Attribuer des intentions à l'autre : expériences de David Premack et Guy Woodruff.
Décrits dans de nombreux articles (notamment " La pensée chez les singes " de Robert Seyfarth et Dorothy Cheney, Pour la Science, Fevrier 1993 et chap 9 de " Aux origines de l'humanité "), les travaux de ces chercheurs ont mis en évidence une théorie de la pensée chez les singes. Leur célèbre étude sur le mensonge leur a permis d'affirmer que les chimpanzés possèdent une compréhension des intentions d'autrui.
L'étude se déroulait ainsi :
Les chimpanzés avaient intérêt à induire en erreur un humain hostile et avare. Guidé par le grand singe, ce dernier gardait pour lui la friandise s'il la trouvait. (Celle ci étant cachée sous un certain bol placé à l'extérieur de la cage, que le singe avait vu remplir mais auquel il ne pouvait pas accéder). Lorsque le chimpanzé indiquait un mauvais bol, il pouvait avoir la récompense. Un autre humain, plus généreux, partageait toujours chaque friandise trouvée. Il s'est avéré que le chimpanzés aidaient les humains par leurs gestes de pointage en induisant l'avare en erreur et aidant le généreux. Après interversion des rôles, les chimpanzés distinguent encore leurs deux partenaires : ils suivent les indications de celui qui se montrait généreux.
Remarques & réactions
Cette expérience est longuement analysée dans le long paragraphe " connaissance sociale de soi " par J. Vauclair et B. Deputte dans le chap 7. Il expliquent comment cette flexibilité des comportements des chimpanzés face au mensonge humain témoigne d'une réelle capacité de ces singes à la tromperie.
Signalons encore une autre approche de David Premack et Guy Woodruff pour mettre en évidence la compréhension des intentions d'autrui. Elle repose sur un système de cassettes vidéos et de photos. On montre ainsi à Sarah, une jeune chimpanzé, un homme qui saute pour essayer de s'emparer d'une banane suspendue au plafond hors de sa portée. Sarah regarde la séquence, puis doit choisir entre plusieurs photos qu'on lui présente, dont une seule montre la solution au problème : l'acteur se perche sur une chaise. Sarah trouve facilement la solution de ce problème, ainsi que de nombreux autres. Mais, curieusement, elle y arrive beaucoup mieux lorsqu'il s'agit de personnes qu'elle ne connaît pas ou qu'elle aime bien. Elle a tendance à montrer une image où l'acteur se trompe lorsqu'elle n'aime pas celui ci.
Faisons remarquer que de tels comportements existent aussi à l'état
naturel et sans conditionnement préalable : se reporter pour cela à
l'anecdote : le mensonge de Marilyn mais
aussi au cas de Belle
Signalons également que ce même chapitre 7 rend compte de nombreux
autres tests, notamment de tests
menés par Povinelli en 1990 (p. 321, Aux origines de l'humanité,
tome 2 ), reposant sur ces mêmes principes, qui plaide en faveur d'une
capacité d'attribution des savoirs aux autres par les chimpanzés.
En parallèle, de nombreuses études visant à mettre en évidence
ce genre de capacité chez des singes non anthropoïdes a échoué,
corroborant l'hypothèse de Gallup d'une " brèche phylogénétique"
au sein des singes.