Piétonnisation des berges rive droite à Paris : un débat écologique, urbain et politique http://www.controverses-minesparistech-6.fr/~groupe26 Sun, 18 Jun 2017 21:45:15 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=4.7.5 Une guerre des chiffres http://www.controverses-minesparistech-6.fr/~groupe26/?p=497 Mon, 05 Jun 2017 12:22:21 +0000 http://www.controverses-minesparistech-6.fr/~groupe26/?p=497
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Cette page vous propose de voir l’intégralité du problème des chiffres qui rythment la controverse. En effet, ces chiffres sont nombreux car ils sont issus de rapports différents. De plus, la production de rapports distincts pose la question de leurs résultats qui peuvent être discordants.

Pourquoi plusieurs rapports ?

GUERRE, n.f. Lutte entre des personnes, hostilité [1]

L’expression « guerre des chiffres » est employée pour la première fois par la journaliste du Monde, Leatitia Van Eeckhout, afin d’objectiver l’enjeu qui existe derrière la publication de plusieurs rapports d’enquête. L’expression est particulièrement adaptée puisque ces rapports ont des conclusions divergentes à propos de l’impact réel de la piétonisation sur Paris. L’expression est par la suite relayée dans des articles de presse et semble dire quelque chose sur l’arène dans laquelle se déroule la controverse.

Nous pouvons diviser les rapports en deux catégories : ceux commandés par la région Ile-de-France, et ceux commandés par la mairie de Paris. Ces deux types de rapports produisent des résultats différents quant aux effets de la piétonnisation des berges rive droite. Un problème se pose donc : pourquoi existe-t-il plusieurs rapports ?

La question de l’existence de deux catégories de rapports peut effectivement se poser. Au premier abord, celle de l’existence des rapports de la région Ile-de-France semble peu pertinente. La mairie ayant la compétence en matière de voirie, il est nécessaire de se demander pourquoi la région a commandé ces rapports. Si sa légitimité à le faire paraît faible, elle existe réellement dans les conséquences qu’a la fermeture des berges rive droite. La mesure impacte les automobilistes, parisiens comme franciliens. Les habitants de la région qui prenaient quotidiennement leur voiture pour traverser Paris sont donc directement touchés par cette dernière. En publiant des rapports, la région Ile-de-France peut ainsi pointer du doigt les inconvénients de la fermeture des voies sur berge.

Durant cette controverse, la région Ile-de-France et la mairie de Paris se sont fortement opposées notamment au sujet des impacts que la piétonisation de la rive droite aura sur Paris. C’est par presse interposée que Valérie Pécresse et Anne Hidalgo défendent leurs position : alors que la première affirme que le projet aura des conséquences désastreuses sur la circulation et la qualité de l’air, la seconde assure le contraire. Pour étayer leur propos, chacune se dote d’un comité de suivi pour apporter des preuves scientifiques. Valérie Pécresse s’appuie sur l’IAU tandis qu’Anne Hidalgo finance des rapports réalisés notamment par Airparif ou BruitParif. Les rapports de l’une et de l’autre se contredisent alors.

A titre d’exemple, dans un rapport d’étape[2] faisant le bilan de la période hivernale de 2016, l’IAU constate un report conséquent de la circulation, à la suite de la fermeture des voies sur berge rive droite:

« sur les deux principaux itinéraires de report (quais hauts et boulevard Saint-Germain), les augmentations de trafic sur l’ensemble de la journée demeurent toujours aussi significatives »

Cependant, questionnée par la Commission d’enquête publique en août 2016[3], la ville de Paris assurait :

« Le report principal de circulation sur le quai haut rive droite ne représentera qu’une partie limitée (moins de 25%) du trafic actuel du quai bas et, au global, les flux cumulés quais bas et quais hauts seront en baisse, entraînant également localement un impact positif sur la qualité de l’air comme le volet « air et santé » de l’étude d’impact le démontre.».

Face à ces résultats contradictoires, le dialogue semble stérile : tandis que Valérie Pécresse estime que les chiffres révèlent la gravité de la situation[4], les soutiens d’Anne Hidalgo les contestent et dénoncent une campagne de désinformation de la part de Présidente de la Région Ile-de-France[5].

[1] Larousse en ligne


[2] Institut d’aménagement et d’urbanisme d’Ile de France (2017), Comité régional de suivi et d’évaluation des impacts de la piétonisation des voies sur berge rive droite à Paris – 3e rapport d’étape – Bilan septembre à décembre 2016, Paris, 32 p. Consulté le 12 avril 2017. Disponible sur : https://www.iau-idf.fr/fileadmin/DataStorage/SavoirFaire/NosTravaux/Amenagement/voiesberges/Rapport3-ComiteRegionVSB-19012017.pdf

[3] Mairie de Paris (2016), Rapport d’enquête – Enquête publique – projet d’aménagement des berges de seine rive droite a paris – du mercredi 8 juin 2016 au vendredi 8 juillet 2016 inclus, Paris, 104 p. Consulté le 12 avril 2017. Disponible sur https://api-site.paris.fr/images/84463.

[4] PIALOT D., « Voie sur berges : la guerre des chiffres », La Tribune, publié le 27 janvier 2017. Consulté le 31 mai 2017. Disponible sur http://www.latribune.fr/regions/ile-de-france/voies-sur-berges-la-guerre-des-chiffres-633663.html

[5] VAN EECKHOUT L., « Circulation à Paris, la guerre des chiffres », Le Monde, publié le 18 novembre 2016. Consulté le 31 mai 2017.

