Interview de M. Thierry Souccar
Biochimiste de formation ; ce sont les biochimistes qui ont créé la profession de nutritionniste, les médecins s’en sont emparés, mais ils sont obligés de simplifier car ce n’est pas leur domaine, et de simplifier encore pour leurs patients ce qui donne lieux à de nombreux raccourcis douteux. Les Médecins et les scientifiques n’ont pas la même approche du problème, mais n’ont pas non plus le même contact avec le public.
Auteur de « Lait, Mensonges et propagande », livre contenant 300 références scientifiques. Deuxième parution en 2008.
Il a la volonté depuis de nombreuses années de lancer une controverse sur le sujet du lait, notamment grâce à ses livre et site internet polémiques.
Le lait est-il indigeste ? Le Ca contenu dans le lait est-il mal assimilable ?
Le Ca n’est pas moins mal assimilable dans le lait qu’autre part.
En revanche, le lait contient un sucre, le lactose, qui nécessite la lactase pour être assimilé. Or, la lactase est présente dans l’organisme que jusqu’à l’âge de 3 ans en moyenne chez les Hommes, c’est-à-dire jusqu'au sevrage.
Seulement 20% de la population mondiale est capable de synthétiser du lactase, mais ceci est une moyenne à très grande échelle. Dans les pays du Nord, où vivent les descendants des éleveurs du Caucase qui ont « appris » à produire du lactase, 60% de la population est concernée. Ceci implique que les pourcentages sont très faibles dans le reste du monde.
Du lactose non assimilé engendre de graves problèmes, pas seulement d’ordre digestif (notamment au niveau des articulations. Le lactose donne en effet naissance à beaucoup de « produits nocifs ».
Le lait un acteur du sommeil ou de l’insomnie ?
Cette idée que le lait favorisait le sommeil avait été lancée, car le lait contient des triptophanes, acides aminés capable de synthétiser des protéines pouvant faire dormir. Cependant les quantités sont trop faibles, et les effets absolument négligeables.Le lait qui peut soigner des maladies ?
Par exemple, l’ostéoporose. On a constaté une recrudescence de cette maladie dans les pays du Nord. Au mieux, si le lait avait eu un effet bénéfique, la maladie aurait été éradiquée. En comparaison aux Etats Unis, la baisse du nombre de cancers du poumon suite aux mesures prises contre la cigarette a été très nette.
Le principal problème avec le lait ?
On s’est lancé dans une consommation massive de lait, alors qu’on ne maitrisait pas bien le produit, qu’on ne savait pas grand-chose sur les propriétés du lait. On lui a donné nombre propriétés bénéfiques, sans qu’on en soit sur. Beaucoup d’a priori ont étés gravés dans les esprits des gens, et la mémoire à la dent dure. Il est difficile d’enlever de la tête des gens qu’il est pour eux absolument nécessaire de consommer du lait.
Pour contrecarrer cet effet, il est nécessaire pour les adversaires du lait de mettre en avant des idées très fortes, et de faire des raccourcis rapides (ex : le lait favorise le cancer, le lait favorise…) pour toucher le grand public, et semer le doute en comparaison des lobbies laitiers. Les adversaires du lait ne peuvent se permettre de financer d’énormes congrès avec des médecins et des nutritionnistes.
Lait, politique, et lobby du lait.
On peut prendre comme exemple, voire comme origine de la controverse, le gouvernement de Pierre Mendes France. Ce gouvernement a le premier lancé l’idée que le lait était nécessaire, en obligeant les élèves du primaire à boire une tasse de lait sucré. Le lait était pour les protéines, le sucre pour l’énergie. Selon M. Souccar, ceci était destiné à soutenir l’activité agricole. En effet, Jean Raffarin, bras droit de Pierre Mendes France, était alors patron de la plus grosse coopérative française.
Le secteur agro alimentaire est le premier secteur industriel en France, et les produits laitiers forment le plus gros secteur de l’agro alimentaire. Ceci est marquant dans n’importe quel supermarché : il suffit de comparer le nombre de mètres linéaires de produits laitiers, avec par exemple les fruits et légumes. C’est le rayon le plus développé. Dans un magasin lambda (Super U Versailles), on peut compter un rapport de un à quatre. Question : a-t-on en effet besoin de plus de 400 mètres linéaires de produits laitiers ?
M. Souccar a d’ailleurs demandé à l’Academie de Médecine, qui vient de publier une nouvelle recommandation en faveur du lait, un débat public avec des journalistes. Il n’a reçu aucune réponse.
Le débat scientifique ne touche pas le grand public, seulement un cercle restreint. Le grand public ne vit cette controverse qu’au travers des publicités et des conseils de son médecin. Le problème est que pour les industriels laitiers, tous les arguments sont bons à être présentés au grand public, et celui-ci ne demande pas de réfutation scientifique. Le fait de « citer des noms compliqués à la télé » (L-casei…) suffit au grand public pour être persuadé que le lait est vital, et qu’il est nécessaire d’en consommer autant que possible.
Que pensez-vous de l’avenir du lait en France et plus généralement dans les pays du Nord ? Dans le reste du monde ?
Selon M. Souccar, le « pic laitier » est derrière nous, les gens commencent à perdre de vue cette phobie qu’ils avaient de ne pas consommer assez de lait. De plus en plus de médecins commencent à déconseiller l’abus de produits laitiers à leurs patients, et en tout cas de réduire leur consommation.
On remarque que l’industrie laitière « innove » en vendant des produits sans lactase, car ils ne peuvent plus contredire les rapports de scientifiques. Cependant, les grandes compagnies laitières se complaisent à ignorer les recommandations des scientifiques, ainsi que leurs études. Ils préfèrent s’appuyer sur des études qu’ils ont sponsorisées, et dont les conclusions les arrangent.
Le problème est qu’ils vont vendre ces produits dans les pays du tiers monde, alors qu’une très grande majorité des habitants est intolérante au lactose.