Le glyphosate s’est avant tout fait connaître du grand public suite aux accusations de certains acteurs quant à sa dangerosité pour les hommes. Cependant, l’origine de cette mise en cause réside entièrement dans des études menées sur des êtres vivants. Aujourd’hui, ces réflexions ont été élargies à l’ensemble de l’environnement et certaines études se concentrent exclusivement sur l’écotoxicité du glyphosate.
Aujourd’hui encore, les données disponibles sur la présence du glyphosate au sein de l’environnement inerte sont relativement peu nombreuses, en partie car de telles analyses ont souvent été longues et difficiles. Cependant, la raison majeure est avant tout pratique et a trait à la réglementation. Selon Stéphane Foucart, journaliste au Monde, « les risques environnementaux sont bien plus grands ; si on n’en parle pas aujourd’hui, c’est pour une simple question de réglementation. Pour interdire un pesticide, il faut qu’il soit classé Cancérogène, Mutagène, Reprotoxique (CMR). On ne peut pas complètement le retirer du marché parce que le règlement est un petit peu étonnant, mais en tout cas on ne peut pas l’autoriser ». De ce point de vue, l’intérêt de ces analyses apparaît en réalité limité. Aujourd’hui, il n’existe pas de règlement européen qui, de manière automatique, permette de retirer un produit du marché ou ne pas autoriser une molécule si elle est nocive pour l’environnement d’une manière ou d’une autre. Tout cela reste suspendu à une évaluation du risque de commissions spécialement mandatées.
Certaines études ont tout de même été effectuées et quelques conclusions peuvent être tirées des rapports scientifiques publiés.
Contrairement aux études menées sur la flore ou l’environnement inerte (sols, eau), celles mettant en jeu des êtres vivants sont relativement nombreuses. Ces dernières sont en effet réutilisées comme base de réflexion pour le cas de l’Homme – sur lequel on ne peut évidemment pas effectuer de telles expériences. L’ensemble des études dont nous avons pris connaissance fait état de conséquences visibles sur la faune en présence de glyphosate. Ces conséquences peuvent être de plusieurs types : biologiques, comportementales, psychologiques, …
Des chercheurs ont par exemple étudié les effets d’herbicides à base de glyphosate sur des rats mâles. L’étude arrive à la conclusion que qu'un traitement postnatal à base d’injections de glyphosate a des conséquences mesurables. Ces effets perturbateurs dans la glande mammaire masculine altèrent le développement normal du rat.[1]
D’autres études ont également permis de mettre en évidence une modification comportementale due à la présence de glyphosate. L’une d’elle[2] a été conduite sur une population de têtards dans un environnement similaire à leur habitat naturel. 3 milieux aux concentrations nulle, faible et moyenne en glyphosate ont été reproduits. La conclusion majeure stipule que les têtards au contact du glyphosate ont tendance à se comporter davantage comme s’ils étaient en présence de prédateurs.
Enfin, le caractère cancérigène du glyphosate sur certains animaux est décrété par certaines études. Cet aspect est relié au caractère cancérigène chez les humains, développé plus longuement dans la partie Santé.
Comme présenté précédemment, les effets du glyphosate sur la faune font peu débat. En revanche, son évolution dans le sol et sa dégradation laissent place à une opposition plus nette.
D’un côté, plusieurs études scientifiques, comme celle publiée fin 2017 par deux chercheurs de l’Université de Sydney[3], démontrent que dans certaines conditions (faible activité bactérienne, faible présence de carbone, pH non neutre) ou en fonction de la composition des sols (faible ou grande capacité d’adsorption), le glyphosate peut avoir tendance à s’accumuler.
Par ailleurs, d’autres conditions ne permettent qu’une première étape de la dégradation, formant ainsi de l’AMPA, molécule toxique moins bien dégradée par des bactéries que le glyphosate. Cette accumulation fait l’objet de dénonciations.
Cependant, un rapport[4] publié par la plateforme Glyphosate France vient appuyer la thèse de la non-accumulation du glyphosate et de l’AMPA dans les sols. Ce rapport estime que la biodégradation du glyphosate se fait entièrement et sans laisser de traces, bien que cela puisse demander du temps – parfois plusieurs mois ou années. D’autre part, la plateforme réagit sur le fait que le glyphosate ne soit pas qualifié de « facilement biodégradable ». Cette appellation, qui ne prend en compte qu’une donnée temporelle, serait trompeuse : certes, lors des tests, le niveau de dégradation du glyphosate n’atteint que 2% après 28 jours. Seulement, dans la plupart des conditions, plus de 90% de la quantité initiale de glyphosate a été dégradée après 6 mois[5].
