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Principaux acteurs impliqués dans le débat

Les compagnies d'assurance proposant des programmes d'assurance comportementale

Actuellement, dans le secteur automobile, seulement trois compagnies d'assurance proposent une tarification selon le comportement de leurs clients.

Axa est groupe français spécialisé dans l'assurance depuis sa création. Via Direct Assurance, Axa a proposé début 2015 la première offre d'assurance "Pay how you drive" : "YouDrive". Celle-ci est destinée aux conducteurs ayant moins de 7 ans de permis ou à ceux souscrivant une première assurance automobile. Une box est installée dans la voiture et collecte les données relatives à la conduite : accélération, freinage, vitesse, ... qui sont ensuite synthétisées en score de conduite. Ce dernier impacte alors directement le montant de la facture du mois suivant. Selon Godefroy de Colombe, président-directeur général de Direct Assurance :

"Outre la dimension économique particulièrement attractive de YouDrive auprès des assurés, nous avons la conviction qu'il est possible de réduire significativement le taux d'accidents chez les jeunes conducteurs grâce à une meilleure prise de conscience de chacun sur la qualité de sa conduite."

Godefroy de Colombe [0]

Allianz, premier assureur européen dont le siège se trouve en Allemagne, mais également actif en France et en Italie, a mis en place en octobre 2015 le programme "Allianz Conduite connectée". Un boitier est placé dans la voiture de l'assuré et collecte des informations sur la conduite : accélération, freinage, tenue de route, ... mais ne dispose d'aucun système de gps, les déplacements ne sont pas tracés. Les données sont ensuite restituées dans l'application, et selon sa conduite, l'assuré peut percevoir des réductions sur son assurance auto. Aucune pénalité ne peut être appliquée. Contrairement à l'offre d'Axa, ce programme s'étend à tous les conducteurs. Un an après le lancement du programme, 16000 contrats ont été souscrits et il y a plus de 500 nouveaux clients par semaine, d'après Delphine Asseraf, directrice digital d'Allianz France.

Groupama est un groupe mutualiste d'assurance et de banque généraliste présente dans 11 pays, et possède notamment la filiale Amaguiz qui a lancé début 2016 le programme "Amaguiz Road Coach", dont le principe est très similaire à "YouDrive" et "Allianz Conduite connectée", mais insiste davantage sur l'éco-conduite.

Déjà bien implanté dans d'autres pays comme les Etats-Unis, le Royaume-Uni ou l'Italie, le "Pay how you drive" a un peu plus de mal à trouver sa place en France. En effet, d'après le sondage Hyperassur de novembre 2015 :

"57,2% des personnes interrogées préfèrent continuer à payer le même prix mais rester libres dans leur conduite."

Site web d'hyperassur[1]

Mais les premières analyses des résultats sont tout de même très positives.

"C'est un peu tôt pour mesurer l'impact sur les sinistres ou sur le business mais nous avons incontestablement constaté une amélioration des notes de conduite et des comportements des utilisateurs de l'application."

Patrick Leveillard, directeur technique des particuliers d'Allianz France, [2]

Pour Anne-Gaëlle Moisy, responsable de Youdrive :

"Aujourd'hui, les premiers signaux sont positifs sur la diminution des risques et les notes de conduite progressent au fur et à mesure."

Anne-Gaëlle Moisy[2]

Dans le domaine de l'assurance santé, Generali est une importante compagnie d'assurance italienne, précurseur de l'assurance comportementale dans la santé. Déjà lancé depuis le 1er juillet 2016 en Allemagne, c'est depuis le 1er janvier 2017 que le programme "Vitality" a débuté en France. Celui-ci a été "proposé gratuitement aux 134 000 entreprises ayant souscrit un contrat santé et/ou prévoyance collectif chez Generali France, sans aucune obligation de l'actionner". Les salariés qui le souhaitent peuvent donner des informations sur leur état de santé et reçoivent en fonction de cela des objectifs personnalisés. Lorsque ces derniers sont atteints, les salariés perçoivent des "points" qui leur permettent d'obtenir entre autre des bons de réduction chez les partenaires de Generali.
Pour Stephane Dedeyan, directeur général de Generali France :

"les assureurs ont un rôle essentiel à jouer en matière de prévention. Nous ne devons pas simplement être présents en cas de sinistres. Avec Generali Vitality, nous proposons un programme permettant à nos clients d'être acteurs de leur bien-être."

