Interviews

Jean-Olivier Hairault, Professeur d’économie à l’Université Paris 1 et chercheur au Centre d’Economie de la Sorbonne

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Quels ont été votre rôle dans l’avancement du projet de réforme et votre position dans le débat actuel :

- pas de participation directe, même si  le cabinet de Woerth m’a invité 6 mois avant dans un cadre informel

- mais une participation indirecte, vu mon rapport pour le conseil d’analyse économique, en 2006, sur l’emploi des seniors : il s’agit d’un rapport qui plaide pour l’augmentation de l’âge de la retraite pour financer la retraite et résoudre la question de l’emploi des seniors.

Ainsi, globalement, je ne suis pas intervenu lors de cette réforme, d’autant plus, que je n’étais pas totalement d’accord.

Le premier débat concernant la réforme était : est-ce qu’il faut augmenter l’âge de la retraite avant ou après l’augmentation du taux d’emploi des seniors. J’ai une position très claire là dessus, la causalité va de l’âge de la retraite vers le taux d’emploi des seniors : je suis donc à l’opposé des thèses, simplifions-le, du PS.

Ainsi, j’étais en total désaccord avec ceux qui disaient qu’il ne fallait pas augmenter l’âge de la retraite parce que l’emploi des seniors était faible, qu’on allait surtout créer de la précarité et donc, en somme cela ne servait à rien d’augmenter l’âge de la retraite, tant que le taux d’emploi des seniors était faible. Il s’agit de la position du PS. Je ne suis pas d’accord car en France, l’emploi des seniors (55-65 ans) est  autour de 39 % et celui des 60-65 ans, de 18 %. Et, c’est ce dernier taux qui est faible. Il est faible car l’âge de la retraite est faible. Il y a une absurdité totale à dire qu’il faut que l’emploi des seniors augmente avant de bouger l’âge de la retraite. C’est l’âge de la retraite qui fait que le taux d’emploi des seniors est faible. Maintenant, les choses ne sont pas aussi caricaturales en réalité, car il y a beaucoup de Français de 55-59 ans qui ne sont pas en emploi, mais la grosse partie du déficit d’emploi des seniors entre la France et le reste de l’Europe est après 60 ans, et cela, à cause de l’âge de la retraite.

Le gouvernement est plutôt sur cette idée : il est d’accord pour dire qu’il y a un problème de financement de la retraite, donc il faut augmenter l’âge de la retraite. J’étais d’accord avec le gouvernement pour dire que le bon instrument pour financer la retraite par répartition, c’est d’augmenter l’âge de la retraite. Certains, à gauche, disent qu’il faut attendre et en plus, ils disent qu’il faut augmenter les cotisations. Moi, je pense que le bon instrument, c’est ce qui se partout en Europe, i.e. augmenter la durée de vie active. Donc, là dessus, je suis d’accord avec l’esprit de la réforme qui repose sur cela.

Après, il y a la question de : comment on augmente l’âge de retraite, i.e. question de la modalité. Et là, il y a deux façons :

- par l’âge légal de départ : aujourd’hui à 60 ans

- par la durée de cotisations : moi, j’étais pour cela, car la durée de cotisations me paraît aussi efficace et plus équitable sue l’âge légal.

Plus équitable car : la durée de cotisations fait qu’on travaille tous le même temps, quel que soit l’âge d’entrée dans la vie active, alors que l’âge légal fait travailler plus longtemps ceux qui ont commencé tôt. Et c’est ceux-là même qui ont les carrières les plus pénibles.

Pourquoi le gouvernement a choisi l’âge légal ; l’âge légal, c’est réglementaire, pas de choix possible. Ainsi, si on fait passer cet âge de 60 à 62 ans, toutes les personnes vont devoir décaler, qu’ils aient atteint ou non la durée de cotisations. Or, si on augmente la durée de cotisations de 42 à 44 ans, si certains veulent partir avec 42 ans de cotisations, ils peuvent le faire. Donc, le gouvernement a plutôt privilégié d’être tutélaire et imposer une norme à la société, comme si les agents n’étaient pas capables de choisir. Au contraire, on modifie la durée de cotisations, on laisse la liberté individuelle, le choix : d’ailleurs, cela contribue à l’efficacité économique. Je pense qu’il faut laisser les gens choisir, d’autant plus qu’ils sont suffisamment lucides pour partir au taux plein et parfois avec des surcotes, car ils savent qu’il y a un coût à partir plus tôt : pension plus faible.

Ainsi, pour moi, augmenter la durée de cotisations est aussi efficace que l’âge légal, car de toute façon, les Français décalent leur départ à la retraite pour avoir le taux plein. Et c’est plus équitable.

La question des 55-59 ans, en France, le taux d’emploi des 55-59 ans est faible. S’il est faible, c’est qu’il n’y a pas de travail pour eux, dès lors comment leur demander de travailler plus ?

Bien sûr s’il n’y a pas de travail en France, il est illusoire de croire qu’on va pouvoir continuer à travailler après 60 ans. En fait, la raison principale pour laquelle le taux d’emploi des 55-59 ans est faible est la suivante : l’existence d’un système de préretraite, constitué d’une allocation chômage [préretraite du fond national de l’emploi] représentant environ 80 % du salaire, jusqu’à l’âge de retraite, si on tombe au chômage à partir de 57 ans : l’allocation de chômage étant maintenue jusqu’à l’âge de la retraite au taux plein. Ce n’est donc pas étonnant que beaucoup partent à 57 ans en préretraite et les entreprises favorisent cela. Ainsi, le taux d’emploi ne baisse pas à 52, ni à 54 ans mais à 57 ans. Avant, on avait même, à partir de 57 ans, la DRE, dispense de recherche d’emploi en plus de l’indemnisation, qui interdisait les Français de chercher d’emploi, car, on disait, il fallait protéger l’emploi des jeunes.

Dans tous les pays européens, ce genre de système a été supprimé dans les années 1990. En France, la réforme la retraite sans réforme du système de chômage va nous amener à une situation où l’écart entre l’âge de liquidation de la retraite (62 ans) et l’âge de cessation d’activité va augmenter, et c’est l’allocation chômage qui va financer cet écart. Donc, il faut absolument réformer, et là, ce n’est pas l’Etat qui décide, mais les partenaires sociaux. Mais le problème, c’est qu’il y a un consensus : ils sont d’accord pour faire porter l’ajustement de l’emploi sur les seniors, à cause de cette croyance, selon laquelle le départ des seniors avantage tout le monde. Ainsi, lors d’une restructuration d’entreprise, on fait partir les seniors car ce n’est pas conflictuel, puisqu’ils sont proche de la retraite et qu’ils bénéficient d’une indemnisation jusqu’à l’âge du taux plein. Les partenaires sociaux (Medef, syndicats…) savent qu’il faut préserver la paix sociale, qui en France, repose en grande partie sur l’existence de préretraite.

Pouvez vous me parler de l’effet d’horizon, dont vous parlez dans vos articles ?

Lorsque vous êtes chez d’entreprise ou DRH et que vous avez deux personnes pour un poste, l’une partant dans 2 ans, l’autre dans 20 ans. Or il faut former la personne et l’intégrer dans l’entreprise, ce qui représente des coûts dits d’ajustement.

Du point de vue de la personne qui doit partir à la retraite dans 2 ans, si elle ne travaille pas pendant ces 2 ans, vu le système d’allocation chômage, elle peut toucher une allocation presque équivalente à son salaire, en attendant la retraite à taux plein. Donc, pour elle, il n’y a que peu d’intérêt à se reformer, à repartir au travail, cela représente un véritable défi, quel que soit son niveau de diplôme, et cela, pour seulement 2 ans de travail. En somme, la recherche d’emploi comme le recrutement représentent un investissement ; comme tout investissement, il y a un coût présent, remboursé par les revenus futurs, dépendant de l’horizon, i.e. du moment du départ à la retraite.

Comment considérez-vous la question de la pénibilité ? Pensez vous qu’il faut en tenir compte pour la retraite, et cela, en fonction des corps de métiers ?

Il faut en effet trouver une façon d’en tenir compte. Avec la réforme actuelle, le gouvernement se focalise sur cette question, mais il faut savoir que ce qu’il appelle pénibilité est réalité de l’invalidité. Dans la notion d’invalidité, on juge aujourd’hui d’un état de santé actuel, alors que dans le cas de la pénibilité, on raisonne en termes préventifs, afin d’éviter que l’état de santé dans le futur ne se dégrade. Sur la question  de l’invalidité, tout le monde est d’accord sur le fait que si une personne est déclarée invalide par le corps médical, alors elle peut partir en préretraite. Néanmoins, il faut faire attention aux critères d’évaluation : ainsi, dans les années 1980, plus de 50 % de la population de plus de 55 ans aux Pays-Bas étaient déclarées invalides. Concernant la pénibilité, la question de sa prise en compte est encore épineuse. La meilleure façon de la traiter serait la proratisation. Ainsi, que l’on passe 25, 50 ou encore 100 % des années à accomplir de tâches pénibles, c’est très différent. Mais comment évaluer ? On peut par exemple regarder les tâches et voir leur pénibilité. Mais, pour une même tâche, la pénibilité est très différente en fonction de l’entreprise et de sa culture. Et puis, il faut savoir qu’il n’y a pas d’un côté les métiers pénibles et de l’autre, les autres, il y a un continuum. Dès lors, où mettre le seuil. Ainsi, je vois très mal la mise en place d’un système d’évaluation de la pénibilité, qui provoquerait sans aucun doute, des sentiments d’insatisfaction et d’injustice. Ainsi, l’idée de la prise en compte de la pénibilité, par exemple par l’exemption d’années de cotisations, est bonne mais la mettre en œuvre serait une usine à gaz.

