Président du Comité National des Pêches Maritimes et des Elevages Marins
Patron pêcheur au Tréport, Président du syndicat national des chefs d'entreprise à la pêche maritime
Ingénieur projet responsable de l'étude des Deux Côtes

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Descriptif du parc :

Ce projet se situe au large de Mers-Les-Bains, à côté du Tréport dans la Somme. La société La Compagnie du Vent envisage la construction d'un parc comprenant 156 éoliennes de grande taille (140 mètres de haut, 120 mètres de diamètre), à 14 kilomètres des côtes sur une superficie totale de 88 km². Ces éoliennes ont une très forte puissance ; le parc atteindra 701 MW, soit quasiment l'équivalent de la puissance cumulée de toutes les éoliennes actuellement installées en France (qui sont toutes terrestres).

Un site de qualité...

... pour l'installation d'un parc :

Le projet peut paraître au premier regard très prometteur : une production conséquente, peu de difficultés techniques du fait d'une zone identifiée par la Compagnie du Vent comme une des meilleures voire la meilleure de France. En effet, la profondeur est très modérée (13 mètres) pour une zone aussi éloignée des côtes, le domaine n'est pas fréquenté par des lignes commerciales de cargos et le vent est puissant et régulier.

... mais aussi pour la pêche :

Le site est parfait pour la société qui désire y installer ses éoliennes offshore, mais celle-ci n'est pas la seule à avoir remarqué son intérêt. La tradition de pêche est très forte dans la région et les pêcheurs considèrent cette zone comme une pépite dans les alentours. On y trouve en effet quantité de poissons plats, notamment des soles et des turbots, dont le prix de revient est parmi les plus élevés. Les poissons profitent de la faible profondeur et de l'éloignement des perturbations côtières.

Les acteurs du conflit :

Malheureusement les deux parties sont en concurrence frontale. Selon M. Dachicourt et M. Le Bail, le parc éolien bannirait totalement la pêche sur les 88 km² qu'il occupe, ceci pour des raisons de sécurité. Selon les pêcheurs et les associations hostiles au projet, un autre grief vient s'ajouter à ce tableau déjà sombre : les câbles créeraient un champ magnétique sur un diamètre de 50 centimètres environ, ce qui ferait fuir tous les poissons sur des distances bien plus importantes. L'argument est jugé irrecevable par l'entreprise la Compagnie du Vent. Elle souhaite certes négocier avec toutes les parties présentes afin que l'exploitation du parc se déroule dans les meilleures conditions mais elle accuse certaines associations d'opposants de s'être formées à la va-vite et de jouer sur des arguments plus que discutables.

Le projet est bloqué dans la phase de négociations, mais il n'est pas abandonné. Nous avons rencontré M. Kolb et lui avons posé quelques questions. Il ne nie pas que les pêcheurs soient soumis à des pressions incessantes de tous les côtés et que le parc éolien soit une contrainte supplémentaire, sans doute une contrainte de trop pour les pêcheurs. Mais cela ne l'empêche pas de rester optimiste car des aides pourraient être proposées pour compenser le manque à gagner. De plus selon M. Kolb, les pêcheurs ne cherchent pas forcément à bloquer le projet, mais plutôt à négocier dans un esprit corporatiste les meilleures compensations qu'ils peuvent tirer du manque à gagner dans la zone d'implantation des éoliennes. Les associations sont aussi des adversaires importants des projets, d'autant plus que contrairement aux pêcheurs, elles ne sont pas ouvertes à la négociation. Selon M. Kolb, la crédibilité de ces associations dépend d'une part du nombre d'adhérents et d'autre part de leur caractère ponctuel (la création de l'association coïncidant avec le projet) ou ancien (dont le sérieux a déjà été démontré). Dans ce débat, les études scientifiques ne font que de furtives apparitions et M. Kolb a refusé de nous livrer les avis des consultants qui sont intervenus durant la phase d'étude de faisabilité du parc éolien.

Pour le moment, le projet est régulièrement à l'ordre du jour des conseils municipaux de la région. Les maires restent très sceptiques quand les pêcheurs de leur commune sont concernés par un risque de pertes sèches de revenus. Ils ne se prononcent pas encore et appellent à plus de négociations.

Le Tréport

L'avis des pêcheurs :

Le point de vue des pêcheurs nous a été résumé par M. Dachicourt. Selon lui, les éoliennes ne sont pas efficaces et n'induisent pas de réduction des émissions de CO2 dans une région où les centrales nucléaires produisent déjà largement assez d'énergie. De plus, l'implantation en mer a des effets très importants sur les poissons qui ne s'approchent plus des câbles électriques à 5 kilomètres à la ronde. Ces effets selon lui, auraient été observés au Danemark. Les aides proposées pour compenser sont insuffisantes par rapport aux profits réels de ces zones mais les pêcheurs seraient prêts à les accepter si cela n'induisait pas une suppression quasi-totale de leur droit et de leur plaisir de travail. Ils se sentent attaqués en permanence par divers projets (éolien, gravière, câblage...) et dépossédés de leur outil de travail. M. Le Bail dénonce un projet pensé sans tenir compte des pêcheurs, pêcheurs qui n'ont été prévenus du projet que par la rumeur d'une réunion avec les autorités locales. Le parc ne se contentera pas de les priver d'une zone de pêche, il risque tout simplement d'empêcher les 60 petits bateaux de la flottille du Tréport de poursuivre leur activité. En effet, le parc serait situé juste en face du port, obligeant quiconque voudrait en sortir à faire un large détour, ce qui n'est envisageable que pour de gros bateaux. L'implantation du parc entraînerait donc la disparition de 80% des embarcations, ce qui est synonyme de la « mort » du port de pêche. Par ailleurs, M. Le Bail ne conteste pas l'implantation du parc en lui-même, ni un possible effet sur les poissons, mais considère seulement que la zone est très mal choisie du point de vue géographique.

Le projet est donc aujourd'hui en suspend, les pêcheurs ont fait appel au préfet sur ce sujet (cf. la Lettre). Cependant, celui-ci a répondu à M. Le Bail, « qu'aucun dossier ne se trouvait sur son bureau ». La situation reste donc toujours floue quant à l'avenir de ce projet et à celui du port de pêche.