Différence entre les chiffres

Les rapports montrent tous, dans l’ensemble, une hausse du temps de trafic aux heures de pointe, une hausse des décibels sur ces horaires, ainsi que légère hausse du temps de trajet pour les transports collectifs : seule l’interprétation des chiffres diffère.

Dans ses conclusions[6], l’IAU pointe une augmentation du temps de circulation au cours du mois de novembre 2016, imputable au report sur les quais hauts et le Boulevard St-Germain.

Source : Comité régional de suivi et d’évaluation des impacts de la piétonisation des voies sur berge rive droite à Paris – 3e rapport d’étape de l’IAU

Plus largement, le comité régional note une augmentation de 74% du temps de trafic, entre septembre 2015 et septembre 2016.

Une augmentation du temps de parcours est également constatée par la Ville de Paris mais elle n’est pas du même ordre : l’allongement serait de 39% entre 2015 et 2016[7]

Il y a donc bien un point sur lequel tout le monde s’accorde : les temps de parcours sont allongés du fait de la fermeture des voies sur les berges rive droite. Cependant, l’interprétation des chiffres donnés, qui sont différents mais qui convergent tout de même, s’avère moins consensuelle. En effet, alors que la Ville affirme que « La situation est donc encourageante et cohérente avec les prévisions de l’étude d’impact », Valérie Pécresse estime que « la pollution de l’air s’aggrave».[8]

L’absence d’interprétation uniforme s’avère d’autant plus problématique que selon Olivier Blond[9], Président de l’association Respire et membre du conseil d’administration d’Airparif, certains opposants au projet se seraient servis des chiffres à tort, notamment en omettant les travaux publics et les grèves de RER durant l’été alors que ceux-ci ont eu un impact sur le trafic routier.

En somme, s’il existe des contradictions, entre les différents rapports, portant sur la hauteur des chiffres,  Christophe Nadjovski les explique par une différence de méthodologie. Il affirme notamment que les rapports commandés par la Mairie de Paris suivent une méthodologie stricte, une méthodologie qui serait différente de celle adoptée par l’IAU [10]. En outre, les rapports ne se baseraient pas sur les mêmes données[11] : les différents comités d’enquêtes ne s’appuieraient pas sur les mêmes jours, ni sur les mêmes tranches d’horaire, ce qui expliquerait les divergences. Ceci sous-entendrait donc que la région et la ville ne mesureraient pas les mêmes phénomènes, de sorte que le débat autour des chiffres n’aurait plus lieu d’être.

[6] Institut d’aménagement et d’urbanisme d’Ile de France (2017), Comité régional de suivi et d’évaluation des impacts de la piétonisation des voies sur berge rive droite à Paris – 3e rapport d’étape – Bilan septembre à décembre 2016, Paris, 32 p. Consulté le 12 avril 2017. Disponible sur : https://www.iau-idf.fr/fileadmin/DataStorage/SavoirFaire/NosTravaux/Amenagement/voiesberges/Rapport3-ComiteRegionVSB-19012017.pdf

[7] VAN EECKHOUT L., « Circulation à Paris, la guerre des chiffres », Le Monde, publié le 18 novembre 2016. Consulté le 31 mai 2017.

[8] PIALOT D., « Voie sur berges : la guerre des chiffres », La Tribune, publié le 27 janvier 2017. Consulté le 31 mai 2017. Disponible sur http://www.latribune.fr/regions/ile-de-france/voies-sur-berges-la-guerre-des-chiffres-633663.html

[9] BLOND O., « Berges de Seine : aux opposants de bien lire les documents d’Airparif avant de s’exprimer ! », Le Monde, publié le 14 septembre 2016. Consulté le 28 mai 2017. Disponible sur : http://www.lemonde.fr/idees/article/2016/09/13/berges-de-seine-aux-opposants-de-bien-lire-les-documents-d-airparif_4996819_3232.html

[10] « Voies sur berges : « des difficultés localisées dans le centre de Paris », interview téléphonique avec Christophe Najdowski, RTL

[11] VAN EECKHOUT L., « Circulation à Paris, la guerre des chiffres », Le Monde, publié le 18 novembre 2016. Consulté le 31 mai 2017

 

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Quels effets sur la pollution ? http://www.controverses-minesparistech-6.fr/~groupe26/?p=484 Mon, 05 Jun 2017 12:03:13 +0000 http://www.controverses-minesparistech-6.fr/~groupe26/?p=484
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Cet article a pour but d’exposer les différentes questions autour de la pollution que produit la piétonnisation de la rive droite. Cela peut se voir au travers de Cela peut se voir au travers de l’impact sanitaire et environnemental mais aussi quel est le véritable impact de ce projet sur la pollution ?

La fermeture des voies sur berges est une mesure forte contre la pollution. En effet, la Mairie de Paris inscrit sa décision dans un axe sanitaire. La lutte contre la pollution permettrait aux habitants de la capitale une meilleure qualité de vie : réduction des maladies liées à la pollution et réduction de la mortalité prématurée. Il est alors nécessaire d’analyser les impacts sanitaires de la piétonnisation des berges rive droite sur la ville, tout en s’interrogeant sur la réalité de ces derniers.

