Se représenter les connaissances de l'autre : le cas des vervets traité par Robert Seyfarth et Dorothy Cheney



L'article très précis de Robert Seyfarth (professeur de psychologie à l'Université de Pennysylvanie) et Dorothy Cheney (biologiste dans cette même université), " la pensée chez les singes ", (Pour la Science, N°184, Fevrier 1993), décrit en détail les processus de communication chez des singes non anthropoïdes, les vervets. Une série d'expériences leur permet de mettre en évidence que les singes n'agissent pas purement par réflexe, mais attribuent des images mentales aux différents cris poussés par leur congénères. Forts de cette découvertes, ils se demande alors si ces singes attribuent des états mentaux à l'autre et agissent en conséquence. En fait, la question est " ont-ils vraiment une " théorie de la pensée ? "
Leur protocole est simple : un jeune est séparé de sa mère. Celle ci voit, depuis une cage qui donne sur une arène, soit l'emplacement d'une friandise, soit un danger (un technicien qui fait des gestes menaçants avec un filet puis se cache). Ensuite on envoie le jeune dans l'arène.
Si on a permis à celui ci de voir aussi l'emplacement de la friandise ou du danger, il évite la zone dangereuse et file vers à la friandise.
Sinon, il erre au hasard dans l'arène. Le but est que la mère, qui elle, est informée, voit son petit mais ne peut pénétrer dans l'arène, réagisse à l'ignorance de son petit en le guidant : ainsi elle témoignerait avoir conscience de l'état mental de son petit : autrement dit elle aurait conscience qu'il est ignorant.

Résultats

Mais même devant un comportement complètement différent des jeunes dans les deux situations (informé : le jeune file droit au but ; ignorant : il ère l'air désorienté en prenant des risques en s'aventurant dans la zone dangereuse), la mère n'a pas de réaction particulière à la situation ignorant :
" En dépit de tous ces signes, le comportement des mères est resté le même dans les deux situations : elles n'ont jamais poussé de cris à l'attention des jeunes ignorants ".

Cependant ce n'est pas assez pour conclure que ces singes n'ont pas conscience des états mentaux de leurs congénères, soulignent les auteurs. Tout ce qu'on peut affirmer, c'est que si conscience il y a, elle ne modifie pas le comportement des vervets.


Réactions & remarques

Par contre, les auteurs signalent le cas de la chimpanzé Sarah. Lors d'observations à l'université de Pennisylavanie, David Premack et Guy Woodruff, en 1978, ont montré que les chimpanzés pouvaient avoir accès à une certaine théorie de la pensée.

En complément de cet article, on pourra lire aussi le paragraphe " les singes anthropoïdes ne sont pas des animaux pédagogiques " par JR Anderson, " De l'Autre côté du miroir ", chap 9 Aux origines de l'humanité, tome 2. Dans ce passage, JR Anderson montre comment l'apprentissage est " construit " chez les primates : ils imitent consciemment et " montre comment il faut faire ". D'un côté comme de l'autre, il sont accessibles à une certaine pédagogie. Chez les singes non anthropoïdes, ces facultés pédagogiques, au contraire, ne semblent pas exister. Ceci s'explique facilement si, comme il le semble, ils sont incapables d'attribuer un état de connaissance à l'autre.