Interviews d'un juriste de la CRE souhaitant rester anonyme

Entretien téléphonique réalisé le 17 avril 2008

En ce qui concerne l'application du principe de concurrence, la Commission Européenne a déjà des compétences propres pour mener des enquêtes – plusieurs sont en cours actuellement – et des actions en vue de contrer les abus de dominance, l'application des packages énergétiques ne renforcera pas sur ce point précis les capacités de la CE.

Si l'on considère le débat sur ces-mêmes packages, il faut bien prendre en considération le fait que personne, qu'il soit Etat membre ou la CE, n'est en mesure d'imposer sa volonté par des artifices juridiques : la CE propose aux Etats membres et les textes font ensuite la navette entre ces deux partis avant d'arriver à un consensus sous peine de veto de la part de la majorité des Etats membres. Au final, le Parlement Européen ratifie les mesures avant leur transposition en droits français,… Ce processus d'allers-retours est à l'heure actuelle enlisé du fait du refus de huit Etats membres – l'Allemagne, l’Autriche, la Bulgarie, la France, la Grèce, la Lettonie, le Luxembourg et la Slovénie – des modèles proposés par la CE en septembre, l'Ownership Unbundling et l'ISO. Ces pays ont en échange lancé une "troisième voie" en décembre. Jugée par la CE et aussi par notre interlocuteur comme vide sur le fond, il a été demandé à ces huit Etats de détailler les mesures envisagées. Le débat s'apprête à être relancé puisque depuis une dizaine de jours les membres du Parlement Européen étudient les textes et soumettent des amendements. Cependant, notre interlocuteur s'est montré réservé quant à l'avancement des négociations puisque le second package, traitant notamment du climat, est plus médiatisé que le troisième et que la présidence française de l'Union Européenne avait justement annoncé qu'elle se pencherait sur ce thème.

Selon notre interlocuteur, cette "troisième voie" permettrait une séparation patrimoniale effective du transport et de la production, ce qui n'est pas le cas à l'heure actuelle notamment entre RTE et EDF si l'on considère l'exemple français – en dépit des déclarations de RTE – puisque certaines personnes sont présentes dans les directions des deux entités.

Finalement, rapportant la parole de la directrice de l'Accès au Réseau Electrique à la CRE, notre interlocuteur insiste sur le fait que la CRE ne peut avoir de position sur la séparation patrimoniale mis à part quelques détails ayant déjà été expérimentés dans le passé et touchant à la régulation, puisque la CRE est seulement chargée d'appliquer les textes votés par le Parlement français et nous a invité à consulter la seule position officielle, celle de son directeur, Philippe de Ladoucette :

Le 3e paquet énergie vient d’être publié. On sait la France opposée à la séparation patrimoniale des activités de production et de distribution (ownership unbundling). Quelle est la position du régulateur français à ce sujet ?

Le point de vue de la Commission de régulation de l’énergie (CRE) s’exprime à travers la position de l’ensemble des régulateurs européens (ERGEG) qui se sont déclarés favorables au travail de la Commission.

Mais, parmi les régulateurs, la CRE a cependant défendu l’idée qu’il est possible de construire un marché européen de l’énergie sans forcément passer par la séparation patrimoniale. Ainsi, tout en conservant l’unité de l’opérateur historique, le système français actuel garantit l’indépendance du gestionnaire de réseau de transport grâce au rôle important qui est dévolu à la CRE, mais qui implique une régulation relativement intrusive.

Entretien réalisé pour EurActiv le 03/10/2007 :

http://www.euractiv.fr/energie/interview/philippe-ladoucette-cre-nouss-ommes-favorables-agence-europeenne-cooperation-regulateurs-energie

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