Quelle est la position du PS par rapport à la retraite :

Certains proposent d’attendre que l’emploi des seniors évolue avant de réformer. Mais d’autres proposent de mettre en place la retraite choisie, alors que le gouvernement a choisit le système de tutelle. Le concept de retraite est néanmoins très flou pour le PS.

- pour l’aile gauche, la retraite choisie doit permettre aux Français de partir dès 37 ans de cotisation, s’ils le souhaitent, et cela, sans décote ou de continuer de travailler s’ils en ont envie. Or s’il n’y a pas de décote tout le monde risque de partir tôt.

- l’aile droite propose d’augmenter la durée de cotisations (un peu comme ce que je propose) et de permettre les gens de partir quand ils le veulent avec une décote ou une surcote, calculée à partir de la durée de cotisations.

- pour la direction du PS, la retraite choisie, c’est de ne pas choisir entre les deux.

Philippe Caila, directeur de l’AFPA (Association nationale pour la Formation Professionnelle des Adultes) et ancien directeur adjoint de cabinet d’Eric Woerth

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J’aimerais d’abord juste redire un peu où j’en suis. Le sujet des retraites, je m’en suis occupé deux fois, d’abord en 2003 sur la réforme de la fonctions publique au cabinet de Jean-Paul Delevoye. Je m’en suis occupé de nouveau entre 2007 et 2010, en suivant, mais moins directement, la réforme des régimes spéciaux. Entretemps j’avais travaillé à la Caisse des Dépôts à la mise en place d’un centre de pension de fonctionnaires, mis en place par la loi de 2003. Donc j’ai beaucoup suivi le sujet des retraites mais c’est vrai que depuis environ quatre ans j’ai pris un petit peu de distance donc je n’ai plus les chiffres en tête et je ne connais plus exactement le détail des problématiques, parce que c’est un sujet qui est extraordinairement complexe.

Dans le cadre de votre travail sur les retraites, avec quels experts et quels organismes avez-vous travaillé ?

Sur la fonction publique, comme le droit des retraites est un droit de tutelle, j’avais surtout travaillé avec les experts de la DGAFP, Direction Générale de l’Administration et de la Fonction Publique, qui avait un bureau – je ne sais pas si cela a été réorganisé depuis – en charge des rémunérations et des pensions. Ce sont des juristes qui ont une bonne connaissance des enjeux économiques et des suffrages en liaison avec la Direction du Budget. Sur l’appareillage intellectuel, on s’appuyait pleinement sur les travaux du COR (Conseil d’Orientation des Retraites). Est-ce-que l’on avait mobilisé des experts sur le sujet des retraites ? Peut-être plus au niveau politique au niveau du ministre, pour avoir quelques idées. Mais on avait surtout travaillé avec le COR et le secrétariat général du COR.

Quelles statistiques utilisiez-vous ? Celles de l’INSEE ?

Les statistiques de l’INSEE nous intéressaient moins dans la fonction publique. On utilisait surtout les statistiques des services de pension, organisme interministériel, rattaché au ministère des finances, qui a été transformé. Parfois les statistiques ministérielles, des services de pension ministérielle, dans des cas particuliers comme la défense ou l’éducation nationale, mais aussi les services de la CNRACL (Caisse Nationale de Retraite des Agents des Collectivités Locales) à la Caisse des Dépôts de l’établissement de Bordeaux, pour avoir des informations sur les flux, les âges de départs, des choses comme ça. Par contre, lorsque l’on avait des comparaisons à faire, de mémoire, on utilisait un échantillonnage qui permettait de comparer les durées d’assurance des populations, qu’elles soient salariées du droit privé, ou population à statut.

Dans le débat sur les retraites, au niveau de l’utilisation des statistiques, on constate de grandes différences dans l’interprétation des chiffres. Quelle est la raison de ce phénomène selon vous ?

Je crois surtout qu’il y a un problème de base, c’est que l’on connaît très mal les carrières réelles des fonctionnaires de ce pays. Le problème dans la fonction publique c’est que l’on historifie très mal les carrières, et c’est là tout le problème. La CNAM (Caisse Nationale d’Assurance Maladie) a peut-être une meilleure approche des carrières salariales puisqu’elle incrémente les cotisations, mais c’était le problème que l’on avait dans la fonction publique. Après, plus généralement, sur les questions de chiffres, le problème des chiffres se pose surtout pour l’avenir, parce que le grand débat c’est que, par exemple sur les hypothèses du COR, les chiffres de déficit prévisionnel de retraite reposent aussi sur des projections et des hypothèses de taux de chômage. Pour connaître le déficit, en 2003 le COR était sur des hypothèses d’un chômage structurel, je crois, de 5%, ce qui paraissait extrêmement volontariste pour chiffrer les montants de déficit. Donc le problème est qu’on a une connaissance assez imparfaite notamment  dans le cadre des carrières de polypensionnés ou des gens qui ont eu des carrières salariales avec des droits accumulés – c’est peut-être moins vrai avec la mise en place du droit à l’information – et un problème de projection dans l’avenir sur les hypothèses que l’on retient, ou pas, pour calculer des déficits prévisionnels. Avec cette incertitude, vous avez un espace qui est ouvert à la polémique ou en tout cas à des conflits d’interprétation selon  l’optique que prennent les gens dans les débats sur les retraites. Enfin, il y a, me semble-t-il une réalité éprouvée, c’est qu’un régime de retraite se pilote à 30-40 ans en fait. C’est extrêmement difficile car ce sont quand même des générations où vous avez des allongements de durée de vie, qui, elles, ne sont plus objectivables grâce à l’INSEE, donc c’est très difficile déjà de choisir le bon niveau de projection : est-ce-qu’on fait des mesures à 10 ans, à 20 ans, ou à 30 ans ? Il y a donc toutes ces incertitudes là, car on a en France un système de retraites extrêmement fractionné. De mémoire, je crois qu’on avait compté 38 régimes de retraite de base. Cela fait que l’interprétation des chiffres, les extrapolations, sont sujettes à discussion et à débat.

Vous êtes-vous confronté dans votre carrière à des gens qui auraient des opinions opposées à la vôtre ? Est-ce-que vous avez participé à des débats ?

Moi participé à des débats, non, mais je m’étais intéressé aux positions, je ne sais plus si c’était d’Attac ou du syndicat le Groupe des Dix, qui avait une vision bien sûr radicalement opposée des perspectives sur les retraites, et je m’y étais intéressé parce que je trouvais que c’était quand même. Nous, nous étions dans une optique d’une politique publique, c’est-à-dire, et ça c’est le rôle de la puissance publique, de prendre des mesures conservatoires et plutôt prudentielles par rapport à une incertitude et un risque que l’on ne pouvait pas laisser comme ça aux générations suivantes. Après, les débats ont été portés surtout au niveau politique. Il y a eu deux types de débats. D’abord un débat sur le bienfondé de la réforme : pourquoi ? Est-ce-que le régime sera en déficit ? Entre nous qui disions oui par rapport aux hypothèses de projection, d’autres, notamment des organisations syndicales qui disaient « non, il n’y a qu’à faire des transferts de revenus de là où ils sont aujourd’hui les revenus, notamment du capital vers le système de retraites ». Deuxième type de débat, dès lors que la réforme était politiquement assumée et qu’il était clair que le gouvernement irait jusqu’au bout,  sur les modalités de la réforme. Parce que quand vous faites une réforme des retraites, vous bouleversez un espèce d’équilibre social entre des gens qui vont perdre et d’autres qui vont gagner. Et le débat c’était ensuite sur les modalités : quels seraient les contributeurs à la réforme des retraites – contributeurs non seulement financiers, mais aussi en durée d’assurance ? Très clairement, pour nous dans la fonction publique, la réforme impliquait aussi, compte tenu de ce que représente leur masse dans la fonction publique de l’Etat, une contribution des enseignants en terme de durée d’assurance. Après, le débat se déporte sur qui va payer plus que les autres sur la réforme.

Cette question de savoir qui va payer interroge, dans le cadre de la controverse sur les retraites, la notion d’équité. Quel est selon vous le rôle de l’équité dans le débat ?

Il y a quand même un débat d’équité. Quand on dit « la réforme des retraites c’est un débat d’équité intergénérationnelle »,  il y a quand même un espèce de jeu de poker menteur. Quand on dit que la répartition est une sorte d’équité intergénérationnelle, c’est pas une contribution des jeunes vers les plus âgés, c’est surtout un transfert de revenus des actifs vers des gens qui ont des revenus qui ne viennent pas principalement du travail, et c’est d’abord de cela dont il s’agit, ce n’est pas simplement un transfert de générations. Le risque, c’est que les retraites, si elles ne sont pas traitées à temps, deviennent des sujets, là véritablement d’équité intergénérationnelle, où des générations refuseront de payer, par divers moyens – en sortant du système, etc – alors que la population des retraités va augmenter, et où des retraités qui par leur poids politique et sociologique refuseront toute évolution institutionnelle. Ceci peut déboucher sur de vrais conflits intergénérationnels et pas simplement des conflits entre actifs salariés et inactifs bénéficiant de revenus de remplacement. Le sujet des retraites est donc aussi un sujet de gestion, pas simplement des relations sociales, mais d’un équilibre social d’une société qui vieillit et où la part des actifs diminue.

Je voudrais rebondir sur le premier point de cristallisation du débat que vous avez évoqué, c’est-à-dire le débat sur la nécessité de la réforme. Que pensez-vous des acteurs de ce débat qui disent qu’il n’y a pas de problème de financement lié à la démographie, grâce notamment à des gains de productivité ?

