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La phase de fixation des quotas


Références

(1) Entretien avec Julien Lamothe, membre de l'Organisation de Producteurs Pêcheurs de Bretagne, secrétaire général de l'ANOP (Association nationale des organisations de producteurs de pêche)

(1b) Entretien avec Caroline Gamblin et Jean-Marie Robert, Comité national des pêches.

(2) Réforme de la Politique Commune de la Pêche, Site Internet de la Commission Européenne, page consultée le 22/01/2012

(3) Site Internet de la Commission Européenne, page consultée le 15/12/2011

(4) Site Internet de Greenpeace France, page consultée le 13/05/2012


Les quotas sont-ils adaptés à la sauvegarde des stocks halieutiques?

Rendement Maximum Durable (RMD): La plus grande quantité de biomasse que l’on peut extraire en moyenne et à long terme d’un stock halieutique dans les conditions environnementales existantes sans affecter le processus de reproduction.

Rendement Maximum Durable (RMD): La plus grande quantité de biomasse que l’on peut extraire en moyenne et à long terme d’un stock halieutique dans les conditions environnementales existantes sans affecter le processus de reproduction.

CIEM :

Son rôle

Le CIEM est le Comité International pour l’Exploration de la Mer. Créé en 1885, son but est de promouvoir et d’assurer la coordination de la recherche sur les ressources halieutiques en Atlantique Nord.
Il permet d’encourager des campagnes scientifiques puis de regrouper leurs résultats. Ces campagnes étant menées par divers instituts de nationalités différentes, le CIEM permet de créer une véritable base de données sur les ressources halieutiques à grande échelle, sans entacher les résultats d’un quelconque parti pris politique. Ces données représentent la principale matière première à partir de laquelle la Commission décide chaque année des niveaux de TAC à fixer.

Son fonctionnement

Vingt « états-membres » participent activement à son fonctionnement. Ce sont eux qui financent les projets menés par le CIEM. De plus, chaque état-membre a deux délégués nationaux qui le représentent au Comité. Ces délégués décident ensuite ensemble des mesures à prendre au sein du CIEM.
Le CIEM regroupe 1600 scientifiques de nationalités différentes travaillant dans 200 instituts à travers le monde. Chaque année, leurs activités font l’objet d’un rapport détaillant les diverses recherches effectuées sur l’année, ainsi que les avis des scientifiques quant aux mesures qu’il faudrait prendre pour améliorer le sort des stocks.

CSTEP :

Son rôle

Le CSTEP est le Comité Scientifique, Technique et Economique de la Pêche. Ce comité permet de conseiller la Commission Européenne quant aux mesures qui devraient être prises pour assurer la sauvegarde des ressources halieutiques et la pérennité du secteur de la pêche dans le cadre de la PCP. Le comité la conseille particulièrement au moment de la fixation annuelle des quotas par zone de l’UE et par espèce de poisson: les TAC.

Son fonctionnement

Ce comité est constitué de 30 à 35 membres désignés pour un mandat de trois ans par la Commission Européenne. Ces membres sont spécialisés dans des domaines très variés (biologie, écologie, science de la pêche, économie, statistiques…) afin d’offrir une analyse complète des problématiques liées à la pêche.
Les chercheurs du CSTEP s’organisent en groupes de travail qui étudient les problématiques liées à la pêche et l’impact des mesures prises par Bruxelles sur la filière poisson. Ces recherches aboutissent chaque année à la publication de deux rapports:

Commission Européenne : Organe exécutif de l'Union Européenne représentant les intérêts de l'Union dans son ensemble (et non les intérêts particuliers des états membres).(3)

Totaux Admissibles de Capture : Quantités de poisson pêchable définies par espèces et par zones au niveau européen.

Totaux Admissibles de Capture : Quantités de poisson pêchable définies par espèces et par zones au niveau européen.

BGR: Au sein de la DPMA, le Bureau de la Gestion de la Ressource (BGR) est chargé de la mise en oeuvre des réglementations communautaires et internationales relatives à la conservation et à la gestion des ressources halieutiques et à la limitation des répercussions de la pêche sur l’environnement. Il supervise la gestion de la flotte de pêche française et la gestion des possibilités de pêche auxquelles accède cette flotte. Il apporte un appui technique aux contentieux communautaires et nationaux.

Quotas Individuels Transférables: Projet de quotas remplaçant ceux actuels et qui seraient assignés de manière durable à un pêcheur qui pourrait ensuite le revendre ou en acheter à d'autres en fonction de ses besoins.

En savoir plus sur les QIT.

Conseil Agriculture et Pêche : Conseil regroupant l'ensemble des ministres de la pêche et de l'agriculture de l'Union Européenne.

Concessions de Pêche Transférables : Outils similaires aux QIT mais ne donnant pas un droit sur la ressource, uniquement un droit de pêche.

En savoir plus sur les QIT et les CPT.

Concessions de Pêche Transférables : Outils similaires aux QIT mais ne donnant pas un droit sur la ressource, uniquement un droit de pêche.

