à l’exercice de l’interview (cours de media training, de coaching) pour essayer d’en dire le moins possible et pour contrôler davantage leur parole.

Avez-vous un organisme qui contrôle ceci au sein de l’Afp?

Non pas d’organisme qui contrôle mais une direction de l’Information qui  veille au bon respect de ces règles de base. Par exemple quand l’AFP est critiquée sur les réseaux sociaux comme soi disant anti-Trump, la direction de l’Information lance des mises en garde pour que « notre production reste bien équilibrée », et éventuellement répond aux internautes.

Avez-vous une charte qui en établit les règles? Les mettez-vous en application?

Oui nous avons une charte des bonnes pratiques du journalisme (visible sur le site de l’AFP) et chaque agencier est censé les mettre en application.

Recevez-vous des cadeaux de la part de ceux que vous enquêtez ou que vous interwievez ? Les acceptez-vous ?

C’est assez rare de recevoir des cadeaux mais cela peut arriver au service économique ou au service qui suit la mode et la gastronomie. Nous ne les acceptons pas si par exemple ils sont donnés à la fin d’une conférence de presse, sauf s’il s’agit d’un stylo ou d’un cadeau de très faible valeur type clef USB. Nous avons une règle selon laquelle le cadeau éventuellement reçu par voie postale ne doit pas dépasser 50 euros. Un de mes anciens chefs avait renvoyé une caisse de 6 bouteilles envoyées par LVMH d’une valeur de 600 euros la bouteille !

Quelle est la politique en matière de déjeuners et de dîners ? Avez-vous le droit de recevoir des invitations ? Pouvez-vous inviter ?

Oui cela nous arrive d’être invités à déjeuner (à dîner c’est beaucoup plus rare) mais uniquement à titre professionnel pour parler du secteur de l’entreprise en question ou pour régler un différend comme cela m’est arrivé avec une agence de communication (beaucoup d’entreprises passent par des agences spécialisées pour communiquer vers les journaux, les radios télés et les agences). Nous avons aussi un budget pour inviter certaines « sources », c’est-à-dire les responsables de la communication des grandes entreprises du CAC 40 ou de grandes agences de communication (Image7, DGM, Havas, etc..). Mais notre budget est très limité, chaque convive doit nous coûter au maximum 40 euros ce qui n’est pas beaucoup dans le quartier de la Bourse le midi et nous ne pouvons pas inviter plus qu’une ou deux personnes. En outre, il y a un plafond pour l’ensemble du service à ne pas dépasser sur l’année.

Réussissez-vous à maintenir de la distance avec l’Etat, qui subventionne l’AFP en lui versant chaque année plus de 100 millions d’euros pour financer son réseau international, au titre de sa mission d’intérêt général ?

Oui même si ce n’est pas toujours facile. L’article 2 du statut de l’AFP qui a fait l’objet d’une loi spécifique en 1957 au parlement nous protège car il stipule que l’AFP doit être indépendante de tous les partis, de toutes les administrations et de tous les intérêts économiques ou sociaux existants dans le pays.

Cependant comme nous avons à faire directement au président, au Premier ministre et à pas mal de ministres, il peut arriver qu’on essaye de nous faire changer des phrases considérées comme gênantes. Mais notre direction de l’Information sera toujours là pour nous soutenir même face au PDG de l’AFP s’il était tenté de céder à des pressions extérieures.

Avez-vous reçu des pressions de la part de celui-ci? Avez-vous un exemple particulier?

Cela arrive souvent que des ministres ou des présidents cherchent à influencer la façon dont nous parlons de leur action. Dans mon cas personnel, il est arrivé que l’entourage d’Emmanuel Macron quand il était ministre de l’Economie nous appelle pour modifier un titre ou rectifier le tir de déclarations qu’il avait faites par exemple en petit comité et qui n’était pas, selon l’entourage, destinée à devenir publiques. Je me souviens de quand il avait dit qu’en gros il n’y avait pas du tout besoin d’avoir été élu au moins une fois dans sa vie pour accéder au poste de Premier ministre ou président. Après la dépêche, son entourage avait protesté en disant que ces informations étaient « sorties de leur contexte », mal interprétées.