Quels impacts sanitaire et environnemental sur la ville ?

La volonté environnementale et sanitaire de la Mairie de Paris produit des impacts dans la ville, notamment sur la qualité de l’air et le bruit. Le but de la mesure était notamment de réduire le taux de pollution dans la ville et d’avoir une meilleure qualité de l’air. En effet, ces deux éléments provoquent chaque année 42 000 morts prématurées en France selon la Mairie de Paris[1]. L’enjeu pour la ville de Paris était donc important.

Cependant, les premiers rapports publiés montrent que la pollution ne diminue pas, et que le niveau de bruit a augmenté à certaines heures. Le report de circulation ne fait que se déplacer la pollution plutôt que la réduire. Ainsi, Airparif observe que la concentration en Azote augmente de 3% entre septembre 2016 et février 2017[2]. Cette hausse doit toutefois prendre en compte les conditions météorologiques qui sont parfois défavorables à la dispersion des polluants. L’IAU montrait aussi en octobre 2016 qu’une réduction de la vitesse augmentait les émissions de produits polluants[3]. Le report de circulation amène donc à une hausse de la pollution, ce qui va à l’encontre de la volonté de la Mairie de Paris.

Cette fermeture des voies sur berges cause aussi une hausse du bruit. L’organisme BruitParif constate une hausse du bruit en journée comme la nuit, allant de 0,7 à 3,4 dB selon les axes[4]. La hausse du bruit provoque des nuisances pour les habitants des quartiers concernés, ainsi que pour les commerces. Cela entraine donc des conséquences économiques sur la ville de Paris.

Aujourd’hui, les rapports observent une baisse progressive du niveau de pollution. La Mairie de Paris parle depuis septembre 2015 d’une baisse de 25% du niveau de pollution sur les quais hauts, les quais bas rive droite et le Boulevard Saint-Germain[5]. Même si cette baisse peut sembler être un résultat probant, cela montre que la fermeture d’un seul axe 

« ne suffit pas à baisser significativement la pollution » selon un membre du groupe LR au Conseil de Paris.

Cela laisse néanmoins penser que la pollution pourrait encore baisser avec l’adaptation des automobilistes à la fermeture de l’axe. De même, Anne Hidalgo s’est engagée à prendre des mesures pour réduire le bruit. Cela permettrait aux bâtiments d’être notamment mieux insonorisés, mais la Maire est restée floue quant aux mesures précises qu’elle mettra en place.

Les premiers impacts de la piétonnisation des berges rive droite allaient donc à l’opposé des souhaits de la ville. Les derniers résultats montrent toutefois que les comportements commencent à changer, permettant à la pollution de diminuer et à la Mairie de Paris de prendre des décisions pour le bruit.

[1] Mairie de Paris (2017), ZCR, vignettes Crit’Air… Comment Paris lutte contre la pollution de l’air, Paris. Consulté le 2 juin 2017. Disponible sur : http://www.paris.fr/stoppollution

[2] AirParif (2017), Suivi de l’évolution de la qualité de l’air après fermeture des voies sur berges rive droite – En 2015 – Rapport intermédiaire , Paris, 47 p. Consulté le 12 avril 2017. Disponible sur : https://www.airparif.asso.fr/…/Rapport_intermediaire_VoiesS…

[3] Institut d’aménagement et d’urbanisme d’Ile de France (2016), Comité régional de suivi et d’évaluation des impacts de la piétonisation des voies sur berge rive droite à Paris – 1er rapport d’étape, Paris, 30 p. Consulté le 12 avril 2017. Disponible sur : https://www.iau-idf.fr/…/Rapport_IAU_Comite_Berges_-_10_oct…

[4] Bruit Parif (2016), Dispositif de suivi de l’environnement sonore suite à la fermeture de la voie sur berge rive droite à Paris. Résultats des mesures effectuées sur les quais hauts, Paris, 51 p. Consulté le 12 avril 2017. Disponible sur : https://vsb.bruitparif.fr/…/Rapport%20de%20mesure%20Bruitpa…

[5] Mairie de Paris (2017), Moins de véhicules et moins de pollution depuis la piétonnisation de la rive droite, Paris. Consulté le 2 juin 2017. Disponible sur : http://www.paris.fr/…/pollution-de-l-air-en-baisse-de-25-de…

 

Un véritable impact ?

Ce changement progressif des résultats nous amène à nous questionner sur le véritable impact sanitaire et environnemental de la mesure.

Les rapports des premiers mois étant peu concluants, les détracteurs de la piétonnisation des berges rive droite se sont emparés des résultats pour la critiquer. Ainsi, des associations d’automobilistes et des élus de droite ont assuré un report de la pollution plutôt qu’une diminution de celle-ci. La piétonnisation apparaissait donc comme inefficace du point de vue environnemental et sanitaire. Ces acteurs ont aussi clamé un manque d’alternatives. En effet, les alternatives auraient permis aux automobilistes de se replier sur d’autres moyens de transports. Le report de circulation (et donc de pollution) aurait alors été minimisé.

