Les origines du TDA/H
Résumé de l'article
Nous abordons ici l’un des points clés de la controverse : quelles sont les causes du TDAH ?
Aujourd’hui, il est communément admis que le trouble est hautement
multifactoriel : l’environnement, l’héritage génétique, la société ont sûrement tous un rôle à jouer. Il faut aussi garder en tête que
chaque enfant TDAH est différent et que l’un des principaux écueils à éviter sont les généralités à propos des origines du trouble : impossible donc de savoir précisément quelle est l’importance relative d’un facteur plutôt qu’un autre.
1. Les facteurs génétiques
Des études menées sur des jumeaux montrent que le trouble est
hautement héréditaire, et ce dans 75% des cas. Dans nos recherches nous avons trouvé des chercheurs affirmants que plusieurs gènes étaient impliqués dans le TDAH :
- l’Alpha-2A adrenegic receptor
- la dopamine beta-hydroxylase monoamine oxidase A
Nous voyons donc que ces gènes codent pour le
transport de la dopamine ou la noradrénaline dans le cerveau. Une autre question se pose alors : le TDAH a-t-il vraiment une origine dans le transport de neurotransmetteurs ?
Pathophysiologie du TDAH : un vrai trouble neurologique ?
Cet argument a été développé de nombreuses fois, surtout qu’il fut l’un des premiers vrais arguments médicaux avancés (notamment par
Laufer et Denhoff en 1957).
Il est donc extrêmement facile de trouver aujourd’hui sur
GoogleScholar ou sur
PubMed des dizaines d’articles qui entendent montrer que des modifications
mineures dans le cerveau de l’enfant peuvent être à l’origine du TDAH. Une telle liste, aussi exhaustive soit-elle, serait ici inadaptée par son contenu scientifique (citons par exemple la modification de la taille des tissus du cerveau).
Certains, en France et ailleurs,
s’opposent à la théorie de déficience en dopamine. C’est le cas de François GONON
[7The dopaminergic hypothesis of ADHD needs reexamining
de François Gonon
in Trends of Neuroscience
(2009)], docteur et directeur de recherche au CNRS qui remet vivement en cause le dysfonctionnement des neurones dopaminergiques.
Lorsqu’un message chimique doit être transmis d’un neurone à un autre par la dopamine, celle-ci doit être sécrétée dans le liquide extracellulaire (2). Mais il y a une possibilité que la dopamine soit
recapturée (8) : les psychostimulants (comme la Ritaline) inhibent cette recapture et permettent donc une meilleure transmission du message.
C’est aussi le cas de la noradrénaline. Certaines molécules n’agissant que sur la noradrénaline se sont montrées également
[9Relationship between blockade of dopamine transporters by oral methylphenidate and the increases in extracellular dopamin
de Volkow et al.
(2002)]efficaces dans le cas du TDAH.
Dysfonctionnement dopaminergique ou noradrénergique ? Rien n’est sûr selon François Gonon, surtout qu’il est probable qu’une certaine partie de la dopamine extracellulaire soit d’origine noradrénergique.
Voici un des nombreux arguments (souvent complexes il faut l’avouer) que propose le neurologue. Rien, selon lui, ne démontre
l’hypothèse dopaminergique du TDAH.
2. Une théorie évolutionniste étonnante
Cette théorie, développée par psychothérapeute et animateur de radio
Thom Hartmann stipule que les enfants TDAH ont gardé des caractéristiques de nos ancêtres
chasseurs-cueilleurs.
Il se base pour cela sur certains symptômes comme l’impulsivité ou l’apathie envers certaines normes pour justifier sa théorie.
Même si la théorie peut paraître
fantaisiste, un article du
New Scientist daté de 2008 fait référence aux études menées par Ben Campbell de l’Université du Wisconsin sur une population nomade du Kenya. Il note que certains symptômes du TDAH se retrouvent chez ce peuple et qu’il est pour eux
un atout indéniable dans le contexte de compétition permanente qu'impose la chasse pour la survie de la tribu.
La théorie ne tient pas en place pour certains scientifiques qui, même s'ils y voient un bien jolie métaphore, ne reconnaissent pas le TDAH dans la description d'Hartmann. En réponse, Hartmann déclara en 2006 qu'il n'avait jamais en tête d'apporter une réponse scientifique solide, mais juste une simple représentation mentale du trouble.
3. Les facteurs environnementaux
L’environnement familial
joue un rôle important, voire crucial. Certains facteurs sont ainsi unanimement reconnus :
- faibles niveaux économique et culturel des parents
- tabagie et alcoolisme de la mère pendant la grossesse qui génère une hypoxie chez le fœtus
- naissance prématurée de l’enfant
- mère seule élevant son enfant
- maternité précoce
- famille monoparentale
- petit poids de l’enfant à la naissance
- …
D’autres sont plus controversés : c’est le cas des
colorants alimentaires. Le débat est lancé en 2007 lorsque des chercheurs à l’Université de Southampton affirment dans le fameux magazine
The Lancet qu’ils ont trouvé une connection certaines entre l’ingestion de colorants alimentaires et l’hyperactivité.
