Modifier le cadre théorique… pour quoi faire ?

Au lieu de chercher des candidats sous la forme de particules, certains théoriciens proposent plutôt de chercher la matière noire sous la forme d’objets plus théoriques : peut-être nos observations ne reflètent-elles que des imprécisions sur les théories qui décrivent l’univers aujourd’hui ?

Sommaire

La théorie de la gravitation modifiée

La théorie MOND, pour Modification Of Newton Dynamics, est une réponse phénoménologique au problème de la matière noire. En effet, plutôt que d’introduire de nouvelles particules massives pour expliquer les anomalies gravitationnelles observées depuis 1930, la théorie MOND postule une modification de l’interaction gravitationnelle.

Ainsi, en 1983, Migrom proposa que sur de grandes distances, la décroissance de la force de gravitation soit en \(\displaystyle{\frac{1}{r}}\) et non en \(\displaystyle{\frac{1}{r^2}}\) comme le prévoyait Newton. En faisant cette hypothèse, il devient alors possible d’expliquer les courbes de rotation des galaxies observées par Vera Rubin en 1970. En effet, avec une force qui décroit avec l’inverse de la distance, il est normal que la vitesse des étoiles en périphérie ne tend pas vers zéro mais converge vers une vitesse limite. Cette théorie a l’élégance de résoudre le problème de la matière noire sans recourir à l’introduction d’une nouvelle particule.

Courbes de décroissance en 1/r et 1/r²

Des théories sujettes à caution ?

Cependant, plusieurs choses peuvent être reprochées à cette théorie, à commencer par sa nature phénoménologique : elle ne donne pas l’impression de comprendre ce qui se passe, elle essaie simplement de faire coller les observations avec les équations.

De plus, celle-ci ne permet pas encore d’expliquer la dynamique des clusters, où les effets de lentille gravitationnelle semblent indiquer que la répartition de matière noire est très différente de celle de la matière baryonique. Ce qui est en contradiction avec la formulation actuelle de la théorie MOND.

Un autre problème est que pour véritablement mettre à l’épreuve cette théorie, il faut en avoir une version relativiste. En effet, dans sa version d’origine, MOND est une modification des lois de Newton, qui sont une description caduque de la force de gravitation. Plusieurs modèles relativistes de la théorie MOND sont aujourd’hui à l’étude, mais ils restent encore assez mal compris de la communauté scientifique.

L’un des principaux inconvénients de ces modèles et qu’ils ne permettent pas d’expliquer la répartition des pics dans la courbe d’intensité angulaire du fond cosmologique diffus. En effet, le fait que le troisième pic se situe plus haut que le second trahis la présence d’une grande quantité de matière non baryonique. Pour remédier à ce problème, les théoriciens introduisent des neutrinos dans leurs simulations. Mais dans tous les cas, les simulations indiquent que la théorie MOND donne lieu à un univers où il y a beaucoup trop de structures massives.

Un retour en force

Malgré tous ses problèmes, la théorie MOND revient au goût du jour. Il est tentant de faire un lien entre ce phénomène et le manque d’observation directe de particule de matière noire, qui n’est plus du tout un problème dans le paradigme proposé par MOND.

Cependant, même si l’approche proposée par la théorie MOND peut sembler être en totale opposition avec l’idée d’introduire une particule de matière noire dans nos modèles, il n’en est peut-être rien. En effet, en théorie quantique des champs, à toute force est associée une particule messagère. Ainsi, d’après le cosmologiste français J.-P  Uzan, modifier la force de gravitation revient peut-être dans certains cas à introduire une nouvelle particule, ici, une particule de matière noire. MOND serait alors simplement une autre façon de regarder une même solution du problème et pas une opposition frontale au paradigme de la matière noire particulaire.

Le sujet de la matière noire étant avant tout un sujet de recherche scientifique, on peut se demander quel crédit expérimental les théories de type MOND ont reçue, en comparaison avec les théories différents candidats.

Bibliographie

  • [1] Combes F. (2015), La matière noire : clé de l’univers, Paris : Vuibert
  • [2] Patrick Peter, Jean-Philippe Uzan, (2013) Primordial Cosmology, OUP Oxford
  • [3] Famaey, B., and S.S. McGaugh, 2012, Modified Newtonian Dynamics (MOND): Observational Phenomenology and Relativistic Extensions. Living Reviews in Relativity 15. Scopus.