Promotion 2015
L’ibis sacré n’a fait son apparition que très récemment dans le paysage français. La première introduction en France date de la fin des années 80. En effet, une petite dizaine d’ibis avait été accueillie par le parc zoologique de Branféré en Bretagne, où des visiteurs pouvaient venir les admirer. Mais très vite, des oiseaux se sont échappés puis multipliés à l’extérieur du zoo. En 2005, on pouvait compter jusqu’à 3000 individus, présents dans le Morbihan, la Loire-Atlantique et la Vendée.[3]
A la même époque environ, huit ibis avaient été aussi introduits dans le parc zoologique de Sigean, dans l’Aude. Mais là aussi, les oiseaux se sont échappés puis reproduits en milieu naturel : en 2007, on en comptait 360.[4]
L’implantation de cette nouvelle espèce et le fait qu’on ne puisse pas la contrôler ont assez vite suscité des inquiétudes ; inquiétudes qui se sont amplifiées dès lors que des cas de prédation sur des nids d’espèces protégées ont été constatés. Invoquant le principe de précaution, des campagnes d’éradication ont ensuite été menées afin d’éviter que l’oiseau n’ait un effet désastreux sur la biodiversité.
Cependant, ces mesures n’ont pas fait l’unanimité : certains ont jugé les moyens d’éradication trop violents, d’autres se sont catégoriquement opposés à tout acte ayant pour but de réduire les populations d’ibis et se sont mobilisés pour arrêter cette éradication.
C’est ici que la controverse apparaît : l’impact réel de l’oiseau sur la biodiversité et sur les activités humaines fait débat, tandis qu’au sein même des partisans d’une régulation de l’ibis, des désaccords apparaissent : faut-il l’éradiquer totalement, partiellement, et avec quelles méthodes ? Peut-on qualifier l’ibis d’espèce invasive ? Mais qu’est-ce qu’une espèce invasive? La controverse autour de l’ibis s’inscrit finalement dans une perspective plus large. La prise de conscience générale d’une biodiversité qui se dégrade et qu’il faudrait préserver constitue un contexte particulier pour le développement de cette controverse et la cristallisation de tensions autour de la question de l’ibis sacré est ainsi révélatrice d’un débat qui dépasse le cas particulier de l’oiseau : quelle est la « nature » que l’on souhaite préserver?
Nous avons décidé de nous focaliser sur la controverse autour de l’ibis en France et particulièrement sur la façade atlantique où la controverse a pris plus d’ampleur mais aussi parce que, suite aux campagnes d’éradication, il ne reste plus (ou quasiment plus) d’ibis dans le pourtour méditerranéen.