INTRODUCTION

PRESENTATION DE LA CONTROVERSE ET DE LA DEMARCHE

 

Quel est le propre de l'homme ? Qu'est ce qui différencie l'homme de l'animal ? Comment tracer la frontière ? Voilà des questions qui occupent les philosophes et les autres depuis des centaines d'années. On a apporté les réponses les plus diverses : la spiritualité, le langage, la culture, l'utilisation d'outil, la conscience de soi…
Cherchant des définitions concrètes, la communauté scientifique a d'abord opté pour définir l'homme comme un bipède qui se sert d'outils. Lorsque de nouvelles recherches mirent en évidence l'emploi d'outil par les singes, on a rectifié par " qui se sert d'outils et les emporte ". Mais là encore nos plus proches cousins se sont révélés capables de tels comportements. A l'heure actuelle, beaucoup n'hésitent d'ailleurs pas à parler de " cultures animales ". Nous voilà donc contraint de nous tourner vers les sphères moins palpables de la spiritualité ; et leur première étape : la conscience de soi. Mais est-elle vraiment propre à l'homme ? Des travaux récents sèment le doute, comme le fait remarquer ASP (capsules d'Agence Science Presse, semaine du 28 Juin 1999) :
" Or donc, les singes manipulent les outils. Et ils ont une culture. Que nous reste-t-il d'unique à nous, pauvres humains? La conscience. Mais pour combien de temps encore? "

La conscience de soi se retrouve donc au centre de ce grand débat philosophique : qu'est ce qui fait de nous des hommes ? Tracer les frontières de l'humanité n'est pas une tâche aisée, et les enjeux sont considérables. En effet, le statut d'homme donne accès à des droits. Comme le décrit très bien Joëlle Proust, la question est de savoir si, alors qu'on a basé les lois et les droits sur le statut de l'homme en tant qu'être moral, nous ne devrions pas accorder ces droits aux autres êtres qui font preuve de semblables capacités morales :
" Les primates non humains font-ils partie de la communauté morale, c'est-à-dire des individus à l'égard desquels se pose la question de l'obligation morale : s'ils ne sont pas agents moraux, peuvent-ils du moins être reconnus comme patients moraux, c'est-à-dire comme cibles d'un comportement moralement évaluable ? La tradition avait une réponse à cette question : la raison et la conscience de soi constituent les conditions de la reconnaissance d'un statut de patient moral "à part entière". La question que pose l'article de Paola Cavalieri est non pas de savoir si ces conditions sont véritablement nécessaires pour juger de l'appartenance à la communauté morale, mais si la tradition philosophique est justifiée en affirmant que seul Homo sapiens sapiens les satisfait. "
Autrement dit : peut-on accorder aux grands singes les mêmes droits qu'aux hommes? C'est ce qu'affirme les partisans du Great Ape Project, dont Paola Cavalieri est une des fondatrices.

Pour P. Deramaix, c'est inenvisageable d'assimiler l'homme au singe comme le proposent les partisans du Great Ape Project : (cf son analyse critique du Great Ape Project) "Dénier cette différence reviendrait soit à animaliser l'homme, à concevoir le statut humain que sous l'angle des déterminations communes entre les Grands singes et les Homo sapiens, soit à domestiquer à outrance l'animal pour en faire un ersatz d'Homo sapiens. Reconnaître la spécificité des anthropoïdes non humain, reviendrait, en toute logique, à considérer leur "droits" ou leurs intérêts dans le cadre d'un "régime d'apartheid'" strict, préservant de toute ingérence humaine l'espace naturel des singes... mais en la circonstance, quel besoin avons-nous d'une déclaration d'égalité de principe, qui n'est en fait que fiction, certes généreuse, mais fiction quand même"

Cependant le parlement de Nouvelle Zélande étudie depuis quelques années un projet de loi de protection des grands singes basé sur la déclaration du Great Ape Project.

Ainsi, sur la controverse "la conscience de soi est-elle le propre de l'homme?" se greffe une autre controverse, particulièrement brûlante : celle du droit des animaux.

D'autres enjeux entrent en ligne de compte: féministes, végétaristes, sectes s'appuient sur les travaux scientifiques réalisés sur la conscience de soi pour chercher à justifier leurs théories, formant un réseau inextricable d'interprétations plus ou moins raisonnables.

 

On suivra donc la démarche suivante:

On se demandera comment l'évaluer la conscience de soir d'après la notion de celle ci utilisée par les éthologues et les sociologues : on présentera les solutions techniques retenues et les résultats de quelques travaux de recherches cruciaux.

Puis on dressera le bilan de la controverse: qui est conscient de soi et dans quelle mesure?

Enfin, on s'interressera aux enjeux et à l'évolution de la controverse à tous ses niveaux

On pourra consulter la liste des acteurs principaux de la controverse qui ont chacun un dossier.