J’ai envie de dire, les gains de productivité sont hypothétiques mais les sorties de trésorerie des caisses de retraite sont réelles. Les déficits des régimes de retraite sont réels. On peut prendre l’exemple extrême du régime des agriculteurs et des cheminots, le problème vient aussi beaucoup de l’extrême fragmentation des régimes de retraite, qui sont fondés sur des approches professionnelles. Dès lors que vous avez une fragmentation institutionnelle, vous devez mettre en place des mécanismes de péréquation. Les péréquations sont plus difficiles à faire entre les institutions. Entre ceux qui rêvent d’un espèce de régime de retraites unique et universel recouvrant tous les actifs, tous les salariés, tous les inactifs et un système extrêmement fragmenté en trente huit régimes de retraite, il y a peut-être des rapprochements à faire. D’ailleurs les dernières réformes des retraites qu’il y a eu depuis 2003 visent vers la convergence des principaux systèmes autour de règles communes. Alors, est-ce-que ça préfigure un jour un grand soir institutionnel où on fait un régime de retraite unique pour tous les habitants de ce pays ça c’est une chose. Alors c’est pour ça que commence à arriver dans le débat public ce que je trouve moi intéressant, des choses qui étaient très techniques il y a encore trois quatre ou cinq ans qui sont les comptes notionnels, que l’on confond un peu avec les régimes à point. Il y a cette idée que indépendamment de la structuration institutionnelle des organismes de gestion des régimes de retraite d’affiliation, on ait une approche transversale unique pour un régime de base.

Vous parliez tout à l’heure d’équité intergénérationnelle. Cette notion d’équité est envisagée par certains acteurs de la controverse, par exemple les partenaires sociaux, comme une mesure de l’efficacité de la réforme du régime des retraites, avec l’idée que celui-ci doit lutter contre les inégalités. Pour les autres, la définition de l’efficacité qui est envisagée est une efficacité économique. Quelle est votre opinion sur ces deux manières d’envisager l’efficacité ?

De mon point de vue, c’est à la fois un problème d’équité économique et sociale, sauf que tous ne mettent pas le curseur au même endroit. Clairement, en matière de politique publique, on était plus sur l’approche de l’efficacité d’assurer la viabilité économique des régimes, avec quand même la volonté derrière d’élever le niveau de contribution pour plutôt maintenir des niveaux de retraite qui ne fassent pas des retraités pauvres comme on a connu dans le passé. D’autres sont plus attentifs à des critères sociaux, la pénibilité, les inégalités durant la carrière, les inégalités de revenu, de façon à ce que la retraite ne durcisse pas les inégalités que vous rencontrez durant votre carrière professionnelle. Et ça c’est une question de vraie sensibilité, mais une sensibilité au sens civique du terme : la façon dont les acteurs affichent des préférences de valeur soit pour le social, la solidarité, soit pour l’économie et la responsabilité ; responsabilité à l’égard des générations futures ou solidarité par rapport à des inégalités vécues dans les carrières. C’est en ce sens que c’est un vrai débat démocratique, c’est un débat sur les valeurs. Ce sont des valeurs j’allais dire presque philosophiques : qu’est-ce-qui est le plus important pour un régime de retraite ? Dans les deux cas, on pense qu’il assure une fonction d’équité sociale et d’équilibre social dans le pays. Personne dans le pays ne veut des gens âgés pauvres. Personne ne le veut pour les autres, personne ne le veut pour soi, mais en même temps, personne ne veut un système où les gens qui travaillent ne sont plus dans la production de richesse ou de valeur, en tout cas de valeur économique et financière. Ils peuvent produire de la valeur sociale par des engagements associatifs, sociaux ou familiaux ou etc, mais qui ne produisent pas de la valeur économique et financière. De ce point de vue, c’est un vrai débat démocratique, sur quelles sont les bonnes valeurs, presque au sens philosophique, quelles sont les valeurs d’un système de retraite dans une société démocratique, avec ses contraintes économiques et financières ?

Puis-je vous demander sur un plan personnel où vous placez le curseur de l’équité économique et sociale ?

Je vais reprendre un vocabulaire plus sociologique ou philosophique. Moi je me place plus du côté de l’éthique de la responsabilité que de l’éthique de la conviction dans cette affaire. Ma conviction est qu’il fallait prendre des décisions économiques et financières pour augmenter le niveau de contribution des salariés. Si on augmente le niveau de contribution, il faut moins parler de cotisations qui pèsent sur le travail mais plus sur leur contribution en termes de travail par rapport au temps. Donc moi j’étais plus dans une approche, je ne dirais pas économique et financière stricto sensu, mais ma pondération me poussait plutôt vers une éthique de la responsabilité sur cet aspect là que sur une éthique de la conviction sur la retraite devant réparer les inégalités de la vie professionnelle. C’est en ce sens que c’était vraiment plutôt une sensibilité. Je ne considère pas que les gens qui ont débattu sur le sujet avec une éthique de la conviction étaient illégitimes. Ma conviction est qu’un sujet aussi technique en fait porte derrière de vrais débats démocratiques et ce qui n’allait pas dans ce pays, c’est que le débat n’avait pas lieu et qu’il interdisait la réforme. En 93, le gouvernement avait fait une réforme en août en secret et il a interdit le débat qu’avait pourtant mis en place Michel Rocard et il a fallu 2003 pour que la réforme soit au grand jour pour que le sujet des retraites rentre dans le débat public comme un enjeu de politique publique, c’est-à-dire qui soit contestable mais qui puisse avoir lieu dans un cadre démocratique, c’est-à-dire à la fois qui puisse être présenté devant le parlement, et éventuellement se débattre dans la rue avec des manifestations et des représentants des uns et des autres et c’est me semble-t-il le grand apport de la réforme de 2003 qui a sorti ce débat du tabou publique. Moi je fais le lien entre une approche d’un sujet technique avec sa dimension intrinsèquement politique, et politique pas au sens partisan du terme, mais politique au sens : qu’est-ce-qu’il y a de mieux pour la Cité ?

Sur cette dimension politique justement, en ce qui concerne la manière dont interagissent les différents acteurs, que ce soit le gouvernement, les spécialistes, les représentants syndicaux, etc, pensez-vous que l’on assiste simplement à un conflit radical entre différentes convictions ou que tous essaient vraiment d’aboutir à un compromis au sujet de la réforme ?

Moi je trouve que tous les acteurs ont été dans leur rôle. Le gouvernement a fait des mesures de politique publique, les caisses de retraite ont été dans des approches gestionnaires, les spécialistes des retraites ont éclairé les enjeux et les organisations syndicales ont défendu les intérêts des salariés. Dans tous les cas, ce n’est pas éthique de la responsabilité ou éthique de la conviction, on veut tous une pondération, c’est une question de critères, dans la part que l’on donne à l’un et à l’autre. Moi je trouve que d’abord les syndicats ont mis en avant une éthique de la conviction mais en faisant preuve de responsabilité. Ils n’ont pas été jusqu’au boutistes dans la mobilisation sur les retraites. On avait des signaux très simples. En 2003 et j’ai revu ça cette année, comme par hasard, les grands mouvements dans la rue se faisaient plutôt le week end, à la fois pour faire venir du monde, mais hors d’un contexte paralysant. Ça a été peut-être un peu moins vrai pour la réforme des régimes spéciaux mais quand on regarde le film fin des manifestations et des grèves pour les régimes spéciaux, on remarque des formes de retenue. A l’opposé, le gouvernement, qui a parfois montré de la fermeté, voire de la dureté, a su ouvrir des points et accorder une audience à des sujets qu’il ne portait pas lui. Alors c’est peut-être insuffisant, par exemple le sujet de la pénibilité, le sujet homme-femme, des sujets qu’il n’avait pas intégrés dans sa réforme, mais il a fait rentrer des convictions dans ses mesures. Je trouve que les acteurs ne sont pas dans une logique de consensus ou de compromis, on n’a pas eu d’accord. En 2003, il y avait eu un accord validé par la CFDT avec le gouvernement et la CGT. Là, il n’y en a pas eu, il n’y a pas de consensus, il n’y a pas d’accord mais il n’y a pas eu, pour utiliser un vocabulaire de sociologie, d’ascension aux extrêmes. Et c’est un élément extrêmement important dans le jeu des acteurs. Au fond, ils se sont tenus à leur rôle et ils l’ont exercé sans avoir la volonté de renverser l’autre, cela n’a pas été l’objet d’une forme de guerre civile. Quand on se souvient de la prédiction de Michel Rocard au sujet de la réforme des retraites dans ce pays, « il y a là de quoi faire tomber vingt gouvernements », heureusement elle a été démentie. Il voulait dire qu’il y avait de quoi faire une vingtaine de crises politiques. Il n’y a pas eu crise politique. Il y a eu un vrai débat de société de première importance.

Didier Blanchet, démographe de l’INSEE, chef du département des études économiques d’ensemble, membre du COR et de l’Ined

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Dans le cadre de votre travail sur les retraites, avec qui avez-vous travaillé ?

Je suis membre du Conseil d’Orientation des Retraites et pas mal de choses se font là-bas mais effectivement pas tellement sur le sujet répartition-capitalisation parce que le COR s’intéresse surtout aux réformes des retraites par répartition telles qu’elles existent. Sur ces sujets là, j’avais fait un papier avec Patrick Artus qui avait écrit énormément de choses, mais c’est assez ancien puisque maintenant il n’est plus trop sur ces sujets là. Il y a quelqu’un que vous pouvez également contacter et qui s’y connaît bien dans le domaine, c’est Olivier Davanne. Il a créé un cabinet de conseil [DPA Invest]. Il a travaillé sur le sujet et je suis intervenu récemment avec lui dans des tables rondes. La table ronde en question justement pour un point de vue moins favorable à la capitalisation, on était associés avec Gérard Cornilleau, qui travaille à l’OFCE. Il y a Florence Legros, maintenant elle a changé de métier elle est recteur d’académie de Dijon mais elle a toujours un intérêt pour la retraite. Elle avait pas mal travaillé là-dessus avec Patrick Artus, je pense qu’elle peut répondre à vos questions. Si j’ai des noms qui me reviennent au cours de l’entretien je vous le dirai.

