Cet article complète l’article sur la foulque macroule, en entrant dans les détails techniques concernant la variabilité (temporelle, spatiale et inter espèce) des distributions statistiques des délais au premier envol des nichées. La deuxième partie aborde les limites de l’étude.
Nous reprenons les commentaires de Carole Fouque (ONCFS) sur le sujet, concernant une étude plus large, menée sur différentes espèces dont la foulque macroule.
Variabilité des courbes globales de distribution de fréquence du délai au premier envol des nichées
Au niveau national (toutes régions prises en compte), les distributions
globales du délai au premier envol des nichées diffèrent
entre les six espèces chassées d'anatidés (log-rank = 871.9,
ddl = 5, P < 0.0001).
La distribution la plus précoce est celle du canard souchet, suivi par
quatre espèces ayant des distributions intermédiaires (le canard
colvert et la foulque macroule ayant des distributions vraiment proches ; de
même pour le canard chipeau et le fuligule milouin). Globalement, les
distributions de ces quatre espèces sont significativement différentes
(log-rank = 340.6, ddl = 3, P < 0.0001). La distribution la plus tardive
est celle du fuligule morillon.
Le comportement alimentaire n'est pas un critère pertinent de regroupement des espèces puisque les distributions sont différentes entre les canards de surface (canards colvert, chipeau, souchet : llog-rank = 136.9, ddl = 2, P < 0.0001) et entre les canards plongeurs (fuligule milouin et fuligule morillon), associés ou non à la foulque macroule (log-rank = 307.4, ddl = 2, P < 0.0001 avec la foulque macroule - log-rank = 184.3, ddl = 1, P < 0.0001).
Variabilité des courbes de distribution de fréquence du délai au premier envol des nichées pour les quantiles d'ordre 80 % et 90 %
Au seuil de 80 %, l'écart entre la distribution du délai au
premier envol la plus
précoce (canard souchet) et celle la plus tardive (fuligule morillon)
est de 45 jours (17 juillet - 1er septembre) ; il est de 46 jours (29 juillet
- 12 septembre) entre les mêmes espèces au seuil de 90 % ;
Entre les quatre espèces intermédiaires, la plus grande différence est de 9 jours (10 - 19 août) à 80 % et de 8 jours (21 - 29 août) à 90%. Entre l'espèce la plus tardive du groupe intermédiaire et le canard souchet, la différence est de 24 jours (17 juillet - 10 août) au seuil de 80% et de 23 jours (29 juillet - 21 août) au seuil de 90 %. Entre l'espèce la plus tardive du groupe intermédiaire et le fuligule morillon, l'écart est de 13 jours (19 août - 1er septembre) au seuil de 80 % et de 14 jours (29 août - 12 septembre) au seuil de 90 %.
L'analyse descriptive des distributions montre que la variabilité entre
les espèces ou groupes d'espèces est importante et du même
ordre de grandeur au seuil de 80 ou de 90 %.
D'après les tests de comparaison globale des quantiles, les quantiles
d'ordre 80 et 90 % des distributions des six espèces étudiées
sont significativement différentes (P < 0.05). Par contre, les quantiles
d'ordre 80 % des distributions des quatre espèces intermédiaires
peuvent être considérées comme similaires (p = 0.07).
Variabilité des courbes globales de distribution de fréquence
du délai au premier envol des nichées
À l'échelle nationale (toutes régions confondues), les
distributions globales du délai au premier envol des nichées diffèrent
entre les huit années d'étude chez le canard colvert (log-rank
= 156.5, ddl = 7, P < 0.0001), la foulque macroule (logrank = 51.2, ddl =
7, P < 0.0001), le fuligule milouin (log-rank = 48.4, ddl = 7 P < 0.0001)
et le fuligule morillon (log-rank = 22.2, ddl = 5, P < 0.001 ; années
1990 et 1997 exclues par le faible nombre de nichées observées).
Pour chaque espèce donnée, les distributions globales annuelles n'ont pas pu être regroupées par catégorie (précoce, tardif ou dans la moyenne des années) car la majorité d'elles ne correspondent pas à une seule et même catégorie durant toute la phase d'acquisition de l'aptitude au vol (exemple : une distribution peut être précoce au début de la saison puis devenir tardive à la fin de celle-ci). Il y a, toutefois, quelques exceptions.
En 1991, les nichées de canard colvert et de foulque macroule ont été aptes au vol plus tardivement que les autres années tout au long de la saison.