Stephane Dedeyan[3]

Cependant, William Sehil, chargé de communication chez Generali France, assure que Vitality n'est pas de l'assurance comportementale. Il s'agit simplement d'un service rendu au client, il n'y a pas de modification tarifaire en fonction des résultats obtenus. William Sehil annonce que le programme est cependant victime d'amalgames. En effet, nombreux médecins ainsi que la presse présentent bien "Vitality" comme un programme d'assurance comportementale.

Le monde médical

Nombreux médecins ou professionnels de la santé prennent également part au débat de l'assurance comportementale, et principalement sur la question du secret médical. En effet, le fait que les assureurs aient accès à des informations médicales concernant leurs clients remet en question le secret médical. Le décret du 22 du juillet 2016[4] élargit l'accès au dossier médical d'un patient à des professionnels autre que les médecins. Le secret médical n'en sera pas pour autant menacé selon le docteur Jean-Marie Faroudja, président de la section éthique et déontologie du Conseil National de l'Ordre des Médecins (CNOM) depuis juin 2013. Le médecin [QUOTE]"peut échanger et non pas doit échanger" des informations qu'il considère utiles à savoir, d'après le docteur Jean-Marie Faroudja. [QUOTE]"C'est tout d'abord l'intérêt du patient qui prime dans ce décret", et celui-ci est toujours informé des informations à son propos qui sont échangées. Au contraire, pour le docteur Didier Le Vaguerès, président de la Fédération des médecins de France de l'Essonne, le secret médical est réellement compromis suite à ce décret :

"Ne soyons pas naïfs, c'est le début de la fin du secret médical, dont ne vont pas manquer de profiter les payeurs que sont les complémentaires santé."

Didier Le Vaguerès[5]

Ce qui peut constituer selon lui une réelle menace pour le patient. En effet, c'est un problème minimisé, qui peut s'avérer avoir de lourdes conséquences :

"Le secret médical, ça ne sert à rien, jusqu'au jour où..."

Didier Le Vaguerès[5]

Les médecins interviennent également dans l'aspect éthique et égalitaire du débat. En effet, le docteur Didier Le Vaguerès met au cause le fait que l'assurance comportementale ne profite réellement à tous. Selon lui, seules les populations les plus riches pourront en profiter, et cela ne fera que creuser les inégalités sociales.

"L'assurance comportementale ne bénéficie qu'à ceux qui n'en ont pas besoin. C'est un débat inutile."

Didier Le Vaguerès[5]

Les mutuelles

Les organismes de mutuelles sont parmi les acteurs principaux du débat de l'assurance comportementale, et s'avèrent généralement très critiques. Président de la Fédération Nationale de la Mutualité Française (FNMF), organisme regroupant 426 mutuelles santé, Thierry Beaudet explique les raisons de l'opposition des mutuelles à l'assurance santé comportementale, ainsi qu'au programme proposé par Generali. Il considère que l'offre Vitality, annoncée début septembre 2016 par Generali France, pose de "légitimes interrogations". A première vue, la compagnie d'assurance cherche simplement à récompenser les assurés qui adoptent un mode de vie sain.

"Cette offre est présentée comme un dispositif de prévention", explique-t-il.