Est-ce-que vous avez participé à des débats sur le sujet ?

Oui, c’est-à-dire pas récemment sur le sujet répartition-capitalisation, vous savez, j’ai fait une intervention l’an dernier dans le cadre d’une formation à la Protection Sociale [IHEPS : Institut des Hautes Études de Protection Sociale] et c’est là que j’avais revu Davanne et Cornilleau mais c’est quand même moins central dans le débat en ce moment. C’était vraiment central dans le débat sur les retraites dans le début des années 90. A l’époque j’avais travaillé avec Denis Kessler qui est devenu entretemps président de la Fédération Française des Sociétés d’Assurance avant de partir côté MEDEF et maintenant il s’occupe de la Scor [société de réassurance]. Et donc le débat était très vif entre des partisans très favorables à un grand soir du système et le basculement massif vers la capitalisation et une majorité d’opinions qui étaient quand même très réticentes, en partie pour des raisons historiques. Il y a du pour et du contre dans la capitalisation et la répartition, l’avantage de la capitalisation est à mon avis plausible en régime permanent et si on fait abstraction des chocs, mais même s’il y a un avantage, il n’y a pas de transaction gratuite, on ne peut pas passer sans frais d’un système à un autre. Donc compte tenu de tous ces éléments le débat est quand même devenu beaucoup moins polarisé. En France, le point de vue dominant sur la capitalisation, c’est que c’est plutôt une solution d’appoint. Une fois que l’on a pris acte du fait que les systèmes par répartition allaient demain servir des prestations moins favorables qu’aujourd’hui, les revenus moyens peuvent lutter contre cela par l’épargne s’ils n’envisagent pas de compter sur un relèvement massif de leur âge de départ à la retraite, c’est effectivement une voie et donc ce qui compte davantage que l’idée du basculement d’un système à l’autre c’est plutôt d’offrir aux gens les instruments qui leur permettent d’avoir cette utilisation individuelle de la capitalisation. Mais l’idée de faire jouer à la capitalisation un rôle massif et notamment d’avoir une transition importante d’un système à l’autre est un peu retombée. Les débats auxquels je participe sur les retraites sont plus sur les questions de l’évolution du taux de remplacement. Au milieu des années 90 c’est là que le basculement s’est un peu fait. Au début le débat sur les retraites c’était répartition contre capitalisation et puis progressivement c’est devenu le sujet de la retraite à 60 ans, de la condition de durée d’assurance, qu’est-ce-qu’on pouvait faire pour donner une plus grande marge de choix autour de l’âge du taux plein. Les positions au début des années 90 étaient quand même assez influencées et ça c’est franco-français. Au niveau anglo-saxon il y a eu quand même davantage de débats, ils sont déjà davantage dans des systèmes par capitalisation et puis il y a eu quand même davantage de promotion d’un développement encore plus important de la capitalisation de la part de certains économistes, ce qui s’est traduit, pas finalement dans ces pays là eux-mêmes, mais par des tentatives de basculement assez importantes plutôt dans des pays émergents. Dans les années 90 il y a eu l’expérience chilienne. Dans les pays d’ancienne Europe de l’Est il y a dû avoir des choses de ce type là. Il y a une personne que vous pouvez contacter de ma part et qui connaît bien ces sujets là, notamment dans la perspective internationale, et elle est encore bien active là dedans, c’est Najat El-Mekkaoui. Elle travaille avec une organisation qui avait un peu poussé à ces politiques dans un certain nombre de pays en développement ou émergents c’était la Banque mondiale, et elle travaille avec ces gens-là. Donc elle pourrait vous renseigner sur ces aspects plus internationaux du débat. Au début des années 90 il y a eu un rapport de la Banque mondiale sur la crise qui s’appelait La crise du vieillissement et qui prônait assez fortement un système de retraites à quatre piliers, dans lequel les piliers qui étaient la capitalisation collective ou individuelle jouaient un rôle assez important.

Pourriez-vous détailler cette notion de système à quatre piliers ?

Le langage des piliers est un langage assez usuel en matière de retraites. Généralement on distingue le premier pilier qui est un pilier qui procure une retraite de base. Souvent cela prend la forme d’une retraite minimale à laquelle tout le monde a droit sans conditions de cotisations passées. Ensuite il y a un deuxième pilier qui est plutôt lié aux cotisations passées et aux salaires et celui-ci peut être géré soit en répartition soit en capitalisation. Après vient le troisième pilier qui est le pilier de l’épargne individuelle. Donc là il n’y a plus de cotisations obligatoires mais l’individu va mettre de l’épargne sur des supports et ensuite il faut que ces supports soient les plus adaptés possible à la retraite, donc plutôt des supports qui ensuite servent des rentes, ou au moins qui servent à mutualiser le risque de longévité, car si vous épargnez vous-même pour votre retraite, vous ne savez pas si votre retraite va durer 10, 20, 30 ou 40 ans, donc si vous êtes adverse au risque, il faut que vous mettiez de côté de quoi assurer vos besoin pendant 40 ans ou plus, ce qui peut coûter assez cher. On a plutôt intérêt collectivement à mutualiser, ce qui fait a posteriori que les gens qui vivent pas très longtemps financent les gens qui vivent longtemps. C’est comme cela que fonctionnent les systèmes de retraite et en général les gens y trouvent avantage. Le quatrième pilier, un peu par extension, on appelle quatrième pilier le fait qu’une partie des revenus de la retraite continue à provenir du travail et c’est toute la logique du cumul emploi-retraite. Et alors les positions de la Banque mondiale autant que je me souvienne c’était de dire que le deuxième pilier est collectif et obligatoire et il faut qu’il soit financé en capitalisation collective. Cela faisait en fait deux étages de capitalisation sur les trois premiers. Il n’y avait que la retraite de base qui était gérée en répartition, mais à la limite ce n’est même pas une retraite par répartition, dans les pays où c’est vraiment une retraite forfaitaire distribuée à tout le monde, c’est quelque chose qui est financé par l’impôt, cela fait partie de la solidarité nationale.

Pour revenir à la question du choix entre répartition et capitalisation, selon vous ce choix ne dépend que de la faisabilité politique ?