En 1990 et 1997, les nichées de fuligule milouin ont été aptes au vol respectivement plus tard et plus tôt que les autres années tout au long de la saison.
En 1994 et 1993, également tout au long de la saison, les nichées de fuligule morillon ont été aptes au vol respectivement plus tard et plus tôt que les autres années.
D'autre part, des conditions météorologiques relativement semblables entre les années n'ont pas permis de regrouper les distributions du délai au premier envol correspondantes pour une espèce donnée. De plus, selon les espèces, les distributions précoces, tardives ou intermédiaires ne correspondent pas aux mêmes années.
À l'échelle des régions administratives, il y a une variabilité inter-annuelle entre les distributions du délai au premier envol des nichées chez le canard colvert (tests du logrank, P £ 0.01) sauf en Pays-de-Loire (log-rank = 12.2, ddl = 6, p = 0.06), en Champagne-Ardenne (log-rank = 13.2, ddl = 7, p = 0.07) et en Bretagne (log-rank = 4.4, ddl = 6, p = 0.06) ; et de même chez la foulque macroule (tests du log-rank, P <= 0.01), sauf en Poitou-Charentes (log-rank = 7.61, ddl = 6, p = 0.4) et en Bourgogne (logrank = 8.24, ddl = 7 ; p = 0.3).
Pour les fuligules milouin et morillon, cette comparaison entre les années
à l'échelle régionale a été impossible compte
tenu du faible nombre de nichées observées dans certaines régions.
Variabilité des courbes de distribution du délai au premier
envol des nichées pour les quantiles d'ordre 80 et 90 %.
Chez le fuligule morillon, l'écart entre la date la plus précoce
et la date la plus tardive a été de 19 jours (24 août -
10 septembre) au seuil de 80 % de nichées aptes au vol et de 23 jours
(5 - 28 septembre) au seuil de 90 % ; chez le fuligule milouin, de 11 jours
à 80 % (14 - 25 août) et à 90 % (22 août - 2 septembre).
Chez le canard colvert, les amplitudes ont été de 17 jours (3
- 20 août) à 80 % et de 8 jours (22 - 30 août) à 90
%.
Chez la foulque macroule, l'intervalle le plus large entre les courbes au seuil
de 80 % a été de 14 jours (11 - 25 août) et de 7 jours (27
août - 3 septembre) au seuil de 90 %.
La variabilité entre les années est ici moins forte que celle
trouvée entre les espèces.
D'après les tests de comparaison globale des quantiles, les quantiles
d'ordre 80 % et 90 % des distributions sont significativement différents
entre les années (P <= 0.01) chez le canard colvert et le fuligule
morillon. Chez la foulque macroule, la distinction est possible entre les années
tardives (1990 et 1991) et les six autres années formant un groupe homogène
au quantile d'ordre 90 % (p = 0.15). De même chez le fuligule milouin,
les distributions du délai au premier envol sont différentes entre
les années tardives (1990 et 1992) et les six autres années aux
quantiles d'ordre 80 et 90 % (respectivement p = 0.08 et p = 0.20).
Variabilité des courbes globales de distribution de fréquence
du délai au premier envol des nichées
La distribution de fréquence du délai au premier envol des nichées
(toutes années confondues) est différente entre les régions
ou les groupes de régions chez le canard colvert (log-rank = 644.0, ddl
= 20, P < 0.0001), la foulque macroule (logrank = 772.8, ddl = 20, P <
0.0001), le fuligule milouin (sept regroupements de régions - log-rank
= 122.9, ddl = 6, P < 0.0001) et le fuligule morillon (Centre, Nord-Pas-de-
Calais et Alsace - log-rank = 94.6, ddl = 2, P < 0.0001).
Pour chaque espèce, assignées les distributions globales à
une catégorie (précoce, tardive ou dans la moyenne des années)
n'a pas toujours été possible car la majorité d'entre elles
ne correspondent pas à une seule et même catégorie durant
toute la phase d'acquisition de l'aptitude au vol (exemple : une distribution
peut être précoce en début de saison puis tardive à
la fin).
Il y a cependant quelques exceptions. Les nichées de canard colvert ont été aptes au vol tôt en saison (toutes années confondues) dans les trois régions situées au nord de la France - Picardie, Nord-Pas-de-Calais, et Basse-Normandie.