Mais les changements graduels de comportements entraînent une reconsidération de cette inefficacité. L’impact progressif de la mesure sur les comportements affirme la « théorie de l’évaporation » (ndlr : nom donné par les médias) développée par Frédéric Héran. Selon le chercheur, l’évaporation du trafic n’est pas une théorie mais une « réalité ». Cette dernière consiste à dire qu’une réduction de la voirie entraine une évaporation du nombre de voitures. En effet, de nombreuses personnes renoncent à se déplacer en voiture, utilisent les transports en commun ou se déplacent d’une distance moindre. Un membre du groupe LR au Conseil de Paris nous a ainsi dit que cette théorie était plutôt celle de « la résignation » car tous les axes de report ne peuvent être mesurés. Selon cette personne, cette théorie est aussi celle de « l’adaptation ». Malgré cette différence d’appellation, les chiffres montrent que la circulation commence à se réduire. Le nombre de voitures diminuant, la pollution émise se réduit elle aussi et les résultats vont dans le sens voulu par la Mairie de Paris. La piétonnisation des berges rive droite impacte donc réellement la qualité sanitaire de la capitale.

Selon la Mairie de Paris, cet impact est bénéfique pour les générations futures. Celles-ci auront accès à une ville moins polluée. Les maladies liées à la pollution les toucheront donc moins, et ces générations seront moins victimes de morts prématurées dues à la pollution de l’air. De même, si la Mairie de Paris tient ses engagements pour la réduction du bruit dans les bâtiments, elles vivront dans des lieux plus calmes. La réduction du bruit et de la pollution n’est donc pas qu’un enjeu actuel, mais c’est aussi un enjeu futur qui doit être pris en compte.

Si la piétonnisation de la voie Georges Pompidou permet une réduction de la pollution dans la ville, il ne faut pas oublier qu’elle s’inscrit dans une politique beaucoup plus large. En effet, la Mairie de Paris adopte une politique de mise en avant des modes de déplacements doux tels que le vélo ou la marche. Plusieurs places de la capitale ont donc été réaménagées pour leur laisser plus de place et réduire celle de la voiture. Nous pouvons ici penser à la place de la Nation, où le rond-point est passé de 8 à 4 voies. La fermeture des berges rive droite s’inscrit donc dans une politique à l’échelle de la ville entière. Cette dernière vise à redonner plus de place aux piétons et cyclistes, ainsi qu’à réduire significativement la pollution pour une meilleure qualité de vie. Les aménagements prévus pour la ville vont donc dans le même sens que la piétonnisation des berges rive droite ; et cela impacte le niveau de pollution dans la capitale. Il faut néanmoins prendre en compte le temps d’adaptation des automobilistes, qui doivent trouver de nouvelles solutions.

 

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Concertation des différents acteurs http://www.controverses-minesparistech-6.fr/~groupe26/?p=481 Mon, 05 Jun 2017 11:54:12 +0000 http://www.controverses-minesparistech-6.fr/~groupe26/?p=481
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Avant toute chose, il parait nécessaire de préciser ce qu’entendent les acteurs par le mot concertation. En effet, ce travail de définition est indispensable car il met en exergue la manière dont chaque acteur concerné caractérise la réalité.

D’après le dictionnaire Larousse, le mot concertation signifie : « Pratique qui consiste à faire précéder une décision d’une consultation des parties concernées. » tandis que le mot consultation est défini comme l’« action de consulter quelqu’un, de lui demander son avis. ». Or nous allons voir que cette définition des mots concertation et consultation n’est pas unanimement partagée par les acteurs de la controverse.

Les Républicains commencent par dénoncer le manque de concertation en affirmant que le projet de piétonnisation a été mené à la hâte. Ils en concluent donc qu’il n’a pas été élaboré en concertation avec tous les acteurs qui sont impactés de près ou de loin par ce projet. C’est notamment pourquoi Nathalie Kosciusko-Morizet affirme qu’il a été mené « sans concertation et dans le mépris des élus et des habitants de banlieue »(1).

« sans concertation et dans le mépris des élus et des habitants de banlieue »[1]

Un membre LR au Conseil de Paris, nous a également confié, lors de l’entretien que nous avons effectué avec lui, que ce projet a été mené de manière précipitée, « sans étude d’impact qui [leur] semblait suffisamment solide » [2] . Il regrette également qu’aucun débat n’ait été organisé au terme de la période d’expérimentation de 6 mois qui a pris fin le 18 avril 2017. Il soutient en effet qu’un débat aurait dû avoir lieu afin de discuter « sereinement des impacts, du bruit, de la pollution, de la circulation etc. ». Il indique également que Les Républicains membres du Conseil de Paris ont demandé qu’un débat ait lieu mais que cela leur a été refusé pour le moment.

Comme le montrent les propos tenus par le membre LR au Conseil de Paris, Les Républicains soulignent en permanence leur attachement à la concertation, notamment à travers leur contre-projet et leurs recours devant le tribunal administratif. Ce membre LR explique en effet qu’ils ont bâti un contre-projet qu’ils ont tenté de soumettre au débat public en intéressant la presse. Toutefois, leur tentative n’a pas été concluante car, en tant que groupe d’opposition, il est très difficile « de faire exister ce contre-projet ».

Il est très difficile « de faire exister ce contre-projet »

Il considère également que la bataille juridique qui a opposé la Mairie de Paris et l’opposition visait principalement à se demander si la maire de Paris pouvait décider seule de fermer un axe qui intéresse l’ensemble de la métropole et non seulement Paris. Il estime que même si le juge n’a pas approuvé leur argumentaire, cela a été un moyen comme un autre  pour que la presse s’intéresse au contre-projet.

