Interviews de M. Gallèpe, chargé de mission aux Relations Internationales de la Commission de Régulation de l'Energie,

Entretien téléphonique réalisé réalisée le 10 avril 2008

La CRE : de qui dépend-elle ? Qui la mandate ?

La CRE se définit ainsi : "Autorité administrative indépendante chargée de veiller au bon fonctionnement des marchés de l'électricité et du gaz en France." Cette institution est financée par l'Etat français, mais en reste indépendante au niveau décisionnel. La CRE est aussi indépendante de toutes les autres organisations avec lesquelles elle collabore : autorités administratives étatiques, la Commission Européenne, entreprises…

D'essence européenne, elle est chargée depuis 2000 de réguler l'accès au réseau de transport pour l'électricité et le gaz en France et de protéger le consommateur.

La position de la CRE sur différents modèles : l'ISO et l'Ownership Unbundling :

  • Bien qu'il y ait en interne des débats, la position officielle de cette institution est de ne pas prendre parti vis-à-vis des discussions au niveau européen. Néanmoins, par principe, la CRE n'est pas opposée à une évolution de l'organisation du marché en se voulant plus pragmatique que l'Etat français et en affirmant croire en la capacité de succès des modèles proposés. Cependant, elle affiche aussi une certaine prudence en se basant sur la réussite des opérateurs historiques.
  • En ce qui concerne l'effet des différents modèles sur la concurrence, la CRE ne se prononce pas et renvoie à la controverse développée entre la Commission Européenne qui invoque les résultats de l'étude d'impact menée pour le troisième paquet énergétique et les Etats membres qui remettent en question cette même étude. La situation actuelle voit donc une fragilisation de la position de la Commission et un enlisement des négociations : le premier paquet a été adopté en septembre 2007, le paquet Energie et Climat en janvier 2008. Ce dernier débat a, par ailleurs, focalisé les débats et freiné un peu plus les discussions sur l'ouverture du marché de l'électricité.
  • La CRE avoue être en accord avec des propositions importantes proposées par la Commission Européenne, mais celle-ci faisant face à une "opposition frontale de certains Etats membres", la CRE reste en attente de nouvelles propositions des instances européennes et pense que l'on assistera, soit à une inflexion de la position de la CE, soit à un passage en force puisqu'elle reste réticente à la position franco-allemande se satisfaisant des directives actuelles sans approfondir la séparation des activités de production et de transport.
  • La position de la CRE sur les opérateurs virtuels :

  • A l'exception d'une surveillance des prix, la CRE ne dispose pas d'un vrai pouvoir de contrôle sur les opérateurs virtuels. De plus ceux-ci n'exercent pas une véritable influence sur la concurrence. En effet, la France étant largement indépendante des autres pays membres au niveau de la production de l'électricité, les opérateurs virtuels ne peuvent se permettre d'importer l'énergie – ce qui reviendrait trop cher et affaiblirait leur compétitivité. Obligés d'acheter aux opérateurs historiques EDF et GDF leur électricité, ces acteurs de la distribution ne disposent pas de marges de manœuvre suffisantes pour exercer un poids sur le marché et faire augmenter la concurrence.
  • Qu'adviendrait-il si un opérateur se retrouvait en position dominante sur la scène européenne ?

    On aboutirait évidemment à un paradoxe puisque la Commission veut éviter cette éventualité en proposant cette série de mesure favorisant la concurrence. Or, les modèles proposés "donnent une prime aux opérateurs historiques, restés sans danger le plus longtemps puisqu'étatisés," contre laquelle la Commission Européenne ne pourra pas agir tant qu'il restera au moins deux opérateurs, même si la concurrence n'est que de façade. En bref, "on ne pourra pas faire grand chose".

    La CRE propose-t-elle des alternatives au blocage des négociations ?

    Réaffirmant son détachement vis-à-vis des prises de positions développées lors des négociations, la CRE essaie néanmoins de faire reprendre celles-ci en proposant des idées. En ce qui concerne le modèle ISO, la CRE estime que celui-ci est dépassé car trop bureaucratique et compliqué. Elle met en avant le renforcement du poids des régulateurs. La CRE est à l'heure actuelle l'une des plus puissantes, puisqu'elle peut demander à modifier les plans d'investissement ou le management des gestionnaires du réseau de transport de l'électricité, RTE, par exemple. Cependant, la position officielle est de "ne pas donner d'avis global".

    Le dégroupage total : une menace potentielle pour la sécurité ?

    La CRE ne perçoit pas spécialement de menace sur la sécurité de l'approvisionnement de l'électricité. Cependant, la CRE se pose la question de ce qu'il pourrait se passer si un réseau national était vendu à un exploitant étranger. Bien que la Commission veuille renforcer la concurrence, celle-ci prévoit néanmoins de préserver le caractère national de chaque réseau.

    Au niveau européen, existera-t-il une entité similaire à la CRE mais avec une légitimité pour l'Union ?

    Bien qu'il y ait un débat pour clarifier la situation de la régulation du marché de l'énergie en Allemagne, état fédéral, la CRE ne prévoit pas d'évolution significative des institutions dans les prochaines années pour aboutir à une autorité européenne mais préfère développer des coopérations interétatiques.

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