Comment avez-vous fait pour résister à ces pressions, si vous y avez resisté ? Qui vous a aidé ?

Nous avons tenu bon, car nous avions l’enregistrement de ce qu’il avait dit et que confronté à la réalité, l’entourage ne pouvait plus la nier. Ce qui nous a aidé c’est notre professionnalisme. Un bon journaliste doit être inattaquable sur ces sources et sur les citations qu’il utilise. C’est pour cela qu’il doit le plus souvent enregistrer, même une simple conversation au téléphone. C’est plus compliqué sur téléphone portable.

Que pensez-vous de la relecture de citations et d’interviews ?

Je suis totalement contre. Surtout quand cela devient systématique comme cela l’était devenu avec Emmanuel Macron. Il se faisait envoyer l’ensemble de ses déclarations via mail et ensuite il prétendait décider de ce que le journaliste pouvait garder ou pas, en rayant les mentions non souhaitées !!

Je pense que la relecture des citations et interviews qui est devenue presque systématique depuis une quinzaine d’années en France et qui est acceptée par de grands médias comme Le Monde, Le Figaro ou Les Echos mine la relation de confiance qui doit exister entre l’interviewé et l’intervieweur. Les mêmes personnalités acceptent tranquillement de parler à toute heure à la radio ou à la télévision sans aucune censure. Je ne comprends pas cette dérive qui amène certaines personnes dont Macron mais il n’est pas le seul, à conditionner l’octroi d’une interview à sa relecture. Je trouve que comme il s’agit de personnes très entraînées à faire des interviews et de très haut niveau culturel, elles devraient être en mesure de maîtriser d’emblée leurs propos, sans avoir besoin d’intervenir à postériori.

Au Département économique de l’AFP nous refusons depuis 2 ans toute relecture de citations et encore plus des interviews.

Certaines personnes considèrent que s’ils ne relisent pas leur interview alors cette interview ne contient pas ce qu’ils disent, mais plutôt ce que dit le journaliste. Est-ce vrai ?

Ce n’est pas vrai pour les journalistes expérimentés et rigoureux qui travaillent pour l’AFP. C’est la base du travail d’agence de refléter scrupuleusement la pensée de la personne interviewée et de ne pas faire d’interprétation. Si on a un doute parce qu’il s’agit d’un sujet très technique (par exemple une interview d’un cancérologue ou d’un spécialiste du ciment), un journaliste digne de ce nom, posera des questions pour clarifier le propos de l’interviewé.  Il ne faut jamais craindre d’avoir l’air idiot ou de ne rien y connaître. Le journaliste n’est qu’un médium qui raconte une histoire et son objectif est d’être le plus proche de la vérité possible, de ne travestir ni les propos ni ce qu’il voit.

Quelle est votre opinion sur le off ? Est-il un signe de connivence ?

Non le off peut être très utile, pour expliquer des concepts complexes et techniques, pour ajouter du contexte à un évènement. Mais aussi par exemple sur le plan diplomatique, pour justifier telle ou telle position de la France sans pouvoir le dire aussi nettement aux autres pays.

Ce n’est pas de la connivence, c’est une convention entre les personnalités importantes et les journalistes. Par exemple, l’administration américaine a pour habitude de donner beaucoup d’informations en off aux journalistes, ce qui permet à ceux-ci d’écrire des papiers plus complets, allant au-delà des déclarations officielles.

Avez-vous un exemple à nous raconter ?

Je me souviens du premier sommet entre Mario Monti, François Hollande, Angela Merkel et Mariano Rajoy à Rome en 2012. J’avais recueilli beaucoup d’informations en « off » de la porte-parole de Monti qui expliquait combien l’Italie comptait sur Hollande pour parler à Merkel afin que l’Europe tourne le dos à l’austérité et change de cap.