Par ailleurs, la preuve ultime de ce manque de concertation réside, d’après les Républicains, dans la non prise en compte par Anne Hidalgo de l’avis défavorable rendu par la commission d’enquête le 22 août 2016.

Enfin, ils invoquent également que l’avis des maires de banlieue n’a pas été pris en compte alors même que le report de la circulation dans la capitale aura des conséquences sur le trafic automobile en banlieue, et cela sûrement au-delà des prévisions de la Mairie de Paris.

Ce sont d’ailleurs les maires de la banlieue parisienne qui ont souligné ce manque de concertation. Ces derniers, comme différentes associations , ont demandé que les décisions concernant ce projet soient prises avec la région. En effet, si l’on prend en compte les impacts sur le trafic routier, toute la région Ile-de-France est concernée et non plus seulement les quelques arrondissements qui subissent ou profitent de la piétonnisation en première instance.

Le membre LR au Conseil de Paris pointe lui aussi ce manque de concertation des habitants de la couronne. Il estime que ces derniers ont été très peu informés du projet et n’ont donc pas pu se saisir du sujet, d’autant plus qu’ils « n’avaient même pas les moyens de s’exprimer » en raison de la superficialité des débats publics. Il qualifie ces débats publics de superficiels en ce qu’ils font intervenir toujours les mêmes professionnels de la consultation publique et ne donnent pas la parole aux parisiens et aux habitants de la banlieue parisienne.

Ainsi, nous pouvons en déduire que les élus Républicains et les maires de banlieue affirment que le projet n’a pas été le fruit d’une concertation puisqu’ils n’ont pas été impliqués dans le processus de décision. Ce n’est pas donc tant le fait de ne pas avoir été consultés qu’ils critiquent mais bien le fait que leur avis n’ait pas été pris en compte.

Il s’avère que la mairie de Paris a une vision différente de la notion de concertation. En effet, la Mairie de Paris, notamment Christophe Nadjovski, conteste le manque de concertation en soulignant que la mesure a été présentée aux maires de la métropole en septembre 2015 et qu’une réunion métropolitaine a eu lieu en juillet 2016. Il considère donc que les élus républicains et les mairies de banlieue font preuve de mauvaise foi, d’autant plus qu’un seul maire est venu lors de la réunion de présentation.

Le mot concertation recouvre donc pour la mairie de Paris des réunions formelles de présentation du projet dont les avis des personnes consultées n’influent pas sur le projet[3]. Par conséquent, la Mairie de Paris réfute l’absence de concertation puisqu’elle estime qu’elle a consulté les acteurs politiques en leur présentant le projet.

De plus, Christophe Nadjovski considère qu’il est impossible de reprocher à la Mairie de Paris d’avoir mené ce projet à la hâte et sans concertation : « La piétonnisation est un engagement de la maire de Paris aux Municipales de 2014, personne n’a donc été pris par surprise, ce projet est connu depuis très longtemps. ».

« La piétonnisation est un engagement de la maire de Paris aux Municipales de 2014, personne n’a donc été pris par surprise, ce projet est connu depuis très longtemps. »

Pour la Mairie de Paris, les élections municipales ont donc bien donné lieu à une concertation avec les citoyens, contrairement à ce que dénoncent Les Républicains.

Le membre LR au Conseil de Paris réfute toutefois cet argument en soulignant qu’une élection municipale n’est pas un référendum sur un projet, d’autant plus que les gens ne votent pas pour la totalité d’un programme. Il précise d’ailleurs que celui de la Maire de Paris était « assez flou sur ce projet » et ne prévoyait pas du tout une fermeture de la berge rive droite mais seulement « une reconquête des sites ». Il ajoute que le caractère flou du projet n’a pas permis aux parisiens d’être suffisamment informés sur ce dernier et donc de se prononcer en faveur ou contre ce projet. Enfin, il remarque que les personnes n’habitant pas dans Paris ne pouvaient prendre part à ce débat lors des municipales, débat qui n’a d’ailleurs « pas vraiment été au cœur des sujets des municipales. ».

Débat qui n’a d’ailleurs « pas vraiment été au cœur des sujets des municipales. »

Ce manque de consultation et de participation des citoyens est contesté par la Mairie de Paris qui a mis en place des réunions citoyennes et des enquêtes pour recueillir l’avis des locaux sur ce projet. La mairie de Paris considérait en effet qu’une concertation citoyenne était indispensable pour répondre aux besoins et aux demandes des citoyens mais aussi pour avoir un avis au plus proche de la situation.

Nous pouvons donc observer que la mairie de Paris répond aux attaques des Républicains et des maires de banlieue en expliquant que des concertations ont eu lieu, en ce sens que la mesure a été présentée aux Maires de la métropole, qu’une réunion a été organisée, que les citoyens ont été consultés, et que ce dossier relève de la seule compétence de la ville de Paris.

Enfin, Anne Hidalgo estime que l’avis défavorable rendu par la commission d’enquête est purement consultatif. Elle ne perçoit donc pas le fait de ne pas le prendre en compte dans le processus de décision comme un indice d’un manque de concertation. Notons que la commission d’enquête a elle-même nuancé son avis défavorable à la page 80 du rapport[4] d’enquête publique puisqu’elle estime « ne pas être à ce jour à même de se prononcer valablement sur l’intérêt public du projet (…) ». Il est toutefois intéressant de remarquer que l’opposition fait fi de cette nuance et insiste sur le fait que la non-prise en compte de l’avis défavorable de la commission d’enquête par la maire de Paris reflète le manque de concertation sur le projet de piétonnisation.