Les nichées de foulque macroule ont été aptes au vol tôt
en saison dans la région Languedoc-Roussillon tandis qu'elles l'ont été
tardivement dans les régions Midi-Pyrénées, Alsace et Auvergne.
Les nichées de fuligule milouin ont été aptes au vol tôt
en saison en régions Nord-Pas-de- Calais + Picardie et tardivement en
régions Champagne-Ardenne + Alsace + Lorraine.
Chez le fuligule morillon, les nichées ont été tardives
en Alsace (n = 106, 21 septembre au seuil de 80 % et 1er octobre au seuil de
90 %), les distributions du délai à l'envol des deux autres régions
n'étant pas différentes (Centre, n = 208, et Nord/Pas-de-Calais,
n = 218 : 23-25 août au seuil de 80 % et 4-7 septembre au seuil de 90
%). Ainsi, il n'a pas été possible d'identifier des profils de
distribution du délai au premier envol semblables entre les espèces
ou groupes d'espèces.
Variabilité des courbes de distribution de fréquence du délai
au premier envol des nichées pour les quantiles d'ordre 80 et 90 %
En fonction de la région, la variabilité entre les distributions
du délai au premier envol des nichées de foulque macroule s'est
située dans un intervalle de 38 jours au seuil de 80 % et de 41 jours
au seuil de 90 %.
Chez le canard colvert, les différences obtenues sont respectivement
de 27 jours et de 31 jours.
Chez le fuligule milouin, de 7 jours pour les quatre régions similaires
et de 5 jours pour les trois autres régions, et à 90 %, respectivement
de 7 et 20 jours. Chez le fuligule morillon, les dates auxquelles 80 % des nichées
ont été aptes au vol ont été le 23 août dans
la région Nord/Pas-de-Calais (n = 218), le 25 août dans la région
Centre (n = 208) et le 21 septembre dans la région
Alsace (n = 106). Dans ces régions les dates ont été respectivement
le 7 septembre, le 4 septembre et le 1er octobre au seuil de 90%. L'intervalle
entre les dates extrêmes a donc été de 29 jours à
ce seuil et de 27 jours au seuil de 90 %.
Ainsi, la variabilité entre régions a été plus faible
au seuil de 80% de nichées aptes au vol pour trois des quatre espèces
étudiées, mais, dans tous les cas, elle a été bien
plus importante que la variabilité constatée entre années.
Pour les quatre espèces, les quantiles d'ordre 80 % et 90 % des distributions
globales sont différents entre les régions (test de comparaison
globale des quantiles, P <= 0.001). À ces deux quantiles, les différences
persistent entre les distributions du canard colvert, même en enlevant
celles appartenant aux régions les plus précoces (Nord-Pas-de-
Calais + Picardie et Basse-Normandie).
Même résultat également pour la foulque macroule en enlevant
les distributions régionales extrêmes, à savoir celle du
Languedoc-Roussillon qui est la plus précoce et celles de Midi-Pyrénées,
d'Auvergne et d'Alsace qui sont les trois plus tardives (P < 0.001).
Par contre, chez le fuligule milouin, les distributions des quatre groupes régionaux
les plus proches (Nord-Pas-de-Calais, Normandie, Centre + Ile-de-France, Pays-de-Loire
+ Bretagne) peuvent être considérées comme similaires aux
deux quantiles (p = 0.1 dans les deux cas). Les profils des distributions sont
également similaires pour le fuligule morillon entre les régions
Nord-Pas-de-Calais et Centre aux deux quantiles (p = 0.2 et p = 0.5), celle
de l'Alsace bien plus tardive mise à part (P < 0.001).
Protocole de terrain
Concernant le protocole de terrain, nous pouvons identifier quatre biais potentiels dans la récolte des données. En premier lieu, l'utilisation des clés de détermination de l'âge des nichées du canard colvert et de la foulque macroule comme seules références pour les autres espèces a pu être une source d'erreur qui n'est pas mesurable à ce jour.
Dans le cas du cygne tuberculé, cette source d'erreur a pu être d'une semaine sur les nichées observées âgées de plus de trois semaines à la date d'observation. D'autres repères chronologiques tels que les dates de formation du nid et de l'éclosion des oeufs auraient dû être inclus dans le protocole pour obtenir des données plus standardisées (BENMERGUI, à paraître).