Selon vous la connivence avec les politiciens et les entreprises est-elle une façon de récolter plus d’informations ?

Je n’aime pas le mot connivence, il est normal comme toutes  les sociétés humaines qu’il y ait des interactions entre les journalistes d’un côté, les hommes politiques ou les entreprises de l’autre.  S’inviter, se fréquenter permet de récolter des informations mais il faut savoir maintenir les distances. Par exemple j’évite les dîners avec ces sources. S’ils nous invitent à Roland Garros (comme BNP Paribas) ou au théâtre (comme la SNCF ou Michelin), nous ne nous précipitons pas pour y aller, nous ne le ferons que s’il y a vraiment sur place, le PDG ou quelqu’un d’important dans l’entreprise afin de faire du « réseautage » (networking). En général, les collègues d’autres médias y vont aussi, c’est utile d’échanger avec eux aussi, de voir sur quels sujets ils travaillent. De mesurer la position exacte de tel ou tel dirigeant dans l’entreprise.

Avez-vous des exemples à nous raconter ?

Cela m’est arrivé d’aller justement voir une pièce de théatre à l’invitation de la SNCF au Théatre des Champs Elysées et c’était utile car il y avait beaucoup de collègues et un des hauts dirigeants de la SNCF.

Pensez vous que la connivence entre le journalisme et le politique a aux dernières élections représenté un décalage d’objectivité qui a influencé les suffrages ?

Pas du tout, je trouve que les journalistes ont tiré des enseignements des victoires surprises de Trump et du Brexit et lors des dernières élections, ont réellement fait un gros effort d’objectivité, ils sont davantage partis en reportage, sont allés sonder les « vrais gens » sur le terrain. Chez nous à l’AFP, c’est même quelque chose auquel nous avons commencé à réfléchir il y a un an. Je crois que le vote a été très influencé par les émissions politiques et les débats entre candidats.

Pensez-vous que les journalistes ont le pouvoir d’orienter la notion de vérité et d’objectivité?

Les journalistes doivent tendre le plus possible à l’objectivité. Mais c’est parfois difficile. La meilleure façon d’éviter cela c’est de multiplier les articles de « fact checking », comme le font Les Décodeurs au Monde ou Détox à Libé ou d’autres médias. Il faut de plus en plus vérifier les affirmations des uns et des autres, et ensuite diffuser les correctifs le plus largement possible. Depuis que Trump et les partisans du Brexit ont gagné en partie grâce à des « fake news », des informations fabriquées, les journalistes ont compris que leur mission d’origine consistant à « faire éclater la vérité », démonter les rumeurs, était redevenue très importante. C’est une nécessité pour la démocratie.

L’idéologie personnelle des journaliste influence-t-elle l’information qu’ils transmettent au sein de votre entreprise? Quelles mesures sont-elles prises pour freiner ce phoenomène, s’il est vrai qu’il a lieu?

De mon côté par exemple je suis plutôt anti nucléaire mais j’essaye de ne pas introduire de biais ni de faire apparaître mes idées personnelles quand je parle d’EDF ou d’Areva.

C’est l’un des chapitres de la Charte des bonnes pratiques.

Quels journaux français sont-ils selon vous impliqués dans ce genre de phénomènes ? Cela pose-t-il un problème ? En parle-t-on parmi les journalistes, est-ce que certains journaux sont critiqués?

Il est évident que la plupart des journaux (l’agence a une obligation d’indépendance et d’objectivité qu’ils n’ont pas) sont plus ou moins proches de certains partis ou de certains groupes d’idées; il est de notoriété publique (et cela se voyait pendant la campagne de François Fillon) que Le Figaro propriété de la famille Dassault est très proche des Républicains et a tendance à s’aligner sur leurs idées.

