Les opposants à l’interdiction du glyphosate estiment qu’il est aujourd’hui difficilement remplaçable. Cela justifierait son utilisation et donc son autorisation.
Pourtant, les détracteurs du glyphosate défendent certaines alternatives à la substance. Ces alternatives ont, pour certaines, fait leurs preuves, mais semblent avoir de la peine à s’implanter chez beaucoup d’agriculteurs.
Ces techniques sont variées et s’appuient sur des méthodes mécaniques ou sur des méthodes naturelles.
Qu’en est-il de ces solutions ? Quels sont leurs avantages, leurs inconvénients, et pourquoi sont-elles peu utilisées dans la pratique ?
Commercialisé depuis 1975 par Monsanto, le glyphosate est une produit éminemment récent dans l’histoire de l’agriculture.
En effet, pendant des millénaires, les Hommes ont cultivé la terre sans glyphosate ni produits chimiques créés en laboratoire. En revanche, la préparation de la terre via un travail mécanique était une technique répandue. Rappelons ici que le glyphosate est un herbicide, c’est-à-dire qu’il est utilisé par les agriculteurs pour enlever les adventices avant de planter leur récolte.
Le labour est un exemple parmi d’autres ; cela consiste à retourner la terre afin d’arracher les mauvaises herbes. Ce travail, qui s’effectuait autrefois manuellement ou à l’aide de la force animale, est aujourd’hui rendu plus aisé grâce à des désherbeuses mécaniques.[1]
Cependant, nombreux sont ceux qui critiquent le labour : celui-ci est accusé de modifier voire détruire la biodiversité du sol, de favoriser l’érosion ou encore de participer à l’émission de gaz à effet de serre. En effet, en plus de recourir à des machines polluantes, le labour libère une grande quantité de carbone organique contenue dans le sol sous forme de CO2. En revanche, cette technique a l’avantage de n’avoir aucune influence sur la qualité de l’eau.[2] Le glyphosate, à l’inverse, pénètre les sols et contamine les cours d’eaux alentour.
De nombreuses techniques ont aussi été mises en place par les mairies qui, en tant que collectivités, ne peuvent plus utiliser le glyphosate depuis le 1er janvier 2017. Elles utilisent par exemple des brosses rotatives en acier ou des sabots rotatifs, mais aussi des flammes, de la vapeur d’eau ou de l’eau chaude afin de brûler les mauvaises herbes.[1] Leurs principaux inconvénients sont d’être bien plus chronophages et de nécessiter davantage de main d’oeuvre.
Certaines ont même mis en place des techniques plus innovantes à l’aide de rayons infra-rouges, de lasers ou même de robots intelligents.[2]
Des techniques qui ne demandent pas d’intervention mécanique existent aussi. Celles-ci sont avant tout des méthodes préventives, c’est-à-dire qu’elles permettent à un sol qui n’a pas de mauvaises herbes d’en rester dépourvu. Cela présuppose donc que les terres initiales soient “propres”, ce qui reste un inconvénient de taille.
La technique la plus connue est encore une technique qui nous vient de nos ancêtres : la rotation des cultures. En effet, dès le Moyen- ge, une rotation des cultures est mise en place avec l’assolement triennal. Cela permettait à 1/3 de l’exploitation, laissé en jachère cette année-là, de reformer des minéraux et d’être pleinement exploitable l’année suivante. Pour ce qui est des mauvaises herbes, la rotation des cultures permet de rompre avec le développement des adventices puisque celles-ci diffèrent selon la plante cultivée.[3] Mais une telle méthode est compliquée à mettre en place de nos jours car elle oblige l’agriculteur à ne pas utiliser un tiers de son exploitation, ce qui limite donc drastiquement le rendement.
Il est aussi possible de réaliser ce qui s’appelle un paillage. Le principe est simple : il s’agit de répandre sur le sol un paillage biodégradable, constitué de copeaux de bois, de feuilles mortes, etc. Ce paillage va empêcher à la lumière de passer ce qui va donc stopper la photosynthèse, empêchant aux mauvaises herbes de pousser.[4] Ce paillage étant biodégradable, il n’y a pas besoin de l’enlever. En revanche, l’inconvénient de cette technique réside dans le fait qu’il faut, au départ, réaliser ce paillage en vérifiant qu’il est homogène et correctement disposé afin d’empêcher la pousse des adventices.