C’est donc bien une définition différente du mot « concertation » qui est à l’origine de la confrontation des élus de droite, des maires de banlieue et de la Mairie de Paris sur l’absence ou non de concertation sur le projet de piétonnisation. En effet, Anne Hidalgo et la Mairie de Paris estiment que la concertation signifie seulement présenter le projet ou demander l’avis des autres acteurs politiques sur celui-ci mais n’implique pas de le prendre en compte dans le processus de décision. A l’inverse, les élus Républicains perçoivent la concertation comme le fait de prendre en compte les avis qu’ils émettent sur ce projet et donc de voir ce dernier évoluer en fonction de leurs avis.

[1] CNEWS, Le Conseil de Paris approuve la piétonnisation des berges de Seine rive droite. [Vidéo en ligne]. [1’23’’]. Disponible sur : https://youtu.be/xSbopSFQ5gY [Consulté le 22/05/2017]

[2]Entretien réalisé avec un membre Les Républicains du Conseil de Paris, 15 mai 2017.

[3]GAIRAUD M-A, « Anne Hidalgo-Valérie Pécresse : la guerre froide », Aujourd’hui en France Paris, publié le 24 octobre 2016.

[4] Mairie de Paris (2016), Rapport d’enquête – Enquête publique – projet d’aménagement des berges de seine rive droite a paris – du mercredi 8 juin 2016 au vendredi 8 juillet 2016 inclus, Paris, 104 p.

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Conséquences sur la ville et ses citoyens http://www.controverses-minesparistech-6.fr/~groupe26/?p=255 Thu, 01 Jun 2017 09:07:27 +0000 http://www.controverses-minesparistech-6.fr/~groupe26/?p=255
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Cette page vous propose de voir les conséquences sur les automobilistes et aussi sur la ville, l’urbanisme.

En fermant plus de trois kilomètres à la circulation, la piétonnisation des berges rive droite a fortement impacté la ville dans son ensemble. Les automobilistes, la ville et son urbanisme ont été les principaux touchés. Depuis cette fermeture, le temps de trajet et le parcours des automobilistes ont été modifiés et la question des alternatives à la voiture est posée. Les modes de déplacements urbains et la vision qu’ils occupent dans la ville et son urbanisme sont aussi touchés. Enfin, on peut noter une valorisation du patrimoine de la capitale.

Pour les automobilistes

Les automobilistes ont une place centrale au sein de la controverse. En effet, la fermeture des berges rive droite à Paris les impacte directement. Il est ici nécessaire de prendre en compte les automobilistes parisiens comme ceux venant d’en dehors de Paris, qui utilisaient la voie Georges Pompidou pour traverser la ville.

Deux types d’acteurs entrent donc en compte ici : les automobilistes parisiens et les automobilistes franciliens. Cette distinction est importante puisque les Franciliens n’ont parfois d’autre choix que de prendre leur voiture, tandis que les parisiens ont un accès facilité aux transports en commun. Ainsi, la piétonnisation des berges rive droite semble plus toucher les Franciliens, qui utilisaient chaque jour la voir Georges Pompidou pour traverser Paris.

La première conséquence pour ces deux types d’automobilistes est un allongement du temps de parcours. Celui-ci est particulièrement marquant lors des heures de pointe. Ainsi, le premier rapport de l’IAU[1] (Institut d’Aménagement et d’Urbanisme d’IDF) publié le 10 octobre 2016 notait qu’il fallait

« environ 3 minutes et demi de plus pour parcourir les 2,6 kilomètres entre les Tuileries et Châtelet le matin et 9 minutes le soir » en septembre 2016 par rapport à septembre 2015. 

L’augmentation du temps de trajet est donc significative. Le graphique ci-dessous, tiré du même rapport, montre bien la hausse du temps de trajet entre 2015 et 2016. Par exemple, aux alentours de 17h30, il fallait 18 minutes pour aller de la Concorde à l’Hôtel de Ville, contre un peu moins de 8 minutes un an plus tôt.

 

Cette hausse du temps de trajet est principalement due au report de circulation sur les grands axes de la capitale. La fermeture des berges rive droite a effectivement amené les automobilistes à choisir d’autres itinéraires. Les principaux axes de report sont, d’après ce même rapport, les quais hauts rive droite, le Boulevard Saint-Germain, les Grands Boulevards, le Boulevard des Invalides, le Boulevard de Sébastopol et le périphérique Sud. Néanmoins, si ces axes sont ceux privilégiés, il ne faut pas oublier que d’autres axes peuvent servir d’axes de report. L’absence de capteurs sur l’ensemble des routes de la capitale ne permet pas de tout comptabiliser. De même, il est nécessaire de prendre en compte les travaux tels que ceux de la Samaritaine, qui peuvent impacter la circulation.

Néanmoins, la Mairie de Paris indique qu’entre février 2016 et février 2017 le trafic a baissé de 25,7% aux heures de pointe du matin. Ce chiffre comprend les quais hauts et bas rive droite, ainsi que le boulevard Saint-Germain[2]. Cette baisse laisse entendre un changement des comportements et une adaptation des automobilistes. Presque un an après la fermeture officielle des berges rive droite, la Mairie de Paris voit donc les effets attendus émerger.