En ce qui concerne l’AMPA, la plateforme se défend en faisant appel à deux arguments. D’une part, ce métabolite n’est pas « pertinent » au sens réglementaire puisqu’il n’a pas d’activité herbicide. D’autre part, Glyphosate France regrette que le glyphosate soit la seule molécule formatrice d’AMPA pointée du doigt : certains détergents industriels ou domestiques peuvent également conduire à sa formation.
L’opposition entre deux visions est ici bien plus visible. Il en est de même pour le problème de l’eau ci-dessous.
Le glyphosate peut entrer en contact avec de l’eau de plusieurs façons. Généralement, cette pollution est due à un ruissellement direct des zones d’épandage vers des eaux superficielles (point d’eau, ruisseau, rivière, lac, …). Une pénétration progressive dans le sol jusqu’à arriver dans une nappe phréatique demeure rare car la substance se propage difficilement dans les sols. Glyphosate France assure qu’entre 2007 et 2011, seule 1 analyse sur 117 rendait compte d’une concentration supérieure au seuil réglementaire de 0,1 microgramme par litre dans les eaux souterraines.
Pourtant, dans son rapport de 2010 ayant pour objectif de mesure l’exposition de la population générale aux résidus de pesticides en France, l’ANSES estime que « le glyphosate est le principal responsable du déclassement de la qualité des eaux (dans près de 60 % des cas pour les eaux de surface) ».
Parallèlement, une étude menée en 2015 par le Service de l’Observation et des Statistiques (SOeS) classe le glyphosate en deuxième position des pesticides les plus présents dans les cours d’eau français depuis 2009[6]. L’AMPA – le métabolite issu de la dégradation du glyphosate et de détergents – occupe la tête du classement, bien que ce ne soit pas un pesticide à proprement parler. Cette contamination des cours d’eau n’a pas de frontières : dans une étude menée en 2014 au Mexique[7], une équipe de chercheurs a ainsi détecté la présence de glyphosate sur 23 points géographiques différents, y compris des zones naturelles protégées.
Ces mesures posent également la question de la présence – ou non – dans l’eau potable. Heureusement pour les consommateurs, les quantités de glyphosate et d’AMPA mesurées dans l’eau du robinet sont inférieures à la norme réglementaire. « Aucun de nos travaux ne met en évidence, sur la base des connaissances disponibles à ce jour, de danger et d’occurrence de risque pour le consommateur » rassure l’ANSES (flécher vers la page acteurs). En effet, de nombreuses techniques existent pour les éliminer lors des phases de traitement, comme la chloration ou encore l’utilisation d’ultraviolets en présence d’eau oxygénée.
Pour prévenir de telles mesures, les industriels fournissent quelques consignes à respecter. Il est notamment demandé aux agriculteurs de limiter le ruissellement ou de mettre en place une zone enherbée entre un champ traité et un cours d’eau (afin de former une barrière). Si leur impact ne peut être que positif, certains opposants les trouvent tout de même bien trop faibles et inefficaces.
De même que les antibiotiques chez les humains, l’utilisation répétée du glyphosate amène certaines mauvaises herbes à développer des capacités de résistance au glyphosate. En avril 2014, 28 espèce de mauvaises herbes résistantes au glyphosate avaient été recensées.
La dégradation du glyphosate dans le sol se fait au prix d’une diminution de la concentration des sols en éléments nutritifs. Or, le manganèse, le zinc, le fer et le bore, sont nécessaires dans les mécanismes de résistance des plantes aux maladies. La raréfaction de ces éléments chimiques favorise donc les maladies et induit une utilisation plus intense de pesticides.
Puisque c’est un herbicide par nature, le glyphosate a nécessairement une action sur l’environnement. Néanmoins, les répercussions sont visibles sur un environnement bien plus large que simplement les mauvaises herbes. Animaux, eaux, sols et plantes sont des vecteurs du glyphosate. Mais ces préoccupations cachent en réalité une crainte plus grande, celle de voir le glyphosate s’accumuler chez les êtres humains. Dans une enquête menée par Générations futures, 100% des échantillons d’urines analysés contenaient du glyphosate. Parmi les volontaires, 44% avaient un taux supérieur à la norme réglementaire dans une eau potable (0,1 microgramme par litre). En définitive, la seule préoccupation est de savoir si le glyphosate représente un danger pour l’Homme.