Dès lors, ajoute le président de la FNMF :

"conduire sa santé comme une automobile mériterait un bonus". Selon lui, cette approche est critiquable."
"La santé relève de nombreux déterminants génétiques, sociaux, environnementaux qui influencent le comportement de chacun. Gérer le risque santé est donc d'une toute autre nature que la plupart des autres risques pour lesquels des liens de causalité peuvent être clairement définis"

Il affirme que :

"Les assureurs santé doivent s'imposer des limites"

Thierry Beaudet[6]

Acteurs institutionnels

Professeur honoraire au CNAM (Conservation National des Arts et Métiers), François Ewald est également membre du CORA (Comité d'Orientation et de Réflexion de l'Assurance). Conscient que l'idée de l'assurance comportementale puisse effrayer, il met en avant les bienfaits pour le client d'un tel programme. Au-delà de l'aspect économique, c'est une autre relation, plus personnelle, entre le client et son assureur qui s'installerait.

"Procéder ainsi, ce n’est pas seulement pouvoir mieux tarifer un contrat, c’est modifier la relation avec le client"

François Ewald[7]

La CNIL (Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés), autorité chargée de veiller à la protection des données personnelles, en aidant professionnels et particuliers à maitriser leurs données et faire valoir leurs droits, a également une place dans cette controverse. Elle s'est intéressée au "Pay how you drive" proposé par certaines compagnies d'assurance. Rejetant d'abord ce programme en 2005 ne respectant pas les conditions de confidentialité, la CNIL a ensuite réalisé des recommandations sur les dispositifs de géolocalisation, système de repérage par satellite à bord des véhicules, proposés aux conducteurs par les assureurs et les constructeurs automobiles dès 2010. Elle se dit toujours "vigilante pour que le traçage n’évolue pas vers un traitement d’exclusion du fait du profilage des conducteurs." En janvier 2014, a CNIL a assoupli ses règles concernant l’accès aux données personnelles des assurés, ce qui a enlevé les freins juridiques au "Pay how you drive". En effet, tous les organismes assureurs peuvent désormais accéder aux données personnelles de leurs assurés lorsqu'il s'agit d'un besoin d'informations en matière d'assurance de personnes et d'automobiles.

Le Gouvernement s'intéresse également à cette question-là. Le 7 octobre 2016, la loi pour une République numérique[8] est passée et aura, selon Axelle Lemaire, femme politique et juriste franco-canadienne, membre du Parti Socialiste, secrétaire d'Etat chargée du numérique depuis le 9 avril 2014, un impact sur la transition numérique des assureurs, notamment en favorisant l'ouverture et la circulation des données, tout en respectant le respect de la vie privée :

"L’objectif est avant tout d’amplifier et de faciliter la transition numérique des grands assureurs traditionnels, en levant un certain nombre d’obligations de recourir au papier dans le cadre de l’information contractuelle et de la signature des contrats."

Axelle Lemaire[9]

Axelle Lemaire est d'ailleurs favorable à une coopération entre "assureurs traditionnels et des start-ups innovantes spécialisées dans ces technologies".


Références :

[0] Le site d'AXA, consulté en juin 2017.
[1] Le site d'hyperassur, consulté en juin 2017.
[2] Fredouelle Aude (26 avril 2016). Pay how you drive : les assureurs accélèrent en France. Journaldunet.com
[3] (6 septembre 2016), Le programme Generali Vitality lancé en France. presse.generali.fr/
[4] (20 juillet 2016) Décret n° 2016-994 du 20 juillet 2016 relatif aux conditions d'échange et de partage d'informations entre professionnels de santé et autres professionnels des champs social et médico-social et à l'accès aux informations de santé à caractère personne. legifrance.gouv.fr.
[5] Le Vaguerès Didier - président de la Fédération des médecins de France de l'Essonne.
Entretien réalisé le 10 mai 2017 à Paris.

[6] (26 septembre 2016). Assurance santé comportementale : l’opposition de Thierry Beaudet. mutualite.fr
[7] (6 mai 2014). Ce que le numérique va changer aux assurances rslnmag.fr
[8] (7 octobre 2016) LOI n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique. legifrance.gouv.fr.
[9] (22 septembre 2016) Axelle Lemaire : « L'objectif est d'amplifier la transition numérique des grands assureurs traditionnels ». Argusdelassurance.com.