Le rôle de l’équipement

Quelle part de la performance doit être laissée aux expérimentations technologiques sur le sportif ?

« Mais la natation combat le fléau du dopage ! Les combinaisons, elles, s’inscrivent dans des règles établies par la Fédération internationale. Le dopage, lui, est illégal. Ne mélangeons pas tout. » se défend Alan Thompson, le patron de la natation australienne.1 Entre le 16 février 2008 et le 28 mars de la même année, pas moins de 16 records du monde ont été battus par des nageurs portant un nouvel équipement. Jamais autant de records n’avaient été battus pendant cette période de l’année. « Ces records du monde battus à la pelle lors des championnats du monde ont-ils encore une signification ? [*Alan Thompson*]. Tout le monde se trouve a priori sur un pied d’égalité, parce qu’il peut choisir son matériel »2

Lors des Jeux Olympiques de Pékin, l’été suivant, 25 records du monde sont tombés, et 94% des vainqueurs avaient une combinaison dotée de cette technologie. 3

Dès leur apparition, des critiques montent. Dans un article de L’Equipe, daté du 23 mars 2008, Benoît Lallemand qui appelle la LZR la « La combinaison gagnante », montre que « Tout le monde ne semble pas égal devant la performance ».4

Eric Moussambi (Guinée Equatoriale)

Eric Moussambi (Guinée Equatoriale)

Mickael Phelps (USA)

Mickael Phelps (USA)

 

 

 

 

 

 

 Qui va gagner selon vous ?

 Mais cette révolution a permis de mettre en lumière un sport jusque-là peu médiatisé. Jamais les sponsors n’ont autant investi dans la natation, les audiences des compétitions explosent. En 2010, après deux ans de controverse, la FINA interdit ces combinaisons pour une trop grande flottabilité. Seuls les bermudas sont autorisés maintenant. Mais les records établis entre 2008 et 2010 demeurent homologués. Qui sait si on pourra les battre un jour ?5

Les équipementiers quant à eux demandent plus de clarté  « En tant qu’équipementier, nous croyons à l’innovation. Si la FINA nous dit « vous pouvez mettre des avions sur le dos des nageurs », nous le ferons »6

Tennis et football : la technologie au service du sport.

Les raquettes et les crampons, seuls équipements utilisés par les tennismen et les footballeurs, peuvent suivre les dernières avancées technologiques. Les équipementiers mettent au point de nouveaux équipements plus adaptés aux contraintes des terrains pour le football, ou la technique de frappe de balle pour le tennis.

Crampons datant de 1950

Crampons datant de 1950

Les crampons du ballon d'or

Les crampons du ballon d’or

 

Voici les crampons du meilleur joueur du monde. Imaginez le un instant avec ces chaussures de 1950.

Aurait-il été aussi bon ?

 

Retour aux vieux matériel

Retour au vieux matériel

Une initiative du quotidien USAToday, rapportée par un article de Libération du 22 juin 2007, a permis de faire jouer des joueurs de tennis contemporains avec des raquettes des années 70. Selon Tommy Robredo «Les chances de rater (un coup) sont nettement plus importantes » alors que Robby Ginepri s’exclame «Honnêtement, j’ai l’impression que c’est un sport différent». De l’autre coté de la barrière, McEnroe confirme la différence de performance entre les raquettes avec lesquelles il a joué au plus haut niveau et celles avec lesquelles il peut s’entrainer aujourd’hui : «S’ils (les joueurs actuels) avaient les équipements que nous avions, ils sortiraient les balles de 200 mètres. J’ai 48 ans et je sers plus fort que lorsque j’en avais 25»7

Si l’on compare les sportifs d’aujourd’hui à ceux d’hier, un nageur vêtu de polyuréthane à un autre sans combinaison, force est de constater que les premiers sont avantagés technologiquement. Les différents cas étudiés montrent que les comportements face aux technologies varient d’une fédération à l’autre. Dans son livre « Le corps sportif à l’ère de son épuisement », Patrice Blouin affirme (concernant les combinaisons de natation) qu’on « pourrait tout à fait admettre que la question de la flottaison ne soit plus dépendante de l’équilibre et de la dépense physique des nageurs. Simplement, la nature des épreuves aurait changé. La natation deviendrait un « sport technologique » ».8

Si la technologie rend le sport plus spectaculaire, elle nuit cependant aux principes même de la compétition sportive : le vainqueur est censé être le plus méritant, par son talent ou son entrainement, et non pas le mieux équipé.

