Nous avons pu voir que la définition même de la performance est complexe. Dans ce contexte, peut-on définir des critères pertinents pour déterminer si une substance doit être prohibée ?
Une des pierres angulaires du code mondial antidopage est la liste des substances interdites.1 Il s’agit d’un standard international identifiant les substances et méthodes interdites en et hors compétition, parfois spécifiques pour chaque sport. Puisque de nouvelles molécules voient régulièrement le jour en matière de dopage il incombe à l’AMA de mettre à jour cette liste annuellement.
Jusqu’à présent, pour qu’un produit se voit inscrit sur cette liste, il devait remplir deux des trois critères suivants :
- La preuve médicale ou scientifique, l’effet pharmacologique ou l’expérience démontrant que la substance ou la méthode, seule ou combinée à d’autres substances ou méthodes, a le potentiel d’améliorer ou améliore effectivement la performance sportive
- La preuve médicale ou scientifique, l’effet pharmacologique ou l’expérience démontrant que l’usage de la substance ou de la méthode présente un risque avéré ou potentiel pour la santé du sportif
- La détermination par l’AMA que l’usage de la substance ou de la méthode est contraire à l’esprit sportif tel que décrit dans l’introduction du Code mondial antidopage.
Cependant, dans la version révisée du code prévue pour 2015, l’AMA compte supprimer les deux derniers critères.
Est-ce que seule l’amélioration de la performance peut compter ?
La récente proposition de l’AMA de réduire les critères qui déterminent si une substance est prohibée ou non, fait débat. Nous avons rencontré au 13ème colloque national de lutte contre le dopage des voix qui s’élevaient contre cette décision.
Pour Michel Rieu (conseiller scientifique de l’Agence Française de Lutte contre le Dopage) cette décision est dangereuse. « L’augmentation de la performance » reste une dénomination très vague. Les premières victimes de ce flou seront d’ailleurs les études cliniques visant à incriminer certaines substances. Les designs d’études cliniques nécessaires pour prouver une amélioration de la performance sont en effet très complexes. Car si une molécule peut améliorer tel métabolisme, son influence sur la performance globale peut être beaucoup moins évidente.2
Pour Jean-Marc Julien (pharmacien rattaché au Ministère des Sports), le flou autour de la définition de performance compliquera également la tâche de la lutte antidopage. Celui-ci ouvre en effet la porte aux contestations de tous les sportifs soupçonnés de dopage. Un doute sera possible si la prise de produits n’a pas entrainer une hausse des performances. Auparavant, du moment qu’un produit était prohibé, sa prise suffisait pour être dopé. On voit là que ce changement de critère engage également un débat sur la définition même du dopage.3
Enfin, cette décision consacre la performance comme but ultime du sport. Elle la place même au-dessus de la Santé du sportif. Si des mesures protégeant les athlètes ne sont pas prises de concert avec la décision de l’AMA de ne considérer que la performance comme critère de prohibition, cette dernière représente un danger pour l’athlète. Comme le dit le Dr Alain Lacoste, médecin du sport membre de la fédération internationale d’aviron, “Tout le monde dit que le dopage est un problème de Santé Publique, alors prenons des mesures sanitaires. »4
- Liste des substances et méthodes interdites 2013. Code mondial antidopage. http://list.wada-ama.org/fr/ [↩]
- RIEU Michel. Existe-t-il des critères permettant de définir les substances comme ergogéniques ? Propos recueillis lors du 13ème colloque national de lutte contre le dopage [↩]
- JULIEN Jean-Marc. Application aux glucocorticoïdes. Propos recueillis lors du 13ème colloque national de lutte contre le dopage [↩]
- Propos recueillis lors du 13ème colloque national de lutte contre le dopage [↩]