Conclusion de l’article de M. Cicolella paru dans l’Encyclopédie médicale et chirurgicale  en 2000

(rubrique toxicologie, pathologie professionnelle)

 

« Les éthers de glycol forment une catégorie de solvants de très large emploi industriel et domestique dont la toxicité commence à être bien cernée, ce qui permet de les classer en trois groupes. Les données expérimentales sont suffisamment cohérentes avec les données humaines pour considérer qu’une exposition maternelle de courte durée aux éthers de glycol du groupe 1 a peut induire un risque sur le développement embryofœtal. Pour des expositions de plusieurs semaines, une atteinte de la fertilité et du sang, de type hypoplasiant médullaire, est susceptible de se produire dans les deux sexes et d’être réversible s’il y a retrait de l’exposition. Certaines catégories de travailleurs, celles utilisant principalement des encres, des vernis, des peintures et des produits de nettoyage contenant des éthers de glycol du groupe 1 a, sont plus particulièrement exposées à ces risques en raison des niveaux et de la durée de leur exposition. Les seuils d’effet chez l’homme sont vraisemblablement plus bas que chez l’animal, en raison d’une élimination plus lente des métabolites toxiques.
    Les risques liés aux éthers de glycol des groupes 1 b et 2 portent sur le développement embryofœtal. Une atteinte de l’appareil reproducteur masculin et du sang n’est pas à exclure avec les composés les plus toxiques du groupe 1 b, même si actuellement aucune observation humaine n’existe en ce sens. Le risque concerne les travailleurs mais aussi les consommateurs, dans la mesure où il n’existe aucune limitation d’emploi concernant ces substances.
    Il existe des indications d’autres effets possibles correspondant à des expositions faibles aux éthers de glycol du groupe 1 a (atteinte rénale, atteinte du développement embryofœtal après exposition paternelle), du groupe 2 (fragilité érythrocytaire), du groupe 3 (hypersensibilité), mais des données complémentaires sont nécessaires pour évaluer ces risques pour l’homme.
    La question d’un effet cancérogène de type non génotoxique est soulevée par les résultats chez la souris de la première étude de toxicité chronique menée avec le BG. Ces résultats sont confortés par quelques données expérimentales
in vitro et in vivo. Des données de toxicité chronique pour les éthers de glycol les plus utilisés et des études épidémiologiques portant en priorité sur les organes cibles des éthers de glycol, tout comme ceux mis en évidence dans l’étude animale, apparaissent nécessaires.
    Une connaissance plus systématique de la pollution de l’eau apparaît également souhaitable en raison des niveaux de pollution qui ont pu être déjà mesurés.
    En raison de leur toxicité, de l’importance des populations exposées et du niveau d’exposition de celles-ci, on peut s’interroger sur le rôle de certains éthers de glycol, à côté d’autres catégories de substances comme les perturbateurs endocriniens, dans les diverses atteintes de la reproduction, qui font l’objet d’une préoccupation croissante dans le monde entier depuis le début des années 1990. Le nombre limité des observations chez l’homme peut avoir différentes raisons : difficulté pour les personnes exposées à faire la relation entre les atteintes de la santé et l’exposition aux éthers de glycol toxiques, en raison de la nature aspécifique des effets (avortements spontanés ou malformation par exemple), du caractère peu visible de ceux-ci (atteinte de la spermatogenèse par exemple), faible visibilité des éthers de glycol toxiques dans l’étiquetage des produits industriels ou domestiques, et enfin connaissance limitée parmi le corps médical, y compris chez les médecins du travail ou les andrologues, de la toxicité et du large usage de ces molécules.
    D’une façon générale, la meilleure prévention passe par une politique de substitution des éthers de glycol les plus toxiques par les éthers de glycol les moins toxiques. Les mesures de prévention, individuelles et collectives, sur les lieux de travail ou dans l’environnement domestique, devraient dans l’immédiat être mises en œuvre de façon plus systématique, afin de réduire l’exposition tant pulmonaire que cutanée aux éthers de glycol les plus toxiques. »