Entretien avec M. Giraud, maire adjoint de la commune de St-Rambert

Les problèmes de pompages

On a récemment fait des études pour connaître les possibilités d’alimentation en eau de la Loire. Pour l’instant, sur la rive droit de la Loire - côté Saint-Rambert - nous pompons l’eau de la Loire à travers les sables avec une constante de temps de ½ journée (temps de transit). Seulement depuis quelques années nous avons des difficultés d’alimentation. Parfois on tombe à 2,5 m3/s pendant une partie de la journée, ce qui est vraiment peu. Ainsi on a du revoir le fonctionnement : auparavant on profitait des heures creuses de la nuit pour pomper (niveau haut de l’eau permis par le barrage de Grangent) pour pomper mais maintenant on est forcé de pomper en continu car les puits s’épuisent très vite. Des hydrogéologues sont venus pour faire des études.

Est-ce que vous disposez d’autres solutions pour alimenter la commune en eau ?

Nous avons deux autres possibilités : on peut faire venir de l’eau fabriquée à Saint-Etienne. Elle est extraite du Lignon, en amont de la Loire et du barrage de Grangent. En effet avec le barrage de la Valette Saint-Etienne est sur-équipée donc a intérêt à vendre son eau. L’acheminement de cette eau de Saint-Etienne se fait par des sortes de pipeline. Cette solution est déjà utilisée lorsque surviennent des crues ; elles créent des turbidités et les puits sont impropres à la consommation. Seulement ces conduites sont limitées et elles ne permettraient pas d’alimenter tout le secteur étant donné que la capacité de transit est réduite.
Une deuxième solution est envisageable avec le Canal du Forez. Il date de Napoléon III. Il sert à irriguer toute la plaine du Forez (où il y a agriculteurs et maraîchers). Il fait 5-6 m de large et a un débit de 3-4 m3/s. L’eau vient de la Loire, juste un peu en amont du barrage de Grangent. Cette eau est d’ailleurs turbinée avant de passer dans le canal afin de produire de l’électricité. L’inconvénient bien sûr c’est que la pollution de la Loire pollue aussi le canal.

Le barrage de Grangent

Touchez-vous une taxe quelconque grâce à l’implantation du barrage ? Si oui, de quelle ordre de grandeur est-elle ?

La rive droite du barrage est certes sur notre commune mais l’ensemble des taxes sont touchées par la commune de Chambles sur laquelle se trouve la centrale électrique. En tout cas ça ne rapporte pas grand-chose. Mais grâce au barrage a été crée la base nautique de Saint-Victor qui a créé un site de tourisme inexistant auparavant. Comme Saint-Victor n’avait pas l’argent nécessaire pour équiper la base, cette commune a été rattachée à Saint-Etienne qui apporte maintenant les financements. Sinon c’est vrai que quand le barrage s’est installé les routes de Chambles sont devenues bien enrobées.
Mais le barrage pose aussi des problèmes notamment pour sa vidange. Normalement une visite est recommandée tous les 10 ans. Ici la dernière visite remonte à plus de 20 ans. Cette visite est nécessaire pour examiner le mur du barrage. Pour la vidange il existe une vanne de fond. Seulement il y a beaucoup de boue au fond et lorsqu’on a fait la dernière vidange elle a colmaté tous les puits des communes en aval. Maintenant au lieu de faire une vidange complète on envoie simplement des plongeurs à cause d’un lever de bouclier des mairies mécontentes.

A l’Ecopôle on nous a parlé d’un projet d’enlever la boue pour la remettre plus en aval afin d’apporter des sédiments…

Certains voudraient enlever la boue mais ce n’est pas une bonne solution : la Vallée de l’Ondaine juste derrière le barrage était une vallée industrielle très importante à une époque. Dans cette boue il y a plein de charbon et de métaux lourds. C’était alors un véritable égout à ciel ouvert…L’eau de la Loire est devenue plus propre après la construction du barrage grâce à un phénomène de décantation.

Les constructions en zone inondable

Les crues ont-elles été plus importantes ces dernières années ?

La dernière crue vraiment importante date de 1980, entre temps il y a eu celle de 1996. Sinon il faut remonter en 1907. Il n’y a pas eu de recrudescence flagrante.

Quel est le poids de la commune pour interdire une construction ? Y a-t-il de nombreuses habitations en zone inondable ?

Il y a deux types de constructions dans le lit majeur : celles qui existent et celles que certains voudraient construire. Pratiquement les maisons en zone inondable ne présentent pas de risque humain. On connaît quelques maisons qu’il faut évacuer en cas de crue et qui sont équipée d’un système d’alarme. Mais la majorité des autres ont simplement leur cave inondée ou 50cm d’eau dans la maison de temps en temps. Il n’y a pas de maison à risque. Il n’y a jamais eu de mort lors de crues. Bon, bien sûr il y en a qui ont des comportements inconsidérés : pendant la crue de 1980 un homme était revenu cherché son lapin et son chien dans sa cabane au bord du lit de la Loire et il a du attendre pendant un long moment les sauveteurs sur le toit de sa cabane. Des gens peuvent se faire piéger mais ça va. Normalement on a connaissance de la crue au moins 6h à l’avance. On est averti et on dispose de systèmes d’alarme. Sinon côté entreprises il y en a simplement deux au bord de la Loire dont il faut régulièrement évacué l’équipement. Mais c’est pour ces problèmes d’inondation qu’a été mis en place un plan d’occupation des sols. Pour l’instant on est encore en POS, on est pas encore passé en PLU (plans locaux d’urbanisme). A cause du PPR (plan de prévention des risques) on impose que les seuils des maisons soient à une certaine côte. D’ailleurs les terrains à risque sont répertoriés en zone verte – zone d’extension des crues. Et ceux-ci sont interdits à la construction. Pour autoriser ou non la construction d’un nouveau bâtiment, la commune a tous les moyens nécessaires. Elle dit « là on construit, là on ne construit pas » et y’a pas à discuter. Après il y a des discussions pour savoir si on rajoute un garage mais le reste ça va. On est souvent en bagarre pour savoir pourquoi on ne peut pas construire mais depuis le PPR c’est un argument objectif. Depuis l’étude de la SOGREAH aussi les restrictions sont plus sévères. La mairie est obligée de suivre les instructions qu’on lui donne. De toute façon tous les permis de construire sont transmis à la DDE – au service hydraulique – et si le cas est litigieux c’est une discussion conjointe avec la DDE qui s’engage. Par exemple près du puit de captage il y avait une ancienne ferme régulièrement inondée. Quelqu’un a racheté le terrain et voulait la réhabiliter. Le cas a été discuté avec la DDE et les travaux ont été autorisés. D’ailleurs pour nous c’est pratique puisqu’on les utilise comme paravent pour que les maires ne soient pas soumises à des pressions.