En premier lieu il y a les arguments purement économiques. Donc est-ce-qu’un système peut être plus efficace que l’autre ? Ce que l’on utilise pour comparer l’efficacité  de deux systèmes c’est ce qu’on appelle le taux de rendement. C’est le meilleur étalon pour comparer les performances. En gros, c’est : pour un euro de cotisation, combien allez-vous toucher de prestations ? Il y a une condition théorique dans laquelle le rendement est exactement le même c’est celui où le rendement du capital, le taux d’intérêt pour faire vite, est égal au taux de croissance de l’économie. Ce qui va déterminer le rendement de la capitalisation c’est effectivement à quel taux d’intérêt vous placez votre argent. Ce qui va déterminer le rendement dans un pays de la répartition c’est la croissance économique parce que quand vous êtes dans un système de retraites qui est complètement stabilisé, qui prélève chaque année une part fixe du produit national, ce que vous en tant que retraité vous allez toucher va correspondre à ce que vous avez versé quand vous étiez jeune augmenté de ce qu’a été la croissance entretemps. D’où l’équivalence. Et donc l’argument des partisans de la capitalisation c’est de dire : il y a des conditions empiriquement observées et théoriquement justifiées dans lesquelles le rendement du capital est systématiquement supérieur au taux de croissance de l’économie [Voir les slides envoyées par M. Blanchet à ce propos, réalisées pour l'intervention de 2010 à l'IHEPS]. Il y a un régime permanent tout à fait viable dans lequel le taux d’intérêt excède le taux de croissance, ce n’est pas du tout un régime déséquilibré. Ceci étant dit, il y a d’une part le fait que dans la pratique l’excès des taux d’intérêts sur le taux de croissance reflète aussi une prise de risque. C’est-à-dire que vous échangez le fait d’avoir un système qui va être plus performant en moyenne contre le fait qu’il puisse vous exposer à un choc brutal au moment de votre retraite et là effectivement la crise récente a amené de l’eau au moulin des gens qui disent depuis le début : oh là là, avec la capitalisation vous risquez de voir vos économies disparaître. L’OCDE, qui est quand même assez anglo-saxonne, était très favorable à la capitalisation, et depuis ils ont mis un peu d’eau dans leur vin. Notamment après la crise, ils ont fait l’inventaire de la façon dont les différents régimes ont souffert du fait de la crise. Il y a notamment les brutales dépréciations auxquelles ont dû faire face les régimes de retraite par capitalisation en Irlande, au Royaume-Uni. Donc là vous pouvez regarder un volume qui s’appelle Pensions at a glance, sur le site www.oecd.org. Donc sur l’analyse de la comparaison des systèmes, effectivement il y a le fait que le rendement peut être supérieur mais vous vous exposez à des risques comme on en a la manifestation récente. D’autre part, même si on est dans un monde idéal où la capitalisation est plus efficace et il n’y a pas de risque particulier, le problème est qu’une fois que vous êtes en répartition, c’est coûteux de passer d’un système à l’autre. Il n’y a pas de passage gratuit. Soit vous faites payer les pensions des gens qui sont déjà à la retraite, dans ce cas il faut que les cotisants d’aujourd’hui payent ça, et puis en plus paient un supplément pour préparer leur propre retraite. Donc ils paient deux fois. Soit on coupe les vivres des gens qui sont actuellement à la retraite, dans ce cas là il y a une génération qui a cotisé et qui ne touche rien, ce qui n’est  pas mieux. Dans les deux cas, il y a un problème. Une des idées qui a été avancée a été de dire qu’on peut payer les gens qui sont déjà à la retraite en émettant de la dette publique et grâce à ça les gens qui étaient censés payer la retraite de leurs aînés vont pouvoir commencer à accumuler dans un nouveau système. Le cas où c’est très intéressant de passer à la capitalisation c’est le cas où le taux d’intérêt est très élevé par rapport au taux de croissance. Cela veut dire que symétriquement la dette que vous allez devoir émettre pour payer les retraites de transition va également être très coûteuse. Donc en fait cela se compense il n’y a pas de solution miracle. Sauf s’il y a une imperfection de marché qui fait que l’État peut s’endetter à des taux beaucoup moins élevés que les taux du marché. Mais enfin, vous voyez, c’est quand même de deuxième ordre l’intérêt de la manipulation. C’est un peu comme je disais au début, c’est ce genre d’argument qui a relativisé l’idée que le passage à la capitalisation serait le remède miracle. Au début quand j’ai commencé à travailler sur les retraites, on avait l’impression que les gens défendaient la capitalisation comme un système qui permettait d’éviter totalement le coût de l’allongement de la durée de vie. Alors qu’en fait c’est plutôt un système qui finance cet allongement d’une autre façon, et qui a effectivement pour caractéristique de le préfinancer, c’est-à-dire qu’en fait il va falloir payer plus cher pour les retraites et la capitalisation c’est de dire tout de suite on va commencer à payer plus cher tout de suite en prévision de cet allongement de la durée de vie, alors que les défenseurs de la répartition ont plutôt tendance à dire : « attendons pour payer davantage au fur et à mesure et on le fera le moment venu ». L’arbitrage inter-générationnel n’est pas le même. Dans un cas on se force à payer plus tout de suite et dans l’autre on reporte intégralement la charge sur les générations futures et du coup pour cette génération elle est un peu plus élevée que celle qu’on aurait en basculant en capitalisation. Mais le scénario qui est avancé n’est pas la substitution de la capitalisation à la répartition. C’est plutôt qu’actuellement on consacre aux retraites en répartition 12% du PIB. A terme il en faudrait peut-être 15%. Ces 3% qu’il nous faut en plus – là c’est devant nous donc on a encore le choix du système – finançons les plutôt en capitalisation qu’en répartition. C’est un arbitrage effectivement. Mais du coup l’intérêt politique de la chose est que les gens, lorsqu’ils auront envie d’essayer la capitalisation en France, ce sera plutôt dans cet esprit là. L’argument jusque là a été de dire qu’il vaut mieux faire payer ce dont on a besoin par les autres que par soi-même. Moi, en tant que membre d’une génération qui s’approche de la retraite j’ai plutôt intérêt à dire : « Gardons la répartition ». Cela me dispense de payer plus et mes enfants paieront à ma place. Sauf que si j’ai une incertitude sur leur consentement à payer davantage, sachant qu’on leur laisse par ailleurs plein d’autres factures à régler, si leur consentement trouve alors des limites, dans ce cas le recours à la capitalisation, même si cela me coûte aujourd’hui de mettre de l’argent de côté, il est quand même justifié car c’est un moyen de me prémunir contre le risque que les générations suivantes ne soient pas prêtes à payer beaucoup plus pour que j’ai une grosse retraite.

Avec cette idée d’un consentement entre les générations, on peut penser à une forme de justice inter-générationnelle. On aborde alors ce qui constitue pour certains acteurs du débat un outil pour évaluer la réforme des retraites : la notion d’équité. Cette notion est souvent perçue comme opposée à l’autre mesure courante de l’efficacité de la réforme, l’efficacité économique, et avec cette opposition il y a l’idée qu’il faudrait choisir où placer le curseur entre équité et efficacité. Quelle est votre opinion sur ce point ?

Le problème est qu’en matière de retraite il y a deux visions de l’équité. Il y a l’équité au sens de la justice distributive qui consiste à dire : « à chacun selon ses besoins ». Il y a l’équité au sens de la justice commutative : « à chacun selon son effort ». La capitalisation est plutôt du côté « à chacun selon son effort », puisque les gens récupèrent ce qu’ils ont cotisé. Pour la répartition c’est plus compliqué que ça, parce qu’elle est un peu les deux à la fois. La répartition nous offre la possibilité de déconnecter ce que touchent les gens de ce qu’ils ont versé donc elle permet de faire de la justice distributive mais le gros de la répartition telle qu’elle fonctionne en France est quand même sur une logique qui est également commutative qui est la contributivité : la retraite que vous touchez est largement proportionnée à votre ancien salaire et donc à vos anciennes cotisations. Je n’ai pas tendance à beaucoup opposer les deux systèmes de ce point de vue là, à part au sens où seule la répartition permet de faire de la distribution. Mais la répartition telle qu’on la pratique en France n’est pas beaucoup plus équitable que ne le serait la capitalisation parce que le principe de base est quand même le même, à savoir avoir des retraites qui sont proportionnées à l’effort de cotisation passé. Donc pour moi ce n’est pas extrêmement discriminant ce critère d’équité en matière de retraite, entre les deux systèmes.

Lorsque vous effectuez des prévisions, quelles sources de données quantitatives utilisez-vous ?

Moi dans mon travail je fais effectivement pas mal de prévisions sur les retraites mais plutôt sur la retraite par répartition. Sur la capitalisation tout ce que je vous raconte c’est plutôt des raisonnements théoriques où on ne simule pas spécialement les perspectives de revenu de l’épargne pour les ménages de retraités. Par contre, le gros du morceau c’est de simuler les règles des régimes par répartition avec toute leur complexité. Et donc comme ce sont des règles très complexes il est difficile de raisonner sur l’individu moyen parce qu’il y a des effets qui sont très différenciés d’un individu à l’autre en fonction des profils de carrière, donc on a des instruments qu’on appelle des modèles de microsimulation où on prend un échantillon de la population française avec toutes ses caractéristiques et on le fait vieillir et on le fait se renouveler également à coup de tirages aléatoires, de lois d’évolution etc et comme ça  on calcule pour chaque individu à quel âge il va partir à la retraite et à combien il a droit. On part de fichiers de données de la population française qui sont des fichiers d’enquête en l’occurrence mais ça pourrait être des fichiers administratifs. Par exemple la Caisse Nationale d’Assurance Vieillesse a aussi un modèle de ce type qu’elle fait fonctionner sur ses cotisants et ses allocataires donc elle utilise l’information qu’elle a dans ses fichiers. Et puis ensuite pour faire évoluer tous ces gens là, on fait des hypothèses sur la démographie, la mortalité, la croissance des salaires, les entrées et sorties d’emploi, du chômage, etc. Et par dessus tout ça on met toutes les règles des systèmes de retraite.

Dans ce débat sur les retraites on observe une grande divergence d’interprétations des données démographiques et économiques. Est-ce-que ça veut dire qu’il y a une différence sur les chiffres qui sont utilisés ou est-ce-que c’est au niveau des interprétations selon les individus que se marque cette  différence ?

C’est vrai que ça a été un peu la fonction du Conseil D’orientation des Retraites, parce que quand le débat sur les retraites a commencé il y avait déjà un scepticisme global, même sur la pertinence des projections démographiques. Donc le Conseil D’orientation des Retraites a fait en sorte qu’au moins les gens se mettent d’accord sur les chiffres en matière démographique, et c’était relativement faisable. Les projections démographiques ne sont pas fiables à 100%, en fonction des hypothèses de mortalité, de fécondité et d’immigration que vous prenez vous avez des résultats qui sont variables mais le sens de l’évolution est quand même assuré. Après c’est juste l’ampleur du phénomène qui peut différer. Quand j’ai commencé à travailler sur les retraites, souvent les gens considéraient que le problème de la retraite en France était dû au fait que les gens ne faisaient pas assez d’enfants et donc demain il n’y aurait presque plus d’actifs pour payer les retraites. Et effectivement, si c’était ça l’interprétation, à chaque fois qu’il y avait des petits soubresauts au niveau du taux de fécondité, les gens disaient : « ça y est, les retraites sont sauvées ». En fait c’est totalement à côté de la plaque puisque le réel problème c’est avant tout que la durée de vie s’allonge. Les gens qui sont actuellement en fin de retraite appartiennent à des générations creuses, qui sont nées avant 45, les gens qui maintenant partent à la retraite appartiennent à une génération nombreuse, cela c’est un acquis et on le retrouve quelles que soient les hypothèses de projection donc il y a aujourd’hui un vieillissement qui est incompressible et le Conseil d’Orientation des Retraites a aidé tout le monde à se mettre d’accord sur ce constat, il n’y a plus grand monde qui le conteste. Ensuite, là dessus, on fait des hypothèses économiques, par exemple chômage à 7 ou 7,5%, taux de croissance de la productivité à 1,5 ou 1,8 et une fois que l’on a fait ça, le résultat de la composante économique de ces projections, il y a deux façons de le lire. La façon optimiste consiste à dire : si vous faites croître la productivité à 1,8% par an – ce qui est plutôt favorable par rapport à la tendance des dernières années, mais enfin admettons – cela signifie qu’en 40 ans la productivité va doubler, avec la loi des intérêts composés à 1,8% par an pendant 40 ans cela fait au moins du doublement. Donc il y a un raisonnement que vous voyez encore chez plein de gens qui disent que la retraite c’est un faux problème, c’est que si on est deux fois plus riches, il n’y aura pas de problème pour financer tout un tas de truc. Donc on peut bien se permettre de faire passer la barre des retraites dans le PIB de 12 à 15% sur un PIB qui a doublé, ce qui reste dans la poche des gens est quand même largement plus important que le point de départ. C’est une façon de présenter la chose qui effectivement est un petit peu troublante. Et en même temps, d’un autre côté, la réponse à ça c’est de dire qu’il y a, quel que soit le niveau du PIB global, un problème de blocage sur le taux de prélèvement que les gens sont prêts à accepter. Vous savez que la retraite est financée, on pourrait dire qu’après tout les 3 points de PIB on va bien les trouver, mais le problème c’est qu’il n’y a pas que ça, il y a plein d’autres choses : il y a la facture de la dette, il y a la dynamique du système de santé, ce n’est pas parce que le PIB aura doublé que les gens seront prêts à consacrer aux dépenses publiques beaucoup plus que 45 ou 50% de ce qui est produit tous les ans. Quand on dit doublement dans 40 ans, on se projette tout de suite dans 40 ans et on se dit qu’on va être beaucoup plus riches mais en fait les 1,8% par an – en pratique je pense que cela va être moins parce que 1,8 c’est quand même assez favorable – si sur ces 1,8% vous avez déjà en gros 0,5% tous les ans qu’il faut préempter pour financer la retraite et d’autres choses, les gens ont l’impression que finalement leur revenu fait du sur place. D’ailleurs tous les débats qu’il y a eu ces dernières années sur la perception en matière de pouvoir d’achat par rapport aux réalités mesurées par l’INSEE montrent un peu ça aussi. Entre la croissance économique telle qu’on la mesure sur le papier et le sentiment d’aisance financière ou de bien-être que les gens ont par rapport à ça, le lien est un peu distendu. C’est pas parce que vous avez du 1,8 ou du 1,5% par an de croissance que les gens se sentent près à financer de plus en plus de choses. Donc c’est vrai que là il y a un petit problème de lecture rétrospective des chiffres. On a encore vu l’an dernier dans le débat sur les retraites des gens qui ressortaient cet argument, qu’avec une productivité qui aura doublé en quarante ans c’est pas la peine de soulever de faux problèmes et qu’il y a aura toujours de quoi payer.