En second lieu, la fréquence retenue des sorties sur le terrain (sorties mensuelles) a eu une influence sur les résultats. Cependant, sur plusieurs sites camarguais, les résultats des sorties hebdomadaires ont été comparés avec ceux des sorties mensuelles. Il a été trouvé que le rapport " temps passé/nombre de nichées observées " de nette rousse Netta rufina était en faveur du protocole ayant une fréquence de sortie mensuelle pour une précision similaire (DEFOS DU RAU et al., 2003).
Toutefois, cette validation du protocole mensuel reste limitée à une espèce donnée et à un secteur donné et nous ne savons pas dans quelle mesure elle est extrapolable à d'autres cas de figure.
Par ailleurs, le protocole mensuel ne permet pas d'exclure complètement une éventuelle double comptabilisation de certaines nichées observées la première fois à un âge précoce sauf dans le cas de la dernière sortie du mois d'août. C'est la raison pour laquelle une surestimation du nombre de nichées vues jusqu'en juillet est possible et pourquoi cela a pu donner plus d'importance à la part des nichées aptes au vol dans la première moitié de la saison.
En troisième lieu, concernant la durée d'application du protocole
mensuel sur le terrain, l'observation des dernières nichées se
fait autour du 10 août. Les plus jeunes nichées observées
auront alors 1 jour et elles seront théoriquement aptes au vol deux mois
plus tard, soit autour du 10 octobre, date la plus tardive que nous pouvons
obtenir pour le seuil de 100% de nichées aptes au vol.
Les éventuelles nichées produites après la dernière
sortie de terrain ne sont pas prises en compte, ce qui pourrait avoir conduit
à sous-estimer le pourcentage de nichées inaptes au vol en fin
de saison. Nous pouvons souligner que les observations de terrain servant de
base au rapport MNHN-ONC (1989) s'arrêtent la première semaine
d'août.
En dernier lieu, la détectabilité des nichées varie en
cours de saison, notamment dans le cas des canards de surface : celles-ci sont
de moins en moins visibles plus la végétation grandit. Pour cette
raison, le nombre de nichées observées en fin de saison peut être
sous-échantillonné comparativement au début de saison.
Analyse des données
Au niveau de l'analyse des données, deux biais potentiels sont identifiés.
En premier lieu, l'utilisation de la nichée comme unité de traitement
peut induire un biais lié à l'évolution de la taille des
pontes et d'une même nichée au cours de la saison.
D'une part, la taille des pontes varie au cours de la saison : d'après
les travaux généraux de TOFT et al. (1982) sur les anatidés,
les pontes tardives sont en moyenne plus petites que pendant le reste de la
saison, la modulation de la taille de la ponte étant une adaptation de
type coût/bénéfice.
D'autre part, parce que seulement une partie des jeunes d'une nichée
survivront jusqu'à leur envol, la prédation s'exerçant
dès la ponte et au fur et à mesure que la nichée prend
de l'âge.
D'après l'étude de CANTIN et al. (1976) sur le canard chipeau
au Québec, ce facteur n'est pas présent avec la même pression
tout au long de la saison et les nichées produites en début de
saison sont plus fortement touchées, la végétation étant
peu présente.
Ainsi, notre étude, comme toutes les autres référencées
à ce jour, repose sur un raisonnement théorique à l'échelle
de la nichée qui procure des résultats sans doute différents
de la réalité. Ces problèmes pourraient être pris
en compte au moment du traitement des données par des coefficients de
pondération basés sur le nombre de jeunes dans les nichées
et une probabilité de survie des nichées variable dans le temps.
En second lieu, une partie des variations de la chronologie de la reproduction observées entre les régions et entre les années pourrait probablement s'expliquer par des facteurs environnementaux ou anthropiques spécifiques aux sites suivis dont nous ne savons pas s'ils sont représentatifs d'une situation générale : notons par exemple que la gestion des sites (niveau d'eau, etc.) et la fréquentation humaine (statut du sites en réserve, chassés ou pêchés, etc.) peuvent avoir un impact sur le calendrier de la reproduction (premières pontes et pontes de remplacement) et sur la production de nichées.
Par ailleurs, la chasse aux oiseaux d'eau pratiquée en juillet et en août sur certains sites d'observation a pu écourter la dernière phase de la chronologie de la reproduction. TOMBAL (1998) évoque également ce biais dans son article et propose de décrire les sites par rapport à ces facteurs afin d'établir des chronologies par catégorie de sites.
