La formation du pétrole, ou la formidable épopée d’une algue du Jurassique
Le pétrole est un sédiment organique, ce qui signifie qu’il provient originellement de matière vivante ayant subi une série de transformations particulières.
Pour percer les secrets de la formation de l’or noir de l’organisme vivant au réservoir, suivons la fantastique épopée d’une algue du Jurassique dans sa quête ultime : devenir pétrole…
La première étape semble être la fin de notre algue : elle meurt et se dépose au fond de l’océan avec nombre de ses congénères, mais aussi avec le plancton, et tous les autres organismes vivants marins. Dès lors, les difficultés commencent…
Le premier élément qui peut la faire échouer dans sa quête s’appelle l’oxygène. En effet, en présence d’oxygène, notre algue serait soumise à l’oxydation et à l’action des bactéries aérobies, ce qui la détruirait complètement pour la mettre sous forme de dioxyde de carbone… Les milieux défavorables sont donc les sables et les grès, car leur perméabilité élevée permet à l’eau chargée en oxygène de circuler librement entre les grains et ainsi de se retrouver au contact de notre algue.
Pour continuer l’aventure, l’algue doit se trouver dans un environnement à sédimentation fine, type argile ou vase calcaire. Le milieu devient alors rapidement fermé et réducteur, la matière organique n’est soumise qu’à l’action des bactéries anaérobies. Les protides, glucides et lipides disparaissent, ne laissant qu’un ensemble de macromolécules (essentiellement constituées d’hydrogène, d’oxygène et de carbone) inassimilables par les micro-organismes, et appelé kérogène. A ce moment-là, notre algue n’est enfouie que sous quelques mètres de sédiments. Mais tout le kérogène ne donne pas du pétrole : seuls les kérogènes plus riches en hydrogène sont susceptibles de devenir pétrole et gaz naturel, ceux qui sont composés de plus d’oxygène deviendront du charbon, ou même aucun combustible fossile.
Notre algue va enfin subir son dernier voyage initiatique pour devenir du pétrole : la diagenèse ! Il s’agit en fait de l’enfouissement des sédiments emprisonnant l’algue à de grandes profondeurs auxquelles celle-ci va subir une dégradation thermique : à partir de 1000 mètres de profondeur, le kérogène commence à se transformer en pétrole et en gaz naturel. C’est entre 2000 et 3000 mètres que la proportion de pétrole est la plus importante (cf. schéma ci-dessous) ; les pétroliers appellent cet intervalle la « fenêtre à huile ». A des profondeurs plus importantes, on ne retrouve plus que du gaz et des résidus de carbone. Il est à noter que le pétrole ne se forme pas seul, mais toujours avec du gaz naturel.
Diagramme décrivant schématiquement la transformation de la matière organique en pétrole, gaz naturel, charbon au cours de son enfouissement dans la croûte terrestre à travers les âges géologiques. © P-A Bourque Uni. Laval Québec.
Notre algue est donc maintenant sous forme de pétrole dans ce que l’on appelle une roche-mère. Elle n’a pourtant pas totalement atteint son but : elle ne se trouve pas encore dans un réservoir… Pour ce faire, il lui faut se rassembler avec les autres microgouttelettes lors d’un processus de migration. Ce déplacement se fait à la faveur de courants hydrothermaux dans la roche (rappelons que le pétrole est plus léger que l’eau). Mais attention, si notre ex-algue remonte trop, elle risque de retrouver son vieil ennemi l’oxygène qui la dégraderait rapidement ! Il faut donc que lors de cette remontée, les hydrocarbures soient piégés, c’est-à-dire que le toit du réservoir soit imperméable pour empêcher la migration de se poursuivre.
Plusieurs types de situations géologiques offrent un réservoir scellé :
Principaux types de pièges structuraux et stratigraphiques des gisements d’hydrocarbures. © P-A Bourque Uni. Laval Québec.
Notons que le terme de roche-réservoir est source de confusion avec le sens commun du mot « réservoir » : il ne s’agit en aucun cas d’une cuve souterraine dans laquelle il suffit de plonger une paille et d’aspirer pour en retirer le pétrole !
Retour à la couche géologique : une énergie non renouvelable |