En lien avec cet argument selon lequel il s’agit d’un faux problème, que pensez-vous des positions des altermondialistes, et par exemple d’Attac, qui proposent de changer le système, ce qui ferait que le problème de financement des retraites ne se poserait plus ?

Effectivement c’est une réflexion que l’on n’a jamais eue. Moi je trouve ça intéressant mais après il y a tout le débat sur changer le modèle de croissance, vivre de manière frugale en travaillant jusqu’à quarante ans. Effectivement c’est un sujet de réflexion intéressant. C’est une vision un peu idyllique de la croissance verte, et ça ne peut marcher que s’il y a une modification assez radicale des modes de consommation. Il y a une espèce de fuite en avant dans l’accumulation matérielle et on n’imagine pas de sortir de la logique dans laquelle on a posé le problème jusqu’ici. Par contre, effectivement décider de revenir à une société frugale où les gens arrêtent de vouloir gagner plus que le voisin ça semble assez attirant. Mais là encore, est-ce-que cette marge de manœuvre on va vraiment l’utiliser à financer des retraites de plus en plus longues ? C’est vrai que les gains de productivité jusqu’ici, ils ont servi à la fois à élever beaucoup le niveau de vie et à réduire beaucoup la durée travaillée sur l’existence. Et l’abaissement de l’âge de la retraite c’était qu’une partie de ça parce qu’il y a eu le fait qu’on ait abaissé la durée du travail. Les gens travaillent maintenant beaucoup moins, et ce n’est pas seulement les 35 heures qui ont fait ça, c’est un mouvement plus ancien. Et jusqu’ici donc on a cumulé les deux, élévation du niveau de vie et abaissement de la durée travaillée. Le modèle qu’on nous propose serait de continuer à abaisser la durée travaillée et renoncer à la croissance du niveau de vie, donc ça supposerait un changement assez important des normes de consommation. Et ce doublement du PIB permis par la productivité à l’horizon 2040, il faudrait que les gens admettent que ça ne sert pas vraiment à vivre mieux, mais que ça sert essentiellement à financer l’inactivité. Peut-être que ça peut marcher après tout, l’avenir nous le dira, mais c’est pas comme ça que le problème a été majoritairement abordé jusque là, même si c’est vrai que ça serait intéressant d’essayer de creuser un peu, d’essayer de trouver un pont entre ces deux points de vue là.

Pour en revenir à la situation actuelle, le gouvernement semble avoir opté au moins pour l’instant pour la solution consistant à augmenter l’âge de départ à la retraite. Que pensez-vous de cette solution ?

Une fois que l’on a exclus le recours à la capitalisation, il y a trois possibilités pour le système des retraites. Soit baisser le niveau des retraites, ou du moins le faire croître moins vite que le niveau des salaires, soit augmenter les cotisations, c’est ce dont on vient de parler, soit augmenter l’âge de la retraite. Ce qui s’est passé, c’est qu’en 93, la première réforme qu’il y a eu a quand même beaucoup joué sur le levier du taux de remplacement, donc son effet à long terme serait plutôt de réduire le niveau des retraites par rapport aux salaires. Donc les réformes qui ont suivi ont considéré que c’était un peu difficile d’aller plus loin dans cette direction et sachant que par ailleurs effectivement on se refuse à dire d’entrée de jeu que l’on va augmenter les cotisations, le seul instrument qu’il reste c’est de décaler l’âge de la retraite. Et ce qu’il faut voir là rejoint ce que je disais tout à l’heure sur la nature des problèmes démographiques, c’est que puisqu’on est dans une dynamique où il y a un fort allongement de la durée de vie, on a au moins une marge de manœuvre sur la durée à la retraite, qui peut être activée sans remettre en cause la durée de la retraite. La durée de vie augmente de trois mois par an donc on peut augmenter l’âge de la retraite de deux mois par an et la durée de la retraite augmente quand même d’un mois par an. Donc ça fait quand même un argument assez fort en faveur de cette politique, elle n’est pas si sévère que ça en fait. Ce qui paraît sévère, c’est qu’elle se heurte aux contraintes du marché du travail, c’est-à-dire que dans un monde idéal où il n’y a pas de contrainte d’emploi, les gens seraient peut-être prêts à travailler plus longtemps , mais le problème c’est qu’à la fois l’emploi est rare surtout à un certain âge, et puis du coup comme on avait adopté jusqu’ici ce modèle de la retraite précoce, les entreprises ne s’étaient jamais trop souciées des conditions de travail et de la situation des seniors donc il y a des questions de pénibilité du travail à ces âges qui accroissent quand même l’aspiration à la retraite précoce, malgré l’allongement de la durée de vie.

Sur la question du travail des seniors, un argument qui est parfois avancé contre la réforme est qu’étant donné le taux de chômage des seniors, augmenter l’âge de départ à la retraite revient juste à les mettre au chômage plutôt qu’à la retraite. Qu’en pensez-vous ?

A mon avis c’est une question d’horizon. Il y a ce que l’on appelle l’effet horizon. Il y a des auteurs qui argumentent que tous ces problèmes de chômage que l’on a en fin de carrière se décalent systématiquement en fonction de l’âge auquel on fixe la retraite. Si vous mettez la retraite à 65 ans, vous avez des problèmes de chômage des seniors entre 60 et 65 ans. Si vous mettez la retraite à 60 ans, vous avez les mêmes problèmes entre 55 et 60 ans. Parce qu’il y a toute une partie des comportements sur le marché du travail à ces âges qui découlent non pas tellement de l’âge lui-même mais de la distance à la retraite. Typiquement un employeur ne va pas recruter quelqu’un qui est à trois ans de la retraite, c’est pas la peine de le former, et la personne elle-même n’a aucune envie de faire un effort particulier pour s’investir dans un travail si elle est à trois ans de la retraite. Donc il y a beaucoup de choses qui sont liées à l’horizon. Il y a une idée qui consiste à dire que si on augmente l’âge auquel les gens vont prendre leur retraite, on va décaler, il y aura toujours un stade de difficultés sur le marché du travail à l’approche de la retraite, mais ce stade va se déplacer avec l’âge moyen. La façon de couper la poire en deux c’est de dire que c’est une vision qui est probablement valide à long terme. Et globalement, augmenter l’âge de la retraite, c’est remettre des gens sur le marché du travail. Et de façon générale, quand vous demandez à un économiste si le nombre de gens qu’il y a sur le marché du travail a une incidence sur le taux de chômage, il vous dira que non. C’est pas parce qu’on a une population de 10 millions d’habitants plutôt que 5 millions que son taux chômage va être plus élevé. Donc on voit bien que quelque part, l’offre de travail doit bien finir par créer sa propre demande et qu’un équilibre va s’établir. Ceci dit, après c’est une question de délais, le scénario que l’on peut avoir qui concilie celui des pessimistes et celui des optimistes c’est de dire qu’à long terme si l’âge de la retraite remonte à 65 ans, les problèmes de fin de carrière seront décalés de 5 ans vers le haut, mais ça peut prendre vingt ans à se réaliser, le temps que les employeurs et les employés changent leurs comportements, que la situation des seniors évolue etc.

J’aimerais revenir sur ce que vous avez dit sur la réforme de 93, qui a agi sur le niveau des retraites par rapport aux salaires. Il semble que, dans le cadre des débats sur les retraites, tous les acteurs ne considèrent pas la retraite de la même manière. Pour les uns, la retraite est un salaire continué, et elle doit être indexée sur les salaires, alors que pour les autres, elle correspond à un niveau de vie, et donc doit être indexée sur les prix. Quelle est votre opinion ?