Période de reproduction
Dans cet article, les pourcentages de 10 % de pontes réalisées et de 90 % de nichées aptes au vol ont été utilisés comme seuils pour définir la période de reproduction et comparer les résultats entre espèces, entre régions et entre années. Ces seuils correspondent la plupart du temps à un stade particulier des courbes de chronologie.
En effet, ces courbes, lorsqu'elles sont produites en cumulant les nichées aptes au vol au cours du temps, dessinent une sigmoïde. La plupart du temps, le seuil de 10 % se situe au niveau de l'arrondie inférieur de cette sigmoïde et le seuil de 90 % au niveau de l'arrondie supérieur débouchant sur un plateau qui se termine avec 100 % de nichées observées aptes au vol. Toutefois, nos données peuvent être interprétées en prenant comme repères d'autres seuils, notamment pour comparer nos résultats avec ceux disponibles dans les références bibliographiques.
Les périodes de reproduction définies pour les huit espèces
considérées dans cette étude ont été comparées
à celles retenues dans le rapport demandé par le ministère
chargé de l'environnement et de la chasse en France (LEFEUVRE, 1999)
utilisant les résultats préliminaires de cette étude, ceux
du rapport MNHN-ONC (1989) et ceux de diverses associations de protection de
la nature.
Les dates de début de reproduction de ce dernier rapport sont identiques
à celles que nous avons trouvées au seuil de 1 % de pontes commencées
pour le canard chipeau, le canard souchet et le fuligule morillon et plus tardives
d'une décade pour les cinq autres espèces.
Concernant les dates de fin de reproduction, les comparaisons sont possibles avec trois autres références. Les résultats énoncés par le comité ORNIS, groupe d'experts du comité d'adaptation de la Directive " Oiseaux " n°79/409/CEE (ANONYME, 2001), sont les mêmes que ceux du rapport MNHN-ONC (1989) au seuil de 99 % de nichées aptes au vol pour cinq des six espèces chassées.
Pour le fuligule morillon, la fin de la période de reproduction tombe
dans la 3e décade de septembre dans le rapport ORNIS au lieu de la 2e
dans le rapport MNHN-ONC, toujours au seuil de 99 %.
Pour ces six espèces, les dates avancées dans le rapport LEFEUVRE
(1999) sont soit identiques à celles trouvées dans notre étude
ou dans le rapport MNHN-ONC (1989) pour un seuil de 100 % de nichées
aptes au vol, soit plus précoces d'une décade par rapport à
la date la plus tardive référencée.
Enfin, pour les quatre seuils étudiés de nichées aptes au vol (80%, 90%, 99% et 100%), nos résultats sont soit identiques, soit plus tardifs d'une décade en comparaison avec les résultats du rapport MNHN-ONC (1989), sauf pour le fuligule morillon et le canard chipeau où la différence est dans l'autre sens au seuil de 100 %. Ces différences peuvent s'expliquer par les tailles variables des échantillons de nichées et la couverture géographique pris en compte pour établir les chronologies dans les deux études.
Le nombre de zones de reproduction est toujours plus important dans notre étude.
Le nombre de nichées est plus conséquent dans notre étude
pour le canard colvert, la foulque macroule et le canard souchet et par contre
plus petit pour le canard chipeau, le fuligule milouin et le fuligule morillon.
Le comité scientifique de l'Observatoire National de la chasse et de
la faune sauvage (OFFICE NATIONAL DE LA CHASSE
ET DE LA FAUNE SAUVAGE, 2003) a retenu la troisième décade
d'août comme date de fin de reproduction pour les six espèces chassées
d'après notamment les résultats préliminaires issus de
notre étude. A cette date, excepté pour le fuligule morillon,
ce sont au moins 90 % des nichées qui sont aptes au vol (99,5 % chez
le canard souchet, 95,8 % chez le canard chipeau, 94,9 % chez le fuligule milouin,
93,2 % chez le canard colvert, 91,7 % chez la foulque macroule, 79 % chez le
fuligule morillon). Le seuil proche de 80 % de nichées aptes au vol a
été toléré pour le fuligule morillon en raison de
l'émancipation des nichées une à trois semaines avant l'aptitude
au vol.