Libération est proche du PS, Le Monde désormais de Macron mais cela ne les a pas empêché de publier une enquête très fouillée et embarrassante sur Richard Ferrand, le ministre de la Cohésion territoriale. Normalement les orientations des journaux se voient dans la copie de leurs éditorialistes mais parfois aussi dans le choix de parler ou de ne pas parler ou pas beaucoup de tel ou tel sujet (c’était le cas pour Le Figaro pendant l’affaire Fillon).

Connaissez-vous des journalistes qui dénoncent la connivence des médias avec les politiciens quand elle a lieu ?

Récemment Télérama a publié un article très ironique sur la façon dont deux éditorialistes de BFM TV et du JDD avaient relaté les premiers pas sur la scène internationale d’Emmanuel Macron. Les deux journalistes en question se pâmaient en disant que le nouveau président avait fait un sans faute alors que comme le remarquait Télérama il n’avait rien dit de très original ni obtenu quoi que ce soit de Donald Trump lors du G7 de Taormine en SIcile par exemple.

Plus globalement, pouvez-vous nous parler de votre avis personnel sur le rôle du journaliste, sur la distance qu’il doit maintenir ou non avec le politicien, sur l’objectivité, sur la vérité?

Mon avis personnel c’est qu’il faut toujours rester sceptique, et dans une position d’observateur qui est le rôle même du journaliste. Il ne faut jamais se prendre nous pour des politiciens ou des entrepreneurs, ni pour des donneurs de leçons. Ce qui me plaît dans le journalisme c’est d’essayer de transcrire au plus juste et au plus près ce que je vois et ce que j’entends, au lecteur de se forger sa propre opinion ensuite. J’aime aussi aller à l’encontre des clichés, démonter les préjugés sur tel ou tel pays ou telle ou telle personnalité.

L’éditorialiste est le seul qui peut donner son opinion à mon avis car le lecteur sait d’emblée qu’il ne s’agit que d’un avis personnel et il peut le lire ou choisir de l’ignorer. A une certaine époque je lisais beaucoup The Economist surtout parce qu’il parlait de pays auxquels personne ne s’intéressait. Par contre quand leur correspondant en Italie ou au Japon écrivait sur ce pays au moment où j’y vivais, connaissant l’orientation très libérale de cet hebdomadaire, je pouvais avoir une position tout à fait critique sur ce qu’ils disaient.

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http://www.controverses-minesparistech-3.fr/~groupe15/2017/06/09/entretien-avec-madame-francoise-kadri-chef-du-reportage-economique-directeur-adjointe-du-departement-economique-de-la-f-p/feed/ 0
Des chartes déontologiques nationales et internationales pour limiter la connivence http://www.controverses-minesparistech-3.fr/~groupe15/2017/06/09/des-chartes-deontologiques-nationales-et-internationales-pour-limiter-la-connivence/ http://www.controverses-minesparistech-3.fr/~groupe15/2017/06/09/des-chartes-deontologiques-nationales-et-internationales-pour-limiter-la-connivence/#respond Fri, 09 Jun 2017 13:46:43 +0000 http://www.controverses-minesparistech-3.fr/~groupe15/?p=119 Continuer la lecture de « Des chartes déontologiques nationales et internationales pour limiter la connivence »

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Afin de structurer la profession, et d’aborder le problème de la connivence  avec les divers centres de pouvoir (les entreprises, les institutions), les journalistes français ont commencé à mettre en place des chartes déontologiques dès le début du XXième siècle. Cette idée s’est étendue par la suite à l’ensemble de l’Europe.

En France, c’est le Syndicat National des Journalistes (S.N.J.) qui débute ce projet dès 1918, en publiant la première version de la Charte des devoirs professionnels des journalistes français. Celle-ci indique qu’un « journaliste digne de ce nom […] ne touche pas d’argent dans un service public ou une entreprise privée où sa qualité de journaliste, ses influences, ses relations seraient susceptibles d’être exploitées ». On voit déjà se profiler une tentative de limiter les conflits d’intérêt, qui interviennent dans la recherche d’informations.