En savoir plus sur les QIT et les CPT.

BAEI: Le Bureau des Affaires Européennes et Internationales (BAEI) est l’organe de la DPMA chargé des négociations européennes.

Politique Commune de la Pêche : Politique commune aux états membres de l'Union Européenne visant à gérer l'ensemble de l'effort de pêche communautaire.

En savoir plus sur la PCP et la réforme en cours.

Politique Commune de la Pêche : Politique commune aux états membres de l'Union Européenne visant à gérer l'ensemble de l'effort de pêche communautaire.

En savoir plus sur la PCP et la réforme en cours.

DPMA: La Direction des Pêches Maritimes et de l’Aquaculture (DPMA) est la direction du Ministère de l’Agriculture, de l’Alimentation, de la Pêche, de la Ruralité et de l’Aménagement du Territoire (MAAPRAT) en charge de la pêche.

Greenpeace: Organisation non gouvernementale dénonçant les atteintes à l'environnement et visant à apporter des solutions qui contribuent à la protection de l'environnement et à la promotion de la paix.(4)

Diagramme présentant le processus d'élaboration des quotas
Diagramme présentant le processus d'élaboration des quotas
Diagramme présentant le processus d'élaboration des quotas

La phase suivant l'analyse est l'attribution des quotas eux-mêmes. Celle-ci passe par de nombreuses étapes, dont certaines sont parfois contestées par les différents acteurs, que ce soit les pêcheurs ou les associations écologistes.

Cette phase de décision et de répartition a d'abord lieu au niveau de l'Union Européenne qui définit d'abord des Totaux Admissibles de Capture (TAC). Ceux-ci sont ensuite répartis par zone avant d'être répartis entre les états. Cette répartition est automatique et est suivie d'une répartition à l'intérieur du pays qui reste à la discrétion de chaque état membre.

La fixation des quotas et des mesures annexes de gestion de la ressource a lieu chaque année pour l’année suivante (dans le respect des orientations de la Politique Commune de la Pêche qui est, quant à elle, votée pour 10 ans).

La situation actuelle(1)



  • Propositions de TAC de la Commission Européenne
  • Une fois que les scientifiques ont rendu leurs rapports et que celui-ci est passé dans les mains du CSTEP, la Commission Européenne reçoit des recommandations comprenant à la fois les enjeux écologiques, sociaux et politiques. Celles-ci sont basées majoritairement sur les stocks estimés par les scientifiques et les antériorités des différents états et dans les différentes zones de pêche. Le rapport final indique donc des TAC, Totaux Admissibles de Captures, définis par espèces et par zones de pêche.
    C'est en se basant sur ces informations que la Commission fait ses recommandations de TAC pour le conseil des ministres en fonction des engagements de l'Union Européenne et des enjeux pour les différents membres de la Commission. L'Union Européenne s'est par exemple engagée à atteindre d'ici 2015 le Rendement Maximal Durable (RMD) qui représente les TAC les plus élevés possibles ne mettant pas en péril les espèces. Ces enjeux étant pour la plupart déjà pris en compte lors de la phase d'analyse par le CIEM et le CSTEP, la Commission Européenne valide majoritairement les TAC proposés par ceux-ci sans aucune modification.

    Lorsque la Commission Européenne estime ne pas posséder suffisamment de données scientifiques sur un stock, elle applique le principe de précaution en réduisant le TAC de 25% voire 50% par rapport à l’année précédente. Ce cas est relativement fréquent, les scientifiques n’étant pas suffisamment nombreux et n’ayant pas les moyens nécessaires pour fournir des estimations annuelles de tous les stocks.

    En dehors des TAC, la Commission Européenne propose des mesures spécifiques (type de filets, taille minimale des prises, composition des pêcheries, etc.) qui, si elles sont adoptées, s’appliquent à l’ensemble des pêcheurs européens intervenant sur les stocks concernés.



  • Discussion en groupe pêche
  • La Commission Européenne n’étant pas l’organe décisionnel, sa proposition de politique de pêche est discutée point par point et amendée par le « groupe pêche ». Ce groupe réunit les représentants des administrations nationales en charge de la pêche des Etats membres (en France il s’agit de la DPMA).

    Au niveau français, le BGR et le BAEI étudient les avis de l’IFREMER et du CIEM pour fonder leur argumentaire qui sera développé en « groupe pêche ».



  • Fixation des TAC par le Conseil des Ministres et répartition entre états-membres
  • Le Conseil des Ministres Européens de la Pêche, aussi appelé Conseil Agriculture et Pêche, se réunit en décembre pour arrêter les TAC, leur répartition entre Etats membres, ainsi que les mesures complémentaires. Il se fonde sur la proposition de la Commission Européenne ainsi que sur les amendements apportés en Groupe Pêche.