Si cette hausse du temps de parcours peut être assimilée à une diminution du confort des automobilistes, elle pose aussi des questions quant aux véhicules d’intervention. Ces derniers se trouvent effectivement coincés dans le trafic et ont parfois quelques minutes de retard sur les lieux d’intervention. Mais le temps perdu est parfois très important lors d’interventions urgentes ou graves. Pour pallier ce problème, la Marie a gardé la possibilité pour les véhicules d’intervention de passer par les quais bas rive droite en cas par exemple d’attaque terroriste multisite.

Cette hausse du temps de trajet a en outre des conséquences économiques pour les professionnels. Les artisans ou entrepreneurs localisés en proche banlieue renoncent à des chantiers parisiens car le temps passé en voiture représente une perte de chiffre d’affaire. Certaines entreprises ont donc vu leurs marges diminuer[3]. Le bruit de la circulation et la pollution désincitent les passants à s’arrêter en terrasse et fait baisser leur chiffre d’affaire de ces lieux.

Selon un membre LR au Conseil de Paris, cette conséquence touche de même les cafés implantés quais hauts rive droite.

Enfin, certains acteurs déplorent la non mise en place d’alternatives qui auraient pu favoriser une fluidification du trafic. Des projets d’allongement de certaines lignes de transports en commun ou le projet du Grand paris Express ne seront mis en place que dans les années à venir. Ainsi, au lieu de synchroniser ces mesures, la Mairie de Paris a d’abord fermé les berges rive droite. Cela crée donc un autre point de débat concernant la concertation des différents acteurs. L’allongement de la ligne de bus 72 et du RER E devraient, à terme, aider à diminuer la circulation dans la capitale. Mais en attendant, la saturation des lignes existantes n’incite pas les automobilistes à troquer leur voiture contre les transports en commun. Ainsi, le contre-projet soumis par le groupe LR (Les Républicains) au Conseil de Paris avait comme horizon l’année 2020. Cet horizon temporel permettait à ces alternatives d’être mises en place et aux automobilistes de s’adapter à la fermeture de la voie Georges Pompidou.

Sur la Ville et l’urbanisme

La fermeture des voies sur berge rive droite a aussi eu des conséquences sur la ville de Paris et son urbanisme. La fermeture d’axes aux voitures représente un enjeu contemporain pour diverses villes. Au-delà de s’inscrire dans une volonté environnementale, la piétonnisation permet de changer la vision de la voiture et de revaloriser le patrimoine urbain.

La fermeture des berges opère effectivement un changement de mentalité concernant la place de la voiture et des piétons au sein de la ville. La piétonnisation d’anciens axes routiers met les piétons et cyclistes au cœur de la circulation. Après une « longue domination de l’automobile »[1] vient donc le tour des modes de circulation doux. Les piétons ont donc une place désormais plus importante, contrairement aux rues où les espaces qui leur sont réservés sont parfois trop faibles par rapport à leur nombre. Par exemple, certaines rues ont des trottoirs très étroits. Les piétons sont alors défavorisés. La cohabitation entre piétons et voitures est donc parfois inéquitable. La piétonnisation d’espace ne rend pas ces situations plus équitables puisque ce sont alors les voitures qui sont défavorisées. Mais cela permet de rendre une plus grande place aux piétons dans la ville. Ce changement de mentalité s’accompagne d’une volonté environnementale : laisser une plus grande place aux piétons transmet aussi une volonté de réduire la pollution. Transparait alors une favorisation des modes de déplacements doux au détriment du véhicule polluant.

Néanmoins, cette « longue domination de l’automobile » ne correspond pas au point de vue d’un spécialiste d’histoire urbaine et d’histoire de la mobilité, pour qui « l’automobile s’est intégrée à la ville et la ville a intégré l’automobile sur un siècle ». Ainsi, la voie express Georges Pompidou se verrait attribuer un poids beaucoup plus lourd que ce à quoi elle a réellement contribué. De même, le terme de domination semble peu pertinent puisque ville et automobile se sont embrassées dans un processus commun.

« l’automobile s’est intégrée à la ville et la ville a intégré l’automobile sur un siècle »

Outre la plus grande place laissée aux modes de déplacements non polluants, la piétonnisation s’inscrit dans une volonté de reconquête des espaces. Dans une ville congestionnée et dense, la réappropriation des espaces semble être un enjeu important. Un membre du groupe LR au Conseil de Paris nous parlait du « besoin des habitants d’avoir de nouveaux espaces de respiration en permanence », qu’il fallait néanmoins doser avec d’autres facteurs. La prise d’assaut des berges rive droite dès les beaux jours montre que les Parisiens cherchent dans leur ville des lieux de respiration où leur place ne sera pas réduite face à la voiture.

« besoin des habitants d’avoir de nouveaux espaces de respiration en permanence »

Là encore, le terme de reconquête peut sembler mal venu : il s’agirait plutôt d’une évolution de la ville, de la construction d’une « toute autre ville » selon l’historien que nous avons rencontré. Ce serait donc moins une « reconquête » qu’un nouveau modèle de la ville que Paris construit ici.