Les enrichissements de 1938 et de 2011 vont être encore plus précis et approfondis. Ils stipulent qu’un journaliste doit tenir « l’esprit critique, la véracité, l’exactitude, l’intégrité, l’équité, l’impartialité, pour les piliers de l’action journalistique ; tient l’accusation sans preuve, l’intention de nuire, l’altération des documents, la déformation des faits, le détournement d’images, le mensonge, la manipulation, la censure et l’autocensure, la non vérification des faits, pour les plus graves dérives professionnelles ». On y voit une volonté de contrer les conflits d’intérêts qui peuvent être mis en jeu dans le journalisme. Plus loin dans la charte, certaines règles sont encore plus précises, elles indiquent que le journaliste  » proscrit tout moyen déloyal et vénal pour obtenir une information. Dans le cas où sa sécurité, celle de ses sources ou la gravité des faits l’obligent à taire sa qualité de journaliste, il prévient sa hiérarchie et en donne dès que possible explication au public ». Cet article clé dans le traitement de la connivence précise en effet la distance à laquelle le journaliste doit se tenir de ce sur quoi il enquête. Les moyens « déloyaux » ou vénaux » peuvent établir un lien entre l’enquêteur et l’enquêté, qui peut modifier les informations recueillies et leur interprétation. Cet article essaye également de traiter le problème des conflits d’intérêts. Mais l’article, ajouté en 2011, qui se focalise le plus sur la connivence se trouve à la fin de la charte. Il indique que le journaliste « Refuse et combat, comme contraire à son éthique professionnelle, toute confusion entre journalisme et communication ». C’est l’article le plus explicite, il est celui qui mène le plus les journalistes à se questionner sur leur attitude et sur leur travail. Comment doivent-ils traiter la question du off? Le rapprochement avec un politicen est-il une façon de devenir un communicant ? La relecture de citations est-elle une attitude de communicant ? 

En 1971, la Fédération européenne des journalistes approuve à Munich la charte éponyme, qui généralise à toute l’Europe les principes de la charte française. C’est en effet Paul Parisot, président du Syndicat des Journalistes Français, qui prend en main sa rédaction. Il s’inspire ainsi de la Charte de 1918, en la réorganisant sous la forme de Droits et de Devoirs. La tendance des journalistes semblerait de respecter, au fil de l’histoire, les principes de la distance vis-à -vis des centres de pouvoirs. Cependant, la ces points ne semblent pas encore entièrement précis lorsqu’ils abordent la connivence. Un terme que les chartes se refusent d’ailleurs d’employer. Par ailleurs, les journaux eux-mêmes ne sont rarement soumis à aucune source de pouvoir. Que dire de leurs propriétaire? Que celui-ci soit un entrepreneur, un organisme public (pensons à l’Agence France Presse par exemple) ou une coopérative de journalistes. Les décisions prises par les membres de ce journal risquent d’être influencées non seulement d’un point de vue pratique mais aussi d’un point de vue idélogique, par l’équipe dirigeante. Enfin, la charte semble manipuler fréquemment le terme de véracité et d’impartialité. Mais peut-on réellement écrire un article « impartial » ou objectif ? Qu’est-ce que cela signifie? Qui évalue et juge l’impartialité? Qui juge les journalistes, dans le contexte déontologique et non juridique? La charte de 2011 indique que ce sont les journalistes eux-mêmes « n’accepte en matière de déontologie et d’honneur professionnel que la juridiction de ses pairs ; répond devant la justice des délits prévus par la loi « . Il apparait donc que cette catégorie professionnelle, qui est centrale dans un pays car elle est considérée par ses lecteurs comme une source d’informations et donc de contenu permettant de réaliser leurs reflexions, définit elle-même, dans les limites de la loi, ce qui est objectif et ce qui ne l’est pas, ce qui est vrai et ce qui est faux. Ces notions de vrai et de faux sont ensuite propagées dans la population à travers les journaux ou tout autre moyen de communication qui crée un lien entre les journalistes et le reste du pays. Ce système permet certes aux journalistes de protéger leur travail, mais il protègent également de ce fait, leur propre idée de vérité, d’impartialité et de la limite qui doit être établie avec les centres de pouvoirs.

