Introduction
En 1998, dans une série d’articles publiés dans Le Figaro et titrée La crise mondiale d’aujourd’hui, le prix Nobel d’économie Maurice Allais tirait les leçons de la crise financière asiatique : « L’économie mondiale tout entière repose aujourd’hui sur de gigantesques pyramides de dettes, prenant appui les unes sur les autres dans un équilibre fragile. Jamais dans le passé une pareille accumulation de promesses de payer ne s’était constatée. Jamais sans doute il n’est devenu plus difficile d’y faire face. Jamais sans doute une telle instabilité potentielle n’était apparue avec une telle menace d’un effondrement général. » Jamais, sauf en période de Guerre Mondiale, la dette publique des grands pays de l’Occident n’a été aussi élevée. Jamais les dangers qu’elle fait peser sur la démocratie n’ont été aussi graves. La crise de la dette dans la zone euro marque ainsi certainement la plus importante crise que l’Union Européenne ait connue à ce jour. Elle a engendré une augmentation de la pauvreté et une détérioration des conditions sanitaires dans des pays tels que le Portugal et même failli causer la sortie de l’Union Européenne de la Grèce, dont les taux d’intérêts avaient dépassé la raison (ils étaient autour de 35 % début 2012, quand le taux à partir duquel on considère généralement que la limite maximale soutenable a été franchie est de 7 %). Les conséquences du remboursement de cette dette publique devenue incontrôlable ont alors remis à jour le débat sur la dette publique. Ce nouvel état du débat a été confirmé par la récente campagne électorale du parti grec Syriza, qui proposait de ne pas rembourser une partie de la dette publique du pays : il ne s’agit plus uniquement de savoir s’il faut réduire la dette publique, il s’agit de questionner son remboursement-même.
Il faut pour cela définir avant toute chose l’objet sur lequel nous travaillons, et les mécanismes qui permettent de le contrôler. Or la définition-même de l’objet dette publique ne fait pas consensus, et différentes définitions sont utilisées suivant les institutions. Quels sont alors les périmètres possibles de la dette publique et comment les différents acteurs harmonisent-ils leurs données au sein de cette multitude de frontières ? Quels sont les rouages de la dette publique d’un État ?
Que font ensuite les différents acteurs de cette publique ? Un État peut-il légitimement justifier des politiques d’austérité dévastatrices par l’argument d’une réduction nécessaire des dépenses publiques ? Bref, qui pilote la dette publique d’un État, comment s’y prend-il et quelles peuvent être les conséquences de ses actes ?