Quand j’ai dit que la réforme de 93, elle a plutôt agi sur le niveau de vie, enfin elle a commencé et elle va continuer à agir plutôt sur le niveau de vie des retraités, c’est justement parce qu’elle a pris ce parti là de dire que l’on va indexer sur les prix. C’est la raison qui fait que la plupart des pays ont évolué comme ça, et la raison qui a poussé à ça, il n’y a pas de raison économique profonde derrière, c’est plutôt le fait que politiquement c’est ce qu’il y a de plus facile à faire. Parce que quand on dit aux gens que désormais leur pension va être indexée sur les prix, finalement ils se résignent en se disant :  « de toute façon, ça va changer les choses pour moi mais pas très longtemps » donc ils ne réagissent pas forcément très fortement. Donc effectivement on a plutôt choisi cette voie là. On a renoncé à une situation historique où les retraités partageaient le fruit de la croissance avec les autres. C’est un peu difficile de revenir en arrière, parce que c’est quand même ça le moyen le plus indolore de limiter la progression des pensions donc renoncer à ce moyen c’est un peu difficile. Mais il y a quand même forcément des aménagements à trouver parce que le problème c’est qu’en plus il y a une durée de la retraite qui s’allonge, ça veut dire quand même que pendant que les salariés voient leurs revenus augmenter, le retraité lui il voit son niveau de vie faire du sur place, donc en termes relatifs, son niveau de vie baisse. La question c’est : jusqu’à quel point ça peut aller ?  Ce qu’on peut avoir par exemple avec ça, c’est des retraités qui démarrent leur retraite légèrement au -dessus du seuil de pauvreté parce qu’ils ont une petite retraite, mais qui est quand même suffisamment conséquente, et puis après si le seuil de pauvreté augmente comme le niveau de vie moyen, ces gens là se font rattraper après par le seuil de pauvreté. Alors en l’occurrence il y a le filet de sécurité du minimum vieillesse qui les maintiendra juste au-dessus ou à proximité, mais c’est quand même pas glorieux de finir sa retraite au minimum vieillesse quand on l’a commencée au-dessus. Et donc il y a effectivement un vrai sujet de savoir si avec toutes ces réformes on risque pas de voir réapparaître demain une pauvreté significative parmi les seniors. C’est un phénomène qui avait quand même largement disparu. Dans les années 50 quand on parlait des pauvres, c’était le troisième âge et maintenant les pauvres c’est plutôt les jeunes.

Vous avez mentionné tout à l’heure en lien avec le travail des seniors la notion de la pénibilité. Cet élément semble jouer un rôle très important dans la contestation de la réforme actuelle en cristallisant les mécontentements. Est-ce-que vous pensez qu’il est réellement central dans le débat sur les retraites ou que c’est un problème annexe ?

Cela rejoint un peu votre question sur l’équité et la dimension inter-générationnelle, il y a une question que l’on n’a pas solutionnée en matière de retraite, c’est la différence d’espérance de vie, et si on l’a pas fait c’est parce que d’une part il y a une réticence un peu paradoxale des partenaires sociaux à introduire ce genre de considérations dans la gestion de la retraite parce que si on commence à dire qu’on va donner des retraites différentes, on va faire cotiser les gens plus ou moins selon qu’ils ont une espérance de vie plus longue, et après on met le doigt dans un engrenage. Donc on s’est accommodés d’un système comme ça qui est un peu pénalisant pour les gens à durée de vie courte et jusque là c’était bien supporté parce qu’on était quand même dans une dynamique où le système s’améliorait donc même si le système était un peu inéquitable de ce point de vue là, comme on était dans une dynamique positive les gens supportaient. Mais à partir du moment où on recommence à durcir le système, forcément les gens qui auront des durées de vie courtes, des conditions de travail difficiles etc, sentent que ces contraintes pèsent plus fortement sur eux que sur les autres en termes relatifs, et donc forcément ils réagissent négativement. Donc c’est un peu là-dessus que s’est cristallisée la contestation de la réforme de 2010, et les gens qui justifient qu’ils veulent continuer à partir à la retraite à 60 ans parce qu’ils avaient commencé à travailler de bonne heure et qu’ils n’étaient finalement pas trop affectés par les réformes récentes et puis tout à coup on leur dit que ça sera 62. Alors qu’au contraire les gens qui avaient été davantage touchés par les réformes précédentes parce que c’est des gens qui ont commencé à travailler tard donc 40 ans de cotisations ça les oblige à partir à 63 ou 64, pour ces gens là la réforme elle ne change rien. Donc on a été taper sur un segment de la population qui est plus vulnérable et c’est pourquoi cette question est fortement revenue, davantage que les fois précédentes. Dans ces argumentaires où on dit qu’on va augmenter la durée de cotisation et l’âge minimum parce que l’espérance de vie augmente, le raisonnement implicite c’est de dire que la nature nous offre des années supplémentaires, et au lieu de dire comme on l’a fait jusque là que ça va intégralement profiter à la retraite, ça va profiter en partie à la période d’activité et puis le reste c’est pour la retraite. Mais si on rentre dans cette logique et si on dit que les années supplémentaires il faut les répartir à peu près proportionnellement entre l’activité et la retraite, est-ce-que du coup il ne faut pas avoir le même raisonnement pour les années supplémentaires que nous apporte le fait d’être cadre par rapport au fait d’être ouvrier ? Donc c’est une question que l’on a étudiée jusque là mais ce n’est pas normal qu’elle se pose avec plus de difficulté quand on commence à durcir les règles.

En ce qui concerne l’âge de départ à la retraite et la façon dont il est perçu par les gens, on entend souvent justifier les positions du gouvernement par des comparaisons avec d’autres pays d’Europe. Que pensez-vous de l’utilisation qui est faite de la comparaison internationale dans le débat en France ?

Ça me paraît un peu compliqué parce qu’on l’a bien vu sur les sujets de l’âge de la retraite, il y a 36 façons de mesurer les choses, il n’y a pas un âge de la retraite de toute manière en général, d’un pays à un autre il y a toujours un âge minimum, un âge pivot, un âge maximum, etc, donc parfois on a des comparaisons un peu fallacieuses qui prennent l’âge minimum dans le cas de la France et l’âge maximum dans le cas de l’Allemagne donc d’un côté c’est 60 ans et de l’autre c’est 67. En principe, c’est aussi une des fonctions du Conseil d’Orientation des Retraites, essayer d’éviter, au moins entre les gens qui sont vraiment impliqués dans les discussions, ce genre de simplifications rapides. Et puis il y a en plus le fait qu’effectivement l’âge légal de la retraite c’est une chose mais après il y a la pratique et tout un tas de dispositifs dérogatoires, dans la plupart des pays il y a toujours des façons de partir plus tôt que l’âge officiellement affiché par le système de retraite principal donc déjà au niveau des chiffres dans la comparaison, il faut quand même la faire de façon rigoureuse. Et puis après effectivement on peut largement dire : pourquoi forcément se référer à tel autre modèle ? D’une part, ce que font les autres n’est pas forcément une bonne chose, et puis on peut imaginer qu’un pays ait une préférence particulière en matière d’organisation sociale, modèle que l’on n’est pas forcément obligés d’importer. Mais enfin quand même, c’est vrai qu’il y a en France un problème de retraite précoce plus marqué qu’ailleurs et donc ça suggère qu’on a une petite marge que l’on peut se permettre d’exploiter. Si on augmente l’âge de la retraite à des niveaux qu’on a dans certains autres pays, ces pays ne sont pas excessivement malheureux non plus, donc la comparaison internationale peut quand même aider à relativiser une certaine idée qui circule. Je prends l’exemple de la santé, par exemple. Effectivement il y a beaucoup de discours sur la pénibilité, en même temps quand on compare d’un pays à l’autre, l’état de santé des français ne justifie pas vraiment qu’ils partent en retraite deux à trois ans plus tôt que ce qu’on observe dans les autres pays.

Dernière question : êtes-vous plutôt optimiste ou pessimiste par rapport à la situation du système de retraite en France ?

Le problème en matière de retraites c’est la polarisation des débats qui est favorisé souvent par les média ou telle ou telle prise de position. Vous avez d’un côté des gens qui disent : « il n’y a pas de problème, circulez, il n’y a rien à voir » et puis de l’autre côté on entend très régulièrement : « on va dans le mur ». Je ne suis ni d’un côté ni de l’autre de ces deux façons de voir les choses. Ce qui est en question, c’est pas le système de retraite. Ce qu’il nous reste à financer à l’horizon 2040 c’est 3 ou 4 points de PIB au maximum donc soit ça peut se trouver, soit on peut éviter d’avoir à les trouver avec des réformes raisonnables sur les taux de remplacement et sur l’âge de la retraite. Donc il n’y a pas d’impossibilité radicale dans ce domaine. Ce qui me rend un peu optimiste c’est que le débat a beaucoup évolué depuis le début des années 90, il y a quand même beaucoup plus de maturité. Donc je suis à mi-chemin entre optimisme et pessimisme. Ce qui est particulièrement compliqué dans le cas français, et là je ne sais pas s’il faut être optimiste ou pessimiste, mais ce qui complique quand même la mise en place des réformes c’est que le système est extrêmement complexe. Donc ça devient de plus en plus difficile, quand on bouge un paramètre on ne sait jamais quel effet ça va avoir parce qu’il y a des interactions avec d’autre paramètres etc. Donc c’est devenu de plus en plus compliqué à piloter. Alors effectivement par rapport à tout ça il y aurait une option qui serait la grande remise à plat et le passage à un système beaucoup plus simple et beaucoup plus lisible, c’est notamment l’argument qui sous-tendait la proposition de passer au fameux comptes notionnels à la suédoise, ce qui est un système relativement intéressant. Mais d’une part, il ne résout pas tous les problèmes quand même et puis de toute manière l’équation globale du système de retraite elle est la même quelle que soit la façon dont fonctionne le système. Donc ce n’est pas une façon d’éviter le coût du vieillissement. La solution est intéressante, le seul problème c’est que le système est complexe parce qu’il y a certaines catégories qui y gagnent, d’autres qui y gagnent moins, donc passer à un système plus harmonisé ça oblige à remettre en cause les avantages acquis par certaines catégories par rapport à d’autres. Même quand ça ne remet pas en cause les avantages acquis, il y a forcément de la suspicion, c’est-à-dire que les gens savent ce qu’ils ont actuellement mais ils ne savent pas ce qu’ils auront sous le nouveau système. Donc c’est un facteur d’immobilisme ça. Donc je suis un peu dans l’expectative sur le fait de savoir si on va arriver à rendre ce système un peu plus simple.