Sources:

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http://www.controverses-minesparistech-3.fr/~groupe15/2017/06/09/des-chartes-deontologiques-nationales-et-internationales-pour-limiter-la-connivence/feed/ 0
Amours coupables et amitiés louables ? http://www.controverses-minesparistech-3.fr/~groupe15/2017/06/09/amours-coupables-et-amities-louables/ http://www.controverses-minesparistech-3.fr/~groupe15/2017/06/09/amours-coupables-et-amities-louables/#respond Fri, 09 Jun 2017 13:44:56 +0000 http://www.controverses-minesparistech-3.fr/~groupe15/?p=204 Continuer la lecture de « Amours coupables et amitiés louables ? »

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Un certain nombre de journalistes voient leur statut redéfini et remis en question par leur liaison avec certains politiques. Alors que trois des ministres du gouvernement Ayrault vivent avec des journalistes, les rédactions s’adaptent, souligne le Figaro . Le Nouvel Observateur avait indiqué avoir déjà réfléchi et redéfini le rôle de Nathalie Bensahel. La journaliste, rédactrice en chef adjointe au service «Notre Époque» du magazine, est mariée à Vincent Peillon qui était ministre de l’Éducation. «Il a été convenu que Nathalie Bensahel s’occuperait exclusivement de la partie «modes de vie» de la rubrique, à l’exclusion totale des questions d’éducation ainsi que des questions de politique institutionnelle ou publique», précise l’hebdomadaire.

Le professeur Henri Maler pose une question dans ACRIMED qui élargit la réflexion au sujet de la connivence : Amours coupables, amitiés louables  ?

De l’aveu de Michel Denisot, lorsque qu’Emmanuel Berretta lui a demandé (dans une interview publiée par Le Point le 13 septembre 2007) si Nicolas Sarkozy lui a « adressé un message l’été, après son élection », Denisot, enthousiaste a répondu : « Oui, il m’a invité à dîner cet été. Une soirée formidable ! »

D’après Henri Maler, peu de monde à la connaissance du journaliste n’a cru bon d’invoquer un soupçon de connivence amicale en entendant l’étrange échange entre le présentateur du « Grand Journal » et le Président de la République lors de l’entretien télévisé du 18 novembre 2010, au cours duquel ni lui, ni David Pujadas ni Claire Chazal n’ont été particulièrement incisifs. Personne n’a demandé la suspension ou la démission de Michel Denisot du fait de sa proximité avec Nicolas Sarkozy.

 

 

 

 

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http://www.controverses-minesparistech-3.fr/~groupe15/2017/06/09/amours-coupables-et-amities-louables/feed/ 0
DSK, Macron, PenelopeGate… les médias face au piège de la connivence politique http://www.controverses-minesparistech-3.fr/~groupe15/2017/06/05/dsk-macron-penelopegate-les-medias-face-au-piege-de-la-connivence-politique/ http://www.controverses-minesparistech-3.fr/~groupe15/2017/06/05/dsk-macron-penelopegate-les-medias-face-au-piege-de-la-connivence-politique/#respond Mon, 05 Jun 2017 17:46:19 +0000 http://www.controverses-minesparistech-3.fr/~groupe15/?p=164 Continuer la lecture de « DSK, Macron, PenelopeGate… les médias face au piège de la connivence politique »

