Débat

L’origine du débat

En 1986, la Commission Européenne afficha sa volonté de déréglementer le secteur électrique via la construction d’un marché intérieur à l’Union. Dès lors, de nombreuses mesures ont été mises en place qui ont abouti à l’éligibilité de tous les Européens.

Mais la Commission Européenne veut aller plus loin en proposant le troisième paquet énergétique en septembre 2007, dont la mesure phare et controversée est la séparation effective de la production et de la distribution d’électricité des activités de gestion du réseau. Le but avoué est de stimuler la concurrence sur le marché de l'énergie en imposant aux producteurs de gaz et d'électricité européens de céder leurs infrastructures de transport, et ce malgré la ferme opposition de la France et de l'Allemagne.

Si ce plan est adopté, les producteurs qui possèdent leurs propres réseaux de lignes à haute tension ou de gazoducs devront soit le vendre à un tiers soit en confier la gestion à un opérateur indépendant qui assurera une égalité d'accès pour tous. De plus, une meilleure rationalisation des productions (pas de gaspillage et surinvestissements technologiques) et des échanges sera une conséquence directe de ce projet, ainsi que l'aide inter-étatique en cas de crise d'approvisionnement.

Ce nouveau paquet législatif - le troisième depuis le début du processus de libéralisation entamé il y a dix ans - va être soumis en juin 2008 au Parlement ainsi qu'aux ministres européens. La Commission espère un accord au second semestre de 2008, sous la présidence française de l'Union. D'ici là, les débats sont ouverts aussi bien au sein de la Commission qu'avec les acteurs concernés de près ou de loin par cette mesure.

Pour Nelly Kroes, la commissaire européenne chargée de la concurrence, cette séparation va permettre la concurrence pleine et entière sur le marché de l’énergie, entraînant la baisse des prix, ce qui fut par la suite contesté par de nombreux acteurs, l’exemple de pays ayant déjà dégroupé tendant à prouver le contraire. Sa réponse fut que si les prix augmentent effectivement, la consommation d’électricité des ménages baissera, préservant ainsi la planète.

Mais avant de détailler les différentes réactions qui ont fait suite à cette annonce, revenons sur les propositions de la Commission Européenne. Leur but est de mettre un terme aux groupes énergétiques intégrés qui faussent la concurrence. Pour ce faire, elle propose deux modèles : l’Ownership Unbundling et l’Independant System Operator (ISO), qui permettent si ce n’est de « démanteler » les intégrations verticales existantes, de les contrôler plus fermement.

Qu'est-ce que l'Ownership Unbundling ?

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L'Ownership Unbundling peut être défini comme la séparation patrimoniale des structures formant la production, le transport et la distribution de l'électricité.

La mise en place de l'Ownership Unbundling implique la création d'une entreprise différente qui possèderait et gèrerait le réseau de transport d'électricité et la suppression de toute participation significative d'une compagnie dans une autre. En pratique, cela signifie qu'aucune compagnie de production ne pourrait avoir de part assurant le contrôle dans une entreprise de transport – individuellement ou en alliance avec des partenaires. Même si les modalités d'application de l'Ownership Unbundling sont encore en discussion, il est clair que toute entreprise de production d'électricité assurant le transport, à l'heure actuelle, ne pourrait acquérir ou garder ce réseau. De façon similaire, ces mesures s'appliqueraient aux entreprises hors Union Européenne voulant entrer dans le marché communautaire.

Le gestionnaire du réseau assurerait l'interface avec la production et la distribution, la maintenance des installations et les investissements. Le principal avantage de ce système serait la disparition des conflits d'intérêts inhérents au dispositif actuel. Tandis qu'un régulateur serait toujours requis, le gestionnaire du réseau se concentrerait sur l'approvisionnement et les investissements.

Il est important de noter que l'Ownership Unbundling n'obligerait pas les Etats Membres à privatiser les entreprises de production, transport ou distribution de l'électricité si, au sein de la gérance publique, les activités sont suffisamment séparées – par exemple en les faisant dépendre de deux ministères différents ou en confiant la gestion d'une entreprise à une collectivité locale et l'autre à l'Etat.

Ce système est déjà appliqué dans les pays suivants :

  • Danemark,
  • Espagne,
  • Finlande,
  • Lituanie,
  • Pays-Bas,
  • Portugal,
  • République Tchèque,
  • Roumanie,
  • Royaume-Uni (Angleterre, Pays de Galles),
  • Slovaquie,
  • Slovénie,
  • Suède.
  • Qu’est-ce que l’ISO ?

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    Cette solution consiste en la désignation d’un opérateur indépendant de système , chargé d'assurer les fonctions de gestionnaire de réseau de transport (GRT), c'est-à-dire, d’exploiter, d’entretenir et de développer le réseau électrique. Cette forme organisationnelle permet à l'entreprise intégrée de conserver la propriété des actifs du réseau de transport à condition que ceux-ci soient gérés par un GRT totalement indépendant de celle-là. Une réglementation et une surveillance adaptée doivent alors être définies pour garantir que le GRT demeure indépendant de l'entreprise.