Vincent Chriqui, conseiller régional UMP de l’Isère, membre du COR

voir la transcription de l'interview de Vincent Chriqui>> »

Que pensez-vous de l’actuelle réforme des retraites en ce qui concerne l’allongement de la durée de cotisation ?

J’y suis favorable. Sur ce point il n’y a pas grand chose d’autre à dire que ce qui est connu. La durée de vie s’allonge. La seule manière de maintenir l’équilibre des régimes est de diminuer les pensions, ce que personne ne veut, ou d’augmenter les prélèvements, ce qui est difficile à envisager, ou encore d’augmenter le temps de travail, et c’est assez cohérent avec l’allongement de la durée de vie.

Cependant, un argument avancé contre cette réforme est que l’allongement de la durée de vie n’impose pas d’augmenter le temps de travail pour financer les retraites, étant donnés notamment les gains de productivité. Quelle est votre opinion sur ce point ?

C’est faux. On fait des projections d’équilibre des régimes des retraites qui tiennent compte des gains attendus, c’est-à-dire de la croissance attendue et des gains de productivité, et qui montrent que, sans réforme, les régimes sont déficitaires, ce qui est assez logique, car quand vous partez à la retraite, votre retraite est égale à votre ancien salaire. S’il y a des gains de productivité, ils se traduisent dans les salaires, donc effectivement on a plus de contributions, mais on a plus de contributions pour payer des pensions qui sont elles-mêmes plus élevées.

Vous dites que la réforme se justifie notamment du fait de l’allongement de la durée de vie. Néanmoins, un des arguments avancés par les opposants à la réforme est que cet allongement n’est pas le même pour toutes les professions, par conséquent ils souhaiteraient prendre en compte ces différences ainsi que tenir compte de la pénibilité. Qu’en pensez-vous ?

La question de savoir s’il faut ou non prendre en compte la pénibilité est assez indépendante de la question de l’allongement de la durée de cotisation. C’est même à la limite contradictoire, c’est-à-dire que si l’on pense qu’il faut prendre en compte la pénibilité, il faut faire encore plus d’efforts de manière générale sur les régimes pour pouvoir financer d’éventuelles mesures en faveur de la pénibilité. Après, tout le monde est d’accord sur le fait qu’il faut prendre en compte dans une certaine mesure la pénibilité mais c’est quelque chose qui est très difficile à définir. Le projet de loi a trouvé une solution, qui vaut ce qu’elle vaut, qui est de tenir compte des personnes qui ont un certain niveau de handicap lié à leur travail. C’est une solution. Pour aller plus loin il faudrait définir ce qu’est un métier pénible, ce qui est très subjectif et très difficile à faire.

En lien avec la pénibilité, la réforme est également critiquée car elle ne prendrait pas assez en compte l’emploi des seniors, ou parce que l’augmentation de la durée de cotisation reviendrait seulement à mettre une partie des seniors au chômage plutôt qu’à la retraite. Qu’en pensez-vous ?

Il s’agit effectivement de prendre des mesures en faveur de l’emploi des seniors, c’est une politique constante. Après, l’expérience montre que non, ça ne marche pas comme ça, la quantité d’emplois dans l’économie n’est pas fixe. Donc ce n’est pas parce que l’on allonge la durée de cotisation que les seniors seront forcément au chômage. Les gens vont travailler plus longtemps, ils vont consommer plus, ils vont produire,  ils vont faire marcher l’économie, et à partir du moment où l’économie est plus grande, il y a plus de potentialités d’emplois, c’est comme ça que ça marche

Pensez-vous que cette réforme sera efficace ?

Oui, elle sera certainement efficace : quand on allonge la durée de cotisation, on améliore la somme des régimes, c’est mécanique.

Sera-t-elle suffisante ?

J’ai dit que la réforme serait efficace, je n’ai pas dit suffisante. Les projections montrent que cela ne sera pas suffisant si on se place à un assez long terme, mais cela aussi c’est logique, on décide un allongement de x années, cela veut dire qu’au bout d’un certain temps, quand la durée de vie va rattraper et dépasser ce qui était prévu, une autre réforme sera nécessaire. C’est l’idée qui était d’ailleurs développée en 2003, l’idée d’une réforme continue. Il n’y a pas de réforme définitive, mais au fur et à mesure que le temps passe et que les perspectives des régimes évoluent, on continue à réformer.

La position adoptée par le gouvernement consiste à conserver le système tel qu’il est en modifiant les paramètres du système des retraites. Certains experts comme Didier Blanchet seraient plutôt favorables à une transformation du système, en introduisant par exemple une part de retraite par capitalisation. Qu’en  pensez-vous ?

Je ne pense pas qu’une retraite par capitalisation apporte vraiment une solution, et puis c’est difficile de faire la transition, car au moment où vous passez d’une retraite par répartition à une retraite par capitalisation vous avez une génération qui paie les deux fois, pour la génération à la retraite et pour elle-même en épargnant pour sa retraite, donc c’est compliqué à réaliser. Après c’est vrai que quand on parle de réforme systémique, qui remette en cause le système de retraite, on pense plus à des réformes qui visent à instaurer des systèmes de type régimes à points, où les retraites sont directement proportionnelles à ce que vous avez cotisé. Cela peut s’envisager mais c’est un changement très profond qui est compliqué à mettre en œuvre.

Selon vous, la mise en œuvre de ce type de changement et de manière plus générale de réformes sur les retraites est avant tout une question de faisabilité politique ? Par exemple est-ce le cas pour la réforme actuelle ?

Cette réforme est ce qu’on pouvait faire de mieux au moment où on l’a faite. Cela ne veut pas dire qu’un peu plus tard, après les prochaines élections présidentielles, on ne pourra pas envisager une réforme plus radicale.

J’ai pu lire que vous étiez personnellement très en faveur d’un système qui laisse plus de choix en termes de retraite. Pourriez-vous s’il vous plaît expliquer votre opinion sur ce point ?

Je pense qu’il est très important d’avoir des éléments de choix pour que chacun puisse choisir les conditions de sa retraite. Quand vous instaurez plus de choix, il n’y a pas des gagnants et des perdants. Il y a des gagnants et des perdants si vous dites que les gens qui font plus de 1,70m doivent avoir des retraites plus élevées pour que les autres en aient des plus faibles. Si vous mettez du choix en disant que les gens peuvent décider de partir plus tard en ayant une retraite plus élevée, ou de partir plus tôt en ayant une retraite plus faible par exemple, il n’y a pas des gagnants et des perdants. Ce qui partent plus tard à la retraite sont gagnants en termes de retraites mais ils sont perdants en termes de durée de cotisation et vice-versa. Chacun fait ses choix.

Au vu des évolutions démographiques, certains spécialistes considèrent que le système des retraites actuel revêt une certaine forme d’injustice car il favorise certaines générations par rapport à d’autres. Qu’en pensez-vous ?

Il semble bizarre de poser le problème comme ça. S’il y a effectivement une génération, celle du baby boom, qui a plutôt profité du système par répartition car ils ont une retraite importante et ont eu des salaires croissants, mais enfin voilà, c’est comme ça. Le principe du système de retraites par répartition est que les générations qui sont actuellement actives doivent payer les retraites des générations qui sont inactives. S’il y a beaucoup de retraités, cela fait effectivement peser une charge plus lourde sur les générations actives. Mais c’est comme ça, il n’y a pas des gentils et des méchants, c’est de la démographie pure.

Dans le débat sur les retraites, il semble que tout le monde n’ait pas la même conception de la retraite. Pour les uns il s’agit d’un salaire continué, et elle doit donc être indexée sur les salaires, tandis que pour les autres elle correspond à un niveau de vie et doit être indexée sur les prix. Qu’en pensez-vous ?

Cette question a été tranchée il y a pas mal de temps avec la réforme Balladur. Elle évolue comme les prix, simplement parce qu’on n’a pas des moyens illimités, et c’est pas absurde de dire que les gens, une fois que leur retraite est liquidée, doivent pouvoir avoir un pouvoir d’achat qui est stabilisé d’où l’évolution en fonction des prix.

Quelle est votre opinion sur l’utilisation dans le débat de la comparaison internationale ?

Je pense que le plus grand risque est de ne pas regarder ce qui se passe à côté quand on traite un sujet important comme celui-là.

Dans le débat, y a-t-il des courants d’opinion dont vous vous sentez proches ou au contraire auxquels vous vous opposez ?

Non, j’essaie simplement de me définir sur la base de ce qui est dit. Je vous ai expliqué quelle est ma position et pourquoi je la tiens.

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