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« Le mot risque a déjà été prononcé 12 fois depuis le début de la conférence. Il n’y a pas un risque de connivence. Il existe une connivence certaine de tous les instants, tout le temps. Ce sujet est un marronnier depuis 20 ans ». Daniel Schneidermann, spécialiste de la critique des médias et fondateur d’arrêtsurimages.net

Une anecdote éclairante de Daniel Schneidermann : « En 1986 lors de la première cohabitation, on m’envoie aux quatre colonnes à l’Assemblée Nationale. Un jour je vois Giscard arriver avec un petit papier. Il parcourt l’attroupement des yeux demandant où est l’AFP. Puis il dicte un communiqué à l’AFP. A la fin il demande à la journaliste de l’AFP de relire à haute voix les notes prises en la corrigeant si le mot n’était pas exact. Je rentre au journal et je raconte la scène en me disant que j’ai un super papier. Le papier paraît le lendemain. Puis quand je reviens aux quatre colonnes le lendemain, dix paires d’yeux me suivaient. Les attachés de presse se disaient: « c’est lui ». J’étais grillé. J’avais transgressé un interdit dont personne ne m’avait informé. Il fallait travailler de manière différente de ce que je faisais d’habitude en ne disant pas et en ne racontant pas ce que j’avais entendu ». Un petit aspect de la connivence qui fait dire au journaliste que « ce métier ne serait jamais le mien ». La conférence commence par un tacle à la gorge de ses confrères spécialisés en politique.

  • Il y a une forme de surveillance et jugements entre journalistes

« Les médias en général se concentrent sur l’étrillage des responsables politiques. Cette critique est absurde, la presse n’est pas de connivence avec François Hollande par exemple. Les médias se sont imprégnés de la méfiance que les citoyens ont pour les politiques. Aujourd’hui, se présenter à une Présidentielle et arriver au bout sans critiques ou moqueries, c’est un exploit » Ségolène Royale

  • La plupart du temps, les journalistes fournissent les critiques du peuple.

« La transparence est totale dans la vie publique mais elle ne peut être que partielle dans la vie privée, juge Michèle Cotta, journaliste politique au Point. Si l’élément n’intervient pas sur la vie politique, il n’existe aucune raison d’en parler ».

  • Lorsqu’il y a une csq sur la vie politique, les éléments doivent être mentionnés.

« Pierre Favier journaliste de l’AFP et accrédité à l’Elysée me raconte alors la journée du Président et qu’à 18 heures il rentre dans sa deuxième famille quai Branly avec sa fille Mazarine et sa deuxième femme. C’était 7 ans avant sa révélation. Ce qui me fascine, rétrospectivement, c’est que je ne me suis même pas posé la question d’en parler dans le papier. Je me suis simplement dit que c’était la vie privée du Président. Aujourd’hui je me dit que le public aurait dû en avoir connaissance. »

  • Selon le journaliste, les journaux à scandales fonctionnent comme un système de blanchiment d’informations. Parfois c’est utile qu’ils diffusent une info qu’on pourra reprendre par la suite en lui donnant un sens politique et en la recontextualisant.

« Je ne crois pas au coup de téléphone de l’actionnaire au directeur du journal. Cela se passe de manière plus souple poursuit le fondateur d’arrêtsurimages.net. L’actionnaire nomme à la tête des rédactions, des journalistes qui n’ont pas une vision léniniste du monde. Ils nomment untel car ils pensent que c’est un bon journaliste car il est d’accord avec eux. Et par capillarité cela influence le débat économique. »

  • Influence économique indirecte mais présente

ET SUR LE OFF : « si un politique vous parle de manière vraiment très privée, car il a confiance en vous ou a trop bu, il vaut mieux respecter le off en signe de confiance. » Le journalisme politique serait pour Philippe Ridet « le contact puis la distance grâce à la séduction. Mais je n’ai jamais pensé que tout cela était autre chose qu’un jeu de rôle ». Un grand jeu de rôle alors avec 70 millions de spectateurs pour sa version française.

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