    Dans les années 1980, le Conseil a établi le système de stabilité relative en se fondant notamment sur les captures effectuées au cours de la période de référence (1973-1978). A partir de ce moment, on a établi des « Clés de stabilité relative » qui sont toujours valables, et qui régissent la répartition des quotas entre les Etats membres. Ces clés de stabilité relatives sont favorables à la France, qui souhaite que ce système de partage des quotas soit maintenu. Certains Etats membres les remettent en cause. De nouvelles clés de stabilité relative apparaissent lorsque la CE décide de mettre telle ou telle nouvelle espèce sous TAC: ces clés se basent alors sur des antériorités de captures plus récentes.



  • Répartition des quotas au sein de chaque pays
  • Chaque état reçoit ainsi un quota par espèce qu'il peut ensuite répartir à sa manière. Cette répartition nationale doit ensuite viser un équilibre entre les différentes catégories de pêcheurs et les différents ports.
    Dans le cas français, la répartition est ensuite laissée à la charge des organisations de producteurs (Pêcheurs de Manche et d'Atlantique dont fait partie Julien Lamothe en est une). Chacune reçoit une part du quota en fonction de ses antériorités.

    Les organisations répartissent ensuite leurs quotas entre les différents pêcheurs qui y adhèrent. Cette répartition, toujours liée aux antériorités, peut évoluer au cours de la période de pêche en fonction des retours aux ports. Par exemple, si un pêcheur prend dans ses filets une espèce pour laquelle il n'a pas de quota, l'organisation de pêche va soit prélever ces prises sur les quotas des autres pêcheurs soit échanger certains de ses quotas avec une autre organisation de producteurs (mais uniquement contre d'autres quotas). Ce système est ainsi moins contraignant pour les différents pêcheurs qui n'ont pas besoin de se charger de cette partie administrative et peuvent ramener au port leur pêche sans craindre de sanction. Le système d'échange de quotas permet également une meilleure répartition au final et l'aspect non financier empêche une capitalisation de la ressource qui pourrait favoriser les gros armateurs aux dépens de petits pêcheurs indépendants. Les pêcheurs non-affiliés à une organisation de producteurs sont quant à eux directement contrôlés par le ministère de l'agriculture et de la pêche.


    Analyse du système actuel


  • Les points forts
  • Ce système présente certains points forts. Il permet notamment une bonne prise en compte des avis scientifiques au niveau européen, le CIEM puis le CSTEP s'appuyant dessus. Ces avis sont alors majoritairement respectés, au point que certains observateurs considèrent le rôle du CSTEP comme négligeable et estiment qu'il pourrait être supprimé. Le rôle de la Commission Européenne comme garante du respect des engagements de l'Europe limite le pouvoir du CIEM et l'oblige à respecter ses obligations.


  • Mais un fort lobbyisme au niveau du Conseil des Ministres
  • La répartition actuelle présente néanmoins certaines limites. Tout d'abord, la liberté décisionnelle du Conseil Agriculture et Pêche est totale, et ceux-ci peuvent totalement rejeter les propositions provenant de la Commission Européenne et mettre à la place ce qui les intéressent. C'est donc au niveau de ce point faible qu'interviennent les différents lobbies qui cherchent à manipuler ces décisions. Contrairement à ce que l'on pourrait croire, ceux-ci peuvent être puissants des deux côtés: industriels de la pêche et syndicats de pêcheurs mais aussi associations écologistes telles Greenpeace qui disposent de moyens financiers également importants et sont très présents au niveau de Bruxelles. Des considérations politiques ou économiques ont également souvent été invoquées, avec notamment des accords industriels en échange d'une plus grande largesse. Les pêcheurs ne comprennent donc pas qu'ils soient utilisés comme variable d'ajustement alors qu'il s'agit de leur source de revenus.


  • Et un manque de contrôle au sein des états-membres
  • Un autre problème lié à cette attribution est l'absence de contrôle pour la répartition et l'application au sein des états membres, ce qui a mené à des dépassements de quotas ou à la domination du marché dans certains pays par les grands industriels. Les organisations de producteurs françaises sont satisfaites de la situation actuelle en France et rejettent ainsi notamment les QIT ou CPT prônés par le projet de nouvelle Politique Commune de la Pêche. Cependant, alors que les pêcheurs français rejettent les aspects financiers des QIT, celui-ci est déjà partiellement présent de manière illégale. En effet, même si la revente des antériorités est pour le moment interdite (alors que les QIT reviendraient à l'autoriser entre autres choses), celles-ci sont déjà revendues par le biais de la vente des bateaux. Le prix est alors artificiellement élevé pour prendre en compte les droits à pêcher qui accompagnent le bateau (l'ensemble de la répartition venant des antériorités).


    Les solutions proposées

    La plupart des réformes proposées provient du projet de nouvelle Politique Commune de la Pêche(2) qui est actuellement en discussion.
    La nouvelle PCP contient notamment:


    En conclusion, le système de répartition européen a l'avantage de centraliser les décisions et empêcher un comportement trop déviant de la part d'un état membre. Il reste néanmoins limité aux frontières de chaque état qui garde le contrôle de la répartition au sein de sa flotte. Les réformes en cours visent quant à elles l'objectif du RMD en 2015 et à la fois une plus grande liberté des pêcheurs et plus de contrôles.