Cette vision, comme l’indique l’article de Cédric Fériel, n’est cependant pas nouvelle. Selon lui, cette dernière émergea dans les années 1970 dans plusieurs pays tels que l’Allemagne ou les Etats-Unis. Pour nous recentrer sur notre sujet, nous pouvons prendre l’exemple de l’automobilisation des berges rive droite. En 1964, lorsque le projet de la voie Georges Pompidou fut présenté, les Parisiens n’y étaient pas, pour certains, favorables. Qualifiées par une jeune femme comme l’endroit où aller « lorsque l’on veut se reposer », où « on respire, on est tranquille »[2], les voies sur berges étaient déjà considérées comme un lieu paisible et respirable. Cette reprise des espaces semble donc importante pour les Parisiens, à la recherche de calme dans la ville.

Cette reconquête des berges s’inscrit aussi dans une volonté de la Mairie d’offrir un « paysage nouveau réconciliant la ville et son fleuve, dans le respect de l’inscription du site au patrimoine mondial »[3]. Les berges de la Seine sont inscrites au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1991. La réappropriation des berges s’inscrit donc aussi dans la préservation de ce lieu.

Offrir un « paysage nouveau réconciliant la ville et son fleuve, dans le respect de l’inscription du site au patrimoine mondial»

Toutefois, cette récente présence des berges de Seine dans le patrimoine de l’UNESCO montre, selon l’historien de la mobilité, à quel point la ville de Paris a « inventé le caractère touristique des quais de Seine, qui ont toujours été utilitaires ».

Outre le patrimoine mondial de l’UNESCO, la fermeture des berges rive droite impacte l’ensemble du patrimoine de la ville. Avec la diminution de la pollution attendue, les bâtiments de l’ensemble de la capitale seraient moins dégradés. En effet, la pollution dégrade les façades des bâtiments et entrainent des coûts supplémentaires pour la ville. Les coûts de nettoyage des façades seraient alors amenuisés.  Cela procurerait aussi une meilleure qualité visuelle pour les passants.

Ce dernier point nous amène à un nouvel impact pour la ville : l’attractivité. Fermer une aire à la voiture augmente l’attractivité de la ville. Cela peut être un point positif pour l’économie parisienne. Nicolas Ledoux[4], économiste et urbaniste, disait ainsi que les bâtiments et quartiers piétonnisés prennent de la valeur. Cette affirmation est confirmée par une étude scientifique menée à Hong-Kong[5]. Celle-ci montre que sur 10 ans, les bâtiments situées dans une rue entièrement piétonnisée ont vu leur valeur croitre de 80%, contre 56 sur une rue partiellement piétonnisée. La piétonnisation rive droite permettrait donc d’augmenter la valeur de ce lieu, notamment des bâtiments alentours.

Cette augmentation de la valeur immobilière amènerait cependant à de plus fortes discriminations au sein de la ville : l’hypercentre deviendrait encore plus discriminatoire pour l’accès au logement, ce qui diminuerait une fois de plus la mixité sociale au sein de la capitale.

La piétonnisation rend la ville attractive aussi par le dynamisme qu’elle apporte. Depuis la fermeture des berges rive droite, des aménagements ont été faits. Le 2 avril 2017 a été inauguré le parc «Rives de Seine » par Anne Hidalgo. Ce parc offre de multiples activités pour tous les âges. Les plus jeunes peuvent jouer sur des aires de jeux qui leur sont dédiés ; tandis que les autres peuvent se balader à vélo, faire du sport grâce aux équipements ou bien se détendre en buvant un verre. D’autres animations peuvent encore être mises en place comme des food trucks ou des stands éphémères. La piétonnisation des voies sur berges donne donc à la ville un nouvel élan. Les piétons et cyclistes peuvent alors profiter d’un nouveau terrain et d’aménagements tout en rendant l’espace dynamique, de par la fréquentation et les activités proposées.

Ce type d’infrastructures peut en revanche poser certains problèmes : ce sont les parisiens qui, au travers de leurs impôts, paieront pour ce genre d’infrastructures, ainsi que pour les aménagements de transports en commun. La piétonnisation des berges rive droite, en plus d’augmenter la valeur immobilière comme nous l’avons vu, peut aussi augmenter le coût social de la vie à Paris et intensifier le manque de mixité sociale dans l’ensemble de la ville.

[1] FERIEL, C. (2013), « Le piéton, la voiture et la ville. De l’opposition à la cohabitation », Métropolitiques. [En ligne]. [Consulté le 20 mars 2017]

[2] Franceinfo. L’opposition à la circulation des voitures sur les voies de berges – franceinfo: [2’22’’] [Vidéo en ligne]. Disponible sur : https://www.youtube.com/watch?v=agfSom7Q3u8. [Consulté le 5 avril 2017]

[3] Conseil de Paris (2016), Conseil Municipal, Extrait du registre des délibérations, séances des 26, 27 et 28 septembre 2016, Paris, 14p. Consulté le 12 avril 2017. Disponible sur : http://a06.apps.paris.fr/…/plugins/solr/modules/ods/DoDownl…

[4] BLIN S., « Piétonnisation des berges de Paris : et maintenant ? », Libération, publié le 2 octobre 2016

[5] YIM YIU, C. (2011), « The impact of a pedestrianisation scheme on retail rent: An empirical test in Hong Kong », Journal of Place Management and Development, vol. 4, n°3, pp. 231-242. [Consulté le 15 mars 2017]

 

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