Variabilité interspécifique
Concernant les regroupements des espèces étudiées d'après
les caractéristiques de leur période de reproduction, des différences
ont été mises en évidence entre nos résultats et
ceux du rapport MNHN-ONC (1989). Les regroupements des espèces ont été
déterminés dans les deux cas d'après le type de calendrier
(donné par le pic de ponte ou d'éclosion) et la durée de
la période de reproduction.
Concernant le type de calendrier, les résultats sont identiques pour
quatre espèces : le calendrier du canard colvert est précoce,
celui du canard chipeau et du fuligule milouin sont intermédiaires et
celui du fuligule morillon est tardif.
Mais d'après nos données, deux autres espèces (la foulque
macroule et le canard souchet) ont un calendrier plus tardif d'une décade.
Concernant la durée de la période de reproduction, les résultats
sont identiques pour le canard colvert, le canard souchet et le canard chipeau.
D'après nos données, celle-ci est par contre plus longue pour
deux espèces (le fuligule milouin et la foulque macroule) et plus courte
pour une (le tadorne de Belon).
Si pour le tadorne de Belon la représentativité semble meilleure
dans l'étude référencée (plus de nichées
mieux réparties en France), pour les autres espèces il semblerait
que celle-ci soit en faveur de l'échantillon de sites constitué
pour cette étude (sites uniquement dans les zones principales de nidification
dans l'étude référencée).
Variabilité spatio-temporelle de la phase d'acquisition de l'aptitude
au vol des nichées
Dans cette étude nous démontrons que, contrairement à nos résultats intermédiaires utilisés par l'Observatoire National de la chasse et la faune sauvage (OFFICE NATIONAL DE LA CHASSE ET DE LA FAUNE SAUVAGE, 2003), la variabilité spatio-temporelle est loin d'être négligeable.
Pour quatre espèces, la variabilité entre années est plus faible que la variabilité entre régions, cette dernière étant par ailleurs un peu plus importante à 90% qu'à 80% de nichées aptes au vol. Les spécificités des régions s'expriment donc vers la fin des distributions temporelles et, pour en tenir compte, un seuil égal ou supérieur à 90% de nichées aptes au vol devrait être considéré. Par contre, la différence entre années est plus importante à 80% qu'à partir du seuil de 90% montrant que les conditions météorologiques influent plus sur le pic que sur la fin des chronologies et donc peu sur la durée des périodes de reproduction.
Cela est contraire aux conclusions du rapport MNHN-ONC (1989) qui, d'après les données rassemblées entre 1981 et 1987 sur trois zones importantes de nidification (la Dombes - Ain, le Forez - Loire et la Brenne - Indre), stipulaient que la variabilité annuelle était supérieure à la variabilité spatiale, notamment chez le canard colvert (en moyenne 4 à 6 semaines contre 2 à 3 semaines) et chez le fuligule milouin (en moyenne 20 jours contre 15 jours).
Comme les auteurs du rapport MNHN-ONC (1989) le soulignent, la proximité géographique de deux sites n'implique pas des chronologies de reproduction similaires. A ce titre, la variabilité spatiale est moins bien appréhendée dans l'étude référencée (3 à 5 zones de nidification selon les espèces) que dans cette étude (21 régions administratives).
Les différences observées s'expliquent probablement aussi par des conditions météorologiques particulières au cours de notre étude (douceur, sécheresse), assez homogènes dans le temps et dans l'espace, alors qu'elles ont été plus variables dans les années 80, avec des vagues de froid en 1982, 83 et 85, qui, bien que n'ayant pas sévi au mois de février mais au mois de janvier, ont pu avoir un effet indirect les chronologies.
Par ailleurs, nos résultats ne corroborent pas la thèse des auteurs de ce même rapport selon laquelle les années précoces ou tardives semblent se retrouver quelle que soit la région et quelle que soit l'espèce. Au contraire, d'après nos résultats, il est difficile d'établir une typologie des années par espèce, certaines chronologies étant successivement précoces et tardives, ou inversement, au cours d'une même saison. Par ailleurs, les années identifiées comme tardives ou précoces ne sont pas les mêmes selon les espèces et surtout selon les régions.