Les athlètes handisports, aidés par des prothèses à la pointe de la technologie peuvent également soulever des débats.

 

Le cas Oscar Pistorius

Oscar Pistorius au départ d'une course

Oscar Pistorius au départ d’une course

Né sans péronés, Oscar Pistorius a été amputé des deux pieds à onze mois. Il court aujourd’hui avec deux lames de carbones, à la pointe de la technologie. Après avoir dominé outrageusement les compétitions paralympiques, l’athlète sud-africain a voulu se mesurer aux « valides » en sprint.9 Sa participation a fait débat, certains tests émettant la possibilité que ses lames lui permettent de courir plus vite qu’un « valide» aux mêmes qualités. Dans un article du Monde daté du 27 aout 2011, Pierre-Jean Vazel explique « la morphologie de la lame en carbone étant différente de celle d’un pied humain, les mesures biomécaniques sont différentes, sans que l’on puisse déterminer si l’une est plus performante que l’autre ». Les expériences réalisées montrent que ses lames lui procurent un avantage en ligne droite et à pleine vitesse mais un désavantage encore plus grand au départ et dans les phases d’accélération. Il poursuit « Faut-il exclure Pistorius au prétexte de la différence, induisant nécessairement des mesures discriminatoires ? »10

Après plusieurs refus, Pistorius est finalement autorisé à participer au Championnat du monde de Daegu en 2011 et devient alors le premier athlète « handisport » médaillé dans une compétition « valide » (relais 4×400 m).

  1. HUMANITE « Ne mélangeons pas dopage et combinaisons » 3/08/09 http://www.humanite.fr/node/21281 []
  2. HUMANITE « Ne mélangeons pas dopage et combinaisons » 3/08/09 http://www.humanite.fr/node/21281 []
  3. Wikipédia, article « combinaisons de natations » . modifié le 25/03/2013, Disponible sur : http://fr.wikipedia.org/wiki/Combinaison_de_natation []
  4. LEQUIPE.FR, la combinaison gagnante, 23/03/2008, [en ligne], disponible sur : http://www.la-revanche-des-ses.fr/Speedo.pdf []
  5. Wikipédia, article « combinaisons de natations » . modifié le 25/03/2013, Disponible sur : http://fr.wikipedia.org/wiki/Combinaison_de_natation []
  6. L’EQUIPE Natation – Dopage : Horter demande de la clarté. http://video.lequipe.fr/video/tous-sports/natation-dopage-horter-demande-de-la-clarte/?sig=iLyROoafJttN& []
  7. Libération. Tennis: des joueurs d’aujourd’hui testent les raquettes d’autrefois . 22/07/2007, [en ligne]. Disponible sur : http://www.liberation.fr/actualite/010122451-tennis-des-joueurs-d-aujourd-hui-testent-les-raquettes-d-autrefois []
  8. Patrice Blouin.  Le corps sportif à l’ère de son épuisement , Critique 1/2011 (n° 764-765), p. 25-35. Disponible sur : www.cairn.info/revue-critique-2011-1-page-25.htm. []
  9. LEFIGARO. Premier athlète double amputé à participer aux Jeux olympiques, Oscar Pistorius a passé le premier tour sur 400 mètres samedi matin. 04/08/2012.[en ligne], disponible sur : http://www.lefigaro.fr/jeux-olympiques/2012/08/04/02020-20120804ARTSPO00362-pistorius-un-pas-dans-l-histoire.php []
  10. LEMONDE.FR. Le cas Pistorius. 27/08/2011.[en ligne]. disponible sur http://www.lemonde.fr/sport/article/2011/08/27/athletisme-le-cas-pistorius-question-scientifique-ou-question-ethique_1564433_3242.html []