Nous venons de voir quelques méthodes naturelles à considérer ; des alternatives chimiques existent et comprennent par exemple des herbicides naturels.
Il en existe de deux sortes : ceux entièrement naturels, basés sur un seul produit directement accessible dans la nature, et ceux qui utilisent un mélange de produits naturels.
La bouillie bordelaise est une des méthodes les plus traditionnelles, très utilisée par les vignerons. Il s’agit d’un fongicide à base de cuivre qu’il faut répandre sur les plantes en préventif environ tous les quinze jours.[4] Un inconvénient notable réside dans le fait qu’il faut repasser régulièrement. Mais, le problème majeur est bien sa concentration en cuivre. En effet, le cuivre a tendance à rester dans les sols traités à la bouillie bordelaise, ce qui bouleverse les écosystèmes. Le cuivre peut alors se retrouver dans l’eau des nappes souterraines et contaminer par sa toxicité la faune, la flore et même des être humains.[8]
De nombreuses communes utilisent depuis début 2017 des herbicides naturels tels que l’acide acétique, l’acide citrique mais aussi de l’huile de girofle ou du gluten de maïs. Ces solutions sont toutes toutes être qualifiées de naturelles, même si leur déversement en grande quantité dans l’environnement n’est pas sans risque.
Une autre solution a été créée par une société bretonne. Il s’agit d’un désherbant naturel a priori aussi efficace que des herbicides chimiques à base de glyphosate.[5] Son inventeur - Jacques le Verger, ingénieur agronome de formation - a créé sa société Osmobio à Loudéac. C’est avec cette dernière qu’il essaye, depuis 2009, de lancer son produit. Il a d’ailleurs envoyé des échantillons à l’INERIS qui a confirmé que le produit était non-toxique en 2012. Depuis, il essaye d’obtenir une autorisation de mise sur le marché de la part de l’ANSES. Mais celle-ci lui a répondu que le dossier était incomplet. Le Verger a donc envoyé de nouveaux échantillons à l’INERIS en vue de remonter un dossier pour l’ANSES.[6]
Pourtant, selon Robert Bellé, Osmobio peut difficilement être une alternative sérieuse. “Pour que son produit soit accepté, il va falloir qu’il dise ce qu’il y a dedans”. Car ce n’est pas parce qu’un produit est fait à partir de plantes qu’il n’est pas nocif. Et aujourd’hui, Osmobio ne dispose pas des moyens nécessaires pour effectuer de telles anlayses.
Le centre d’études biologiques de Chizé dans les Deux-Sèvres a, pour sa part, donné des résultats inattendus. En effet, lors d’un rassemblement, Vincent Bretagnolle a expliqué comment il avait réussi à prouver que le rendement économique pouvait augmenter en divisant par deux la quantité d’herbicides utilisée.
Le CEBC réalise des essais dans une zone atelier de 450km2 dans le Val de Sèvre. Cette zone est constituée de 15000 parcelles où des chercheurs demandent aux agriculteurs d’effectuer des tests de production.
Ils ont ainsi montré qu’il était possible d’obtenir une augmentation du rendement de 200€ par hectare de blé en divisant par deux la quantité d’herbicides et d’engrais azotés épandus.
Ce résultat, qui semble en désaccord avec tout ce qui a pu être dit par les défenseurs du glyphosate, a pourtant une légitimité importante. En effet, la zone atelier est une zone d’essai grandeur nature, dans laquelle il est possible de prendre en compte énormément de facteurs et notamment l’influence des autres parcelles.[7]
Les agriculteurs bio constituent certainement le meilleur exemple de producteurs qui arrivent à se passer de glyphosate. Même si ce mode de fonctionnement s’adapte encore difficilement à certaines productions, les opposants au glyphosate restent optimistes quant à la découverte de solutions universelles. Sandrine Le Feur, députée du Finistère et agricultrice bio, estime qu’il est nécessaire de “repenser un modèle de production pour chaque exploitation. Évidemment arrêter le glyphosate aujourd’hui, ce serait catastrophique. Il faut tout repenser différemment, réfléchir à faire des rotations, introduire des légumineuse, etc. C’est tout un travail derrière qui nous permettra, à terme, de nous en passer”.