Les conditions météorologiques relativement homogènes de notre période d'étude auraient dû favoriser l'homogénéité des chronologies entre espèces et entre régions mais l'observation des figures et les résultats des tests statistiques appliqués ne confirment pas cette hypothèse. Il semblerait qu'entre conditions météorologiques et chronologie de la reproduction, les relations ne soient pas de simple cause à effet. Si tel est bien le cas, cela rend improbable premièrement la découverte de modèles prédictifs de la chronologie de la reproduction à partir de données météorologiques malgré les premiers résultats de THEZENAS (1994) sur le canard colvert effectués sur les mêmes données que celles utilisées dans le rapport MNHN-ONC (1989) ; deuxièmement, la découverte de modèles permettant d'extrapoler les données des régions suivies à d'autres régions non couvertes mais rattachées à un secteur géographique donné d'après les connaissances préalablement acquises, comme cela était proposé par THEZENAS (1994).
Malgré des différences entre régions importantes et malgré des conditions météorologiques assez homogènes sur notre période d'étude, aucun gradient de précocité de type sud/nord ou ouest/est n'a pu être mis en évidence. Néanmoins, en regroupant plusieurs régions pour former des zones géographiques plus larges, nous constatons que des chronologies plus précoces des premiers envols de nichées de canard colvert, de fuligule milouin et, d'une certaine manière, de fuligule morillon au nord de la France comparées à celles obtenues dans les régions plus au sud, malgré un printemps arrivant plus tôt dans le sud de la France. Cela corrobore globalement les résultats du rapport MNHNONC (1989), sauf pour le canard colvert où un gradient nord/ouest - sud/est plus marqué avait été détecté entre les trois régions étudiées.
Les résultats de cette étude apportent des éléments de connaissance complémentaires aux travaux précédents sur la chronologie de la reproduction d'anatidés et de la foulque macroule, nécessaires pour aider à définir les conditions d'une gestion raisonnée. Certaines différences dans les durées de période de reproduction indiquées dans les divers rapports et études sont dues à des différences dans le choix des seuils retenus pour définir la période de reproduction (début et fin). Pour ces choix, il est important de considérer le statut de conservation global de chacune des espèces nichant en France et de considérer la population nicheuse française comme étant une partie d'un ensemble plus large que constituent les populations européennes. En 2000-2002, un plan de gestion européen a été mis en place pour le fuligule milouin, la sarcelle d'été et la nette rousse, en raison de leur statut de conservation défavorable.
Les autres anatidés nicheurs en France sont dans un bon état de conservation, et notamment l'aire de nidification du fuligule morillon est mentionnée par SCHRICKE et al. (1992) et par HAGEMEIJER & BLAIR (1997) comme étant en expansion vers l'ouest de l'Europe, la population étant en forte augmentation dans tous les pays concernés. Pour neuf espèces d'anatidés, le pourcentage estimé de couples résidant en France ne dépasse pas ou à peine 1 % des couples constituant la population européenne et, pour trois autres espèces d'anatidés (le cygne tuberculé, le tadorne de Belon et le canard colvert) et la foulque macroule, il ne dépasse pas 5 % (MNHN, 1996 ; HAGEMEIJER & BLAIR , 1997 ; ROCAMORA et YEATMAN-BERTHELOT, 1999 ; DUBOIS et al., 2000).
Cependant, même s'ils ne représente qu'une petite partie de l'ensemble des populations européennes, celle de France constitue indéniablement l'une des composantes de la diversité biologique locale. La préservation de la population nicheuse française d'anatidés et de Foulque macroule s'inscrit également dans le cadre d'une participation active à la gestion internationale des oiseaux migrateurs. En effet, ce patrimoine commun à plusieurs pays donne une forte responsabilité aux chasseurs français qui effectuent au moment des migration des prélèvements qui sont sans rapport avec le nombre de nichées produit sur notre territoire. La gestion des zones de nidification devrait être une priorité mais les synergies d'intérêt les transforment en des secteurs à forts enjeux économiques qui relèguent souvent au second plan les enjeux écologiques. La synthèse de BROYER (2002) sur trois zones majeures de nidification en France (Dombes, Brenne, Forez) montre l'effet de certaines gestions sur l'évolution du nombre de couples et de nichées recensés sur les étangs au cours des dernières années, le niveau actuel étant largement en dessous du potentiel d'accueil.
Cette évolution est d'autant plus gênante que demain ce capital d'oiseaux nicheurs pourrait prendre une toute autre valeur : si le réchauffement climatique continue d'influer sur l'aire de distribution des espèces en les incitant à migrer de moins en moins loin des zones importantes de nidification situées plus au nord/est de la France, une des conséquences pourrait être la diminution notable du nombre d'oiseaux en période inter-nuptiale sur notre territoire national.