En réponse, le gouvernement britannique prit des actions immédiates : la
Food Standards Agency interdit alors toute nourriture contenant certains colorants (E110, E104...). Si les arguments sont à prendre avec des pincettes, tout montre aujourd’hui que
les gouvernements essayent de prévenir le plus rapidement possible tout nouveau scandale relatif au trouble.
4. Les facteurs sociaux
L’OMS affirme que le diagnostic du TDAH chez un enfant peut être la conséquence d’un problème dans sa famille ou à l’école plutôt qu’un vrai problème psychopathologique.
Certains ont chercheurs ont retrouvé les symptômes du TDAH chez des enfants qui ont été victimes de violence ou d’abus sexuels.
De nombreux arguments peuvent ainsi étayer toute une théorie visant
[10Social representation of Attention Deficit Disorder
de Schimtz et al.
(2003)]à
reconstruire socialement le TDAH.
Ici aussi, contentons-nous d’apporter une réponse simple et pourquoi pas positive à la question : en retour, comment la société peut-elle mettre en valeur l’enfant diagnostiqué TDAH ?
C’est Christine Gétin, présidente et fondatrice de l’Association HyperSupers qui nous apporte une réponse intéressante.
Interview de Christine Gétin
On sait aujourd’hui que la société a une part à jouer dans le trouble. À l’inverse, comment la société peut-elle aujourd’hui aider l’enfant diagnostiqué TDAH ?
Christine Gétin : En effet, le TDAH a des origines diverses : du trouble neurologique ou neurodéveloppemental en passant par l’environnement (stress, alimentation, psychopathologies des parents...) ou le tempérament de l’enfant lui-même. Et au milieu de cette controverse il faut penser aux patients qui sont bien réels et le trouble n’a pas été créé ni par les américains ni par l’industrie pharmaceutique, on trouve des descriptions de ce cas dans la littérature médicale depuis des années.
Mais dans un contexte où la scolarisation était plus courte, moins élitiste et sans pression de la société, leur différence pouvait se fondre et surtout, le contexte leur permettait de mieux laisser s'exprimer leur talent sans les contraindre de la même manière qu’aujourd’hui. Les qualités de créativité (ils ont un mode différent de perception du monde de par leur distractibilité), d’esprit différent, leur naïveté (il ne projettent pas ni n’anticipent, ils ne sont pas calculateurs), leur jovialité, leur côté peu rancunier (ils oublient vite les différents), leur spontanéité sont beaucoup de qualités reconnues chez l’enfant TDAH.
Bref un monde moins contraignant, permet mieux à ces qualités de s’exprimer et de trouver leur voie de réalisation.
Et si aujourd’hui nous réunissons en association des familles dont les enfants sont soignés ou l’ont été, nous sommes aussi soucieux de préserver ces qualités là chez ces enfants et ces adultes. Pour préserver ces qualités, il faut donc leur éviter une trop grande souffrance…
5. Nos conclusions
De tous les articles scientifiques que nous avons pu lire, de toutes les controverses qui ont émergé et de tous les facteurs qui prétendent être la cause réelle du trouble, nous en avons tiré quelques points de conclusions.
Le scientifique surenchérit constamment
Impossible de croire un seul papier scientifique tant les conclusions semblent exagérées et prétendent apporter une vérité scientifique indiscutable. Appuyons-nous plutôt sur les expériences menées sur de nombreux enfants par des chercheurs rigoureux. Dans l’état de nos connaissances, il est aujourd’hui abusif d’affirmer que les psychostimulants corrigent un déficit neurochimique connu.
Le TDAH peut en partie être prévenu
Bien sûr, il est évident qu’on ne peut aujourd’hui ni soigner ni prévenir un problème neurologique. Mais, comme on l’a vu, on peut jouer sur un certains nombres de facteurs environnementaux et sociaux.
C’est le cas du tabagisme ou de l’alcoolisme chez la mère enceinte qui, s’il est prévenu, peut éviter un grand nombre de complications chez le nouveau né (et pas que le TDAH bien évidemment).
Quel traitement ?
Tout dépend évidemment de l’enfant. Un cocktail psychostimulant/traitement non-médicamenteux (thérapie cognitive, interventions psychothérapeutiques...) est toujours préférable à un traitement entièrement médicamenteux. La famille doit être au courant que le bénéfice à long terme de la Ritaline est nulle et que le médicament ne peut que soulager provisoirement le comportement de l’enfant.