 

L’endiguement

La pratique de l’endiguement est-elle courante ?

Dans la commune, la Loire fait un virage à un endroit et les berges commençaient à être rongées par le fleuve. Avant que les habitations soient touchées, il a fallu enrocher les berges. De même pour un puits de captage : c’est un puits de type drainais – alimenté par une tranchée drainante. On a du le protégé par des petits cailloux car l’érosion s’approchait de la tranchée. L’endiguement globalement empêche les berges d’être érodées. Grâce au fait que ces enrochements ne soient pas lisses – formés grosses pierres généralement - il n’y a pas beaucoup de conséquences sur l’accélération de la vitesse du fleuve.

Les gravières

La région est-elle dépendante économiquement de l'activité extraction de granulats ?

Les communes n’étaient pas forcément en faveur de l’implantation des gravières. Par exemple le maire de Vauchette y était très opposé. Il est entré en conflit avec les patrons. Il faut savoir que les enjeux financiers ne sont pas énormes et que les gravières dégradent le paysage. Parfois elles laissent des trous et il n’y a pas de remise en état postérieure.
De toute façon il n’y a plus de gravière dans le lit mineur. Une loi est passée qui règlemente l’usage des granulats alluvionnaires, les réservant pour la construction (bétons spéciaux, etc.). Leur usage dans les soubassements de route et dans les infrastructures est interdit. Les exploitants ont donc fini par se reconvertir. Maintenant ils se sont déplacé sur les contreforts des monts du Forez.

Avez-vous eu connaissance des hommes du fleuve, employé du conseil Général pour la préservation de la Loire ? Existent-ils vraiment ? Leur action est-elle efficace ?

Je n’en ai personnellement jamais entendu parlé.

Comment avez-vous eu connaissance de l’affaissement du lit de la Loire ?

Lorsqu’on a commencé à avoir des difficultés de pompage, des hydrogéologues ont été engagés pour faire des études. Ce sont eux qui nous ont expliqué. Les gens de la FRAPNA nous ont aussi expliqué le lien avec l’enlèvement de matériaux dans le lit de la Loire.

Les autres concernés : population, pêcheurs et chasseurs

Est-ce que la population a connaissance de ce problème ? Se sent-elle concernée ?

La population n’est pas du tout concernée. Ca les préoccupe quand on leur interdit d’utiliser l’eau pour laver leur voiture. Ils se posent en consommateur, c’est normal. Ce n’est pas un sujet connu ni fondamental dans la région.
Ce terme de controverse que vous avez employé, c’est bien la première fois que je l’entendais.

Que pensent les chasseurs et les pêcheurs de l’enfoncement du lit ?

Ils ont surtout peur de Natura 2000 qui leur impose des restrictions. Les poissons y’en a encore pas mal. Le problème des pêcheurs c’est plus à propos de la pollution (quand on fait des travaux). Et avec les orages sur Saint-Etienne, la Furance se jette très rapidement dans la Loire avec un volume plus important que l’eau de la Loire ce qui pose des problèmes de dilution de la pollution dans une Loire basse. En ce qui concerne les chasseurs ils sont surtout intéressés par les canards et les poules d’eau et ça il y en a toujours. Pour les pêcheurs il y a beaucoup d’étangs dans la région donc ça va.

Quand on a commencé à avoir des problèmes de pompage, les hydrogéologues et les ingénieurs de la DDA nous ont dit « c’est un lieu commun pour les communes de la Loire dans la plaine du Forez »
A propos, une autre solution pour améliorer l’approvisionnement en eau pourrait être d’agrandir la tranchée drainante.

Pour nous en tout cas l’affaissement du lit de la Loire pose surtout des problèmes d’approvisionnement en eau et l’agriculture pourrait bientôt en pâtir aussi. En effet elle est dépendante de l’eau du Canal. On a déjà vu des l’interdictions d’arroser de jour ponctuellement mais il y a des stations de pompage qui vont peut-être limiter ou interdire encore plus l’utilisation de l’eau. Dans la région on a de moins en moins de maraîchers qui cultivent la même surface. Si on leur dit « l’eau du Canal vous ne pouvez pas vous en servir deux mois dans l’année » ça va peut-être poser des problèmes. C’est un problème de manque d’eau en général pas seulement du lit de la Loire. Il y  a même toute une polémique sur le fait qu’une partie des eaux est détournée vers l’Ardèche (car il y a plus de hauteur d’eau pour turbiner en Ardèche donc plus de gain d’énergie).